APPEP Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public RAPPORT MORAL 2010/2011 « Ne pas, souvent et sans nécessité, dire à quelqu’un ou mander par lettre : « je n’ai pas le temps. » Et, par ce moyen, constamment ajourner les obligations que commandent les relations sociales, en prétextant l’urgence des affaires. » Marc Aurèle Il faut croire que nous progressons. L’expérience aidant, nous ne passerons ici que superficiellement et partiellement en revue beaucoup des activités de l’année. La longueur pour répéter des faits connus, les textes publiés toute l’année, les comptes rendus réguliers et précis de Gérard Schmitt1, les éditoriaux, les échanges sur Appepliste, rendent inutile d’en faire plus. Pour tenter de ne pas décourager de lire, nous nous contenterons donc de synthétiser ou de signaler. Pour la même raison, il faut insister sur la continuité entre ce rapport et ceux qui l’ont précédé pour tout ce qui n’était pas seulement bilan d’une année. Celle-ci, qui n’est pas terminée, nous donne l’impression d’avoir évité ce que nous disions craindre l’an passé. LA SUPPRESSION DES DÉDOUBLEMENTS La pétition concernant la suppression des dédoublements a été l’objet d’une bonne partie de notre travail de début d’année. À en voir seulement l’aboutissement, on ne se doute pas du travail, collectif, que de telles démarches exigent : discussions, courriers, rédactions, bien audelà du temps de réunion d’un BN. Plus généralement, il faut savoir que notre Bureau travaille presque autant en dehors de nos rencontres que pendant. Passé le travail de rédaction avec Stéphane Clerjaud et Nicolas Franck, il faut remercier Marie Perret d’avoir pris en charge la gestion du site. Cette pétition est toujours d’actualité pour des raisons évidentes et le sera plus que jamais quand les professeurs devront affronter concrètement les conséquences d’une réforme s’installant en Terminale. Il n’est pas insignifiant qu’elle soit soutenue par plusieurs syndicats et par l’ACIREPh. PROJET D’INTERVENTIONS EN SECONDE ET PREMIÈRE Dans le même temps et à sa suite, vint le projet d’interventions en Seconde et en Première. Sa naissance, plus ou moins secrète, son origine, plus ou moins révélée, sa 1 Ils sont désormais en ligne. 1 APPEP RAPPORT MORAL 2010-2011 définition à laquelle les professeurs du secondaire n’ont pas été invités, ne nous semblent pas indifférentes. Cela témoigne d’une sollicitude bourgeoise, distanciée, envers l’enseignement de la philosophie et les élèves. Ainsi entend-on dire, en toute innocence, pour soutenir ce projet, qu’« enseigner la philosophie en Seconde » [sic] n’est pas difficile et, sur le même ton, qu’il suffit de parler de « l’actualité » et « des sujets qui fâchent »2. Peu importe la particularité de la classe de Seconde. Peu importent les conditions nécessaires à la présence et à la crédibilité d’un professeur auprès de ses élèves. Peu importent aussi les classes technologiques délaissées, les suppressions de postes, la multiplication à venir de classes à l’horaire émietté, situation que la diminution des L a déjà largement provoquée, mais dont elle n’est que le commencement. Une seule chose compte, pouvoir dire et voir répété par les médias que désormais la philosophie sera enseignée en Seconde. Cela est faux, chacun peut le savoir. Aucune heure n’est attribuée en propre à la philosophie. Une intervention n’est pas un cours. Est ainsi attribué aux professeurs le rôle du philosophe conseil, éclairant bien sûr, toujours brillant. Seuls 300 lycées ont déposé des projets. Nous ne nous en réjouissons ni ne nous en désolons. Mais il est faux de dire, comme beaucoup de journalistes l’ont répété, que la philosophie sera expérimentée en Seconde en 2011-2012 dans 300 lycées, comme s’il s’agissait d’établissements choisis dans cette intention d’expérimenter alors que tous les établissements et professeurs de France pouvaient déposer un projet. Après discussions, donc désaccords, dès l’Assemblée générale nous avons décidé de ne pas nous opposer à l’existence de ce projet. Il aurait été absurde de prétendre comme interdire à des collègues de se livrer volontairement à des expériences. D’ailleurs, s’opposer à la possibilité d’une participation volontaire à l’intérieur d’un cours d’une autre discipline ou d’une option de détermination aurait été incompréhensible. De ce projet on mesure et mesurera les limites, ce qui ne signifie pas nécessairement la vacuité. Le travail en commun avec un collègue d’une autre discipline est une vieille pratique qui peut se révéler fructueuse et capable d’éveiller l’intérêt d’élèves pour la philosophie. Il y a quelque prétention, qui n’est pas nouvelle chez les philosophes, à vouloir ainsi intervenir, n’en doutons pas. Mais la peur de se perdre dans un tel cadre, d’y perdre une intégrité, est assez étonnante. En lui-même ce projet ne mérite ni l’attention dont il a fait si publiquement l’objet, ni qu’on veuille absolument le voir supprimé3. Quelques critiques qu’on peut en faire, si ce projet est à craindre, c’est donc pour ce dont il serait le moyen ou l’annonce implicite, et non pris en luimême. La crainte qu’il soit l’instrument de compléments de service est parfaitement légitime. C’est en pratique assez difficile, mais, nous l’avons dit, pas impossible. À vrai dire beaucoup ne semblent pas avoir aperçu que c’est bien plus le changement de statut de l’ECJS4 qui amènera certains collègues à enseigner, volontairement ou non, en Seconde ou en Première. Mais ce n’est pas ce projet qui crée la nécessité de compléter un service. Il n’explique pas la dégradation – plus encore à venir – des conditions de travail. La pétition sur la suppression des dédoublements le signale : il s’agit d’un effet de la réforme du lycée. Ainsi, par exemple, ce n’est pas ce projet qui institue la possible participation des professeurs de philosophie, comme de tout professeur, à l’accompagnement personnalisé. Serait-il par ailleurs l’annonce d’une conception à venir de l’enseignement de la philosophie dont il préparerait l’installation aux dépens de la Terminale et de ce que nous y faisons ? C’est un soupçon toujours possible. Il est vrai qu’une vision de gestionnaire alliée, de fait, à la volonté d’une progressivité douteuse peut concourir à un affaiblissement. Mais 2 Ces propos sont ceux de Raphaël Enthoven. Il n’y a pas lieu de les commenter. La publicité faite à ce projet a été l’occasion de faire connaître aux médias les vrais problèmes. 4 Qui n’est pas un des éléments de ce projet. Il convient de répéter que, par opportunisme ou conviction, comme on l’entendra, les professeurs de philosophie ont tout intérêt à revendiquer au plus vite l’ECJS des classes terminales dans lesquelles ils enseignent. 3 2 APPEP RAPPORT MORAL 2010-2011 cela n’est pas nouveau. Le détour serait ici bien compliqué et finalement inutile. Nous n’avons jamais défendu en principe une exclusivité de la Terminale et envisageons depuis longtemps une préparation en Première. Si certains, quel qu’en soit le motif, veulent s’en prendre à la Terminale, ils n’auront rien gagné ni perdu avec ce projet. Comme cela a été dit au Bureau de mars dernier et redit à l’occasion du comité, l’APPEP doit montrer que ce projet n’est pas ce nous attendions et continuer d’affirmer, contre l’oubli qu’il en génère, son souhait d’un horaire pleinement attribué aux professeurs de philosophie en Première. Ajoutons que notre vigilance devra encore et toujours avoir pour premier objet le devenir de la filière L et cette fois relativement à la mise en place l’an passé de la réforme en Seconde. Il ne pourrait être sans conséquence que rien ne change dans l’orientation des élèves et que les classes de L continuent de diminuer, ce dont nous ne savons actuellement rien. LES ÉPREUVES DES SÉRIES TECHNOLOGIQUES Ce travail, important de tout point de vue, déjà largement évoqué, inachevé, faute de temps, ne sera évoqué ici que pour signaler qu’il témoigne particulièrement du travail propre à une association de professeurs spécialistes. L’APPEP, redisons-le, doit prendre position sur ces questions, épreuves ou programmes, par son propre travail et non seulement en se prononçant sur celui des autres. C’est aussi à cette occasion que nous avons pu dialoguer avec l’ACIREPh à ce sujet, ce dont nous nous réjouissons. RÉFÉRENTIEL DE LA LICENCE DE PHILOSOPHIE ET RÉFLEXION RELATIVE AU RISQUE D’UNE COUPURE ACCRUE ENTRE UNIVERSITAIRES ET PROFESSEURS DU SECONDAIRE. Grâce au travail de Blaise Bachofen et de Nicolas Franck, l’APPEP a pleinement joué son rôle dans l’élaboration d’un référentiel de la licence de philosophie. On se reportera à ce qui en a déjà été dit. De cet événement on peut retirer une réflexion qui engage particulièrement notre association dans sa nature. Une génération d’universitaires membres de l’APPEP et de son Bureau y a cessé son activité sans qu’un renouvellement s’opère. Ce constat est déjà ancien. Mécaniquement il est devenu difficile de renouer des liens. Les universitaires en activité membres de l’APPEP sont aujourd’hui peu nombreux. Les liens très réellement noués l’an passé à l’occasion de la journée du 13 mars ont en même temps montré que les universitaires préfèrent sans doute une structure propre. On peut le comprendre, mais l’adhésion à une association comme la nôtre n’interdit pas l’existence d’une perspective particulière sur les problèmes des universités, voire n’est pas exclusive d’autres formes d’organisation. Les travaux sur le référentiel de licence ont rendu manifeste l’absence, ou l’insuffisance, d’une représentation suffisamment organisée et permanente des universitaires. Comme pour les professeurs du secondaire, il faut aussi constater une désaffection à l’égard de toute organisation. L’APPEP doit et peut être le lien entre l’enseignement de la philosophie dans le secondaire et dans le supérieur. Comme la revue le permet à sa manière, nous devons au moins continuer pour cela de proposer des journées de philosophie réunissant professeurs du secondaire et universitaires, conférenciers ou auditeurs. En même temps il s’agit que, par le biais de l’APPEP, les professeurs du secondaire prennent toute leur place dans tout ce qui concerne leur enseignement. Ils ne sont pas réductibles à des gens qu’on doit « former » ou destinés à subir des réformes voulues et 3 APPEP RAPPORT MORAL 2010-2011 conçues par d’autres. Nous n’oublions pas qu’à l’origine de la volonté de créer des IREPh il y avait nombre de professeurs du secondaire, dont beaucoup proches de l’APPEP et peu susceptibles de se conduire en cheval de Troie d’un pédagogisme en philosophie. D’un projet de programme à l’autre, une certaine lassitude de ne pas voir perçues les difficultés, et particulièrement celles liées aux années de la « démocratisation », rend compte de la volonté que les professeurs de l’Université et du secondaire travaillent en commun. Un relatif succès de l’appel initial à la création des IREPh montre une aspiration qui n’a jamais été satisfaite et qu’il nous faut reprendre à notre compte. Le drame, sans compter les luttes de pouvoir, est que l’initiative soit tombée de philosophie de l’enseignement de la philosophie en pédagogie de son enseignement, jusqu’au groupuscule final dont l’échec auprès des professeurs est patent. Ne pas associer les professeurs du secondaire à la recherche et aux décisions concernant leur enseignement est se condamner aux échecs dont le passé de notre discipline est riche. LA JOURNÉE DU 11 JUIN 2011 Prise en charge et conçue par Brigitte Bellebeau et Philippe Blanc, cette journée mérite d’être donnée en exemple de notre volonté, active, déjà manifestée à l’occasion de la journée du 13 mars 2010, de voir la philosophie davantage présente hors de ses lieux « naturels », le lycée ou l’université. Réunissant philosophes et soignants, elle fut instructive et vivante autant que furent abondantes les questions ou remarques du public. Tout au plus peut-on regretter que moins de professeurs de philosophie que de personnes du monde médical se soient déplacés. Cette journée aura été pour Brigitte Bellebeau sa dernière contribution au travail de l’APPEP avant qu’elle ne nous quitte et après de nombreuses années d’une présence régulière et toujours active à nos réunions. Nul doute qu’elle continuera dans ses nouvelles fonctions son engagement pour un enseignement philosophique. Pour information, contacté, Frédéric Worms a accepté d’organiser avec notre association une journée consacrée à Pierre Hadot. Notre Bureau de rentrée aura à décider d’autres journées possibles. Nous avons donc ici volontairement omis d’évoquer certains points connus ou d’en détailler l’évocation. Cela ne signifie pas une moindre importance, un moindre souci, et pas une moindre activité à leur sujet. La vie des Régionales, la correction du baccalauréat, objet immédiat de la prochaine rentrée, la situation inacceptable des nouveaux professeurs ou le devenir des ex-IUFM à propos duquel Henri Dilberman effectue un travail constant, notamment à travers plusieurs entretiens, en cours de publication, ne sont pas moins le souci du Bureau et de son président. Il en est de même du devenir de la revue, trimestrielle dès cette année, ou de celui du site dont certaines modifications sont envisagées. Un mot tout de même pour remercier Bernard Fischer de son travail de trésorier et Marc Anglaret pour la gestion du site. Action importante, la rentrée 2011 sera l’occasion d’un questionnaire envoyé à nos collègues. Il devrait nous permettre une connaissance des situations et des opinions concernant notre enseignement. Toute l’année, particulièrement en décembre et évidemment en juin, l’APPEP a eu l’occasion de s’exprimer publiquement et il faudrait une bonne revue de presse pour citer articles ou interviews témoignant que notre association a pu rendre compte de ses positions, cela dit en remerciant particulièrement Nicolas Franck du partage d’une tâche souvent ingrate. Il faut dire, comme l’an passé, l’importance de ces explications publiques, contributions à un débat démocratique sur la nature et la place de notre enseignement. 4 APPEP RAPPORT MORAL 2010-2011 Le rapport moral de l’an passé se terminait sur la proposition que l’APPEP rencontre les responsables de l’éducation des différents partis ou candidats. Gageons que cette année sera propice à sa réalisation. Une nouvelle année scolaire aura commencé quand paraîtra ce rapport. Souhaitons à toutes et tous que se déroule au mieux ce moment très particulier des premières heures de cours avec de nouvelles classes. Simon PERRIER Président de l’APPEP Juillet 2011 5 APPEP RAPPORT MORAL 2010-2011