REVUE DE PRESSE dirigée par le Dr M. François L’oxygène hyperbare pour la prévention de la xérostomie radio-induite L’oxygène hyperbare est connu pour stimuler l’angiogenèse capillaire et la synthèse du collagène dans les tissus irradiés. Il est proposé dans le traitement de l’ostéo-radionécrose et en cas de difficultés de cicatrisation. Inversement, il a été montré qu’il n’augmentait pas le risque de récidive, ni de deuxième localisation. Ce traitement aurait aussi un effet préventif de la xérostomie. Les auteurs font une revue de la littérature des séries publiées sur ce sujet. Plusieurs études pilotes, manquant malheureusement de groupes témoins, ont montré un effet bénéfique avec une diminution de la xérostomie et du risque de caries attribué à l’effet de l’oxygène hyperbare sur le flux salivaire, mais aussi sur le pH et sur la colonisation bactérienne de la bouche. Référence bibliographique Hadley T, Song C, Wells L et al. Does hyperbaric oxygen therapy have the potential to improve salivary gland function in irradiated head and neck cancer patients? Med Gas Res 2013;3:15. Dr Martine François Commentaire Acupuncture pour prévenir la xérostomie radio-induite Un des effets adverses de l’irradiation des cancers de la tête et du cou est la xérostomie. Les auteurs ont fait un essai randomisé acupuncture versus conseils d’hygiène buccale pour la prévention de la xérostomie radio-induite. Cet essai a été réalisé à Shanghai, chez des patients irradiés pour un cancer du cavum, cancer particulièrement fréquent en Chine. Les patients du groupe acupuncture ont eu 3 séances de 20 minutes par semaine, les jours de radiothérapie, pendant 7 semaines. Les patients ont rempli des questionnaires toutes les semaines pendant le traitement et à 6 mois, ils ont aussi eu une mesure du flux salivaire sans et avec stimulation. L’analyse des résultats montre une efficacité de l’acupuncture, tant sur le ressenti des patients que sur le flux salivaire. Mais cette efficacité reste limitée : à distance du traitement, le flux salivaire a été divisé environ par 3,25 dans le groupe non traité par acupuncture, et par 3 dans le groupe traité. M.F. La xérostomie est très invalidante. Une fois qu'elle est constituée, nous n’avons à lui opposer que des traitements palliatifs d’efficacité limitée. Les techniques récentes d’irradiation à intensité modulée permettent de limiter un peu l’irradiation des glandes salivaires. Ces études utilisant l’acupuncture ou l’oxygénothérapie hyperbare pour prévenir la xérostomie sont intéressantes, mais demanderaient à être vérifiées sur un plus grand nombre de patients. Référence bibliographique Meng Z, Garcia MK, Hu C et al. Randomized controlled trial of acupuncturefor prevention of radiation-induced xerostomia among patients with nasopharyngeal carcinoma. Cancer 2012;118:3337-44. Alcool, tabac et cancers des voies aériennes supérieures Deux cent soixante-quatre patients qui avaient un cancer de stade I ou II de la cavité buccale, du larynx, de l’oro- ou de l’hypopharynx ont rempli un questionnaire sur leur consommation d’alcool et de tabac avant la découverte du cancer, puis 1 fois par an pendant 5 ans. Les auteurs ont ensuite analysé leur survie en fonction de leur consommation de tabac et d’alcool avant, mais aussi après le traitement du cancer. Le risque de décès augmente avec la consommation de tabac avant le diagnostic : il est multiplié par 5,4 (IC95 : 0,7-40,1) chez les patients qui avaient fumé plus de 60 paquetsannée (1 paquet par jour pendant 60 ans ou 2 paquets par jour pendant 30 ans) par rapport à ceux qui n’avaient jamais fumé (p = 0,003). Il augmente aussi avec la consommation d’alcool : il est multiplié par 4,9 (IC95 : 1,5-16,3) chez les patients qui avaient bu plus de 35 verres par semaine par rapport à ceux qui ne buvaient pas d’alcool (p < 0,0001). Les alcools forts sont les plus nocifs, et les vins, les moins nocifs. La persistance de la consommation d’alcool supérieure à 2,3 verres par jour multiplie le risque de décès par 2,7, et celle de la consommation de tabac par 1,83. L’arrêt des boissons alcoolisées diminue le risque puisque chez ces patients, le risque de décès n’est multiplié que par 0,73 par rapport à ceux qui n’ont jamais bu. Chez les patients qui ont arrêté de fumer après leur premier cancer, le risque de décès n’était multiplié que par 0,36 par rapport à ceux qui n’avaient jamais fumé. M.F. 6 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 334 - juillet-août-septembre 2013 Commentaire Les cancers de stade I ou II de la cavité buccale, du pharynx et du larynx sont souvent bien maîtrisés localement par le traitement, mais ces patients développent souvent dans les années suivantes des deuxièmes localisations. La fréquence de celles-ci est attribuée à l’intoxication chronique par l’alcool et le tabac. Cette étude montre qu’il est vraiment bénéfique d’arrêter le tabac, et surtout l’alcool, après le diagnostic d’un tel cancer. Référence bibliographique Mayne ST, Cartmel B, Kirsh V, Goodwin WJ Jr. Alcohol and tobacco use prediagnosis and postdiagnosis, and survival in a cohort of patients with early stage cancers of the oral cavity, pharynx, and larynx. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2009;18:3368-74. dirigée par le Dr M. François REVUE DE PRESSE L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Évaluation de la voix de patients traités pour un cancer du larynx T1a Commentaire Cette équipe d’Amsterdam a étudié prospectivement la voix de 106 patients âgés de 34 à 87 ans avant, et jusqu’à 2 ans après le traitement d’un cancer limité T1a de l’étage glottique ; 39 ont été irradiés et 67 traités au laser CO2. Les patients ont eu un enregistrement d’un /a/ soutenu avant le traitement, puis 3, 6, 12 et 24 mois après le traitement ; 21 sujets témoins d’âge comparable ont aussi été enregistrés. Divers paramètres ont été analysés, dont la fréquence fondamentale (F0), le shimmer, le jitter. Avant le traitement, les patients avaient une F0, un shimmer et un jitter plus élevés que les sujets témoins. Après le traitement au laser CO2, le jitter et le shimmer sont presque revenus à la normale dès le troisième mois, la F0 restant toujours un peu élevée. Après la radiothérapie, si le shimmer s’est bien amélioré, le jitter est resté très perturbé et la F0 était meilleure que dans le groupe traité par laser. Au total, la voix s’améliore plus rapidement chez les patients traités au laser, mais à long terme, le résultat vocal est bon dans les 2 groupes. M.F. En cas de cancer limité des cordes vocales T1a, il existe 2 options thérapeutiques : la résection au laser par voie endoscopique et la radiothérapie externe, avec un taux de guérison supérieur à 95 %. La radiothérapie est plus coûteuse, plus longue à mettre en œuvre que le laser et ne peut être faite qu’une seule fois sur un même site, à la différence du laser qui peut être répété. La qualité de la voix après le traitement est aussi un facteur à prendre en compte. Référence bibliographique Van Gogh CD, Verdonck-de Leeuw IM, Wedler-Peeters J, Langendijk JA, Mahieu HF. Prospective evaluation of voice outcome during the first two years in male patients treated by radiotherapy or laser surgery for T1a glottic carcinoma. Eur Arch Otorhinolaryngol 2012;269:1647-52. Adaptation et qualité de vie après une laryngectomie totale Après une laryngectomie totale, les patients doivent apprendre une nouvelle méthode de communication verbale et s’adapter pour respirer et avaler. Les auteurs ont analysé, au moyen de questionnaires, la qualité de vie de 67 patients ayant subi une laryngectomie totale en fonction de critères standard tels que l'âge, le stade du cancer et le type de traitement, mais aussi de leurs stratégies d’adaptation. Globalement, la qualité de vie et la qualité de la communication orale appréciées par les patients est en moyenne de l’ordre de 68/100. La qualité de vie s’améliore un peu avec le recul par rapport à l’intervention et est un peu meilleure chez les patients les plus âgés. La qualité de la communication orale est peu influencée par la méthode choisie par le patient, mais la qualité de la communication est moins bonne si le patient se contente de l’écrit. Ce qui gêne le plus les patients, avant la peur de l'avenir et bien avant les douleurs, c’est la limitation des activités physiques et leur apparence physique. Pour “faire avec”, les patients utilisent diverses stratégies : ils évitent de trop penser à leur santé, ils essaient de positiver et ils cherchent le soutien de leur entourage ou d’associations ; ils sont peu nombreux (dans cette série) à se réfugier dans le repli sur soi ou l’alcool. Ce sont ces derniers patients qui ont les plus mauvais scores de qualité de vie. M.F. Malnutrition des patients souffrant d’un cancer buccal ou oropharyngé Commentaire La survie ne suffit pas, il faut garder le plaisir de vivre. Cette étude confirme qu’il est nécessaire de rechercher chez ces patients des signes de dépression et de vérifier qu’ils ne se réfugient pas dans une intoxication, en général alcoolique, témoin mais aussi cause d’un mauvais pronostic. Référence bibliographique Eadie TL, Bowker BC. Coping and quality of life after total laryngectomy. Otolaryngol Head Neck Surg 2012;146: 959-65. Commentaire Les auteurs ont étudié l’état nutritionnel de 116 adultes traités pour un cancer oropharyngé ou de la cavité buccale. La prévalence de la malnutrition (définie comme une perte de poids supérieure à 10 % par rapport au poids avant le traitement) était de 25 % à la fin du traitement et s’est progressivement améliorée : 13 % entre 3 et 12 mois après le traitement et 3 % au cours de la deuxième et de la troisième année ; 5 % des patients avaient un indice de masse corporelle inférieur à 18,5 kg/m2, ce qui témoigne d’une malnutrition chronique. Les patients dénutris présentaient plus de problèmes de sécheresse salivaire (p = 0,03) ou de viscosité de la salive (p = 0,01) que les patients non dénutris. Les 2 facteurs de risque de malnutrition les plus importants étaient des difficultés de déglutition (p = 0,005) et un apport protidique insuffisant. M.F. La perte de poids est à surveiller chez les patients traités pour un cancer de la tête et du cou, car elle s’accompagne insidieusement d’une diminution de la force musculaire, mais aussi des fonctions cognitives et des défenses immunitaires. Référence bibliographique Jager-Wittenaar, Dijkstra PU, Vissink A et al. Malnutrition in patients treated for oral or oropharyngeal cancer—prevalence and relationship with oral symptoms:an explorative study. Support Care Cancer 2011;19:1675-83. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 334 - juillet-août-septembre 2013 | 7