Richelieu
5
évêchés et des bénéfices » (Fagniez). Il la veut riche, et cherche à la pousser vers les entreprises commerciales et
coloniales, décide que le haut commerce ne déroge pas. Il se heurte, malgré sa puissance, aux préjugés
nobiliaires. Il veut raser les places inutiles, « ôter toutes les garnisons particulières des places, augmenter les
troupes que le roi avait sur pied, et tour à tour en envoyer dans les places et châteaux particuliers, en les
changeant de temps en temps, ce qui ferait que, bien que les gouvernements fussent à des grands, ils le seront
plus de nom que d’effet. » Il veut annihiler les pouvoirs de ces gouverneurs qui, ayant vendu leur soumission à
Henri IV, sont rois en leur province, tel roi d’Austrasie, tel autre roi des Alpes ou du Languedoc.
À cette politique, la noblesse répond par des révoltes et des complots. Dès 1626, les courtisans,
mécontents de ne plus pouvoir piller le trésor à leur gré, trouvent un chef en la personne de Monsieur, frère du
roi (Gaston d’Orléans) et (Louis XIII étant malade et sans enfants) roi de demain. Chalais, Ornano, Mme de
Chevreuse, les Vendôme, même la jeune reine entrent dans un complot pour détrôner le roi, marier la reine à son
beau-frère, assassiner le cardinal. En 1630, à Lyon, d’accord avec l’Espagne, les deux reines et Gaston arrachent
au roi moribond la promesse qu’il renverra Richelieu après la paix. Il triomphe à la Journée des Dupes, mais
Marie de Médicis intrigue à Bruxelles, Gaston à Nancy. L’invasion de la Lorraine, les condamnations à la prison
(le chancelier de Marillac), à l’exil, à la mort (le maréchal de Marillac, par contumace Mme du Fargis, etc.)
n’arrêtent pas les complots. Celui de 1632 s’achève en soulèvement provincial : c’est une véritable armée que
l’armée royale rencontre à Castelnaudary (1er septembre). Montmorency décapité, la Lorraine de nouveau
envahie, la leçon ne suffit pas. Richelieu, malade, faillit être trahi par ses créatures mêmes, comme le chancelier
Châteauneuf. Il se releva terrible, fit casser le mariage secret de Monsieur avec la sœur du duc de Lorraine,
envoya le roi prendre Nancy. Il gagna le favori de Monsieur, Puylaurens, et relégua Gaston à Blois.
Nouveau complot, en 1640, devant l’ennemi, pour tuer Richelieu au siège d’Arras. En 1641, la reine
mère et Bouillon poussent en avant un prince du sang, le comte de Soissons. À la cour, Cinq-Mars, que le
cardinal lui-même a placé auprès du roi, trame la plus folle, mais la plus dangereuse des conspirations avec
Monsieur, Bouillon, tous les mécontents et l’Espagne. Mourant, ministre d’un roi mourant, Richelieu fait
décapiter Cinq-Mars et de Thou à Lyon (12 septembre 1642). Il n’eut pas trois mois entiers de répit entre la
répression du dernier complot des nobles et la mort. – Tous ces complots, il importe de le rappeler, ont eu lieu
avec le concours de l’étranger, de l’Espagnol, à l’heure où la France était engagée dans une lutte à mort contre la
maison d’Autriche; les conjurés traitaient avec Madrid, renonçaient à nos conquêtes, acceptaient, comme au
temps de la Ligue, le démembrement de la patrie. La noblesse française se montrait, une fois de plus, incapable
d’avoir une politique nationale.
Clergé. Cardinal de l’Église romaine, on pourrait croire que Richelieu fut avant tout un prêtre, dévoué
aux intérêts du Saint-Siège. – En réalité, il se sert de son titre de prince de l’Église pour être le chef du clergé de
France, il le veut très français, très dévoué au roi. Il le recrute surtout dans la noblesse, dont il est lui-même, afin
de lui donner plus d’autorité. Il exige que les évêques résident (il avait donné l’exemple à Luçon), visitent,
examinent, réforment. Il ne déteste pas les évêques guerriers (Sourdis, évêque de Maillezais, le cardinal La
Valette), qui remplacent la soutane par la cuirasse: lui-même fut général d’armée au pas de Suze, à La Rochelle,
à Pignerol. Il voudrait rétablir l’autorité épiscopale sur les réguliers, réduire et réformer les couvents. Pour être le
maître des moines comme des prêtres, il se fait élire supérieur général de Saint-Benoît. Mais le pape le valide
seulement pour Cluny, refuse pour Cîteaux et Prémontré. Quant aux jésuites, Fagniez dit très bien : « Il les
craignait plus qu’il ne les aimait »; il avait trouvé souvent leur main (le P. Monod, le P. Caussin) dans les
complots contre sa politique et contre sa vie. Les capucins lui sont plus sympathiques parce que leur chef, le P.
Joseph, est son ami; il le laisse constituer une sorte de ministère de capucins, qu’il emploie à des missions
diplomatiques, à la lutte contre l’Autriche, au maintien de notre influence dans le Levant.
La politique religieuse est, au fond, d’un gallican. Mais, comme il a besoin de Rome pour sa politique
européenne, il refrène les intransigeants du gallicanisme. En 1614, il s’était opposé au tiers dans la question de
l’indépendance de la couronne. Sous l’influence du P. Joseph, il imposa brutalement à Richer une rétractation en
1629. Il voyait avec plaisir la Sorbonne condamner le livre de Santarelli et le Parlement attaquer le santarellisme
et les jésuites, mais il imposa à ces deux corps une certaine modération dans la forme.
Il espérait, par ses ménagements à l’égard du Saint-Siège, faire passer les hardiesses de sa politique
allemande. Ne trouvant pas à Rome l’appui sur lequel il avait cru pouvoir compter, il s’orienta de plus en plus
dans le sens gallican. Dans l’affaire du mariage de Gaston, il entra résolument en conflit avec le pape.
L’assemblée du clergé, la Faculté, les communautés religieuses, bref l’Église de France se prononça pour
l’annulation, posant « en principe que le contrat civil est la matière du sacrement… que celui-ci ne peut exister
que si le contrat est valide… » (Fagniez). C’est déjà le principe révolutionnaire, « la laïcisation de l’acte
constitutif de la famille ». En 1639, il fit publier le célèbre Traité des droits et libertés de l’Église gallicane. Son
désir aurait été d’être légat perpétuel du Saint-Siège en France, d’unir en sa main les pouvoirs spirituel et
temporel. Dès 1527, il demandait au pape la légation a latere et la vice-légation d’Avignon; en 1629, à
Montauban, il faisait mettre sur les arcs de triomphe, à côté de la couronne ducale, la croix du légat. Il a