Le sas 1, compartiment 3, est le siège d’émergences
temporaires, actives en moyenne d’octobre à juin, qui
s’écoulent à la faveur de joints de stratification visibles
sur la voûte. Cette discontinuité hydraulique accentuée
par un horizon imperméable centimétrique se prolonge
au moins jusque dans la salle des Taureaux et a, semble-
t-il, protégé des infiltrations la voûte ornée du diverticule
axial. Entre la surface du sol et ce niveau imperméable,
les calcaires sont fissurés. Pour H. Schoeller, la nappe
temporaire qu’ils renferment est alimentée par la pluie
tombant directement sur les a≥eurements calcaires
ou impluvium. Cependant, les résultats très récents
(travaux de R. Lastennet, en cours) sur la géochimie
de l’eau permettent de penser que des eaux venant
des sables des remplissages pourraient soutenir cet
écoulement. Le régime hydrogéologique de cette nappe
perchée est calqué sur le régime climatique.
Les débits varient entre 0 et 20 mètres cubes par jour
en fonction de la saison, de l’importance de l’événement
pluvieux et des conditions d’écoulement dépendant
de la recharge du système épikarstique (zone supérieure
altérée du karst). Le décalage entre la pluie et le pic
des débits, déterminé par traitement du signal [1],
est de l’ordre d’une vingtaine d’heures en période
de recharge et l’influence d’une pluie sur les débits
d’une douzaine de jours en moyenne.
Les études hydrogéologiques [2] soulignent l’importance
de cette nappe qui alimente les écoulements au sas et
qui assure un taux d’humidité dans le massif, contribuant
ainsi aux écoulements observés aux joints de la salle
des Taureaux. Les sécheresses successives de 2004
et de 2005 ont été marquées par un décalage spectaculaire
de la reprise des écoulements, d’octobre à février
(fig. 4a), et par un assèchement important de la grotte.
Comme précédemment cité, un autre écoulement
est observable dans la grotte au niveau des joints
stratigraphiques visibles dans la salle des Taureaux.
Il s’agit d’un écoulement de type matriciel
(cet écoulement s’e≠ectue par les pores de la roche
et non par de grandes fissures), les joints jouant le rôle
de drains. Il n’y a pas de concomitance avec l’écoulement
au sas 1 et les décalages temporels peuvent être
de plusieurs mois. Ainsi, en 2004, des suintements
aux joints sont apparus fin août, trois mois après
le tarissement situé au sas. Cet écoulement a eu lieu
au droit de certains panneaux ornés et contribue
à l’altération des parois.
Des suintements provenant de la voûte sont observables
dans la galerie Mondmilch le long de concrétions
de calcite. De même a-t-on repéré des infiltrations
temporaires importantes causées par des épisodes
pluvieux intenses sur la voûte du cabinet des Félins.
En perturbant la température sur la paroi et en assurant
un taux d’humidité relative de l’air avoisinant les 100 %,
l’eau qui circule dans le massif a un impact certain
sur la climatologie de la grotte.
En période hivernale, les épisodes de crue peuvent
entraîner une baisse notable de la température
de la roche, de l’air et, bien entendu, une baisse
des pressions partielles de vapeur d’eau de l’air
dans la salle des machines. Cet air, en circulant
par convection et en se réchau≠ant au contact
des parois de la salle des Taureaux, peut les assécher,
en ayant des incidences sur leur conservation
(exemple des précipitations de sels sur la figure 1).
Cela correspond à l’arrivée d’eau relativement froide
(pluie, neige fondue) à l’exutoire de la nappe.
En revanche, en fin de période estivale, une augmentation
très rapide du débit de l’eau de la nappe peut être
responsable de l’élévation de la température de l’air,
ce qui, en l’absence d’assistance climatique, se traduirait
par des condensations sur les parois ornées
dont la température n’a pas eu le temps de s’équilibrer.
Déterminer les équilibres calco-carboniques d’une
eau consiste à mesurer son pH (teneurs en ions H+)
et son alcanilité (esssentiellement teneur en
bicarbonates, HCO3-, pour ce type d’eau), ainsi que
les ions majeurs dont le calcium, pour identifier sa force
ionique. En fonction de l’acidité de l’eau (expliquée
surtout par le CO2dissous ou acide carbonique),
une certaine quantité de calcite (CaCO3) peut être
dissoute jusqu’à atteindre l’équilibre avec la roche
calcaire, cela en fonction de la solubilité de la calcite
(fig. 3). Plus la pression de CO2dissous (pCO2)
sera importante, plus de la calcite pourra être dissoute
(jusqu’à 360 mg/litre dans les eaux de Lascaux).
Inversement, si trop de calcite est contenue dans l’eau
lors d’un dégazage de CO2de celle-ci (passage en zone
aérée), de la calcite précipitera.
Le suivi des équilibres calco-carboniques entrepris,
entre 2003 et 2006, dans les eaux du sas et des autres
écoulements de la grotte a permis de montrer que
ces eaux étaient toujours incrustantes car sursaturées
vis-à-vis de la calcite (fig. 4b). Elles sont donc susceptibles
de précipiter et d’encroûter les surfaces en contact (fig. 1).
Les pressions de CO2équilibrantes de ces eaux
sursaturées sont de l’ordre de 2à 3%. Elles monteraient
jusqu’à 5% pour des eaux en équilibre avec la phase
solide, constituant des pressions anormalement élevées,
relativement à la littérature sur les eaux karstiques.
En e≠et, la valeur de pCO2dans un sol est classiquement
de l’ordre de 1 à 2 %, le CO2provient de l’activité
biologique (oxydation de la matière organique).
Ce CO2se dissout dans l’eau lors de l’infiltration des eaux
de pluie pour atteindre une concentration proche
de celle du sol. Les fortes teneurs atteintes à Lascaux
90 monumental 2006 Dossier Les grottes ornées
Description des écoulements dans la cavité Conséquences sur la conservation
Lascaux