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AU COIN DU WEB
Médecine
& enfance
Rédaction : H. Collignon
◗ Paracétamol et immunogénicité des vaccins
◗ Vaccin Prevenar® chez un prématuré
◗ Vaccins mal conservés : que faire ?
Paracétamol et immunogénicité
des vaccins : données récentes
D’après des données récentes,
le paracétamol administré à
titre prophylactique après une
vaccination diminuerait l’immunité et serait donc à éviter,
signale E. Lazard. Ces résultats
sont tirés de deux études
consécutives tchèques qui ont
évalué l’effet de l’administration de paracétamol lors d’une
vaccination sur la survenue
d’épisodes fébriles (température supérieure ou égale à 38°) et
sur la réponse anticorps chez
des enfants en bonne santé [1].
Ces deux études consécutives,
réalisées l’une lors de la primovaccination, l’autre lors de l’injection de rappel, ont été menées dans dix centres de République tchèque chez des nourrissons qui recevaient un vaccin hexavalent DTP-coqueluche-hépatite B-Haemophilus
influenzae b, un vaccin décavalent pneumococcique (non encore disponible en France) et
un vaccin oral rotavirus. Les
459 nourrissons, âgés de neuf
à seize semaines, ont été randomisés en deux groupes, l’un
(n = 226) recevant systématiquement un traitement prophylactique de la fièvre par
3 suppositoires de paracétamol
donnés dans les vingt-quatre
heures suivant la vaccination
(un toutes les six à huit
heures), l’autre (n = 223) pour
lequel le traitement n’était pas
systématique mais donné uni-
quement si nécessaire. La première dose de paracétamol
était administrée par les investigateurs immédiatement après
la vaccination, la deuxième et
la troisième dose étaient données par les parents. L’administration d’un antipyrétique à visée thérapeutique était autorisée dans le deuxième groupe.
Les symptômes locaux (douleur, rougeur, gonflement) et
généraux (fièvre, irritabilité,
somnolence, perte d’appétit)
étaient notés par les parents.
La température était mesurée
par voie rectale le soir de la
vaccination, et matin et soir les
trois jours suivants. Des prélèvements sanguins ont été réalisés avant la première dose, un
mois après la primovaccination
et un mois après l’injection de
rappel.
FIÈVRE ET VACCINS :
PRESCRIRE UN ANTIPYRÉTIQUE
EN PROPHYLAXIE ?
Les résultats montrent que la
survenue d’une fièvre très élevée, supérieure 39,5 °C, a été
très rare dans les deux
groupes. La proportion d’enfants présentant une fièvre à
38° ou plus après au moins une
dose de vaccin a été de 40 à
50 % plus faible dans le groupe
recevant du paracétamol à titre
prophylactique que dans le
groupe n’en recevant pas. Ainsi, dans le groupe paracétamol,
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42 % des enfants avaient de la
fièvre après la primovaccination et 36 % après la vaccination de rappel, contre respectivement 66 % et 58 % dans le
groupe non traité préventivement. Les taux d’anticorps protecteurs (moyenne géométrique des titres d’anticorps)
étaient significativement plus
bas dans le groupe paracétamol en prophylaxie que dans
l’autre groupe après la primovaccination, pour les anticorps
dirigés contre les dix sérotypes
pneumococciques, la diphtérie,
le tétanos et la coqueluche, et
après le rappel pour les anticorps dirigés contre le tétanos,
l’Haemophilus b et tous les sérotypes de pneumocoque sauf
le 19.
Dans la discussion de ces résultats, les auteurs envisagent les
mécanismes possiblement impliqués dans cette interférence
du paracétamol avec la réponse
immunitaire. La réponse immunitaire cellulaire étant très dépendante de la température, on
pourrait imaginer, avancent-ils,
qu’une diminution de la fièvre
postvaccinale ait pour effet
d’atténuer son efficacité. Mais
les réponses immunes étaient
identiques, que les enfants
aient ou non de la fièvre, et la
prise prophylactique de paracétamol a affecté de la même manière la réponse anticorps chez
les enfants fébriles et chez les
non fébriles. Un mécanisme indirect par le biais d’une réduction de la réaction fébrile postvaccinale semble donc improbable. Le paracétamol, estiment les auteurs, pourrait exercer un effet direct sur la réponse immunitaire cellulaire en
agissant comme un inhibiteur
sélectif de la cyclo-oxygénase 2,
secrétée par les cellules B et nécessaire pour une production
maximum d’anticorps. Toute-
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fois, remarquent-ils, la réponse
immunitaire cellulaire se développe sur des jours et des semaines, alors que le paracétamol est administré seulement
durant vingt-quatre heures et a
une demi-vie d’environ deux
heures. L’administration prophylactique de paracétamol n’a
pas un effet équivalent sur
toutes les réponses vaccinales ;
elle interfère essentiellement
avec les réponses à la primovaccination par les vaccins
conjugués et les anatoxines.
L’hypothèse faite par les auteurs est ainsi que l’administration prophylactique de paracétamol interfère avec les
interactions précoces entre
lymphocytes B et T, peut-être
par une réduction des signaux
inflammatoires au site de l’injection. Les résultats, après
analyses complémentaires effectuées secondairement et non
initialement prévues dans le
protocole, supportent l’hypothèse que l’interférence du paracétamol avec la réponse à la
vaccination serait maximale en
cas de prise précoce, et serait
plus faible lorsque le paracétamol est donné à titre thérapeutique une fois que la fièvre et
les signaux inflammatoires ont
été émis.
L’ensemble de ces résultats
conduit les auteurs de l’étude à
déconseiller la prescription en
routine d’antipyrétiques en
prophylaxie de la fièvre provoquée par la vaccination.
Commentant cette étude, que
F. Vié le Sage juge de bonne
qualité, F. Corrard rappelle que
le paracétamol est plus utile
pour ses propriétés antalgiques
et de confort que pour son action antipyrétique. C’est donc
dans cette indication qu’il est
raisonnable de le donner, précise notre confrère. Une autre
étude (en cours de publica-
tion), rapporte F. Corrard, indique que le soir d’une vaccination susceptible de donner de
la fièvre et un inconfort, les parents administrent le paracétamol environ une fois sur trois.
Un sondage parmi 90 pédiatres
avait révélé qu’ils prescrivaient
ces médicaments deux fois sur
trois. « Ces résultats, estime
F. Corrard, semblent être un
bon argument pour donner la
main aux parents, ne plus être
systématique et aider à cette
nouvelle vision de la fièvre, sachant que “la recherche de
l’apyrexie n’est pas un objectif
en soi” (recommandations janvier 2005).»
Pour F. Vié le Sage, de telles
données ne font que confirmer
un mécanisme bien connu en
vaccinologie : la réaction inflammatoire est une réaction
recherchée car elle permet une
meilleure présentation de l’antigène vaccinal aux cellules immunocompétentes, qui affluent
lors de cette réaction. Tout ce
qui inhibe la réaction inflammatoire risque donc de diminuer la réaction immunitaire.
Les adjuvants comme l’aluminium sont d’ailleurs là pour cela, précise notre confrère : la
réaction inflammatoire locale
qu’ils provoquent permet de diminuer la charge antigénique
nécessaire dans le vaccin. Les
traitements anti-inflammatoires ne doivent être utilisés
que si la réaction est trop forte,
pour la modérer et non pour
l’empêcher.
L’intérêt de l’inflammation
pour la synthèse des anticorps
lors d’une vaccination est essentiel, confirme F. Corrard.
Pour notre confrère, cette étude tchèque pose toutefois une
question de physiopathologie,
car le paracétamol n’est pas
considéré actuellement comme
doté de propriétés anti-inflam-
Vaccin Prevenar® chez un prématuré
Pour un enfant né prématurément (vingt-sept semaines), faut-il conserver
l’ancien schéma vaccinal (deux, trois et quatre mois avec rappel à dix-huit
mois) ou bien le schéma deux, quatre, douze mois est-il suffisant ? demande M. Massonnaud. Le calendrier vaccinal (Bulletin épidémiologique
hebdomadaire, avril 2009) est très clair à ce sujet, répond F. Vié le Sage :
les prématurés doivent avoir une vaccination en trois doses plus un rappel
« comme avant ». Le terme n’étant pas précisé, il faut se référer à la définition de la prématurité, c’est-à-dire moins de trente-sept semaines. Beaucoup, précise notre confrère, estiment que cela concerne surtout les moins
de trente-deux semaines, mais pour un enfant né à un terme de vingt-sept
semaines, aucune hésitation : c’est l’ancien schéma qui prévaut.
matoires. « Encore une énigme,
constate notre confrère, alors
que le site précis d’action du
paracétamol (une enzyme
proche de la COX 2) n’est toujours pas identifié. » M.C. Segonnes qui dit, elle aussi, avoir
ignoré les propriétés anti-inflammatoires du paracétamol,
précise que cette étude ne sera
pas suffisante pour qu’elle renonce à prescrire du paracétamol lors d’une vaccination.
COMMENTAIRE
DU PR CLAIRE-ANNE SIEGRIST
(La contribution essentielle de
C.A. Siegrist, coauteur des
deux études publiées dans le
Lancet, a été l’analyse et l’interprétation des observations récoltées en République
tchèque.)
« Les premières observations
nous ont laissés pantois : comme pédiatre, je n’aurais jamais
pensé que quelques doses de
paracétamol puissent avoir un
tel effet sur les réponses vaccinales. Nous avons donc choisi
la prudence ! D’une part, nous
avons attendu une année de
plus pour que les résultats de
la seconde étude soient disponibles. D’autre part, nous
avons demandé à GSK de lancer une méta-analyse sur l’ensemble des données d’immunogénicité collectées dans leurs
études cliniques au cours des-
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quelles la prise de paracétamol
(ou d’autres médicaments fébrifuges ou analgésiques) avait
été notifiée. Les résultats
étaient tellement concordants
que la pédiatre que je suis a été
convaincue du peu de bénéfice
de la prophylaxie par le paracétamol lors de l’utilisation des
vaccins actuels, dont la réactogénicité est bien plus faible que
celle des vaccins combinés aux
vaccins coqueluche à germes
entiers. En changeant de blouse blanche pour endosser celle
de l’immunologue, je me suis
rendu compte que les réponses
aux vaccins très dépendants de
la réponse lymphocytaire T
(vaccins conjugués, hépatite B)
étaient affectées de façon prépondérante. Or ces réponses
lymphocytaires T dépendent
précisément de la migration de
cellules présentatrices d’antigènes depuis le site d’injection
vers les ganglions locaux, suggérant que le paracétamol prophylactique interfère avec les
processus de prise en charge
des antigènes au site d’injection.
Est-ce que ces résultats sont importants ? Les vaccins actuels
sont tellement immunogéniques que la majorité des nourrissons sont protégés avec ou
sans paracétamol. Mais l’impact
pourrait être marqué au niveau
d’une population, puisque des
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taux élevés d’anticorps sont nécessaires pour empêcher le portage nasopharyngé, et donc
pour l’immunité de groupe. Qui
sait si l’impact de l’introduction
du vaccin PCV-7 en France
n’aurait pas été meilleur si deux
enfants sur trois ne recevaient
pas du paracétamol prophylactique ? Lorsqu’une mesure est
inutile, autant ne pas prendre le
risque qu’elle soit, en plus, délétère. » 첸
[1] Prymula R., Siegrist C.A., Chlibek R., Zemlickova H., Vackova M., Smetana J. et al : « Effect
of prophylactic paracetamol administration at
time of vaccination on febrile reactions and antibody responses in children : two open-label,
randomised controlled trials », The Lancet,
2009, 374 : 1339-1350 (http://www.thelancet.
com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%28
09%2961208-3/fulltext-aff1).
Que faire lorsque les vaccins ont
été mal conservés ?
Que faire lorsque la maman
d’un jeune patient signale a
posteriori que les vaccins injec-
tés au deuxième mois (Infanrix® et Prevenar®) sont restés
en dehors du réfrigérateur pen-
dant les trois semaines précédant la vaccination ? demande
A. Bandinelli.
L’OMS, répond F. Vié le Sage, a
publié en 2006 un document
sur la conservation des vaccins
[1]. On peut y lire qu’à 20-25 °C,
Prevenar® peut être considéré
comme stable « plus de deux
ans ». Pour Infanrix®, précise
notre confrère, la conjugaison
en cinq ou six valences amène
un autre facteur d’instabilité.
Le document OMS indique que
les vaccins tétanos et diphtérie
inclus dans des vaccins combinés sont stables durant plusieurs mois, de même que l’hépatite B. Le facteur limitant
semble être la coqueluche, qui
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n’est stable que durant deux
semaines.
Dans la situation rapportée par
A Bandinelli, on peut considérer, estime F. Vié le Sage, que
Prevenar® a été correctement
fait. Pour Infanrix® en revanche, il y a un doute ; il faudrait donc refaire une injection, en sachant que le risque
de réactogénicité est un peu
augmenté, en utilisant un vaccin quinta, même si le vaccin
administré initialement était
un hexa, puisque la valence hépatite B est stable. 첸
[1] « Temperature sensitivity of vaccines », accessible sur le site de l’OMS (www.who.int/
vaccines) et celui d’Infovac (infovac.fr).
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