extrait
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Problématique de l’environnement
Depuis les travaux de la commission scientifique
de 1963, il est admis que la circulation par convection
de l’air de la cavité est impliqe dans la vie de la grotte.
On a remarqué, à l’époque1, que la ventilation dans
l’ensemble sas-salle des Taureaux-diverticule axial
était essentiellement du type convectif et il en était
probablement deme pour les deux autres ensembles
puits-salles ensablées et diverticule de droite. Il a été
consta la possibilité de forts ruissellements enriode
de pluie dans les salles ensablées et dans les cheminées
élevées de la galerie Mondmilch, ces deux zones
de ruissellement pouvant constituer des points froids.
À l’époque, l’hypothèse de l’existence d’une
autogulation à partir des éboulis terminaux des salles
ensablées et de la galerie Mondmilch trouvait peut-être
ici une explication ! Ps de cinquante ans après,
dans un contexte microclimatique di≠érent, on est
arri à nouveau à s’interroger sur cette hypotse.
Dans l’ensemble salle des Taureaux-diverticule axial,
la circulation par convection de l’air s’e≠ectue
naturellement une partie de l’année, puis est entretenue
artificiellement par une machinerie. Pour que cette
convection s’accomplisse, la cavi étant descendante,
il faut que la temrature de l’air des parties profondes
soit surieure à celle des parties proches de la surface.
La température des parties profondes varie peu en
fonction du temps et est lasultante d’un équilibre
subtil entre la transmission de la chaleur par le sol,
les variations de temrature en surface, les calories
portées par les fluides qui s’infiltrent (eau, vapeur d’eau,
air…), les échanges de chaleur aux parois dans la cavité
(changement de phase, convection, rayonnement…).
Les variations des flux ainsi engends au droit des parois
n’ont pas un e≠et nul quant à la conservation.
Celles-ci peuvent engendrer des phénomènes
dets de calcite ou, au contraire, être agressives
pour le support.
Le cadre hydrogéologique
La géologie de la colline de Lascaux
La grotte de Lascaux se situe sur une colline formant
une buttemoin (cote 214tres) du fait de l’érosion
par les rivières attenantes, la Vézère à l’ouest et le Doiran
au nord. Elle fait partie d’un paléokarst localisé dans
les formations géologiques du coniacien moyen
et surieur qui montrent une structure quasi tabulaire
(pendage inrieur à cinq degrés). Du point de vue
lithologique, les roches du crétacé supérieur, dans lequel
s’est dévelope la grotte de Lascaux, sont des calcaires
gréseux bioclastiques à nombreux fossiles coquilliers
souvent silicifiés.
Laomorphologie du secteur est remarquable
en raison de la présence de profonds sillons comblés
par des remplissages sablo-argileux qui entaillent les
calcaires de part et d’autre de la cavi. Ces remplissages
probablement tertiaires sont di≤ciles à dater.
Des prospections, e≠ectuées par des sondages
otechniques et par des mesuresophysiques
grâce à des méthodes électrique et électromagnétique,
ont permis de déterminer une profondeur de
ces paléocanyons pouvant atteindre quinze mètres.
Les cartes de résistivi élaborées révèlent des structures
omorphologiques de direction armoricaine N145
correspondant aux principales faillesgionales.
Le contexte dans lequel se trouve la grotte est donc
un grand lapiaz2formé sous climat chaud et humide
de type tropical.
La karstification, à l’origine de la grotte, dissolution des
calcaires sous l’e≠et des circulations d’eau de pluie acide
chare en CO2du sol, s’est produite suivant les autres
directions de fracturation à l’échelle locale. Ainsi, la salle
des Taureaux, suivi du diverticule axial, est de direction
N110 (direction pyenne) ; l’autre galerie, diverticule
de droite et galerie Mondmilch, est quasi nord-sud.
88 monumental 2006 Dossier Les grottes ornées
L’environnement hydrogéologique et climatique
Depuis sa découverte et jusqu’à 1963, la grotte de Lascaux a fait l’objet de plusieurs phases
d’aménagement dont le souci premier était de faciliter la venue et le séjour des visiteurs.
Un système de régulation de l’air souterrain permet, depuis juillet 1965, de contrôler les e≠ets
des variations de température et d’humidité sur les parois d’une partie de la grotte.
Ce système assurait, croyait-on, de bonnes conditions de conservation aux œuvres phistoriques.
La grotte appartient au réseau supérieur fossile d’un karst comblé en grande partie
par un remplissage sablo-argileux. Elle est constituée par une suite de galeries qui convergent
vers une galerie principale. Compte tenu de la géométrie de la cavité, les parties ores
sont à di≠érentes profondeurs.
Lascaux : une grotte sous influence
Philippe Malaurent
Ingénieur, université
de Bordeaux I, centre
de développement
des géosciences appliquées
Roland Lastennet
Enseignant chercheur,
université de Bordeaux I,
centre de développement
des géosciences appliquées
Jacques Brunet
Ingénieur de recherche,
LRMH
1. Cf. les travaux
de Paul-Marie Guyon.
2. Surface de dissolution
de roche carbonatée en milieu
aérien caractérisé par des
rigoles, cannelures et sillons,
crevasses…
89
Cristaux de calcite
Joint calcifié
Figure 1
Cicatrices d’écailles recouvertes
de calcite au dos de l’animal
mythique appelé la licorne,
sur la paroi gauche
de la salle des Taureaux.
1.
2.
Figure 2
Détail de la frise avec la licorne
et les chevaux, paroi gauche
de la salle des Taureaux.
Ph. Dominique Bouchardon.
© LRMH, 2004.
89
Le sas 1, compartiment 3, est le siège d’émergences
temporaires, actives en moyenne d’octobre à juin, qui
s’écoulent à la faveur de joints de stratification visibles
sur la vte. Cette discontinuité hydraulique accente
par un horizon imperméable centitrique se prolonge
au moins jusque dans la salle des Taureaux et a, semble-
t-il, protégé des infiltrations la voûte ore du diverticule
axial. Entre la surface du sol et ce niveau imperable,
les calcaires sont fissus. Pour H. Schoeller, la nappe
temporaire qu’ils renferment est alimentée par la pluie
tombant directement sur les a≥eurements calcaires
ou impluvium. Cependant, les résultats trèscents
(travaux de R. Lastennet, en cours) sur la géochimie
de l’eau permettent de penser que des eaux venant
des sables des remplissages pourraient soutenir cet
écoulement. Le régime hydroologique de cette nappe
perce est calq sur le régime climatique.
Les débits varient entre 0 et 20tres cubes par jour
en fonction de la saison, de l’importance de l’énement
pluvieux et des conditions d’écoulementpendant
de la recharge du système épikarstique (zone surieure
ale du karst). Lecalage entre la pluie et le pic
des débits,terminé par traitement du signal [1],
est de l’ordre d’une vingtaine d’heures en période
de recharge et l’influence d’une pluie sur les bits
d’une douzaine de jours en moyenne.
Les études hydroologiques [2] soulignent l’importance
de cette nappe qui alimente les écoulements au sas et
qui assure un taux d’humidité dans le massif, contribuant
ainsi aux écoulements obsers aux joints de la salle
des Taureaux. Les sécheresses successives de 2004
et de 2005 ont é marqes par uncalage spectaculaire
de la reprise des écoulements, d’octobre àvrier
(fig. 4a), et par un assèchement important de la grotte.
Comme pdemment cité, un autre écoulement
est observable dans la grotte au niveau des joints
stratigraphiques visibles dans la salle des Taureaux.
Il s’agit d’un écoulement de type matriciel
(cet écoulement s’e≠ectue par les pores de la roche
et non par de grandes fissures), les joints jouant le rôle
de drains. Il n’y a pas de concomitance avec l’écoulement
au sas 1 et les décalages temporels peuvent être
de plusieurs mois. Ainsi, en 2004, des suintements
aux joints sont apparus fin août, trois mois aps
le tarissement sit au sas. Cet écoulement a eu lieu
au droit de certains panneaux ornés et contribue
à l’altération des parois.
Des suintements provenant de la voûte sont observables
dans la galerie Mondmilch le long de conctions
de calcite. Deme a-t-on re des infiltrations
temporaires importantes causées par des épisodes
pluvieux intenses sur la vte du cabinet deslins.
En perturbant la température sur la paroi et en assurant
un taux d’humidi relative de l’air avoisinant les 100 %,
l’eau qui circule dans le massif a un impact certain
sur la climatologie de la grotte.
Enriode hivernale, les épisodes de crue peuvent
entrner une baisse notable de la temrature
de la roche, de l’air et, bien entendu, une baisse
des pressions partielles de vapeur d’eau de l’air
dans la salle des machines. Cet air, en circulant
par convection et en se réchau≠ant au contact
des parois de la salle des Taureaux, peut les assécher,
en ayant des incidences sur leur conservation
(exemple des pcipitations de sels sur la figure 1).
Cela correspond à l’arrivée d’eau relativement froide
(pluie, neige fondue) à l’exutoire de la nappe.
En revanche, en fin de période estivale, une augmentation
très rapide dubit de l’eau de la nappe peut être
responsable de l’évation de la température de l’air,
ce qui, en l’absence d’assistance climatique, se traduirait
par des condensations sur les parois ornées
dont la température n’a pas eu le temps de s’équilibrer.
terminer les équilibres calco-carboniques d’une
eau consiste à mesurer son pH (teneurs en ions H+)
et son alcanilité (esssentiellement teneur en
bicarbonates, HCO3-, pour ce type d’eau), ainsi que
les ions majeurs dont le calcium, pour identifier sa force
ionique. En fonction de l’acidité de l’eau (expliquée
surtout par le CO2dissous ou acide carbonique),
une certaine quantité de calcite (CaCO3) peut être
dissoute jusqu’à atteindre l’équilibre avec la roche
calcaire, cela en fonction de la solubilité de la calcite
(fig. 3). Plus la pression de CO2dissous (pCO2)
sera importante, plus de la calcite pourra être dissoute
(jusqu’à 360 mg/litre dans les eaux de Lascaux).
Inversement, si trop de calcite est contenue dans l’eau
lors d’ungazage de CO2de celle-ci (passage en zone
e), de la calcite précipitera.
Le suivi des équilibres calco-carboniques entrepris,
entre 2003 et 2006, dans les eaux du sas et des autres
écoulements de la grotte a permis de montrer que
ces eaux étaient toujours incrustantes car sursatues
vis-à-vis de la calcite (fig. 4b). Elles sont donc susceptibles
de précipiter et d’encroûter les surfaces en contact (fig. 1).
Les pressions de CO2équilibrantes de ces eaux
sursaturées sont de l’ordre de 2à 3%. Elles monteraient
jusqu’à 5% pour des eaux en équilibre avec la phase
solide, constituant des pressions anormalement élevées,
relativement à la litrature sur les eaux karstiques.
En e≠et, la valeur de pCO2dans un sol est classiquement
de l’ordre de 1 à 2 %, le CO2provient de l’activité
biologique (oxydation de la matière organique).
Ce CO2se dissout dans l’eau lors de l’infiltration des eaux
de pluie pour atteindre une concentration proche
de celle du sol. Les fortes teneurs atteintes à Lascaux
90 monumental 2006 Dossier Les grottes ornées
Description des écoulements dans la cavité Conséquences sur la conservation
Lascaux
nous incitent à étudier les processus de production
ou de reconcentration du CO2dans l’environnement
de la grotte (tse Benjamin Lopez en cours).
Par ailleurs, la grotte de Lascaux est aussi connue
pour ses teneurs en gaz carbonique très élevées, mesurées
au puits du Sorcier. Des teneurs allant jusqu’à 8 %
ont incité la première commission scientifique à mettre
en place une extraction de ce CO2par pompage.
Les recherches actuelles destinées à comprendre
ce phénomène ont rendu possible l’identification
des zones riches en CO2dans les remplissages (8,5 %)
à proximi de la cavi. Ce gaz peut ensuite di≠user
dans le massif calcaire et se piéger dans des secteurs
privilégs.
91
Lascaux : une grotte sous influence. L’environnement hydrogéologique et climatique
Figure 4 a
Hydrogramme
au toit du sas 1,
compartiment 3.
Pluies en mm
Q en m 3j-1
Figure 4 b
Suivi de la saturation
et des pressions
de CO2équilibrantes
des eaux de l’émergence
du sas 1, compartiment 3.
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4
3
2
1
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6 %
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2 %
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30
40
50
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70
80
31 octobre 03
31 juin 04
28 juin 05
20 décembre 04
16 février 06
m3 j-1
Indice de saturation vis-à-vis
de la calcite des eaux
de l’émergence du sas 1
Indice de saturation vis-à-vis
de la calcite des eaux
du haut de la voûte du sas 1
Pression partielle équilibrante
en CO2(%) des eaux
de l’émergence du sas 1
Pression partielle équilibrante
en CO2à saturation (%) des eaux
de l’émergence du sas 1
Figure 3
Dépôt de calcite sur la paroi du passage
entre la salle des Taureaux et la nef.
Ph. Dominique Bouchardon. © LRMH.
3.
4 b.
4 a.
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