2
APPEP
RAPPORT MORAL 2010-2011
définition à laquelle les professeurs du secondaire n’ont pas été invités, ne nous semblent pas
indifférentes. Cela témoigne d’une sollicitude bourgeoise, distanciée, envers l’enseignement
de la philosophie et les élèves. Ainsi entend-on dire, en toute innocence, pour soutenir ce
projet, qu’« enseigner la philosophie en Seconde » [sic] n’est pas difficile et, sur le même ton,
qu’il suffit de parler de « l’actualité » et « des sujets qui fâchent »
2
. Peu importe la
particularité de la classe de Seconde. Peu importent les conditions nécessaires à la présence et
à la crédibilité d’un professeur auprès de ses élèves. Peu importent aussi les classes
technologiques délaissées, les suppressions de postes, la multiplication à venir de classes à
l’horaire émietté, situation que la diminution des L a déjà largement provoquée, mais dont elle
n’est que le commencement. Une seule chose compte, pouvoir dire et voir répété par les
médias que désormais la philosophie sera enseignée en Seconde. Cela est faux, chacun peut le
savoir. Aucune heure n’est attribuée en propre à la philosophie. Une intervention n’est pas un
cours. Est ainsi attribué aux professeurs le rôle du philosophe conseil, éclairant bien sûr,
toujours brillant. Seuls 300 lycées ont déposé des projets. Nous ne nous en réjouissons ni ne
nous en désolons. Mais il est faux de dire, comme beaucoup de journalistes l’ont répété, que
la philosophie sera expérimentée en Seconde en 2011-2012 dans 300 lycées, comme s’il
s’agissait d’établissements choisis dans cette intention d’expérimenter alors que tous les
établissements et professeurs de France pouvaient déposer un projet.
Après discussions, donc désaccords, dès l’Assemblée générale nous avons décidé de ne
pas nous opposer à l’existence de ce projet. Il aurait été absurde de prétendre comme interdire
à des collègues de se livrer volontairement à des expériences. D’ailleurs, s’opposer à la
possibilité d’une participation volontaire à l’intérieur d’un cours d’une autre discipline ou
d’une option de détermination aurait été incompréhensible. De ce projet on mesure et
mesurera les limites, ce qui ne signifie pas nécessairement la vacuité. Le travail en commun
avec un collègue d’une autre discipline est une vieille pratique qui peut se révéler fructueuse
et capable d’éveiller l’intérêt d’élèves pour la philosophie. Il y a quelque prétention, qui n’est
pas nouvelle chez les philosophes, à vouloir ainsi intervenir, n’en doutons pas. Mais la peur
de se perdre dans un tel cadre, d’y perdre une intégrité, est assez étonnante. En lui-même ce
projet ne mérite ni l’attention dont il a fait si publiquement l’objet, ni qu’on veuille
absolument le voir supprimé
3
. Quelques critiques qu’on peut en faire, si ce projet est à
craindre, c’est donc pour ce dont il serait le moyen ou l’annonce implicite, et non pris en lui-
même.
La crainte qu’il soit l’instrument de compléments de service est parfaitement légitime.
C’est en pratique assez difficile, mais, nous l’avons dit, pas impossible. À vrai dire beaucoup
ne semblent pas avoir aperçu que c’est bien plus le changement de statut de l’ECJS
4
qui
amènera certains collègues à enseigner, volontairement ou non, en Seconde ou en Première.
Mais ce n’est pas ce projet qui crée la nécessité de compléter un service. Il n’explique pas la
dégradation – plus encore à venir – des conditions de travail. La pétition sur la suppression
des dédoublements le signale : il s’agit d’un effet de la réforme du lycée. Ainsi, par exemple,
ce n’est pas ce projet qui institue la possible participation des professeurs de philosophie,
comme de tout professeur, à l’accompagnement personnalisé.
Serait-il par ailleurs l’annonce d’une conception à venir de l’enseignement de la
philosophie dont il préparerait l’installation aux dépens de la Terminale et de ce que nous y
faisons ? C’est un soupçon toujours possible. Il est vrai qu’une vision de gestionnaire alliée,
de fait, à la volonté d’une progressivité douteuse peut concourir à un affaiblissement. Mais
2
Ces propos sont ceux de Raphaël Enthoven. Il n’y a pas lieu de les commenter.
3
La publicité faite à ce projet a été l’occasion de faire connaître aux médias les vrais problèmes.
4
Qui n’est pas un des éléments de ce projet. Il convient de répéter que, par opportunisme ou conviction, comme
on l’entendra, les professeurs de philosophie ont tout intérêt à revendiquer au plus vite l’ECJS des classes
terminales dans lesquelles ils enseignent.