Adam Smith ( 1723-1790) Stage avril 2015 Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 1 Sa biographie. Né en 1723 à Kirkaldy en Écosse, il étudie la philosophie morale à Glasgow. Lors de ses études, il découvre D Hume (1711-1776) « Traité sur la nature humaine » (1735) avec lequel il se lie d’amitié. En 1751, il obtient la chaire de logique à l’université de Glasgow, puis à trente ans, il est transféré à la chaire de philosophie morale qu’il conservera pendant douze années. En 1759, il publie « La théorie des sentiments moraux ». Il s’interroge sur le fait qu’un même individu puisse dans certaines situations, manifester des comportements égoïstes où prime l’intérêt personnel, alors que dans d’autres situations, il se révèle agir sous le « regard d’un spectateur impartial » conformément à une morale inspirée par la communauté. Il affirme que les gens prennent des décisions « morales » grâce à leur sentiment de sympathie pour autrui. En 1764, il devint le précepteur du jeune Duc de Buccleuch. Il accompagne le jeune homme en Europe. Il découvre d’Alembert et rencontre Quesnay et Turgot qui l’initient à l’économie politique. En 1776, il publie « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Il meurt en 1790 à Edimbourg en Écosse. A Smith est souvent appelée le « père de l’économie ». Il est le défenseur du libéralisme économique, (mais dans une certaine mesure nous reviendrons sur sa conception des fonctions de l’ État) et il est à l’origine de la valeur travail. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 2 Ses inspirateurs. Bernard de Mandeville (1670-1733): En 1705, Mandeville publie « La Fable des abeilles ». L’idée du livre est contenu dans le sous-titre « les vices privés font la prospérité publique ». Ce texte provocateur dénonce les vertus des puritains. Les abeilles de la fable deviennent pauvres quand elles se mettent à travailler et à accumuler. Dans cette fable, Mandeville veut montrer que l’intérêt est un élément de cohésion plus fort que le dévouement, et que la dépense est un facteur de richesse plus utile que l’épargne. « Oui, si un peuple veut être grand Le vice est aussi nécessaire à l’État Que la faim l’est pour le faire manger La vertu seule ne peut faire vivre les nations ». Cet immoralisme, loin d’engendrer la pauvreté, est selon Mandeville, utile à la société. La dépense est source d’emploi et de richesse. Cette fable prépare les esprits à la conception d’un individu mû par son seul intérêt individuel. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 3 Ses inspirateurs. David Hume (1711-1776): Il entretient une grande amitié avec A Smith. David Hume est un philosophe dans la lignée de John Locke. D Hume publie entre 1752 et 1758 sept textes de réflexion économique. Il réfute l’idée mercantiliste selon laquelle il est important de détenir un stock de monnaie important. Il conteste l’idée selon laquelle le déficit commercial est source de tous les maux. Pour cet auteur, toute augmentation de la quantité de monnaie se traduit par une hausse des prix et la recherche des excédents extérieurs (par le bais d’une politique protectionniste) est vaine. L’excédent extérieur se traduit par une augmentation de la masse monétaire qui entraîne une baisse de la compétitivité et tarit les débouchés à l’exportation. Il montre ainsi, qu’il est préférable de laisser le commerce international se développer librement. La philosophie sous-jacente de D Hume est celle d’un libéralisme économique tempéré. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 4 Ses inspirateurs. Les physiocrates ( F Quesnay, R Turgot): Les physiocrates sont considérés avec des philosophes comme J Locke (1632-1704), comme les intellectuels à l’origine du développement du libéralisme. Sur le plan économique le libéralisme est une doctrine qui considère que la régulation par le marché est la meilleure modalité de gestion des richesses. Le primat des libertés individuelles s’articule avec la propriété privée, et de ce fait, l’intervention de l’État est perçue comme un obstacle à ces libertés. A Smith n’est pas un physiocrate mais pendant la période où il réside à Paris, il assiste aux réunions des physiocrates. Comme F Quesnay (1694-1774), il croit aux bienfaits de l’agriculture. Les physiocrates pensent que l’enrichissement monétaire ne doit pas être l’objectif d’une économie. Seules les productions agricoles constituent de véritables richesses. Les physiocrates l’inspirent aussi, par leur éloge du marché sans intervention publique. Ils considèrent que l’État ne doit pas intervenir dans l’économie. A Smith affirmera lui-aussi que c’est au moyen du « laissez-faire » et du « laissez-passer » que l’on obtient une économie prospère. Les physiocrates sont libre-échangistes et s’opposent au protectionnisme de Colbert qui limite les exportations de blé. Ils considèrent qu’il faut favoriser les exportations de blé et l’augmentation du prix des produits agricoles afin d’encourager les agriculteurs à accroître leur production. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 5 La pensée économique d’Adam Smith (1723-1790) « Donnez-moi ce dont j’ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » , Livre 1 chapitre II, 1776 Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 6 De la morale à l’économie Adam Smith est souvent considéré comme l'auteur emblématique du libéralisme, qui incarnerait la foi dans les vertus du marché. Les lectures de A. Smith qu'apportent aujourd'hui, historiens de la pensée économique et philosophes, remettent en cause cette vision simpliste, et font de l'Écossais un auteur complexe, à la croisée de l'économie et de la philosophie morale. En 1759 paraît la « Théorie des sentiments moraux », le premier ouvrage du philosophe écossais. Son objet : définir les principes de la morale, saisir les vertus nécessaires au bon fonctionnement de la société et comprendre d’où vient le sens moral. Ce n’est pourtant pas cet ouvrage qui marquera la postérité, mais « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » (1776), considéré par la science économique comme l’œuvre fondatrice de la discipline. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 7 « L’Enquête sur la nature et les causes de la Richesse des Nations » 1776. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 8 Dans son ouvrage « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » (1776), A Smith cherche à identifier les causes de l’enrichissement des pays, c’est-à-dire de la croissance économique. Ce livre est considéré aujourd’hui, comme le premier livre majeur de l’histoire de la pensée économique moderne. Dans cet ouvrage A Smith s’intéresse aux déterminants de la richesse des nations et notamment aux déterminants de la croissance économique ( livres I et II). Dans le livre III, il présente les progrès de l’opulence chez les différentes nations, et il dresse un tableau économique de l’histoire occidentale fondée sur la division du travail. Dans le livre IV, il propose une critique des systèmes économiques de son époque, le mercantilisme. Dans le livre V, A Smith interroge les modalités et le financement de l’intervention de l’Etat. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 9 Les déterminants de la richesse des nations. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 10 La division du travail est source d’efficacité et de croissance. Pour A Smith, la richesse des nations résulte de la division du travail de plus en plus poussée. L’échange conduit à la division du travail et l’efficacité de cette dernière conditionne croissance et emploi. Pour analyser la division technique du travail, A Smith part de la description d’une manufacture d’épingles. Il montre que la division du travail permet d’accroître la force productive du travail. La division du travail est le facteur principal de l’accroissement de la productivité. « Les plus grandes améliorations dans la puissance productive, et la plus grande partie de l’habileté, de l’adresse et de l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qui semble, à la division du travail ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre I chapitre 1. La division du travail conduit chacun à se spécialiser dans l’activité où il est plus productif que les autres, ce qui contribue à une augmentation de la productivité et donc de la production. Les peuples ainsi concernés s’enrichissent. La division du travail débouche pour A Smith, sur l’enrichissement du plus grand nombre. Cependant A Smith dénonce les effets abrutissants de la division du travail. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 11 La division du travail est source d’efficacité et de croissance. Les liens entre la division du travail, la spécialisation et la productivité. Division du travail Spécialisation Gain de temps, élimination des temps morts Dextérité, la répétition du geste accroît l’habileté Productivité Progrès technique, la division du travail rend possible l’utilisation des machines Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 12 Les déterminants de la division du travail: la faculté d’échanger, la taille du marché , et l’accumulation du capital. La division du travail est la conséquence du penchant naturel des hommes à échanger. « Les hommes ont un penchant à trafiquer, à faire du troc et des échanges d’une chose pour une autre. Il n’est pas de notre sujet d’examiner si ce penchant est un de ces premiers principes de la nature humaine dont on ne peut se rendre compte, ou bien comme cela paraît plus probable, s’il est une conséquence nécessaire de l’usage de la raison et de la parole. Il est commun à tous les hommes, et on ne l’aperçoit dans aucune autre espèce d’animaux, pour lesquels ce genre de contrat est aussi inconnu que tous les autres ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776. Une des singularité de l’analyse smithienne est de montrer que ce n’est pas la division du travail qui implique l’échange mais l’échange qui engendre la division du travail. Ainsi, plus la propension à échanger est étendue dans une société, plus la facilité d’effectuer des marchés et des contrats est développée, et plus la division du travail se développe. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 13 Les déterminants de la division du travail: la faculté d’échanger, la taille du marché , et l’accumulation du capital. Déterminée par le penchant naturel des hommes à échanger, la division du travail l’est aussi par la taille du marché. C’est l’étendue des marchés qui permet le plein épanouissement de cette dynamique des échanges. Division, spécialisation du travail deviennent intéressantes à condition qu’il existe des marchés importants. « Puisque c’est la faculté d’échanger qui donne lieu à la division du travail, l’accroissement de cette division doit par conséquent, toujours être limité par l’étendue de la faculté d’échanger, ou, en d’autres termes, par l’étendue du marché. Si le marché est très petit, personne ne sera encouragé à s’adonner entièrement à une seule occupation, faute de pouvoir trouver à échanger tout le surplus du produit de son travail qui excédera sa propre consommation contre un pareil surplus du produit du travail d’autrui qu’il voudrait se procurer ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre I chapitre III. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 14 La division du travail est source d’efficacité et de croissance. Les liens entre division du travail, productivité, richesses produites et hausse de la taille des marchés. Hausse de la division du travail Hausse de la productivité Hausse de la taille des marchés Hausse des richesses produites Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 15 Les déterminants de la division du travail: la faculté d’échanger, la taille du marché , et l’accumulation du capital. La division du travail nécessite également la constitution d’un fonds qui doit assurer la subsistance du travailleur pendant l’activité productive et jusqu’à la vente du produit de son travail. Elle doit en outre lui permettre d’acquérir les matières premières et les outils de son ouvrage. « Puis donc que, dans la nature des choses, l’accumulation du capital est un préalable nécessaire à la division du travail, le travail, ne peut recevoir des subdivisions ultérieures qu’en proportion de l’accumulation progressive des capitaux [...]. A mesure donc que la division du travail est plus grande, il faut, pour qu’un même nombre d’ouvriers soit constamment occupé , qu’on accumule d’avance une égale provisions de vivres, et une provision de matières et d’outils plus forte que celle qui aurait été nécessaire dans un état de choses moins avancé [...]. De même que le travail ne peut acquérir cette grande extension productive sans une accumulation préalable de capitaux, de même l’accumulation des capitaux amène naturellement cette extension ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre II, introduction. Dans cette perspective toute accumulation du capital est de nature à accroître l’efficacité du travail. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 16 Les déterminants de la division du travail: la faculté d’échanger, la taille du marché , et l’accumulation du capital. Le stock de capital est pour A Smith un déterminant essentiel de la richesse des nations puisqu’il accroît à la fois la puissance productive et détermine le nombre de travailleurs productifs employés. Or le stock de capital dont dispose une nation est d’abord déterminé par sa propension à accumuler des richesses, c’est-à-dire l’épargne. « Les capitaux augmentent par l’économie; ils diminuent par la prodigalité et la mauvaise conduite. Tout ce qu’une personne épargne sur son revenu, elle l’ajoute à son capital [...]. Un homme économe, par ses épargnes annuelles, non seulement fournit de l’entretien à un nombre additionnel de gens productifs pour cette année ou pour la suivante, mais il est comme le fondateur d’un atelier public, et établit en quelque sorte un fonds pour l’entretien à perpétuité d’un même nombre de gens productifs [...]. Si la prodigalité de quelques-uns n’était pas compensée par la frugalité des autres, tout prodigue, e, nourrissant ainsi la paresse avec le pain de l’industrie, tendrait par sa conduite à appauvrir le pays ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre II, chapitre III. Rappelant que les capitaux sont accrus par la parcimonie, et diminués par la prodigalité, A Smith suggère que le caractère du peuple, et plus particulièrement des capitalistes est le déterminant essentiel de l’accumulation du capital. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 17 La division du travail est source d’efficacité et de croissance. Les liens entre division du travail et croissance économique. Division du travail Productivité du travail Capital Epargne Augmentation des richesses produites Division du travail, accumulation du capital et échange apparaissent comme les éléments fondamentaux de la croissance économique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 18 La métaphore de la main invisible. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 19 La métaphore de la main invisible. A Smith accorde une grande importance aux vertus de la concurrence. La main invisible assure la société que ce qui est produit correspond aux besoins de ses membres, et ce dans les quantités désirées. Cette image de la main invisible est déjà utilisée dans la Théorie des sentiments moraux (quatrième partie, chapitre1 ) : « Une main invisible semble les forcer à concourir à la même distribution des choses nécessaires à la vie qui aurait eu lieu si la terre eût été donnée en égale portion à chacun de ses habitants ; et ainsi, sans en avoir l’intention, sans même le savoir, le riche sert l’intérêt social et la multiplication de l’espèce humaine. » Les comportements individuels s’agrègent harmonieusement. Chaque individu, en recherchant son intérêt personnel, œuvre « intentionnellement » pour l’intérêt général. La métaphore de la « main invisible » illustre l’idée que les actions individuelles conduisent indépendamment des intentions des agents à l’enrichissement des nations. Poussé par le seul aiguillon de l’intérêt personnel, chacun cherche à satisfaire au mieux les autres pour en tirer un bénéfice. « Mais l’homme a presque continuellement besoin de ses semblables, et c’est en vain s’il se fiait à leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s’il s’adresse à leur intérêt personnel et s’il les persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu’il souhaite d’eux. C’est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque; le sens de sa proposition est ceci : donnez-moi ce dont j’ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même, et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont nécessaires s’obtiennent de cette façon ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre I chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 20 La métaphore de la main invisible. « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais à leur égoïsme; et ce n’est jamais de leurs besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre I chapitre II. A Smith affirme à travers la métaphore de la « main invisible » que l’harmonie sociale vient du respect par chacun de ses intérêts propres (idée reprise de Mandeville). Avec A Smith la poursuite de l’intérêt personnel devient un régulateur efficace des relations économiques et sociales. La recherche par chacun de son intérêt individuel permettra, en situation de concurrence, d’atteindre l’optimum général ; la main invisible « du marché » permet de concilier les intérêts individuels et l’ intérêt général. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 21 La métaphore de la main invisible. « À la vérité, son intention, en général n’est pas de servir l’intérêt public, et il ne sait même pas jusqu’à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l’industrie nationale à celui de l’industrie étrangère, il ne pense qu’à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu’à son propre gain ; en cela comme dans beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions, et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre nullement dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre IV chapitre II. « La main invisible », décrit le mécanisme par lequel certains actes individuels contribuent au bien commun indépendamment de toute intention bienveillante. La main invisible est souvent interprétée comme étant au fondement du libéralisme économique : le maximum de liberté accordée aux agents économiques, marchands en particulier, c’est-à-dire le minimum d’intervention de l’État dans l’économie, conduit au maximum de bien-être pour tous, grâce à ce mécanisme qualifié alors de « providentiel ». Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 22 Valeur et prix dans l’analyse smithienne. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 23 La mesure et la cause de la valeur La valeur des marchandises. Pour A Smith, il faut distinguer la valeur en usage de la valeur en échange. La valeur en usage résulte de l’utilité de la marchandise et la valeur en échange exprime la faculté que donne la possession de cette marchandise pour acheter d’autres marchandises. « Il faut observer que le mot valeur a deux significations différentes : quelquefois il signifie l’utilité d’un objet particulier, et quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d’en acheter d’autres marchandises. On peut appeler l’une, valeur en usage et l’autre valeur en échange. [...] Il n’ y a rien de plus utile que l’eau, mais elle ne peut presque rien acheter ; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un diamant au contraire, n’a presque aucune valeur quant à l’usage, mais on trouvera fréquemment à l’échanger contre une très grande quantité de marchandises ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776,livre I chapitre IV. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 24 La mesure et la cause de la valeur Pour A Smith, la valeur en échange représente le prix réel de la marchandise et elle provient du travail nécessaire à sa production. La valeur des marchandises provient de la quantité de travail nécessaire pour les produire. « Ainsi la valeur d’une denrée quelconque pour celui qui la possède, et qui n’entend pas en user ou la consommer lui-même, mais qui a l’intention de l’échanger pour autre chose, est égale à la quantité de travail que cette denrée le met en état d’acheter ou de commander. Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise. Le prix réel de chaque chose, ce que chaque chose coûte réellement à celui qui veut se la procurer, c’est le travail et la peine qu’il doit s’imposer pour l’obtenir ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776,livre I chapitre V. Le prix réel d’une marchandise est selon A Smith égal à la quantité de travail qu’elle peut commander. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 25 La mesure et la cause de la valeur Cependant, A Smith sait que dans la pratique quotidienne, le jeu de l’offre et de la demande peut forger un prix de marché nominal qui fluctue autour du prix réel. Il précise la notion de prix nominal d’un bien. Le prix nominal d’un bien est la quantité d’argent nécessaire pour obtenir ce bien. « Mais quoique le travail soit la mesure réelle de la valeur échangeable de toutes les marchandises, ce n’est pourtant pas celle qui sert communément à apprécier cette valeur. Il est souvent difficile de fixer la proportion entre deux différentes quantités de travail. [...] D’ailleurs, chaque marchandise est plus fréquemment échangée et comparée, avec d’autres marchandises qu’avec du travail. Il est donc plus naturel d’estimer sa valeur échangeable par la quantité de quelque autre denrée que par celle du travail qu’elle peut acheter. [...] Ainsi le travail, ne variant jamais dans sa valeur propre, est la seule mesure réelle et définitive qui puisse servir, dans tous les temps et tous les lieux, à apprécier et à comparer la valeur de toutes les marchandises. Il est leur prix réel, l’argent n’est que le prix nominal ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776,livre I chapitre V. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 26 La critique du système mercantile. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 27 Un opposant aux thèses mercantilistes. Opposé aux mercantilistes, il définit la richesse non pas comme une quantité de monnaie ou de métaux précieux, mais comme « l’ensemble des choses nécessaires et commodes à la vie ». La véritable richesse n’est pas l’or mais les marchandises. Il s’agit donc d’une richesse réelle, et, pour lui, la seule source de création de richesse est le travail. « Le Travail annuel d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie ; et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, introduction. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 28 Un opposant aux thèses mercantilistes. A Smith s’oppose aux mercantilistes. Il juge le « système mercantile », dont les représentants sont plus influents, comme réellement nuisible à l’intérêt général. Pour ceux-ci, l’accroissement de la richesse nationale passe par l’excédent de la balance commerciale qui permet l’accumulation de métaux précieux. Ils sont donc favorables au protectionnisme contre lequel A. Smith s’inscrit. Pour A Smith, l’État ne doit pas intervenir dans le commerce : il ne faut pas chercher à réduire les importations car il est profitable d’acheter à l’étranger ce qui y est moins cher, et il faut rejeter les aides à l’exportation (par exemple les primes) car cela nuit à la concurrence en favorisant artificiellement certains producteurs et certains marchands. « En gênant, par de forts droits ou par une prohibition absolue, l’importation de ces sortes de marchandises qui peuvent être produites dans le pays, on assure plus ou moins à l’industrie nationale qui s’emploie à les produire, un monopole dans le marché intérieur. Ainsi, la prohibition d’importer ou du bétail en vie, ou des viandes salées à l’étranger, assure aux nourrisseurs de bestiaux, en Angleterre, le monopole du marché intérieur pour la viande de boucherie ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776,livre IV chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 29 Un partisan du libre-échange. A Smith préconise le libre-échange. Il montre que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels il est le plus avantagé (ceux qui nécessitent le moins de travail pour les produire). L’échange international est une source de bénéfices pour tous. Le raisonnement part de l’exemple individuel. Le spécialiste a une plus grande efficacité. En participant à la division du travail, on peut économiser son travail dans les domaines où l’on est médiocre et se consacrer aux domaines où l’on excelle. Le résultat est que chacun peut s’offrir un plus grand nombre de biens. « La maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu’à produire. Le tailleur ne cherche pas à faire des souliers, mais il les achète au cordonnier [...]. Il n’y en a pas un d’eux tous qui ne voie qu’il y va de son intérêt d’employer son industrie tout entière dans le genre de travail dans lequel il a quelque avantage sur ses voisins, et d’acheter toutes les autres choses dont il peut avoir besoin avec une partie du produit de cette industrie, ou, ce qui est la même chose, avec le prix d’une partie de ce produit ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776,livre IV chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 30 Un partisan du libre-échange. Pour A Smith, le raisonnement sur la spécialisation individuelle peut être généralisé aux nations. Les pays sont inégalement dotés par la nature, ce qui fonde une spécialisation sur leurs avantages absolus. « Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nos ne sommes en état de l’établir nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage. [...] Les avantages naturels qu’un pays a sur un autre pour la production de certaines marchandises sont quelquefois si grands, qu’au sentiment unanime de tout le monde, il y aurait folie à vouloir lutter contre eux. Au moyen de serres chaudes, de couches, de châssis de verre, on peut faire croître en Ecosse de forts bons raisins, dont on peut faire aussi de fort bon vin avec trente fois peut-être de dépense qu’il en coûterait pour s’en procurer de tout aussi bon à l’étranger. Or, trouverait-on bien raisonnable un règlement qui prohiberait, l’importation de tous les vins étrangers uniquement pour encourager à faire du vin de Bordeaux et du vin de Bourgogne en Écosse? » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776,livre IV chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 31 Un partisan du libre-échange. La théorie des avantages absolus. La division du travail est au cœur de la justification du commerce international. L’ouverture des frontières permet d’augmenter la taille des marchés et l’intensité de la division du travail par la spécialisation internationale. - Chaque pays se spécialise dans la production des biens pour lesquels il dispose des coûts de production les plus faibles. - Chaque pays a intérêt à exporter les biens qu’il produit de façon plus efficace que ses pays voisins et importer les autres types de biens. Les limites de la théorie des avantages absolus. Cette conception conduit à expliquer le commerce international par les avantages absolus de coût: une nation achète à l’étranger les biens dont les coûts moyens de production sont les plus faibles. Cependant ce raisonnement présente des limites: les nations désavantagées dans toutes les productions seraient dans l’impossibilité d’exporter et ne pourraient pas payer leurs importation. D Ricardo (1172-1823) « Principes de l’économie politique et de l’impôt » (1817), en raisonnant sur les avantages comparatifs, il montre pourquoi un pays qui serait plus efficace dans la production de tous les biens, aurait tout de même intérêt à entretenir des relations commerciales avec ses pays voisins. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 32 Le rôle de la puissance publique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 33 Un État minimal. A Smith est avant tout le fondateur du libéralisme moderne. A Smith croit au respect de l’ordre naturel. L’économie s’équilibre automatiquement, et l’État doit intervenir le moins possible dans l’économie. Le marché, en favorisant les échanges, autorise la rencontre et la spécialisation de tous les talents. Il contribue à l’allocation la plus efficace possible des facteurs de production. La liberté d’échanger est donc une condition sine qua non de la prospérité. Nul ne doit donc intervenir dans la vie économique, pas même le prince le plus éclairé. L’activité économique est le fait d’agents privés qui décident en toute liberté des transactions qu’ils veulent réaliser. « Quant à la question de savoir quelle est l’espèce d’industrie nationale que son capital peut mettre en œuvre, et de laquelle le produit permet de valoir davantage, il est évident que chaque individu, dans sa position particulière, est beaucoup mieux à même d’en juger qu’aucun homme d’État ou législateur ne pourra le faire pour lui. L’homme d’État qui chercherait à diriger les particuliers dans la route qu’ils ont à tenir pour l’emploi de leurs capitaux, non seulement s’embarrasserait du soin le plus inutile, mais encore, il s’arrogerait une autorité qu’il ne serait pas sage de confier, je ne dis pas à un individu, mais à un conseil ou à un sénat, quel qu’il pût être ; autorité qui ne pourrait jamais être plus dangereusement placée que dans les mains de l’homme assez insensé et assez présomptueux pour se croire capable de l’exercer ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre IV chapitre II. Vouloir orienter l’activité économique dans en un sens plutôt qu’un autre, c’est quasiment aller contre nature ; d’une part parce que cette intervention est nécessairement moins efficace ; d’autre part parce que le fonctionnement du marché repose sur des lois économiques qui, à travers la main invisible, s’imposent aux hommes. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 34 Le rôle de la puissance publique. Les devoirs du souverain. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 35 Les trois devoirs du souverain. A Smith distingue cependant trois prérogatives que le souverain doit légitimement exercer. Le rôle de cet État minimal se limite à trois fonctions, deux fonctions régaliennes et une fonction tutélaire. L’État doit: - protéger la nation (armée), - protéger les individus contre l’injustice et l’oppression (justice et police), -s’occuper des travaux d’infrastructures et d’éducation pour contrecarrer les effets négatifs de la division du travail (« ouvrages et institutions publics ») nécessaires pour le développement économique et non rentables pour le secteur privé. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 36 Les trois devoirs du souverain. « Dans le système de la liberté naturelle, le souverain n’a que trois devoirs à remplir ; trois devoirs à la vérité d’une haute importance, mais clairs, simples et à la portée d’une intelligence ordinaire. Le premier, c’est le devoir de défendre la société de tout acte de violence ou d’invasion de la part des autres sociétés indépendantes. Le second, c’est le devoir de protéger, autant qu’il est possible, chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre, ou bien le devoir d’établir une administration exacte de la justice. Et le troisième, c’est le devoir d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l’intérêt privé d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou à entretenir , parce que jamais le profit n’en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers, quoiqu’à l’égard d’une grande société ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les dépenses. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre IV, chapitre IX . Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 37 Le rôle de la puissance publique. Les justifications de l’intervention de l’État. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 38 Le manque de rentabilité et l’intérêt général. Pour A Smith, la puissance publique doit financer les projets collectivement nécessaires et socialement rentables. Il confère à la puissance publique le soin d’entretenir les infrastructures qui facilitent l’échange et le commerce. « Le troisième et dernier devoir du souverain ou de la république est celui d’élever et d’entretenir ces ouvrages et ces établissements publics dont une grande société retire d’immense avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou par quelques particuliers, attendu que pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense. Ce devoir exige aussi, pour le remplir, des dépenses dont l’étendue varie selon les divers degrés de la société. Après les travaux et les établissements publics nécessaires pour la défense de la société et pour l’administration de la justice, deux objets dont nous avons parlé, les autres travaux et établissements de ce genre sont principalement ceux pour faciliter le commerce de la société, et ceux destinés à étendre l’instruction parmi le peuple ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre I. Les ouvrages publics (ponts, routes, canaux) doivent être pris en charge par l’Etat car de tels projets ne sont pas toujours rentables et sont indispensables au développement économique. L’État doit donc intervenir pour pallier les insuffisances Stage M Gosse, en S Parayre académie AixduSES/Philosophie, marché en prenant charge leur construction (fonction d’allocation). 13/07/2017 Marseille 2015 39 L’éducation de la classe laborieuse. La puissance publique doit porter une attention particulière à l’éducation des membres de la classe laborieuse. La division du travail a des effets négatifs. Elle menace les dispositions morales et elle entraîne un déclin de l’échange conversationnel. « Ils1 n’ont guère de temps de reste à mettre à leur éducation. Leurs parents peuvent à peine suffire à leur entretien pendant l’enfance. Aussitôt qu’ils sont en état de travailler, il faut qu’ils s’adonnent à quelque métier pour pouvoir gagner leur subsistance. Ce métier est en général si simple et si uniforme, qu’il donne très peu d’exercice à leur intelligence; tandis qu’en même temps leur travail est à la fois si dur et si constant, qu’il ne leur laisse guère de loisir et encore moins de disposition à s’appliquer, ni même à penser à aucune autre chose ». 1. Les gens du peuple. A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre I. A Smith montre que les activités routinières font perdre l’habitude de la réflexion. Les capacités de l’individu se dégradent. Sa participation à la vie publique devient difficile car il est « incapable de juger des grands et vastes intérêts de son pays ». Le peuple doit se composer de citoyens aptes à comprendre les actions du souverain. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 40 L’éducation de la classe laborieuse. Pour A Smith le véritable enjeu concerne l’éducation du plus grand nombre. A Smith souligne que l’État tirera avantage de l’instruction des rangs inférieurs du peuple. « L’éducation de la foule du peuple, dans une société civilisée et commerçante, exige peut-être davantage les soins de l’État, que celle des gens qui sont mieux nés et qui sont dans l’aisance [...]. Plus elles1 seront éclairées , et moins elles seront sujettes à se laisser égarer par la superstition et l’enthousiasme , qui sont chez les nations ignorantes les sources ordinaires des plus affreux désordres. D’ailleurs un peuple instruit et intelligent est toujours plus décent dans sa conduite et mieux disposé à l’ordre, qu’un peuple ignorant et stupide [...] Le peuple est plus en état d’apprécier les plaintes intéressés des mécontents et des factieux; il est plus capable de voir clair au travers de leurs déclamations; pour cette raison, il est moins susceptible de se laisser entraîner dans quelque opposition indiscrète ou inutile contre les mesures du gouvernement ». 1 Les classes inférieures du peuple. A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre I. L’éducation doit être centrée sur les savoirs fondamentaux, puisque les membres des classes populaires disposent de peu de temps à consacrer à l’éducation étant obligés très rapidement de gagner leur subsistance. L’instruction du peuple est nécessaire pour éviter les désordres et les révoltes contre le souverain. Elle permet de devenir des citoyens éclairés. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 41 L’éducation de la jeunesse. L’éducation de la jeunesse est importante car l’artisanat et l’industrie naissante ont besoin d’une main d’œuvre suffisamment instruite pour travailler efficacement. « Cependant les parties les plus essentielles de l’éducation, lire, écrire et compter, sont des connaissances qu’ont peut acquérir à un âge si jeune, que la plupart même de ceux qui sont destinés aux métiers les plus bas ont le temps de prendre ces connaissances avant de commencer à se mettre à leurs travaux. Moyennant une très petite dépense l’État peut faciliter, peut encourager l’acquisition de ces parties essentielles de l’éducation parmi la masse du peuple, et même lui imposer, en quelque sorte, l’obligation de les acquérir. L’État peut faciliter l’acquisition de ces connaissances, en établissant dans chaque paroisse ou district une petite école où les enfants soient instruits pour un salaire si modique, que même un simple ouvrier puisse le donner; le maître étant en partie mais pas en totalité, payé par l’État, parce que, s’il l’était en totalité ou même pour la plus grande partie, il pourrait prendre l’habitude de négliger son métier ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre I. Tous les enfants doivent savoir lire et compter pour exercer un métier. A Smith montre l’utilité de l’éducation sur le plan économique (capital humain) et politique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 42 Les ressources de la puissance publique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 43 Trois sources de revenus. A Smith distingue trois sources de revenus dont peut disposer la puissance publique: - les sources du revenu provenant fonds appartenant au souverain, - la levée d’impôts sur le revenu des gens, - l’endettement. « Le revenu qui doit pourvoir non seulement aux dépense de la défense publique et à celle que demande la dignité du premier magistrat, mais encore à toutes les autres dépenses nécessaires du gouvernement, pour lesquelles la constitution de l’État n’a pas assigné de revenu particulier, peut-être tiré, soit en premier lieu de quelques fonds qui appartiennent en particulier au souverain ou à la république, et qui soient indépendants du revenu du peuple, soit, en second lieu, du revenu du peuple. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 44 Les ressources de la puissance publique. Les impôts. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 45 Les quatre maximes de l’impôt. Pour A Smith, pour que l’impôt soit accepté et légitime, il doit reposer sur quatre maximes: L’égalité devant l’impôt, « les sujets d’un État doivent contribuer au soutien du gouvernement, chacun, le plus possible, en proportion de ses facultés, c’est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l’État ». L’impersonnalité de l’impôt, « La taxe ou portion d’impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine et non arbitraire ». « Tout impôt doit être perçu à l’époque et selon le mode que l’on peut présumer les plus commodes pour le contribuable ». Le bon impôt est celui qui maintient l’incitation à produire, « Tout impôt doit être conçu de manière qu’il fasse sortir des mains du peuple le moins d’argent possible au delà de ce qui entre dans le trésor, et en même temps qu’il tienne le moins possible cet argent hors des mains du peuple avant d’entrer dans ce Trésor[...]. L’impôt peut entraver l’industrie du peuple et le détourner de s’adonner à certaines branches de commerce ou de travail, qui fourniraient de l’occupation et des moyens de subsistances à beaucoup de monde ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Au final, la puissance publique doit garantir l’égalité devant l’impôt et faire en sorte que l’impôt reste supportable. Des impôts modérés sont les plus à même de ne pas diminuer la consommation, de ne pas limiter l’activité productive et de ne pas inciter à la contrebande. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 46 Les impôts sur les revenus de la propriété du capital. A Smith est défavorable à l’imposition du profit pur qu’il présente comme « la compensation très modéré pour le risque et la peine d’employer les fonds ». « S'il était donc imposé directement à proportion du profit total qu'il retire, il serait obligé, ou d'élever le taux de son profit, ou de rejeter sur l'intérêt de l'argent, c'est-àdire de payer moins d'intérêt [...]. S'il l'employait, comme capital de fermier, à la culture de la terre, il ne pourrait faire hausser le taux de son profit qu'en retenant par ses mains une plus forte portion du produit de la terre, ou, ce qui revient au même, le prix d'une plus forte portion de ce produit; et comme cela ne pourrait se faire qu'en réduisant le fermage, le paiement définitif de l'impôt tomberait sur le propriétaire. S'il employait le capital comme capital de commerce ou de manufacture, il ne pourrait hausser le taux de son profit qu'en augmentant le prix de ses marchandises, auquel cas le paiement final de l'impôt tomberait totalement sur les consommateurs de ses marchandises. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. L’imposition sur le profit a pour conséquence une augmentation des prix faisant peser l’impôt sur les consommateurs ou une diminution de la rente foncière. Au final imposer les profits ne servirait pour A Smith à rien, sauf à faire peser l’impôt sur d’autres catégories que les propriétaires du capital physique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 47 Les impôts sur les revenus de la propriété du capital. A Smith est également réservé quant à l’imposition de l’intérêt de l’argent pour deux raisons: - les difficultés liées à l’estimation des capitaux possédés et prêtés, - la mobilité des capitaux. « Il y a cependant deux différentes circonstances qui rendent l'intérêt de l'argent un sujet d'imposition directe, beaucoup moins convenable que le revenu de la terre. Premièrement, la quantité et la valeur de la terre qu'un homme possède ne peuvent jamais être un secret, et peuvent toujours se constater avec une grande précision. Mais la somme totale de ce qu'il possède en capital est presque toujours un secret, et on ne peut guère s'en assurer avec une certaine exactitude [...]. En second lieu, la terre est une chose qui ne peut s'emporter, tandis que le capital peut s'emporter très facilement. Le propriétaire de terre est nécessairement citoyen du pays où est situé son bien. Le propriétaire de capital est proprement citoyen du monde, et il n'est attaché nécessairement à aucun pays en particulier. Il serait bientôt disposé à abandonner celui où il se verrait exposé à des recherches vexatoires qui auraient pour objet de le soumettre à un impôt onéreux. En emportant son capital, il ferait cesser toute l'industrie que ce capital entretenait dans le pays qu'il aurait quitté ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. A Smith rejette l’imposition sur l’intérêt et l’imposition des profits. Une telle fiscalité pénaliserait la croissance économique puisqu’elle risque de limiter les fonds alloués à l’entretien du travail productif. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 48 La condamnation des impôts sur les salaires du travail. A Smith condamne l’impôt portant sur les salaires. Tout impôt sur les salaires du travail fait augmenter son coût et réduit les profits. « La hausse que l'impôt occasionnerait dans les salaires du travail des ouvriers de manufacture serait avancée par le maître manufacturier, qui serait à la fois dans la nécessité et dans le droit de la reporter, avec un profit, sur le prix de ses marchandises [...]. Dans tous les cas, un impôt direct sur les salaires du travail doit nécessairement occasionner à la longue une plus forte diminution dans la rente de la terre, et en même temps une plus grande élévation dans le prix des objets manufacturés, que n'en aurait pu occasionner d'une part ni de l'autre une autre imposition d'une somme égale au produit de cet impôt, qui aurait été convenablement assise, partie sur le revenu de la terre et partie sur les objets de consommation. Si les impôts directs sur les salaires du travail n'ont pas toujours occasionné dans ces salaires une hausse proportionnée, c'est parce qu'ils ont, en général, occasionné une baisse considérable dans la demande de travail. Le déclin de l'industrie, la diminution des moyens d'occupation pour le pauvre, et le décroissement du produit annuel des terres et du travail du pays, sont en général les effets qu'ont amenés de pareils impôts ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Les impôts sur les salaires peuvent limiter la demande de travail et engendrer le ralentissement de l’activité économique. On retrouve l’analyse libérale considérant le coût du travail trop élevé comme étant un frein à la croissance économique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 49 Les impôts sur les rentes de terre et loyers des maisons. A Smith est cependant très favorable aux impôts sur les rentes de terre et les loyers de maisons. « Le luxe et la vanité forment la principale dépense du riche, et un logement vaste et magnifique embellit et étale, de la manière la plus avantageuse, toutes les autres choses du luxe et de vanité qu'il possède. Aussi un impôt sur les loyers tomberait, en général, avec plus de poids sur les riches, et il n'y aurait peut-être rien de déraisonnable dans cette sorte d'inégalité. Il n'est pas très déraisonnable que les riches contribuent aux dépenses de l'État, non seulement à proportion de leur revenu, mais encore de quelque chose au-delà de cette proportion ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. A Smith est favorable à la fiscalité relative à la rente car cet impôt ne retombe pas sur les salaires ou sur le capital, et ne pénalise pas la croissance économique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 50 Les ressources de la puissance publique. L’endettement public. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 51 L’endettement public. Adam Smith critique la solution de facilité que constitue l’endettement. Pour financer ses emprunts l’État a besoin de sujets disposant « d’une capacité et d’une inclination à prêter ». Un État endetté devient dépendant de la volonté des créanciers et des marchands. « Par conséquent, un pays qui abonde en marchands et manufacturiers abonde nécessairement en une classe de gens qui ont en tout temps la faculté d'avancer, s'il leur convient de le faire, de très grosses sommes d'argent au gouvernement; de là provient, dans les sujets d'un État commerçant, le moyen qu'ils ont de prêter [...]. Le marchand ou capitaliste se fait de l'argent en prêtant au gouvernement, et au lieu de diminuer les capitaux de son commerce, c'est pour lui une occasion de les augmenter. Ainsi, en général, il regarde comme une grâce du gouvernement d'être admis pour une portion dans la première souscription ouverte pour un nouvel emprunt; de là la bonne volonté ou le désir que les sujets d'un État commerçant ont de lui prêter. Le gouvernement d'un tel État est très porté à se reposer sur les moyens ou la bonne volonté qu'ont ses sujets de lui prêter leur argent dans les occasions extraordinaires. Il prévoit la facilité qu'il trouvera à emprunter, et pour cela il se dispense du devoir d'épargner ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. A Smith critique la solution de facilité que constitue l’endettement public. Il rend la puissance publique suspendue au bon vouloir des marchands et à leur disposition à lui prêter des fonds. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 52 Les ressources de la puissance publique. Les effets pervers de l’endettement public. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 53 Les conflits armés. L’endettement public présente différents effets pervers: Il permet de financer la guerre et en ce sens, il favorise les conflits armés, « Le défaut d'économie, en temps de paix, impose la nécessité de contracter des dettes en temps de guerre. Quand survient la guerre, il n'y a dans le Trésor que l'argent nécessaire pour faire aller la dépense ordinaire de l'établissement de paix [...].Mais au moment même où commence la guerre, ou plutôt au moment même où elle menace de commencer, il faut que l'armée soit augmentée; il faut que la flotte soit équipée; il faut que les villes de garnison soient mises en état de défense; il faut que cette armée, cette flotte, ces garnisons soient approvisionnées de vivres, d'armes et de munitions. C'est une énorme dépense actuelle qui doit parer à ce moment de danger actuel, et il n'y a pas moyen d'attendre les rentrées lentes et successives des nouveaux impôts. Dans ce besoin urgent, le gouvernement ne saurait avoir d'autre ressource que celle des emprunts. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 54 La dépendance par rapport à l’étranger. L’endettement public engendre un risque de dépendance par rapport à l’étranger (la dette publique britannique était financée par les hollandais), et notamment une fuite des capitaux vers l’étranger (paiement des intérêts) réduisant les fonds disponibles pour financer la croissance économique. « Dans les paiements qui se font des intérêts de la dette publique, a-t-on dit, c'est la main droite qui paie à la main gauche. L'argent ne sort pas du pays. C'est seulement une partie du revenu d'une classe d'habitants qui est transportée à une autre classe, et la nation n'en est pas d'un denier plus pauvre. Cette apologie est tout à fait fondée sur les idées sophistiques de ce système mercantile que j'ai combattu dans le livre IVe de ces Recherches, et après la longue réfutation que j'ai faite de ce système, il est peut-être inutile d'en dire davantage sur cette matière. C'est supposer d'ailleurs que la totalité de la dette publique appartient aux habitants de ce pays; ce qui ne se trouve nullement vrai, les Hollandais, aussi bien que les autres nations étrangères, ayant une part très considérable dans nos fonds publics. Mais quand même la totalité de la dette appartiendrait à des nationaux, ce ne serait pas une raison de conclure qu'elle n'est pas un mai extrêmement pernicieux ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 55 L’effet d’éviction. L’endettement détourne une partie du capital de la nation de l’entretien des travailleurs productifs pour financer les dépenses de l’État (effet d’éviction), l’endettement est donc défavorable à la croissance économique. « Il y a un auteur qui a représenté les fonds publics des différentes nations endettées de l'Europe, et spécialement ceux de l'Angleterre, comme l'accumulation d'un grand capital ajouté aux autres capitaux du pays, au moyen duquel son commerce a acquis une nouvelle extension, ses manufactures se sont multipliées, et ses terres ont été cultivées et améliorées beaucoup au-delà de ce qu'elles l'eussent été au moyen de ses autres capitaux seulement. Cet auteur ne fait pas attention que le capital avancé au gouvernement par les premiers créanciers de l'État était, au moment où ils ont fait cette avance, une portion du produit annuel, qui a été détournée de faire fonction de capital pour être employée à faire fonction de revenu, qui a été enlevée à l'entretien des ouvriers productifs pour servir à l'entretien de salariés non productifs, et pour être dépensée et dissipée dans le cours, en général, d'une seule année, sans laisser même l'espoir d'aucune reproduction future [...] S'ils n'eussent point fourni leur capital au gouvernement, il y aurait eu alors dans le pays deux capitaux au lieu d'un, deux portions du produit annuel au lieu d'une, employées à entretenir du travail productif. ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie Aix13/07/2017 1776, Marseillelivre 2015 V, chapitre II. 56 La fuite des capitaux. L’endettement est d’autant plus défavorable que pour payer les intérêts de la dette, il contraint la puissance publique à augmenter les impôts qui peuvent à leur tour favoriser un départ des capitaux et affecter la croissance économique. Ce qui déclinera la capacité de la puissance publique à rembourser sa dette. « Quand, par l'effet de la multiplicité des impôts sur les choses propres aux besoins et aisances de la vie, les capitalistes et ceux qui font valoir des capitaux viennent à s'apercevoir que, quelque revenu qu'ils puissent retirer de leurs fonds, ce revenu n'achètera jamais, dans le pays où ils sont, la même quantité de ces choses que ce qu'ils en auraient dans tout autre pays avec le même revenu, ils sont portés à chercher quelque autre résidence. Et quand, à raison de la perception de ces impôts, tous ou la plus grande partie des marchands et manufacturiers, c'est-à-dire tous ou la plus grande partie de ceux qui font valoir de grands capitaux, viennent à être continuellement exposés aux visites fâcheuses et aux recherches vexatoires des collecteurs de l'impôt, cette disposition à changer de résidence se réalise bientôt par une émigration. L'industrie du pays tombera nécessairement quand on lui aura retiré les capitaux qui la soutenaient, et la ruine du commerce et des manufactures suivra le dépérissement de l'agriculture. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 57 Les ressources de la puissance publique. Les conséquences d’un endettement public excessif. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 58 La banqueroute. En cas d’endettement public insupportable, l’État peut être contraint à la faillite. « Quand la dette nationale s'est une fois grossie jusqu'à un certain point, il n'y a pas, je crois, un seul exemple qu'elle ait été loyalement et complètement payée. Si jamais la libération du revenu public a été opérée tout à fait, elle l'a toujours été par le moyen d'une banqueroute, quelquefois par une banqueroute ouverte et déclarée, mais toujours par une banqueroute réelle, bien que déguisée souvent sous une apparence de paiement. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 59 Les moyens dont dispose l’État pour éviter la faillite . L’État dispose alors de plusieurs moyens pour remédier à la faillite: la dépréciation de la valeur de la monnaie et donc l’inflation qui permet de réduire mécaniquement la valeur des dettes à rembourser mais cela conduit à ruiner les créanciers, « L'expédient le plus ordinaire qu'on ait mis en œuvre pour déguiser une vraie banqueroute nationale sous l'apparence d'un prétendu paiement, c'est de hausser la dénomination de la monnaie [...]. Mais dans presque tout pays les créanciers de l'État sont, pour la plupart, des gens opulents, plutôt sur le pied de créanciers, que sur celui de débiteurs avec le reste de leurs concitoyens. Ainsi, un prétendu paiement de ce genre aggrave le plus souvent la perte des créanciers de l'État au lieu de le soulager; et sans aucun avantage pour le public, il étend la plaie sur un grand nombre d'autres personnes qui ne devraient y être pour rien.» A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 60 Les moyens dont dispose l’État pour éviter la faillite . Augmenter le revenu public et réduire les dépenses publiques. « Il est évident qu'on ne saurait se flatter d'atteindre à cette libération, à moins de quelque augmentation considérable dans le revenu public, ou bien de quelque réduction non moins considérable dans la dépense.» • Pour augmenter le revenu public, la puissance publique peut augmenter les impôts sur les rentes de la terre et les loyers des maisons et les répartir avec plus d’égalité. « Une taxe foncière répartie avec plus d'égalité, un impôt aussi plus égal sur le loyer des maisons, et des réformes dans le système actuel des douanes et de l'accise, telles que celles proposées dans le chapitre précédent, pourraient peut-être, sans augmenter la charge de la majeure partie du peuple, et seulement en en répartissant le poids d'une manière plus égale sur la totalité, donner lieu à un accroissement considérable du revenu public. Toutefois, il n'y a pas de faiseur de projets, quelque exalté qu'il puisse être dans ses idées, qui ose se flatter qu'avec une augmentation quelconque de ce genre il soit encore possible d'espérer raisonnablement, soit une libération totale du revenu public, soit même un acheminement assez avancé vers cette libération, en temps de paix, pour prévenir ou balancer, dans la guerre suivante, un nouvel accroissement du capital de la dette. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 61 Les moyens dont dispose l’État pour éviter la faillite . • Pour augmenter le revenu public, la puissance publique peut aussi mettre en en place un système de paiement de papier monnaie pour servir aux transactions intérieures. Comme dans le cas de la Pennsylvanie, la puissance publique peut en tirer un revenu en prêtant le papier-monnaie à ses sujets. A Smith voit déjà dans le processus de création de monnaie scripturale, un facteur de la croissance économique. « On a fait voir, dans le IIe livre de ces Recherches, que les affaires intérieures d'un pays quelconque, au moins dans les temps de tranquillité, pouvaient marcher à l'aide d'un papier ayant cours de monnaie, avec à peu près autant d'avantage que si l'on employait de la monnaie d'or et d'argent. Pour les Américains, qui sont toujours dans le cas d'employer avec profit à l'amélioration de leurs terres de plus grands capitaux que tous ceux qu'il leur est possible de se procurer aisément, c'est un avantage que d'épargner, autant qu'il se peut, la dépense d'un instrument de commerce aussi dispendieux que l'or et l'argent, et de consacrer cette partie de leur produit superflu qu'absorberait l'achat de ces métaux à acheter bien plutôt les instruments de métier, les matières pour vêtements, les ustensiles de ménage, les ouvrages en fer, et enfin tout ce qui leur est nécessaire pour former leurs établissements et étendre leurs plantations, à acquérir un fonds actif et productif, plutôt qu'un fonds mort et stérile. Chaque gouvernement colonial trouve son intérêt à fournir au peuple du papiermonnaie en une quantité largement suffisante, et même en général plus que suffisante pour faire aller toutes les affaires intérieures. Quelques-uns de ces gouvernements, celui de Pennsylvanie en particulier, se font un revenu en prêtant ce papier-monnaie à leurs sujets, à un intérêt de tant pour 100. » A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 62 Les moyens dont dispose l’État pour remédier à la faillite. • A Smith suggère également la création d’une union politique et monétaire entre la Grande Bretagne et ses colonies. Il est favorable à une unification des systèmes fiscaux comme à la représentation politique des colonies britanniques qui deviendraient alors des provinces britanniques. « Outre la liberté de commerce, l'Irlande gagnerait à une union avec la GrandeBretagne d'autres avantages beaucoup plus importants, et qui feraient bien plus que compenser toute augmentation d'impôts que cette union pourrait amener avec elle. Par l'union avec l'Angleterre, les classes moyennes et inférieures du peuple en Écosse ont gagné de se voir totalement délivrées du joug d'une aristocratie qui les avait toujours auparavant tenues dans l'oppression [...]. Dans le cas d'une union, il dominerait moins probablement encore en Irlande qu'en Écosse, et les colonies en viendraient bientôt, selon toute apparence, à jouir d'un degré de concorde et d'unanimité inconnu jusqu'à présent dans toute partie quelconque de l'empire britannique. A la vérité, l'Irlande et les colonies se trouveraient assujetties à des impôts plus lourds qu'aucun de ceux qu'elles paient aujourd'hui. Néanmoins, une application soigneuse et fidèle du revenu public à l'acquit de la dette nationale ferait que la majeure partie de ces impôts ne serait pas de longue durée, et que les dépenses de la Grande-Bretagne pourraient être bientôt réduites à la somme simplement nécessaire pour maintenir un établissement de paix modéré ». A Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, livre V, chapitre II. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 63 e Existe-t-il une contradiction entre la pensée économique d’A Smith et la « Théorie des sentiments moraux » (1759)? Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 64 « Adam Smith Problem ». Son œuvre ne se limite pas aux doctrines économiques. Elle contient aussi, notamment, une philosophie morale publiée dans la « Théorie des sentiments moraux » (1759), ainsi que des considérations juridiques rassemblées dans les « Leçons sur la jurisprudence » (1762-1764). Or l’autonomisation de la science économique au XIX siècle a conduit à isoler les thèses économiques de ses autres ouvrages, et notamment du Smith philosophe. L’expression « Adam Smith Problem » a été employée pour exprimer la contradiction entre la sympathie (capacité à se mettre à la place de l’autre et à éprouver ses sentiments) considérée comme sentiment naturel, caractéristique de l’être humain « Théorie des sentiments moraux », et l’égoïsme posé comme principe universel de l’action humaine dans « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 65 La philosophie d’A Smith est–elle cohérente avec sa pensée économique? Jean-Daniel Boyer1 pense qu’il existe une cohérence entre les écrits d’Adam Smith. Le « Adam Smith Problem » est le résultat d’une partition des sciences sociales. L’analyse smithienne n’est pas dichotomique, elle a pour ambition de fonder un système cohérent permettant d’analyser le fonctionnement et le devenir des sociétés humaines. « A Smith avait pour projet de fonder une vaste science humaine comprenant la morale, l’économie, l’histoire mais aussi la jurisprudence »1. L’ambition centrale d’A Smith est d’élaborer une philosophie morale nouvelle. Les réflexions économiques d’A Smith trouvent leur fondement dans la « Théorie des sentiments moraux » 1759. 1. J D Boyer « Adam Smith Problem ou problème des Sciences sociales détour par l’Antrhopologie d’Adam Smith », Revue Française de Socio-Économie, n°3, La Découverte, 2009. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 66 « Théorie des sentiments moraux » (1759) Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 67 La nature et l’origine de nos sentiments moraux. Dans cet ouvrage A Smith s’interroge sur la nature et l’origine de nos sentiments moraux. Pour Adam Smith tous les hommes sont égaux par nature et l’inégalité de fait résulte du produit des structures sociales et de la socialisation des individus. Les hommes sont animés par des passions (asociales, sociales et égoïstes. Ils se caractérisent par des facultés de l’esprit, par la « sympathie » et une conscience morale « le spectateur impartial ». Ce sont ces caractéristiques humaines qui permettent de déterminer l’origine de nos jugements moraux. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 68 « Théorie des sentiments moraux » (1759) Les caractéristiques de l’homme. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 69 L’homme est animé par des passions égoïstes, sociales et asociales. Dans la « Théorie des sentiments moraux » A Smith dresse une typologie des passions. L’individu smithien est égocentrique. Il est mû par des passions égoïstes. Il est déterminé par sa tendance à se soucier davantage de son propre sort et de sa propre situation que de ceux de ses semblables. « Les passions égoïstes et originelles de la nature humaine [...]. La perte ou le gain d’un très petit échange semblent beaucoup plus important, excitent en nous un chagrin ou une joie plus passionnés et une aversion ou un désir beaucoup plus ardents, que le plus grand souci d’une personne avec qui nous n’avons pas de rapport particulier ». A Smith « Théorie des sentiments moraux » 1759, III. Mais pour A Smith, la sphère des passions n’est pas seulement égoïstes. L’individu Smith est aussi animé par des passions asociales (la haine, le ressentiment) qui constituent une tendance à nuire à autrui. Il existe également un dernier type de passions, les passions sociales ( générosité, bonté, compassion, amitié) qui visent le bonheur et le bien-être d’autrui. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 70 L’homme est doté de facultés de l’esprit. L’homme est doté de facultés de l’esprit: l’imagination, la raison et la mémoire. L’imagination se présente comme la capacité humaine à associer des idées et à relier des évènements disjoints ou inconnus. Mais pour A Smith, cette faculté n’apprécie pas la nouveauté et la raison. La raison apparaît comme la capacité réflexive et critique. Elle recherche l’ordre, l’arrangement systématique et l’harmonie. Elle vise l’impératif de cohérence. La mémoire est une sorte de fonds ou de stocks de connaissances potentiellement valides. Elle ressemble à un répertoire de liens établis et approuvés par la raison ou la pratique, à laquelle l’imagination peut avoir recours. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 71 La sympathie dérive des capacités de l’esprit. La sympathie est la capacité imaginaire dont dispose tout homme de se mettre à la place d’autrui et d’imaginer ce que seraient ses propres sentiments ou ses réactions s’il était dans cette situation. L’origine de nos sentiments moraux, comme la pitié mais aussi avec les joies d’autrui résident dans la sympathie. « Parce que n’avons pas une expérience immédiate de ce que les autres hommes sentent, nous ne pouvons former une idée de la manière dont ils sont affectés qu’en concevant ce que nous devions nous-mêmes sentir dans la même situation […] Ce n’est que par l’imagination que nous pouvons former une conception de ce que sont ses sensations. Et cette faculté ne peut nous y aider d’aucune autre façon qu’en nous représentant ce que pourraient être nos propres sentiments si nous étions à se place ». A Smith « Théorie des sentiments moraux » 1759, I. La sympathie est cette capacité à nous projeter dans la situation occupée par autrui. « La sympathie ne naît pas tant de la vue de la passion que de la situation qui l’excite ». Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 72 La sympathie nécessite souvent un effort individuel. La sympathie peut être irréfléchie et instantanée (vue d’un être vivant confronté à un danger) mais aussi réfléchie. Elle peut susciter un effort de l’acteur pour se mettre à la place d’autrui. Plus encore la sympathie qu’éprouve autrui à notre égard nous plaît. « Il nous plaît d’observer chez d’autres hommes une affinité avec toutes les émotions de nos âmes et rien ne nous choque plus que l’apparence contraire ». Pour A Smith c’est la façon dont sont exprimées nos passions qui va ou non susciter chez autrui la sympathie. La sympathie devient ainsi le critère de jugement de la convenance de l’action. Toute expression des passions individuelles qui parvient à susciter la sympathie d’un spectateur est jugée convenable. Au contraire plus, la sympathie suppose un effort plus l’expression des passions est jugée inconvenante. Cependant la sympathie seule ne permet pas de réguler les passions égoïstes de l’individu. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 73 « Le spectateur impartial », une instance régulatrice des passions. Dans l’analyse smithienne, le spectateur impartial apparaît comme la conscience morale individuelle. Il unit l’homme à la divinité. Il permet à l’homme de canaliser les passions de l’amour de soi et d’affirmer les passions sociales ainsi que les impératifs de justice. « Le très sage Auteur de la Nature a enseigné à l’homme à respecter les sentiments et les jugements de ses frères, à être plus ou moins content qu’ils approuvent sa conduite, et plus ou moins blessé quand ils la désapprouvent. Il a fait l’homme, si je peux dire, le juge immédiat du genre humain; il a en cela, comme à bien d’autres égards, crée à son image, et il l’a désigné comme son vice-représentant sur terre pour surveiller le comportement de ses frères ». A Smith « Théorie des sentiments moraux » 1759, III. L’homme porterait en lui l’empreinte de la justice divine. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 74 « Théorie des sentiments moraux » (1759) L’origine des sentiments moraux. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 75 La sympathie, un premier niveau du jugement moral. La sympathie est pour A Smith, un premier guide pour déterminer la moralité de nos actions. Elle permet de déterminer la convenance d’une action. Si nous adhérons aux comportements ou aux propos d’autrui, nous « entrons dans » cette personne qu’est autrui. Au contraire, plus la sympathie suppose un effort, plus l’expression des passions est perçue comme inconvenante. La convenance est toujours jugée à l’aune de la sympathie qu’elle suscite. L’accord né de la sympathie garantit la réunion des âmes séparées par les corps. Plus la sympathie est intense, plus les liens existants entre les individus sont denses. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 76 Néanmoins, la convenance d’une action ne permet pas d’assurer sa moralité. La sympathie est partiale. Elle déforme les sentiments d’autrui. « Nous sentons [parfois] pour autrui une passion qu’il semble entièrement incapable de sentir lui-même; car, lorsque nous nous mettons à sa place, l’imagination fait naître cette passion dans notre cœur, alors que la réalité ne la fait pas naître dans le sien ». A Smith « Théorie des sentiments moraux » 1759, I. La sympathie est corruptible. Nous sommes davantage disposés à sympathiser avec des individus riches ou au statut socialement élevé. « Nous sommes favorables à toutes leurs inclinations et soutenons tous leurs souhaits ». Trois conséquences en découlent: - le jugement fondé sur la sympathie est déterminé par la situation sociale d’autrui, - le caractère déformant de la sympathie tient dans notre acceptation de l’ordre existant, Stage M Gosse, S Parayre Aix- SES/Philosophie, le caractère spécifique deacadémie la sympathie est au Marseille explique 2015 notre volonté d’améliorer notre sort. fondement de13/07/2017 notre ambition et 77 Le mérite et le sens du mérite, le deuxième niveau du jugement moral des actions d’autrui. Compte tenu de ses imperfections, la morale ne peut avoir pour fondement la sympathie. A Smith évoque un jugement d’une autre nature « Il s’agit du mérite et du démérite, des qualités par lesquelles on gagne la récompense ou le châtiment ». Pour juger du mérite, « Il faut que nous changions de position, pour comparer les intérêts opposés; nous devons les voir, ni de notre place, ni avec nos yeux, ni avec les yeux en opposition avec nous, mais de la place et avec les yeux d’un tiers impartial et désintéressé ». Le mérite et le démérite d’une action sont jugés à l’aune de la conscience morale. Dans la récompense du mérite se joue la bienfaisance et dans celle du démérite se joue la justice. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 78 La référence au spectateur impartial: le troisième niveau du jugement moral. Pour juger de manière plus satisfaisante et en dernière instance l’action d’autrui, nous essayons de nous abstraire de tout lien avec les individus concernés et d’annihiler toutes les imperfections de la sympathie. Les actions humaines doivent en dernière instance être examinées à travers les yeux du spectateur impartial. Nos jugements doivent pouvoir se débarrasser des caractères déformants de la sympathie et d’une certaine partialité née de la proximité que nous entretenons avec la personne jugée ou de celle dérivant de son statut social ou de ses richesses. Sympathie, mérite, récompense du mérite et approbation supposée du spectateur impartial sont les niveaux du jugement moral des actions d’autrui et de leur approbation. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 79 Comment les réflexions morales d’A Smith trouvent-elles leurs applications dans la sphère économique? Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 80 « Les réflexions économiques d’A Smith trouvent leurs fondements dans la Théorie des sentiments moraux ». L’utilité est insuffisante pour rendre compte de la recherche des richesses. Ce n’est pas le motif essentiel de l’action économique. D’autres explications peuvent être invoquées comme l’admiration d’autrui. A Smith explique que c’est le « désir d’améliorer son sort », qui est à l’origine de l’accumulation du capital et de la croissance économique. La quête de richesses et d’ascension sociale proviendrait des imperfections de la sympathie et de ses caractères déformants. « D ’où naît cette émulation qui court à travers les différents rangs de la société? Et quels sont les avantages que nous nous proposons au moyen de ce grand dessein de la vie humaine que nous appelons amélioration de notre condition? Être observés, être remarqués, être considérés avec sympathie, contentement et approbation sont tous les avantages que nous pouvons proposer d’en retirer. C’est la vanité, non le bien-être ou le plaisir, qui nous intéresse. Or, la vanité est toujours fondée sur la croyance que nous avons d’être l’objet d’attention et d’approbation ». A Smith « Théorie des sentiments moraux » 1759 La sympathie et la vanité seraient d’autres motifs de l’action économique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 81 La recherche de l’intérêt n’est pas l’unique motif à l’œuvre dans la sphère économique. Pour A Smith les passions égoïstes et l’intérêt individuel ne sont pas non plus, les seuls motifs à l’œuvre dans la sphère économique. L’échange marchand ne s’explique pas seulement par la recherche de l’intérêt individuel, il nécessite aussi la reconnaissance d’autrui. Sans sympathie, l’échange marchand ne pourrait avoir lieu car il faut au préalable qu’autrui , tout comme ses possessions soient reconnus. Les désirs d’autrui doivent pouvoir être anticipés, ce qui nécessite de pouvoir se mettre à sa place. L’échange marchand permet de canaliser les intérêts individuels et les passions égoïstes par la prise en compte de la situation d’autrui. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 82 La libre concurrence permet de se rapprocher du juste prix. C’est l’échange et la libre confrontation des jugements qui permettent de réveiller le spectateur impartial, de canaliser les intérêts partiaux et de modérer les passions égoïstes. La liberté de commerce est un gage de l’affirmation progressive de la justice dans la sphère économique. « La libre concurrence est le seul moyen de garantir la libre confrontation des jugements sur la valeur des marchandises sans que celle-ci ne soit biaisée par les inégaux pouvoirs de marché des échangistes »1. L’échange et le débat sur le prix permettent de se rapprocher du « juste prix » et de répartir équitablement les richesses produites. 1. J D Boyer « Adam Smith problem ou problème des Sciences sociales détour par l’Anthropologie d’Adam Smith », Revue Française de Socio-Économie, n°3, La Découverte,2009. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 83 Comment utiliser les apports de cet auteur dans les nouveaux programmes de SES? Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 84 Aperçu des programmes de SES En première ES, dans le thème 3: la coordination par le marché. Thèmes Notions Indications complémentaires 3.2. Comment un marché concurrentiel fonctionne-til ? Offre et demande, prix et quantité d'équilibre, preneur de prix, rationnement, surplus, gains à l'échange, allocation des ressources On s'attachera à mettre en évidence les déterminants des comportements des agents, offreurs et demandeurs, puis on procédera à la construction des courbes d'offre et de demande et à l'analyse de la formation de l'équilibre sur un marché de type concurrentiel. La modification des conditions d'offre ou de demande permettra de montrer comment s'ajustent, dans le temps, prix et quantités d'équilibre. On étudiera les réactions de l'acheteur aux changements des incitations (augmentation du prix du tabac, de la fiscalité sur les carburants, prime à la casse sur le marché de l'automobile, etc.). L'étude de la notion de surplus et de son partage entre acheteurs et vendeurs permettra d'illustrer graphiquement les gains de l'échange. On fera apparaître l'existence de situations de rationnement lorsque le prix est fixé, quelle qu'en soit la raison, à un autre niveau que celui qui équilibre le marché (files d'attente, réglementation des loyers, pénuries de places pour des rencontres sportives ou les spectacles, etc.). Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 85 Aperçu des programmes de SES Au-delà de leur grande diversité, les marchés présentent des caractéristiques communes. Au sens économique, le marché est d’abord le lieu, plus ou moins concret, ou entrent en relation des acheteurs et des vendeurs, et où cette confrontation aboutit à des échanges à un certain prix, dit prix du marché. Le marché délivre aux individus des signaux de prix et de quantités. Sa principale qualité est de permettre aux individus d’agir au plus près de leurs intérêts par le moyen de l’échange marchand. Analyser le marché comme lieu de coordination, c’est évaluer son efficacité au regard de la réalisation d’objectifs individuels. L’analyse de la main invisible d’Adam Smith peut être étudiée pour montrer comment le marché permet d’ajuster les activités des uns et des autres. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 86 Aperçu des programmes de SES En première ES, dans le thème 5: Régulation et déséquilibres macroéconomiques. Thèmes Notions Indications complémentaires 5.1 Pourquoi la puissance publique intervient-elle dans la régulation des économies contemporaines ? Fonctions économiques de l'État (allocation, répartition, stabilisation) En faisant référence aux défaillances de marché étudiées précédemment et à la possibilité de déséquilibres macroéconomiques, on étudiera les fonctions de régulation économique de la puissance publique en insistant sur l'importance du cadre réglementaire dans lequel s'exercent les activités économiques. On présentera brièvement les principaux niveaux d'intervention (notamment européen, national et local). Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 87 Aperçu des programmes de SES En terminale ES, dans le thème : croissances, fluctuations et crises. Thèmes et questionnements Notions Indications complémentaires 1.1 Quelles sont les sources de la croissance économique ? PIB, IDH, investissement, progrès technique, croissance endogène, productivité globale des facteurs, facteur travail, facteur capital. En s'appuyant sur le programme de première, on s'interrogera sur l'intérêt et les limites du PIB. L'étude de séries longues permettra de procéder à des comparaisons internationales. À partir d'une présentation simple de la fonction de production, on exposera la manière dont la théorie économique analyse le processus de croissance. On fera le lien entre la productivité globale des facteurs et le progrès technique et on introduira la notion de croissance endogène en montrant que l'accumulation du capital, sous ses différentes formes participe à l'entretien de la croissance. On mettra l'accent sur le rôle des institutions et des droits de propriété. Acquis de première : facteurs de production, production marchande et non marchande, valeur ajoutée, productivité, institutions, droits de propriété, externalités. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 88 Aperçu des programmes de SES Dans « Recherches sur la nature et les causes de la richesses des nations » A Smith montre que l'accumulation du capital, facteur de croissance, est un préalable à la division du travail, qui favorise à son tour la hausse des revenus et donc l'épargne. Cette accumulation concerne le capital fixe (machines, bâtiments…) et le capital circulant (nécessaire pour un cycle de production: matières premières et avances en salaires faites par les capitalistes). La croissance contribue à l'amélioration du sort des travailleurs, puisque leur salaire s'élève au-dessus du minimum de subsistance. Cependant, en l'absence de division du travail accrue, de progrès technique et de nouveaux marchés, la baisse tendancielle du profit freine l'accumulation du capital, conduisant à l'état stationnaire. Le salaire est ramené alors vers le minimum de subsistance. L’analyse d’A Smith met en évidence l'aspect cumulatif de la croissance dont on trouve aujourd'hui des échos dans les théories de la croissance endogène. Elle montre également que la puissance publique contribue à la croissance économique à travers ses dépenses publiques (infrastructures, dépenses en éducation) qui génèrent des externalités positives, sources de croissance économique. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 89 Aperçu des programmes de SES En terminale ES dans le thème: Mondialisation, finance internationale et intégration européenne . Thèmes et questionnements Notions Indications complémentaires 2.1 Quels sont les fondements du commerce international et de l'internationalisati on de la production ? Avantage comparatif, dotation factorielle, libreéchange et protectionnisme, commerce intrafirme, compétitivité prix et hors prix, délocalisation, externalisation, firmes multinationales, spécialisation. En partant d'une présentation stylisée des évolutions du commerce mondial et en faisant référence à la notion d'avantage comparatif, on s'interrogera sur les déterminants des échanges internationaux de biens et services et de la spécialisation. On analysera les avantages et les inconvénients des échanges internationaux pour les producteurs comme pour les consommateurs. On présentera à cette occasion les fondements des politiques protectionnistes et on en montrera les risques. On s'interrogera sur les effets d'une variation des taux de change sur l'économie des pays concernés. En s'appuyant sur des données concernant le commerce intrafirme et sur des exemples d'entreprises multinationales, on abordera la mondialisation de la production. On analysera les choix de localisation des entreprises et leurs stratégies d'internationalisation. On étudiera à cette occasion les principaux déterminants de la division internationale du travail, en insistant sur le rôle des coûts et la recherche d'une compétitivité hors prix. Acquis de première : gains à l'échange. Stage SES/Philosophie, M Gosse, S Parayre académie AixMarseille 2015 13/07/2017 90