Régime d`indemnisation

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L’indemnisation des infections nosocomiales en
France
Olivier Saumon
Avocat au Barreau de Paris
Ancien membre du Conseil de l’Ordre
12 rue d’Astorg – 75008 Paris
http://www.vatier-associes.com
Importance du phénomène
Selon la dernière enquête menée par l’Institut de veille sanitaire (InVS) en 2006, 4,97 % des
patients pris en charge dans 2 337 établissements de santé (soit environ 95 % des lits
d’hospitalisation) présentaient une voire plusieurs infections nosocomiales, soit 1 patient sur 20.
Par rapport à 2001, ce taux a diminué de 8 %.
Les infections urinaires (30,3 %) sont les plus fréquentes devant les pneumopathies infectieuses
(14,7 %) et les infectons du site opératoire (14,2 %). Sont ensuite touchées la peau et les tissus
mous (10,2 %), puis les voies respiratoires supérieures (6,4 %).
Les trois micro-organismes les plus fréquemment responsables des infections nosocomiales en
France sont Escherichia coli (25 %), Staphylococcus aureus (19 %, dont 52 % résistants à la
méticilline) et Pseudomonas aeruginosa (10 %).
À l’échelle mondiale, l’OMS (2008) estime que 1,4 million de personnes souffrent à tout
moment d’une infection contractée à l’hôpital. Les prévalences maximales sont rapportées en
Méditerranée orientale (11,8 %), en Asie du Sud-Est (10,0 %) et en Pacifique occidental (9,0 %).
I. Définition des infections nosocomiales
1. La notion d’infection nosocomiale
-
Absence de définition de la notion dans la loi n°2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
-
En l’absence de définition épidémiologique de la notion d’infection
nosocomiale, l’utilisation de cette notion renvoi à son sens étymologique, en
l’occurrence à celui d’événement directement imputable à une pratique ou une
prise en charge de soins.
Toutefois, certaines tentatives de définitions de la notion d’infection nosocomiale peuvent être
citées, notamment celles prévues dans :
•
Une circulaire de 1988 relative à l'organisation de la surveillance et de la prévention des
infections nosocomiales et définissant les infections nosocomiales comme étant : « toutes
maladies provoquées par des micro-organismes et contractées dans un établissement
de soin par un patient après son admission pour hospitalisation ou soin ambulatoire ».
•
Circulaire DGS/DHO S/E n°2000-645 du 29 décembre 2000 relative à l’organisation de la
lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé, faisant ressortir que
les infections nosocomiales sont les infections contractées dans un établissement de santé
et qui étaient absentes au moment de l’admission du patient.
•
Le rapport de la CTINILS (Comité Technique des Infections Nosocomiales et des Infections
Liées aux Soins) de mai 2007 portant sur l’actualisation des définitions des infections
nosocomiales présentent ces dernières comme étant « les infections contractées dans un
établissement de santé, quel que soit leur mode d’acquisition et ne permettant pas de
rendre compte des infections acquises via un processus de soins et pour lesquelles des
mesures de prévention très proches peuvent être mises en place ».
•
Décret n°2010-1408 du 12 novembre 2010 codifiant l’article R. 6111-6 du code de la santé
publique définit les infections nosocomiales comme étant « les infections associées aux
soins contractées dans un établissement de soins ».
2. La distinction entre les différentes infections
nosocomiales
A. Distinction entre IN endogènes et IN exogènes
L’intérêt de la distinction repose sur le fait que pendant des années, les établissements de soins pouvaient s’éxonérer
de leur responsabilité en cas d’infection nosocomiale endogène.
•
Critère de distinction : le mode de transmission
-
Les infections nosocomiales endogènes sont celles où le malade s’infecte avec ses propres germes, à la faveur
d’un acte invasif et/ou en raison d’une fragilité particulière.
-
Les infections nosocomiales exogènes sont celles dues à une transmission d’un malade à l’autre par les
mains/instruments de travail du personnel médical ou paramédical ,ou provoquées par des germes portées par
le personnel médical, ou liées à la contamination de l’environnement hospitalier (eau/ air/ matériel/
alimentation).
-
Dans un soucis indemnitaire, les juridictions font abstraction de cette distinction, (Civ, 1ère, 4 avril 2006, n° 0417491) et CE, 10 oct. 2011, Centre hospitalier universitaire d’Angers, n°328500)
La Cour de Cassation considère en effet que même si le patient est porteur d’un germe, celui-ci ne s’est révélé que par le biais des actes de
soins invasifs réalisés.
Le Conseil d'Etat a résisté jusqu‘en 2011 en refusant de retenir la faute dans l'organisation du fonctionnement du service hospitalier
lorsque que le patient présentait une infection nosocomiale endogène (Conseil d'Etat 27 septembre 2002).
B. Distinction entre IN et IAS (infection associée aux soins)
L’intérêt de la distinction repose sur la prise en charge indemnitaire éventuelle : une
infection liée au soins n’ouvre pas droit à une indemnisation au titre des dispositions
spécifiques prévue par la loi du 4 mars 2002.
• Critère de distinction : le champ de l’infection
-
Définition de l’IAS :
Le CTINILS définit l’IAS comme toute infection survenant « au cours ou au décours d’une prise
en charge (diagnostique, palliative, préventive ou éducative) d’un patient, et si elle n’est ni
présente ni en incubation au début de la prise en charge ».
-
Distinction de l’IN par rapport à l’IAS :
o
o
« L’infection nosocomiale est une IAS contractée dans un établissement de santé ».
L’IAS comprend l’infection nosocomiale classique ( infection acquise dans une structure de
santé) ainsi que les infections contractées lors de soins délivrés hors des établissement de santé.
II. Régime d’indemnisation des dommages résultant
des infections nosocomiales
-
Le régime d’indemnisation des dommages résultant d’infections nosocomiales a subi une
évolution notoire avec la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé.
-
La loi a été élaborée en consultation avec des associations de patients. Ses principales
avancées sont :
• la notion juridique de droit des malades ;
• une meilleure représentation des usagers au sein des grandes institutions de la
santé et des hôpitaux ;
• le droit des patients de disposer de la totalité de leur dossier médical ;
• une indemnisation de l'aléa thérapeutique, c'est-à-dire d'un accident médical sans
faute du professionnel.
Par cette loi, l’ONIAM est créé et est chargé d'indemniser, au titre de la solidarité nationale,
les victimes d'accident médical résultant d’un « aléa thérapeutique » remplissant les conditions
fixées par ce texte.
Sa mission d’indemnisation a été progressivement élargie aux victimes :
- d’accidents médicaux résultant de mesures sanitaires d’urgence, de vaccinations
obligatoires ou de la contamination par le VIH (loi n° 2004-806 du 9 août 2004
relative à la politique de santé publique) ;
- de préjudices résultant de contaminations par le virus de l’hépatite C (VHC) causées
par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du
sang ;
- du Benfluorex.
L’Oniam est également un guichet unique instruisant les demandes indemnitaires, mais il
peut également être partie à une instance contentieuse. Le choix de la procédure est
laissée à la discrétion des victimes.
II. Régime d’indemnisation des dommages résultant
des infections nosocomiales
-
Les dispositions de la loi du 4 mars 2002 ne s’appliquent qu’aux infections
nosocomiales résultant d’actes de prévention, de diagnostic et de soins réalisés
postérieurement à la date du 5 septembre 2001, date d’entrée en vigueur de la
loi
-
En conséquence, il existe deux régimes d’indemnisation selon la date des actes
médicaux générateurs d’infections nosocomiales : celui relatif aux infections
nosocomiales contractées à la suite d’actes réalisés avant le 5 septembre 2001
(1), et celui relatif aux infections nosocomiales contractées à la suite d’actes
réalisés après le 5 septembre 2001 (2).
1. L’indemnisation des infections nosocomiales contractées à la suite
d’actes médicaux réalisés antérieurement à la date du 5 septembre 2001
 Les règles d’indemnisation sont celles dégagées par la jurisprudence sur le fondement
du droit commun de la responsabilité civile.
La Cour de Cassation a affirmé l’existence d’une obligation de sécurité de résultat en
précisant dans des arrêts rendus en 1999 que : «le contrat d’hospitalisation de soin
conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier,
en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il
ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve de la cause étrangère ». (Cass., civ. 1,
29 juin 1999, n° 97-14254, n° 97-15818 et n° 97-21903)
NB : le régime d’indemnisation est, dans ce cas de figure, plus sévère pour les victimes
d’infections nosocomiales, car bien que la jurisprudence avait établi une obligation de
résultat de sécurité aux établissements de santé, ces derniers pouvaient s’exonérer de la
responsabilité en démontrant une cause étrangère mais également en démontrant le simple
respect des règles d’hygiène et d’asepsie.
2. L’indemnisation des infections nosocomiales contractées à la suite
d’actes médicaux réalisés postérieurement à la date du 5 septembre 2001
 Principe d’indemnisation
L’article L 1142-1 I du code de santé publique prévoit que : « les établissements,
services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant
d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».
-
Il y a donc une responsabilité sans faute à la charge des établissements en matière
d’infections nosocomiales.
-
Toutefois, il y a une exclusion de la responsabilité sans faute dans les cas d’infections
nosocomiales contractées à l’occasion d’un acte médical pratiqué dans le cabinet d’un
médecin. Le cas échéant, le malade doit prouver la faute du médecin pour être
indemnisé.
[NB : La loi de 2002 n’a pas repris la solution jurisprudentielle de la Cour de Cassation dans ses arrêts de 1999 retenant une
responsabilité de plein droit du médecin].
 Régime d’indemnisation
Le régime d’indemnisation diffère selon un seuil de gravité fixé par la loi de 2002 à 25%.
-Définition du seuil de gravité : il s’agit du seuil correspondant au taux de l’incapacité permanente
partielle de la victime du dommage causé par l’infection nosocomiale.
•
Si le seuil de gravité est inférieur à 25% :
C’est le régime d’indemnisation classique qui sera applicable.
La victime est alors indemnisée par l’assureur de celui dont la responsabilité sera établie.
•
Si le seuil de gravité est supérieur à 25% :
-
En principe, c’est l’ONIAM, établissement public, qui indemnisera la victime,
indépendamment de l’existence ou non d’une responsabilité civile.
-
Cas particulier : si le seuil de gravité est supérieur à 25% mais qu’il y a faute d’asepsie,
l’ONIAM a la possibilité de se retourner contre l’établissement de soins aux fins de
remboursement des sommes versées.
Evolution du nombre de dossiers en infection nosocomiale pris en charge
par l'ONIAM
Merci
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