t
,.
D.
G.
MARTY, J.
E.
GARCIN
méthane à partir de H2
-C0
2, de l'acétate, du méthanol,
de
la
monométhylamine, de la diméthylamine et de
la triméthylamine. En culture pure, cette souche
se
développe sur H2
-C0
2,
ce
qui n'avait pu être observé
lors des cultures d'enrichissement initiales. On peut
supposer que cette réponse négative était due à une
consommation plus rapide de l'hydrogène
par
des bac-
téries anaérobies non-méthanogènes, empêchant
le
développement de la souche méthanogène. Mais la
grande versatilité nutritionnelle de celle-ci, et surtout
sa capacité à métaboliser
les
méthylamines, lui permet-
tent de
se
développer simultanément avec les autres
populations bactériennes anaérobies, en utilisant des
substrats rarement utilisés par
les
micro-organismes
hétérotrophes.
DISCUSSION
Les bactéries méthanogènes qui sont caractérisées par
des potentialités cataboliques très limitées, correspon-
dent aux bactéries les plus sensibles à l'oxygène connues
actuellement. La distribution et l'activité de
ces
bacté-
ries sont donc restreintes aux environnements anoxi-
ques, dans lesquels des bactéries associées maintiennent
un faible potentiel redox et produisent des substrats
utilisables par
les
bactéries méthanogènes.
Si,
dans
les
écosystèmes sédimentaires lagunaires, estuariens ou lit- ·
toraux, la quantité de matière organique présente est
suffisamment importante pour permettre l'établisse-
ment de conditions anoxiques,
ceci
est rarement
le
cas
dans
les
sédiments océaniques profonds.
Une quarantaine d'espèces méthanogènes pouvant être
séparées en espèces méthylotrophes et non-méthylotro-
phes, ont été décrites et répertoriées au niveau interna-
tional (Dubach, Bachofen, 1985). La plupart de
ces
espèces sont capables d'utiliser uniquement H2
-C0
2
ou
H2
-C0
2 et
le
formate. Certaines de
ces
souches non-
méthylotrophes ont été isolées de sédiments marins,
dont trois
de
sédiments marins prélevés à plus de
1000
rn
de profondeur, dans des zones qui
se
singulari-
sent par leur caractère anoxique : la Cariaco Trench
dans l'Océan Atlantique (Romesser et
al.,
1979), la
Mer Noire (Romesser et
al.,
1979) et
les
sources hydra-
thermales du Pacifique Est (Jones et al., 1983). Les
souches méthanogènes méthylotrophes sont plus rares;
parmi
les
sept espèces connues actuellement, cinq sont
d'origine marine, et ont toutes été isolées de sédiments
prélevés à des profondeurs inférieures à 50
rn,
en Médi-
252
terranée (Konig, Stetter, 1982), dans l'Océan Pacifique
(Sowers, Ferry, 1983; Sowers et
al.,
1984), dans l'Océan
Indien (Zhilina, 1983), ou en Mer du Nord (Blotevogel
et
al.,
1986).
Les
études que nous avons effectuées
dans
le
détroit de Makassar correspondent donc à la
première
mise
en évidence de bactéries méthanogènes
méthylotrophes dans des sédiments marins profonds
(1990
rn).
La présence de bactéries méthanogènes ben-
thiques dans cette dépression océanique sous-entend un
apport important de matière organique et une·sédimen-
tation rapide, permettant l'établissement de conditions
favorables au développement de bactéries méthanogè-
nes.
Dans
les
biotopes sédimentaires marins,
les
deux accep-
teurs terminaux d'électrons
les
plus abondants sont
le
carbonate et
le
sulfate.
Les
bactéries méthanogènes qui
réduisent
le
carbonate en méthane, entrent
en
compéti-
tion défavorable avec
les
bactéries sulfata-réductrices,
ces
dernières utilisant l'hydrogène plus rapidement. Au
contraire,
les
bactéries méthanogènes capables d'utiliser
des substrats tels que la triméthylamine, pour laquelle
la compétition est minimale ou inexistante, peuvent
se
développer simultanément et indépendamment des
bactéries sulfata-réductrices, et pourraient donc jouer
un rôle plus important que celui qui a été attribué
jusqu'à présent aux bactéries méthanogènes dans la
minéralisation de la matière organique.
Les
bactéries méthanogènes qui utilisent
le
carbonate
comme accepteur d'électrons, constituent
les
maillons
ultimes du transfert des électrons produits par la
décomposition anaérobie de la matière organique. Par
contre,
les
bactéries méthanogènes méthylotrophes qui
sont capables d'utiliser
les
méthylamines comme seules
sources de carbone et d'énergie, agissent à un stade plus
précoce de la minéralisation de la matière organique, en
intervenant dans la fermentation des amines. De plus,
dégradant
les
méthylamines en CH4,
C0
2 et
NHt,
ces
bactéries méthanogènes méthylotrophes interviennent
aussi bien dans
le
cycle du carbone que dans
le
cycle
de l'azote.
Remerciements
Ce travail a été effectué dans
le
cadre du Groupement
Scientifique « Misedor
».