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DES NOUVELLES DE ROSETTA ET
PHILAE
Gabbro
13 juin 2016
Table des matières
1 Introduction
5
2 Les comètes
7
3 La mission
11
4 Les premières données
13
5 Philae
19
6 Conclusion
21
7 Et ensuite ?
23
8 Remerciements
25
9 Références et licences
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1 Introduction
La mission Rosetta a pour but d’atteindre et de suivre la comète Tchouri afin de l’étudier. Elle
se compose d’une part d’une sonde (de même nom que la mission), et d’autre part d’un robot,
Philae, qui a été largué sur la comète. La sonde Rosetta envoie des données depuis août 2014, et
en particulier depuis novembre 2014, lorsqu’elle s’est approchée suffisamment de la comète pour
prendre des images précises et larguer Philae. Les premiers articles ont été publiés début février
2015 dans la revue Science ; ils traitent des données collectés avant novembre 2014. Les mesures
rapportées par de nombreux instruments, dont Philae, ne seront pas disponibles avant avril 2015.
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2 Les comètes
Figure : La comète Hale Bopp. Image : Geoff Chester - domaine public, source.
Avant de parler plus spécifiquement des résultats nouveaux, une rapide présentation des comètes
s’impose. Les comètes sont des agrégats de poussière, de glace, de silicate et de composés carbonés (CO2 , CO , Cx Hy ).
Elles suivent une orbite très elliptique, avec des phases très éloignées, et d’autres très proches
du Soleil. Tchouri, par exemple, va s’approcher à 3 UA du Soleil lors de son périhélie[ˆpérihélie],
tandis que son aphélie[ˆaphélie] est au-delà de Pluton, à plus de 30 UA du Soleil ! Lorsqu’elles
s’approchent suffisamment du Soleil, le CO2 et l’eau (entre autre) qu’elles contiennent passent
de l’état solide à l’état de plasma (ionisation), ce qui provoque l’apparition des fameuse queues,
observées depuis la Terre depuis l’antiquité.
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2 Les comètes
Figure : Périhélie et aphélie. CC-BY
Les comètes proviennent de deux endroits différents : soit de la ceinture de Kuiper, soit du nuage
d’Oort. Le premier endroit est situé un peu au-delà de Neptune (autour de 30 à 100 UA), on y trouve
notamment les planètes naines Pluton et Charon. La comète Tchouri provient de la ceinture de
Kuiper. Les comètes qui proviennent de cet endroit ont des périodes d’orbite courtes (quelques
décennies), et une orbite dans le plan de l’écliptique[ˆécliptique]. Le second endroit est le nuage
d’Oort. Il est situé plus loin (entre 10 000 et 100 000 UA selon les estimations) et regroupe tous
les objets attirés gravitationnellement par le Soleil. Il s’agit d’une zone encore mal définie. Les
comètes provenant de cette zone ont des périodes longues et ont des orbites très inclinées.
Figure : Position de la ceinture de Kuiper et du nuage d’Oort. Image : ESA, source.
*[UA] : Unité Astronomique. Il s’agit de la distance entre la Terre et le Soleil. C’est plus pratique
que de parler en centaines de millier de kilomètre ! [ˆpérihélie] : Point de l’orbite le plus proche du
Soleil. [ˆaphélie] : Point de l’orbite le plus éloigné du Soleil. [ˆécliptique] : Le plan de l’écliptique
est le plan sur lequel sont les orbites de toutes les planètes du système solaire.
Les comètes, contrairement aux astéroïdes, sont actives. Lorsqu’elles s’approchent du Soleil, on
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observe la formation d’un nuage brillant. Celui-ci se compose de deux parties : la queue, partie
la plus externe du nuage, formée de gaz ionisé et de poussière, et la chevelure, partie la plus interne, sphérique, constituée de gaz neutre, principalement de l’eau et du mono- et dioxyde de
carbone, et de poussière. En pratique, c’est la queue des comètes que l’on voit depuis la Terre !
Les astéroïdes, eux, n’ont aucune activité lorsqu’ils s’approchent du Soleil. On les trouve dans
les mêmes zones que les comètes, ainsi que dans la ceinture d’astéroïdes, une zone située entre
Mars et Jupiter.
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3 La mission
Le but de la mission est d’étudier le noyau cométaire et la chevelure, la queue ayant déjà fait l’objet
de relevés et étant mieux connue. Le peu que l’on savait des comètes est leur taille typique (de
l’ordre de 5x5x10 km), et leur albédo 1 (très faible). Les comètes ont des formes patatoïdales, et
donc assez variées.
Rosetta a été lancée en mars 2004, mais embarque des technologies (par exemple des caméras)
de 1998. La raison est double : il faut choisir du matériel déjà éprouvé (on ne change pas une pièce
tombée en panne en cours de route dans une sonde !), et la mise au point des détecteurs prend
plusieurs années. Elle a atteint son objectif en novembre 2014, et a largué le robot Philae. Entre
temps, elle a subi quatre assistances gravitationnelles 2 , trois avec la Terre et une avec Mars. Depuis août 2014, elle s’approche de Tchouri selon une orbite… complexe, dans le but de se satelliser.
Petit rappel : la comète fait 1013 kg, contre 1024 kg pour la Terre, la gravité y est donc beaucoup plus
faible, ce qui complique fortement toute satellisation.
Figure : Trajectoire de Rosetta. Image : ESA, source.
Le but de cette orbite est de faire perdre à Rosetta sa vitesse pour pouvoir se satelliser, tout en
restant suffisamment éloignée, et en minimisant l’énergie dépensée. Finalement, Rosetta s’est
satellisée à faible distance de Tchouri, a largué Philae, puis s’est un peu éloignée.
1. Proportion de lumière réfléchie par le corps. D’autant plus fort donc que le corps est blanc.
2. Cela consiste à utiliser la force gravitationnelle d’une planète pour accélérer. Le corps chute vers la planète
(sans aller dessus, mais plutôt à côté, sans quoi il s’écraserait !), acquiert de la vitesse, puis s’éloigne. Voyez la page
Wikipedia anglophone pour plus de détail.
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4 Les premières données
Les premières données sont principalement visuelles et spectroscopiques.
Figure : Tchouri. Image : ESA/Rosetta/NAVCAM – CC BY-SA IGO 3.0 « European Space Agency –
ESA », source.
Commençons par la forme. Tchouri a plus ou moins une forme de canard, avec une grosse tête, une
forme très irrégulière donc. La première question est donc de savoir comment une telle forme a pu
apparaître. Les principales hypothèses sont l’agrégation de deux corps (collision à faible vitesse)
ou un creusement favorisé au centre, c’est-à-dire que Tchouri serait un cylindre érodé (ce qui
implique que la comète ait perdu une part non négligeable de sa masse).
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4 Les premières données
Figure : Régions de Tchouri. Image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/
source.
Une chose frappante dans les images est la grande diversité des terrains. La partie plate de la plus
grande protubérance de la comète est très lisse, probablement composée de poussière. Une surface aussi lisse suppose une activité qui érode les structures. Cette partie est aussi la plus froide,
et donc avec le rapport de quantité de
porisation du
CO2 /H2 O
le plus grand. En effet la température de va-
CO2 étant beaucoup plus faible que celle de l’eau, tout échauffement diminue la
quantité de gaz carbonique. L’eau peut, elle, rester sous forme de glace sur la comète, même dans
les régions chaudes (tant qu’elle se situe loin de l’aphélie, bien sûr).
Figure : Rapport CO2 /H2 O . Image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP
source.
D’autres parties contiennent des falaises (jusqu’à 1 km de hauteur), des fractures de plusieurs
centaines de mètres, des dépressions ou des puits. Ces puits ont montré une activité, c’est-àdire que lorsqu’ils étaient chauffés (la comète tourne, et a donc une alternance de jour et de nuit),
des particules d’eau et de CO2 s’en échappaient. On a même pu observer des dunes, ce qui laisse
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à penser la présence d’une activité éolienne.
Figure : Falaise de la région Hator. Image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/
source.
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4 Les premières données
Figure : Fractures de la région Anuket. Image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/U
source.
Figure : Des dunes. Image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA,
source.
Lors de l’atterrissage de Philae, le robot a rebondi sur la comète. Cela nous donne une indication
forte sur la cohésion du matériau de surface de la comète. En effet, lorsque deux objets entrent en
collision (par exemple, une balle et le sol), ils se déforment, puis, tout de suite après, reprennent
leur forme initiale. Ce faisant, ils exercent une force sur l’autre, d’où le rebond. Si l’un des matériaux est non cohésif (par exemple du sable), il va certes se déformer, mais ne va pas reprendre
sa forme. C’est pourquoi une boule de pétanque rebondit beaucoup plus lorsqu’elle touche une
autre boule plutôt que le terrain. Finalement, notre comète doit être relativement cohésive, sans
quoi le robot se serait juste enfoncé dedans. Cette cohésion serait due aux nombreux recuits que
subit la surface de la comète lorsqu’elle s’approche trop près du Soleil.
Parlons rapidement couleur. Tchouri est sombre (c’était attendu), avec des zones plus bleutées
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que d’autres. On interprète cela comme des affleurements de glace d’eau.
Une autre donnée très importante est le rapport de particule de deutérium sur hydrogène dans
l’eau (on parle de rapport « D/H »). Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Chaque particule d’eau est
composée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène. La plus grande partie de l’hydrogène est composée d’un proton et d’un électron (11 H ). Il existe cependant d’autres isotopes 1
de l’hydrogène, à savoir le deutérium (un proton, un électron et un neutron, 21 H ) et le tritium (un
proton, un électron et deux neutrons, 31 H ). Le rapport D/H est donc la proportion d’hydrogène de
type 21 H divisé par celle de type 11 H , dans l’eau.
La proportion de deutérium varie selon l’endroit du système solaire où l’on se trouve. Ainsi, il est
à peu près constant pour toutes les planètes gazeuses, ou pour les astéroïdes.
Figure : Rapport D/H dans le système solaire. Data from Altwegg et al. 2014 and references therein,
source.
Ce rapport est le même pour l’eau de la Terre et celle des astéroïdes, tandis qu’il est différent de
celui des géantes gazeuses. Ce rapport n’est pas constant dans le temps, il évolue, notamment
par l’influence des vents solaires. Les comètes étant très éloignées du Soleil (en particulier les
comètes du nuage d’Oort), leur rapport D/H devrait être proche de celui de la nébuleuse qui a
donné lieu au système solaire.
La question que l’on se pose est : d’où vient l’hydrogène qui compose l’eau de la Terre ? Jusqu’ici,
on pensait que l’eau terrestre provenait des astéroïdes et des comètes de la ceinture de Kuiper
(comètes joviennes). Les mesures sur Tchouri viennent semer le doute : elle n’a pas le « bon
» rapport ! Le sien est proche de celui des objets du nuage d’Oort, alors qu’elle provient de la
ceinture de Kuiper. Les raisons possibles sont multiples, et il est plus prudent d’attendre des
résultats complémentaires avant de se prononcer.
1. Deux éléments isotopes ont les mêmes propriétés chimiques et le même nombre d’électron et de proton, mais
un nombre de neutrons différent.
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4 Les premières données
La troisième information concernant Tchouri est son extrême porosité : on estime sa masse volumique à 470 kg/m³, elle flotte donc sur l’eau ! Étant donné sa composition, il faut qu’elle ait
une porosité de 70 à 80%, c’est-à-dire que sur un bloc de 1 m³, seul 0,2 m³ soit effectivement
composé de matière. C’est beaucoup plus que du sable (porosité d’environ 30%), mais beaucoup
moins qu’une éponge (plus 90%). La question ici est bien évidemment la répartition de ces « trous
». Il peut s’agir de vrais trous dans la comète, ou bien d’une matière poreuse sur l’ensemble de
la comète (comme de la pierre ponce). Des mesures tomographiques ont pu être réalisées pour
répondre à cette question, et les résultats devraient arriver dans quelques mois.
La composition la plus interne de la chevelure a pu être analysée. Il s’agit principalement d’eau,
de gaz carbonique et de différents composés carbonés, comme du CO ou du H2 CO .
Pour finir, on a pu estimer l’inertie thermique de la comète. Le principe est simple : plus l’inertie thermique est forte, plus un matériau met du temps pour atteindre la température du milieu
dans lequel il est. Dans le cas de Tchouri, l’inertie thermique est extrêmement faible, si bien que
toute exposition au Soleil provoque la chauffe immédiate de la comète. Comme la chauffe (ou le
refroidissement) est immédiate, cela provoque deux chocs thermiques par journée cométaire. On
a pu voir cet effet en direct grâce à la forme étrange de la comète : en tournant, certaines zones
passent brusquement du jour à la nuit (la comète éclipsant elle-même le Soleil), et la température dans cette zone chute alors brutalement. De plus, la comète est faite dans un matériau très
isolant (le cœur de celle-ci est donc peu chauffé, sans quoi il ne lui resterait plus d’eau !).
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5 Philae
Le robot a débarqué sur la comète, mais n’a malheureusement pas pu atterrir correctement. Il a
rebondi plusieurs fois (son trajet a pu être suivi par Rosetta).
Figure : Trajectoire de Philae. Image : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP
source.
Il est aujourd’hui stabilisé, mais aucun de ses deux systèmes de harponnage ne s’est enclenché.
D’après les photos qu’il a envoyées, il serait sur deux pieds (au lieu de trois), avec au moins une
caméra latérale pointée vers le ciel. Le forage n’a pas permis de forer quoi que ce soit (enfin, de
l’air…), et une partie des instruments n’est pas utilisable. L’un des spectromètre a donné des
mesures très importantes de cuivre. Trop importantes : il s’agit de celui qui recouvre les parois
de l’appareil, le sas ne s’est pas ouvert ! Il y a bien du cuivre sur Tchouri, mais il vient de la Terre.
ˆˆ Fort heureusement, une grande partie des instruments fonctionne, mais leurs résultats n’ont
pas encore pu être traités.
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6 Conclusion
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7 Et ensuite ?
Ce ne sont que les premiers résultats. Rosetta va suivre Tchouri pendant encore plusieurs mois,
jusqu’au périhélie. D’ici là, de nouveaux résultats devraient arriver, notamment les résultats «
au sol » de Philae. La seconde salve d’articles devrait arriver en avril ou mai.
Mise à jour du 13 juin 2015 : de nouveaux résultats sont parus ; vous trouverez sur ZdS un article
faisant suite à celui-ci.
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8 Remerciements
Je voudrais remercier Sonia Fornasier (de l’observatoire de Paris) et Pierre Drossart (directeur du
LESIA) pour leur très clair séminaire donné au laboratoire MSC, pierre_24 pour ses relectures
attentives et SpaceFox pour la validation !
*[LESIA] : Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique
<–COMMENT Liste des URL des images, y compris celles non mises dans l’article : - http ://www.esa.int/spaceinim
tails - http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2014/11/Philae_s_first_touchdown_seen_by_Rosetta_s_Nav
- http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2015/01/Imhotep_side - http ://www.esa.int/spaceinimages/Images
- http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2015/01/Comet_regional_maps - http ://www.esa.int/spaceinimage
to-hydrogen_in_the_Solar_System - http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2014/12/Kuiper_Belt_and_Oo
- http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2015/01/Fractures_uplift_and_debris - http ://www.esa.int/spacein
- http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2015/01/Crack_extension_in_Anuket - http ://www.esa.int/spacein
- http ://www.esa.int/spaceinimages/Images/2015/01/Hapi_and_Hathor - http ://www.esa.int/spaceinimages/Im
COMMENT–>
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9 Références et licences
Cet article tente de résumer les articles diffusés sur Science.
Bien des images comme un paquet d’infos viennent du blog officiel sur Rosetta.
Voyez aussi le site de l’ESA consacré à la mission, celui du CNES et le communiqué du CNRS.
Sauf mention explicite, les images provenant de l’ESA sont soumises à la licence suivante :
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