pas été suffisamment relevé dans la mondialisation de ces trente dernières années, c’est le facteur de différenciation
entre les villes. Le rôle que telle ou telle ville est amené à jouer tient moins à son classement ou à son « pouvoir » qu’à
sa spécialisation, et cela fait une différence.
En quoi cette spécialisation des villes change-t-elle la relation entre elles, ou la situation d’une ville face à la
mondialisation ?
Beaucoup de choses ! Cela signifie qu’ , ce qui lui permet de seune ville tire ses atouts de ses particularités
différencier à l’heure de la mondialisation. On observe bien sûr une standardisation de l’organisation des espaces de
niveau international, comme certains bureaux, hôtels, restaurants ou lieux de shopping. Mais je pense que cela constitue
une sorte d’infrastructure. Une erreur très commune est de confondre cette standardisation de l’ordre visuel des centres
d’affaires avec la manière dont ils sont utilisés. Si l’on regarde l’implantation des grandes firmes mondiales, on constate
qu’elles veulent être présentes dans des grandes villes, mais qu’elles ne souhaitent pas toutes s’installer à Londres ou
New York ! Cela dépend surtout du secteur économique dans lequel se positionne une firme. Les industries de la
consommation comme McDonald’s ou Gucci veulent être dans un maximum de villes, mais ce n’est pas le cas pour le
secteur intermédiaire de l’économie, autrement appelé le secteur firme à firme. C’est un point important pour les villes
« secondaires », car de nombreux secteurs économiques spécialisés se trouvent dans ces villes.
Quelles opportunités voient le jour pour ces villes « secondaires »?
Pour une firme internationale d’un secteur intermédiaire de l’économie, il sera plus pertinent de s’installer dans
une ville comme Chicago, Lyon, Copenhague ou Shenzhen, qu’à New York, Londres, Paris ou Shanghai. Dans
l’ordre mondialisé, le rôle économique, culturel, technologique d’une ville, se construit sur sa culture propre et non sur
une économie standardisée. Prenons l’exemple de Paris et Lyon. On pourrait se demander si cela a un sens que ces
deux grandes villes entrent en concurrence. La réponse est évidemment non. Ce sont des villes différentes et Lyon doit
. New York et Chicago, les deux plus importants centres d’affaires et de finance des États-Unis,miser sur sa spécificité
sont deux villes très différentes qui ne se placent pas en situation de compétition. Lorsque Boeing a décidé de partir de
Seattle, il n’a pas envisagé de s’implanter à New York. Le choix s’est porté sur Chicago, dont le savoir économique
provient de l’industrie lourde et de la manufacture d’acier servant à l’outillage pour l’agriculture et le transport notamment.
Cette ville offrait une base cohérente avec les attentes de Boeing en termes d’économie de services et de finances.
Cette histoire singulière, ce n’est pas l’histoire de New York. Je crois donc qu’il faut moins penser en termes de
compétition qu’en termes de racines. Une ville doit connaître son identité et son histoire pour en extraire des
et les vendre comme services hautementsavoirs économiques qu’elle améliorera pour les adapter à la modernité
spécialisés.
Comment faire le lien avec l’économie de la connaissance ?
L’idée commune est que l’économie de la connaissance, ou « knowledge economy », est le produit de la classe
qui désigne une population urbaine, mobile, qualifiée et connectée. C’est faux ! Il n’est pas possible que cescréative,
villes, porteuses d’histoires si profondes et complexes, qui ont accumulé tant de connaissances au fil des siècles, n’aient
pas la mémoire de leur pratique ou de leur économie. Dans la période keynésienne, le classement des villes nationales
correspondait sans doute plus à une réalité, dans un système urbain national. Aujourd’hui, la spécificité compte
davantage. Il est important de comprendre la ville à partir de son identité profonde.
M3 : Certaines collectivités organisent désormais des rapprochements. Quelle serait la recette pour construire un
nouveau territoire à partir de réalités historiques différentes ?
Il convient de respecter les espaces et ne pas chercher à les agréger trop fortement autour d’un centre. Penchons-nous
sur l’exemple de la configuration de Chicago. Son centre, assez petit, a servi de base à la production d’un espace
métropolitain regroupant toutes les administrations.
Aujourd’hui, beaucoup de gens habitent en périphérie et travaillent à Chicago, conférant un rôle de lien important au
réseau de transport. Mais je crois qu’il est crucial de maintenir des petites centralités, tout en reconnaissant l’existence
d’autres spatialités en formation, pour ouvrir l’espace. Il faut arriver à détecter les possibilités d’articulations territoriales,
qui sont plus complexes que celles classiques de la grande ville centre qui distribue sur son espace périurbain. On parle
alors d’une organisation territoriale plus radicale, où tout ne passe pas par le centre mais se maille autrement,
possiblement à partir de plusieurs centres et des différences marquées. Cela suppose de travailler à partir, entre autres,
des aspects topographiques et touristiques des territoires et de leurs identités, pour éviter de produire des mégapoles qui
sont un désastre pour le transport, l’air, les gens, la qualité de vie, etc. Quant à une ville comme Lyon, proche des
frontières suisse et italienne, elle a l’opportunité de devenir multipolaire et transfrontalière, sur la base d’une territorialité
qui ne se limite pas seulement au centre urbain clos.
Comment ces métropoles secondaires peuvent-elles jouer un rôle dans la mondialisation, voire la transformer ?