logies existentiales ou existentielles (M. Heidegger, J.-P. Sartre) consisterait
pour l’essentiel en un « tournant pratique » imposé à la phénoménologie
husserlienne1.
À ce compte, de Foucault à Husserl, nulle rencontre ne serait pensable.
Le premier, indécrottable anti-phénoménologue — et anti-philosophe à ses
heures —, serait le penseur d’une expérience (Erfahrung) pratique, « sen-
sible », ou bien l’expérimentateur d’une pensée pratique, dans le sillage, par
exemple, de Nietzsche. À Husserl reviendrait plutôt, par la patiente explo-
ration de l’expérience vécue (Erlebnis), d’avoir ranimé le sens originaire de
la philosophie comme pure theōria. Mais faut-il se satisfaire de ce rapide
constat ?
Mon point de départ sera l’exploration de ce premier bilan : il faudra
éprouver les raisons des difficultés d’un dialogue Husserl/Foucault (difficul-
tés telles que leur rencontre semble de prime abord impossible).
Mais si la rupture est forte, si elle court si profondément, c’est pour
une raison simple : Foucault a construit sa propre pensée en opposition à une
phénoménologie d’ascendance husserlienne. C’est donc qu’avant la
séparation, il dut y avoir rencontre ; c’est donc enfin que les points de ren-
contre sont permis, qu’il est possible de les mettre en évidence. Le ques-
tionnement de la réduction husserlienne comme pratique de soi est l’un de
ces points ; cette recherche nous mènera également, autour de la notion
d’historicité, à un autre point de jonction. On comprendra ainsi pourquoi, du
point de vue de Foucault, il était bel et bien légitime de penser d’un même
mouvement, d’une seule pensée, et Nietzsche, et Husserl.
Le raisonnement devra toutefois encore se renverser. Cette question de
l’historicité permet en effet de prendre la mesure de la différence radicale de
ces deux entreprises — encore cela réclame-t-il de poser la difficile question
du transcendantal et de son/l’histoire. Ce faisant, on saisira peut-être le
pourquoi de l’impossibilité de cette rencontre, c’est-à-dire, d’un mot, l’irré-
ductibilité de l’expérience-limite à l’expérience vécue, du « soi hors de soi »
à l’ego transcendantal, d’une pensée de la pratique comme saut hors d’elle-
même à une pensée de la theōria ressaisie dans son originarité — de la
1 En ce sens, il aurait peut-être été moins surprenant d’interroger le rapport de
Foucault à Heidegger : l’influence de ce dernier sur la pensée foucaldienne fut déci-
sive, on le sait, et tant Les mots et les choses que les derniers tomes de l’ « Histoire
de la sexualité » en témoignent. Ayant suivi cette piste dans mon mémoire de DEA
(Michel Foucault et l’expérience de la pensée. Notes sur Foucault et Heidegger,
Université de Liège, 2007), j’ai décidé d’opter ici pour la mise en évidence d’une
autre ligne d’influence de la production foucaldienne.
Bulletin d’analyse phénoménologique IV 3 (2008) http://popups.ulg.ac.be/bap.htm © 2008 ULg BAP
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