Lascaux : une grotte sous influence : l`environnement

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extrait
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monumental 2006 Dossier Les grottes ornées
L’environnement hydrogéologique et climatique
Roland Lastennet
Enseignant chercheur,
université de Bordeaux I,
centre de développement
des géosciences appliquées
Depuis sa découverte et jusqu’à 1963, la grotte de Lascaux a fait l’objet de plusieurs phases
d’aménagement dont le souci premier était de faciliter la venue et le séjour des visiteurs.
Un système de régulation de l’air souterrain permet, depuis juillet 1965, de contrôler les e≠ets
des variations de température et d’humidité sur les parois d’une partie de la grotte.
Ce système assurait, croyait-on, de bonnes conditions de conservation aux œuvres préhistoriques.
La grotte appartient au réseau supérieur fossile d’un karst comblé en grande partie
par un remplissage sablo-argileux. Elle est constituée par une suite de galeries qui convergent
vers une galerie principale. Compte tenu de la géométrie de la cavité, les parties ornées
sont à di≠érentes profondeurs.
Jacques Brunet
Ingénieur de recherche,
LRMH
Problématique de l’environnement
Le cadre hydrogéologique
Depuis les travaux de la commission scientifique
de 1963, il est admis que la circulation par convection
de l’air de la cavité est impliquée dans la vie de la grotte.
1
On a remarqué, à l’époque , que la ventilation dans
l’ensemble sas-salle des Taureaux-diverticule axial
était essentiellement du type convectif et il en était
probablement de même pour les deux autres ensembles
puits-salles ensablées et diverticule de droite. Il a été
constaté la possibilité de forts ruissellements en période
de pluie dans les salles ensablées et dans les cheminées
élevées de la galerie Mondmilch, ces deux zones
de ruissellement pouvant constituer des points froids.
À l’époque, l’hypothèse de l’existence d’une
autorégulation à partir des éboulis terminaux des salles
ensablées et de la galerie Mondmilch trouvait peut-être
ici une explication ! Près de cinquante ans après,
dans un contexte microclimatique di≠érent, on est
arrivé à nouveau à s’interroger sur cette hypothèse.
La géologie de la colline de Lascaux
Philippe Malaurent
Ingénieur, université
de Bordeaux I, centre
de développement
des géosciences appliquées
1. Cf. les travaux
de Paul-Marie Guyon.
Lascaux : une grotte sous influence
2. Surface de dissolution
de roche carbonatée en milieu
aérien caractérisé par des
rigoles, cannelures et sillons,
crevasses…
Dans l’ensemble salle des Taureaux-diverticule axial,
la circulation par convection de l’air s’e≠ectue
naturellement une partie de l’année, puis est entretenue
artificiellement par une machinerie. Pour que cette
convection s’accomplisse, la cavité étant descendante,
il faut que la température de l’air des parties profondes
soit supérieure à celle des parties proches de la surface.
La température des parties profondes varie peu en
fonction du temps et est la résultante d’un équilibre
subtil entre la transmission de la chaleur par le sol,
les variations de température en surface, les calories
portées par les fluides qui s’infiltrent (eau, vapeur d’eau,
air…), les échanges de chaleur aux parois dans la cavité
(changement de phase, convection, rayonnement…).
Les variations des flux ainsi engendrés au droit des parois
n’ont pas un e≠et nul quant à la conservation.
Celles-ci peuvent engendrer des phénomènes
de dépôts de calcite ou, au contraire, être agressives
pour le support.
La grotte de Lascaux se situe sur une colline formant
une butte témoin (cote 214 mètres) du fait de l’érosion
par les rivières attenantes, la Vézère à l’ouest et le Doiran
au nord. Elle fait partie d’un paléokarst localisé dans
les formations géologiques du coniacien moyen
et supérieur qui montrent une structure quasi tabulaire
(pendage inférieur à cinq degrés). Du point de vue
lithologique, les roches du crétacé supérieur, dans lequel
s’est développée la grotte de Lascaux, sont des calcaires
gréseux bioclastiques à nombreux fossiles coquilliers
souvent silicifiés.
La géomorphologie du secteur est remarquable
en raison de la présence de profonds sillons comblés
par des remplissages sablo-argileux qui entaillent les
calcaires de part et d’autre de la cavité. Ces remplissages
probablement tertiaires sont di≤ciles à dater.
Des prospections, e≠ectuées par des sondages
géotechniques et par des mesures géophysiques
grâce à des méthodes électrique et électromagnétique,
ont permis de déterminer une profondeur de
ces paléocanyons pouvant atteindre quinze mètres.
Les cartes de résistivité élaborées révèlent des structures
géomorphologiques de direction armoricaine N145
correspondant aux principales failles régionales.
Le contexte dans lequel se trouve la grotte est donc
2
un grand lapiaz formé sous climat chaud et humide
de type tropical.
La karstification, à l’origine de la grotte, dissolution des
calcaires sous l’e≠et des circulations d’eau de pluie acide
chargée en CO2 du sol, s’est produite suivant les autres
directions de fracturation à l’échelle locale. Ainsi, la salle
des Taureaux, suivi du diverticule axial, est de direction
N110 (direction pyrénéenne) ; l’autre galerie, diverticule
de droite et galerie Mondmilch, est quasi nord-sud.
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Figure 1
Cicatrices d’écailles recouvertes
de calcite au dos de l’animal
mythique appelé la licorne,
sur la paroi gauche
de la salle des Taureaux.
Figure 2
Détail de la frise avec la licorne
et les chevaux, paroi gauche
de la salle des Taureaux.
Ph. Dominique Bouchardon.
© LRMH, 2004.
Joint calcifié
Cristaux de calcite
1.
2.
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monumental 2006 Dossier Les grottes ornées
Description des écoulements dans la cavité
Conséquences sur la conservation
Le sas 1, compartiment 3, est le siège d’émergences
temporaires, actives en moyenne d’octobre à juin, qui
s’écoulent à la faveur de joints de stratification visibles
sur la voûte. Cette discontinuité hydraulique accentuée
par un horizon imperméable centimétrique se prolonge
au moins jusque dans la salle des Taureaux et a, semblet-il, protégé des infiltrations la voûte ornée du diverticule
axial. Entre la surface du sol et ce niveau imperméable,
les calcaires sont fissurés. Pour H. Schoeller, la nappe
temporaire qu’ils renferment est alimentée par la pluie
tombant directement sur les a≥eurements calcaires
ou impluvium. Cependant, les résultats très récents
(travaux de R. Lastennet, en cours) sur la géochimie
de l’eau permettent de penser que des eaux venant
des sables des remplissages pourraient soutenir cet
écoulement. Le régime hydrogéologique de cette nappe
perchée est calqué sur le régime climatique.
Les débits varient entre 0 et 20 mètres cubes par jour
en fonction de la saison, de l’importance de l’événement
pluvieux et des conditions d’écoulement dépendant
de la recharge du système épikarstique (zone supérieure
altérée du karst). Le décalage entre la pluie et le pic
des débits, déterminé par traitement du signal [1],
est de l’ordre d’une vingtaine d’heures en période
de recharge et l’influence d’une pluie sur les débits
d’une douzaine de jours en moyenne.
En perturbant la température sur la paroi et en assurant
un taux d’humidité relative de l’air avoisinant les 100 %,
l’eau qui circule dans le massif a un impact certain
sur la climatologie de la grotte.
Les études hydrogéologiques [2] soulignent l’importance
de cette nappe qui alimente les écoulements au sas et
qui assure un taux d’humidité dans le massif, contribuant
ainsi aux écoulements observés aux joints de la salle
des Taureaux. Les sécheresses successives de 2004
et de 2005 ont été marquées par un décalage spectaculaire
de la reprise des écoulements, d’octobre à février
(fig. 4 a), et par un assèchement important de la grotte.
Lascaux
Comme précédemment cité, un autre écoulement
est observable dans la grotte au niveau des joints
stratigraphiques visibles dans la salle des Taureaux.
Il s’agit d’un écoulement de type matriciel
(cet écoulement s’e≠ectue par les pores de la roche
et non par de grandes fissures), les joints jouant le rôle
de drains. Il n’y a pas de concomitance avec l’écoulement
au sas 1 et les décalages temporels peuvent être
de plusieurs mois. Ainsi, en 2004, des suintements
aux joints sont apparus fin août, trois mois après
le tarissement situé au sas. Cet écoulement a eu lieu
au droit de certains panneaux ornés et contribue
à l’altération des parois.
Des suintements provenant de la voûte sont observables
dans la galerie Mondmilch le long de concrétions
de calcite. De même a-t-on repéré des infiltrations
temporaires importantes causées par des épisodes
pluvieux intenses sur la voûte du cabinet des Félins.
En période hivernale, les épisodes de crue peuvent
entraîner une baisse notable de la température
de la roche, de l’air et, bien entendu, une baisse
des pressions partielles de vapeur d’eau de l’air
dans la salle des machines. Cet air, en circulant
par convection et en se réchau≠ant au contact
des parois de la salle des Taureaux, peut les assécher,
en ayant des incidences sur leur conservation
(exemple des précipitations de sels sur la figure 1).
Cela correspond à l’arrivée d’eau relativement froide
(pluie, neige fondue) à l’exutoire de la nappe.
En revanche, en fin de période estivale, une augmentation
très rapide du débit de l’eau de la nappe peut être
responsable de l’élévation de la température de l’air,
ce qui, en l’absence d’assistance climatique, se traduirait
par des condensations sur les parois ornées
dont la température n’a pas eu le temps de s’équilibrer.
Déterminer les équilibres calco-carboniques d’une
eau consiste à mesurer son pH (teneurs en ions H +)
et son alcanilité (esssentiellement teneur en
bicarbonates, HCO3-, pour ce type d’eau), ainsi que
les ions majeurs dont le calcium, pour identifier sa force
ionique. En fonction de l’acidité de l’eau (expliquée
surtout par le CO 2 dissous ou acide carbonique),
une certaine quantité de calcite (CaCO3) peut être
dissoute jusqu’à atteindre l’équilibre avec la roche
calcaire, cela en fonction de la solubilité de la calcite
(fig. 3). Plus la pression de CO2 dissous (pCO2)
sera importante, plus de la calcite pourra être dissoute
(jusqu’à 360 mg/litre dans les eaux de Lascaux).
Inversement, si trop de calcite est contenue dans l’eau
lors d’un dégazage de CO2 de celle-ci (passage en zone
aérée), de la calcite précipitera.
Le suivi des équilibres calco-carboniques entrepris,
entre 2003 et 2006, dans les eaux du sas et des autres
écoulements de la grotte a permis de montrer que
ces eaux étaient toujours incrustantes car sursaturées
vis-à-vis de la calcite (fig. 4b). Elles sont donc susceptibles
de précipiter et d’encroûter les surfaces en contact (fig. 1).
Les pressions de CO2 équilibrantes de ces eaux
sursaturées sont de l’ordre de 2 à 3 %. Elles monteraient
jusqu’à 5 % pour des eaux en équilibre avec la phase
solide, constituant des pressions anormalement élevées,
relativement à la littérature sur les eaux karstiques.
En e≠et, la valeur de pCO2 dans un sol est classiquement
de l’ordre de 1 à 2 %, le CO2 provient de l’activité
biologique (oxydation de la matière organique).
Ce CO2 se dissout dans l’eau lors de l’infiltration des eaux
de pluie pour atteindre une concentration proche
de celle du sol. Les fortes teneurs atteintes à Lascaux
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10
20
30
40
28 juin 05
16 février 06
50
20 décembre 04
Les recherches actuelles destinées à comprendre
ce phénomène ont rendu possible l’identification
des zones riches en CO2 dans les remplissages (8,5 %)
à proximité de la cavité. Ce gaz peut ensuite di≠user
dans le massif calcaire et se piéger dans des secteurs
privilégiés.
0 mm
31 juin 04
Par ailleurs, la grotte de Lascaux est aussi connue
pour ses teneurs en gaz carbonique très élevées, mesurées
au puits du Sorcier. Des teneurs allant jusqu’à 8 %
ont incité la première commission scientifique à mettre
en place une extraction de ce CO2 par pompage.
20
19
18
17
16
15
14
13
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9
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7
6
5
4
3
2
1
0
31 octobre 03
nous incitent à étudier les processus de production
ou de reconcentration du CO2 dans l’environnement
de la grotte (thèse Benjamin Lopez en cours).
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Lascaux : une grotte sous influence. L’environnement hydrogéologique et climatique
60
70
80
3 -1
m j
Figure 3
Dépôt de calcite sur la paroi du passage
entre la salle des Taureaux et la nef.
4 a.
Figure 4 a
Hydrogramme
au toit du sas 1,
compartiment 3.
Ph. Dominique Bouchardon. © LRMH.
Pluies en mm
Q en m 3 j - 1
1
0,8
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0,4
0,2
0
-0,2
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0%
4 b.
Figure 4 b
Suivi de la saturation
et des pressions
de CO2 équilibrantes
des eaux de l’émergence
du sas 1, compartiment 3.
Indice de saturation vis-à-vis
de la calcite des eaux
de l’émergence du sas 1
Indice de saturation vis-à-vis
de la calcite des eaux
du haut de la voûte du sas 1
Pression partielle équilibrante
en CO2 (%) des eaux
de l’émergence du sas 1
Pression partielle équilibrante
en CO2 à saturation (%) des eaux
de l’émergence du sas 1
3.
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monumental 2006 Dossier Les grottes ornées
Une situation climatique naturelle instable
Bibliographie
[1] R. Lastennet, A. Denis,
Ph. Malaurent, J. Vouvé,
« Behaviour of the epikarstic
aquifer: signal analysis and
flow analysis. Site of Lascaux
Cave », dans Contribución
del estudio cientifico
de las cavidades kársticas
al conocimiento geológico,
B. Andreo, F. Carrasco
y J. J. Duran (Eds), Patronato
de la Cueva de Nerja,
Nerja Málaga, 1999, p. 363-370.
[2] B. Lopez, R. Lastennet,
C. Emblanch, A. Denis,
« Utilisation du signal
en carbone 13 dans le traçage
des eaux épikarstiques.
Cas de la grotte de Lascaux
(Dordogne) », actes du colloque
international d’hydrogéologie
karstique, CHYN, Neuchâtel,
Suisse, septembre 2006.
Lascaux
[3] J. Brunet, Ph. Malaurent,
« The complex story of Lascaux
cave from its discovery to now.
Influence and conservation
method of moisture in tomb
or cave », dans The Seminar on
the Conservation and
Restoration for Cultural
Properties, National Research
Institute for Cultural Properties,
Tokyo, 2004, p. 1-9 (en japonais)
et p. 55-65 (en anglais).
Durant quarante ans, di≠érentes méthodes liées
à des disciplines diverses ont permis de décrire l’état
physique de la cavité [3]. Les approches présentées ici
donnent lieu maintenant à une visualisation concrète
des écoulements et des champs de variables physiques
(température, humidité).
De 1965 à 1981 (fig. 6), le gradient de température dans
la cavité est conforme au schéma de fonctionnement
défini par la commission scientifique de 1963.
En hiver, l’ordre des températures est croissant
de la surface vers la profondeur ; en été, cet ordre est
maintenu artificiellement par abaissement volontaire
de la température de l’air dans une partie artificielle
non décorée (la salle des machines). Depuis 1981,
les évolutions des températures mesurées indiquent
que les parties profondes de la cavité deviennent plus
froides que la surface. Le phénomène observé est bien
d’origine naturelle et n’est pas dû au refroidissement
artificiel de la cavité, provoqué par la machinerie.
L’étude non exhaustive des documents d’archives
de la Drac Aquitaine établit une correspondance
entre les préoccupations concernant la conservation
de la grotte et certaines périodes. Dans le détail, lorsque
les courbes représentatives des températures calculées
correspondant aux points les plus profonds sont les plus
basses, les convections se font plus di≤cilement.
Ainsi, on peut déduire que, de 1965 à 1981, les conditions
thermiques souterraines, liées à la propagation
des ondes thermiques externes en particulier, sont
favorables à l’établissement d’un régime de circulation
de l’air par convection, entre le fond du diverticule
axial et la salle des Taureaux. Depuis 1981, ce régime
de circulation de l’air par convection est a≠ecté
par l’impact de l’évolution climatique sévissant
à l’extérieur. Cela se traduit par l’inversion
des températures dans la cavité. De 1970 à 1981,
les températures mesurées dans la roche, dans le fond
du diverticule axial (DFR), sont supérieures à celles
mesurées à la voûte de la salle des Taureaux (TVR).
Depuis cette période, les températures relevées
à la voûte de la salle des Taureaux sont supérieures
à celles du diverticule axial. Ce dernier mécanisme
est responsable de conditions de moins en moins
favorables à l’établissement de convection. Il a pour
conséquence de perturber la régulation du climat
souterrain telle qu’elle avait été définie par les chercheurs
de la commission d’études scientifiques en 1965.
La tendance à l’inversion du sens de la convection,
observée ces dernières années, est-elle à l’origine
des désordres constatés ?
Conséquences pour la conservation
Deux risques majeurs peuvent a≠ecter la conservation
de la cavité : risque de condensation de la vapeur
d’eau de l’air ambiant susceptible d’entraîner,
par la fragilisation du support carbonaté, la destruction
des tracés (à ce risque, on devra ajouter le rôle
du gaz carbonique de l’air, qui, en acidifiant l’eau,
la rend encore plus agressive) ; risque d’usure des parois,
susceptible de porter atteinte à l’intégrité des tracés
(peints ou gravés) et au support.
Exemple de condensation
Nous savons par expérience que le fond du diverticule
axial, notamment la vitre protégeant le tracé
de l’hémione, est très facilement envahi d’eau
de condensation. La tête du grand taureau (fig. 5)
se couvre régulièrement, à certaines périodes de l’année,
de grosses gouttes d’eau isolées, entre les cornes.
En avril 2001, pour ce tracé peint préhistorique,
pratiquement tout le corps de l’animal était couvert
de gouttes d’eau. L’origine du phénomène est imputable
au bouleversement des échanges naturels du microclimat
souterrain provoqué par des travaux se déroulant
à l’entrée de la grotte et au retard de la mise
en fonctionnement de l’assistance climatique qui était
l’objet de ces travaux.
Exemple d’usure de la paroi
L’observation des parois montre que leur état résulte
de mécanismes complexes ; l’état actuel est hérité
de divers phénomènes qui se sont succédé au cours
du temps. Pour un secteur particulier
(entre la salle des Taureaux et le diverticule de droite),
nous retiendrons de façon très synthétique
les phases suivantes : une phase de circulation de l’eau,
responsable du creusement des galeries et du modelé
des parois, avant la réalisation des tracés préhistoriques,
et une phase d’usure des parois par circulation de l’air
depuis l’exécution des tracés. Ces deux hypothèses
formulées seront prises en considération dans le cadre
du contexte défini pour la modélisation (cf. l’article
« Le simulateur Lascaux : un outil d’aide à la décision
pour l’avenir de la préhistoire » p. 94-97).
La cavité possède deux régimes hydrogéologiques
distincts : l’un correspondant à une nappe phréatique
superficielle temporaire dont le débit peut être
important et un autre dû à l’activité non mesurable
des joints. L’influence de la nappe, via le climat
de la salle des machines et de la galerie Mondmilch,
sur l’ambiance souterraine n’est pas négligeable,
notamment dans le sas 2 et la salle des Taureaux.
Ainsi, l’arrivée, en périodes hivernales, d’eau
relativement froide aux exutoires de la nappe
se traduit par une baisse des températures de la roche
et de l’air susceptible d’entraîner l’instauration
de conditions moins favorables à la bonne conservation
93
Lascaux : une grotte sous influence. L’environnement hydrogéologique et climatique
des tracés préhistoriques. L’influence du changement
notable du climat extérieur compromet la situation
d’équilibre définie dès 1965.
Rappelons que la machinerie avait été conçue pour
répondre à une demande correspondant à un besoin
en harmonie avec l’environnement climatique
souterrain de l’époque. La lente dérive naturelle
des paramètres externes a donc des répercussions sur
le climat souterrain et de fait sur la manière qualitative
et quantitative de gérer la cavité.
Jacques Brunet, Roland Lastennet
et Philippe Malaurent
14 °C
12,8 °C
13,5
12,6
13
12,4
12,5
12,2
12
12,0
11,5
11,8
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11,6
10,5
11,4
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11,2
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01/01/1960
01/01/1970
01/01/1980
6.
Figure 5
Gouttes de condensation d’eau
sur le corps du grand taureau,
en avril 2001. Puissant taureau
à robe noire, surchargé de quatre
têtes cornues jaunes et de deux
silhouettes de vaches rouges
au fond du diverticule axial.
5.
Figure 6
Évolution de la température
mesurée en surface
(axe des ordonnées
entre 10 et 14 °C),
à la station météorologique
de Gourdon (courbe a),
et évolution théorique
calculée de la température
(axe des ordonnées entre
11,2 et 12,8 °C) dans le sol
à di≠érentes profondeurs
(courbe b à 20 mètres sous le sol,
courbe c à 15 mètres sous le sol,
courbe d à 10 mètres sous le sol),
entre 1950 et 2005.
Photographies et documents
Ph. Malaurent, R. Lastennet
et J. Brunet,
sauf mentions contraires.
01/01/1990
01/01/2000
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