Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans

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Médecine
& enfance
Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans
hyperactivité : la place du médecin de premier
recours et celle du spécialiste
T.N. Willig, clinique Ambroise-Paré et Réseau Ptitmip, Toulouse ; Groupe troubles scolaires, Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA)
A. Gramond, consultation de pédopsychiatrie, CHU Carémeau, Nîmes,
J.P. Blanc, pédiatre, Saint-Etienne ; Groupe troubles scolaires, Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA)
Le diagnostic et la prise en charge des enfants et des adolescents présentant un trouble déficitaire de l’attention reposent sur une collaboration étroite avec les médecins de premier recours. Ils sont au contact régulier de l’enfant et de sa famille, peuvent recevoir la plainte, la situer
dans le contexte familial et développemental, et orienter le patient vers
les consultations spécialisées pour poser un diagnostic pluridisciplinaire. A partir du diagnostic, la prise en charge repose sur une approche
combinée associant les aménagements pédagogiques, le travail de guidance parentale, des approches en thérapie sous différentes modalités,
des possibilités de rééducation, mais également la prise en charge des
comorbidités. L’indication d’un traitement pharmacologique s’intègre
dans le cadre de cette prise en charge combinée et nécessite à nouveau
la collaboration entre le médecin de premier recours et le spécialiste.
Ces différentes étapes ont été listées par le groupe de travail réuni par la
Haute Autorité de santé (HAS) autour des recommandations de bonne
pratique médicale sur le trouble. Les principales étapes en sont recensées dans cet article.
a collaboration entre les médecins de premier recours (pédiatre,
médecin généraliste, pédopsychiatre, médecins de PMI ou de l’Education nationale) et les médecins exerçant
dans des structures pluridisciplinaires
permettant de poser le diagnostic et les
indications thérapeutiques est essentielle. Cet article vise à aider les médecins
de premier recours à exercer pleinement
leur rôle, aussi bien dans le diagnostic
que le suivi des enfants et adolescents
présentant un trouble déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Ce rôle
s’appuie notamment sur les recommandations de bonne pratique médicale élaborées sous l’égide de la HAS et publiées
en 2014 [1], ainsi que sur les recommandations élaborées au Canada [2] et au
Royaume-Uni [3].
L
LE MÉDECIN
DE PREMIER RECOURS
DANS LE REPÉRAGE
Trois groupes de symptômes peuvent
amener à évoquer le diagnostic de
trouble déficitaire de l’attention, avec
ou sans hyperactivité (TDA/H) : ceux
liés aux difficultés d’attention, ceux liés
à l’hyperactivité et ceux traduisant une
impulsivité motrice ou cognitive. Mais
d’autres signes d’appel, liés à des conséquences du trouble, peuvent coexister :
difficultés de comportement, de mémorisation, difficultés dans les apprentissages scolaires, les relations sociales ou
la régulation émotionnelle (figure 1).
L’hyperactivité est souvent facilement
signalée par l’entourage de l’enfant (faseptembre 2016
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milial, scolaire, éducatif, sportif), car
« bruyante » et pouvant perturber l’activité des autres enfants ou des adultes.
Au contraire, l’inattention passe facilement inaperçue chez un enfant calme,
« docile », qui ne pose pas de problème
de comportement. Ce n’est que l’analyse
fine de la plainte qui peut alors permettre de la rattacher à l’inattention.
Les signes devant alerter diffèrent selon
l’âge de l’enfant. Ainsi, le comportement « hyperactif » est habituel chez de
petits enfants entre trois et six ans, qui
sont alors dans le plaisir et l’excitation
de la découverte de leurs possibilités,
mais sa persistance à un âge où l’enfant
est supposé s’adapter aux attentes habituelles de sa classe d’âge est évocatrice.
L’absence de signe d’alerte dans le
cadre de la consultation du médecin
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Figure 1
La démarche du médecin de premier recours face à une plainte
Médecin de premier recours
Difficultés d’attention
± hyperactivité
± impulsivité
Interrogatoire, questionnaires, examen clinique
±
– Depuis plus de six mois, découverte avant l’âge de 12 ans
– Dans différents environnements
– En excluant d’autres causes : maltraitance, carences éducatives,
troubles des interactions sociales, troubles psychiatriques
pouvant expliquer le diagnostic
– Rechercher un trouble sensoriel : vision, audition
– Eliminer une pathologie génétique sous-jacente
– Entraînant un retentissement important sur la scolarité, la vie
familiale ou professionnelle, les relations sociales
Egalement évoqué
devant des difficultés :
– comportement
– mémorisation
– apprentissages
– relations sociales
– régulation émotionnelle
n’élimine en aucune façon le diagnostic : à court terme et dans un environnement inhabituel, l’enfant peut parfaitement inhiber son agitation ou son impulsivité, ce qu’il ne peut généraliser à
plus long terme ou dans un environnement plus habituel pour lui ou à l’inverse moins structuré, sans compter que le
médecin peut recevoir un enfant qui a
été « préparé » par ses parents en prévision de la consultation.
Certains signes peuvent être repérés par
des professionnels qui voient régulièrement l’enfant (enseignants, orthophonistes) ou à l’occasion d’une consultation spécifique auprès d’un neuropsychologue, d’un médecin spécialisé dans
les troubles des apprentissages ou même du médecin traitant de l’enfant. Ainsi, des difficultés pour apprendre ou
restituer les leçons, avec un contraste
entre la mémorisation acquise le jour
même et la très faible restitution dès le
lendemain, peuvent traduire un trouble
de l’attention ou des fonctions exécutives. Les relations sociales peuvent
également constituer un domaine de
difficultés important pour l’enfant, qui
peut être en demande d’interac tions,
mais dont l’agitation, ou le défaut de
contrôle de l’inhibition, lasse rapidement ses camarades, voire entraîne un
rejet puis un isolement social. Enfin, les
difficultés de régulation émotionnelle
sont très fréquentes, les enfants pou-
vant alterner grosses colères et demandes de tendresse, avoir une bonne
maîtrise de l’empathie, ainsi qu’une
compréhension préservée de l’humour
et du langage implicite. Cette labilité
émotionnelle peut être prédominante
chez certains enfants, ce qui oriente
alors vers une situation différente, pouvant représenter un diagnostic différentiel : les « multiplex developmental disorders » (MDD) et les troubles disruptifs avec dysrégulation émotionnelle.
La première étape en pratique clinique
consiste en une analyse détaillée de la
plainte, à partir des propos de l’enfant,
de ceux des parents et des retours des
autres environnements de l’enfant (école, activités sportives, centre de loisirs,
cahiers, dessins). Plusieurs consultations peuvent être nécessaires pour bien
détailler l’histoire familiale, le parcours
développemental de l’enfant, réaliser un
examen clinique complet, rassembler les
retours d’informations des professionnels, de la famille et de l’école. En complément, afin de mieux identifier et catégoriser les plaintes de la vie quotidienne, plusieurs domaines doivent être
abordés lors de cette étape : le langage
oral, le domaine non verbal, les aptitudes sociales et les apprentissages. Cette anamnèse et l’examen clinique apportent une première orientation entre un
trouble complexe lié à des antécédents
périnatals, un retard global de dévelopseptembre 2016
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pement, un trouble des interactions sociales et une origine génétique éventuelle (notamment dans le cadre d’une neurofibromatose de type I), ou peuvent faire évoquer la possibilité d’un trouble déficitaire de l’attention.
LA PLACE
DES CONSULTATIONS
SPÉCIALISÉES
DANS LE DIAGNOSTIC
La démarche diagnostique nécessite le
recours à une consultation spécialisée,
avec des professionnels ayant une bonne connaissance du trouble, des comorbidités ainsi que des diagnostics différentiels. Même si les examens neuropsychologiques ne contribuent pas à valider les critères de diagnostic (en dehors de l’exclusion d’une déficience intellectuelle bien entendu), qui sont essentiellement comportementaux et cliniques, ils apportent un éclairage essentiel sur le cadre général de fonctionnement de la personne (figure 2).
Le diagnostic repose sur des critères
rassemblés au sein de deux grandes
classifications : la DSM5* et la CIM-10*.
Cette étape est habituellement réalisée
dans le cadre d’une consultation spécialisée, où sont également utilisés des outils d’auto- et d’hétéro-évaluation (questionnaires de Conners, SNAP-IV*,
ADHD-RS*). Ces questionnaires permettent de rassembler des retours d’information venant de chacun des parents, des enseignants et de l’adolescent. La validation des critères de diagnostic peut également être réalisée en
référence à leur liste lors de la consultation : le tableau I résume les critères
diagnostiques de la DSM-5, et les critères de la CIM-10 sont accessibles dans
le texte intégral des recommandations
* DSM 5 : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders,
5 e révision (manuel diagnostique et statistique des troubles
mentaux édité par l’Association américaine de psychiatrie).
CIM-10 : 10e révision de la Classification internationale des maladies. SNAP-IV : version modifiée du questionnaire de Swanson, Nolan et Pelham (http://herve.caci.pagesperso-orange.
fr/resources/TDAH/Infos-et-docs/SNAP_French.pdf. ADHD-RS :
Attention-Deficit with Hyperactivity Rating Scale IV.
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Figure 2
Consultation spécialisée à visée
diagnostique
Critères diagnostiques DSM V et CIM 10
+
Bilan d’efficience intellectuelle
Evaluation de l’attention et des fonctions
exécutives
Trouble déficitaire de l’attention :
– prédominant sur l’attention
– prédominant sur l’hyperactivité/impulsivité
– combiné
– forme inattentive restrictive (pure)
±
Comorbidités :
– apprentissages (langage écrit, calcul)
– coordinations, écriture, visuoconstruction
– troubles oppositionnels
– troubles des conduites
– troubles émotionnels (anxiété, dépression)
– troubles de sommeil
– dépendance aux substances addictives
– maltraitance
de la HAS (p. 74-75) [1]. La confrontation de ces différentes sources d’information, qui offrent des regards différents et complémentaires, enrichit l’évaluation de la situation de l’enfant.
Dans tous les cas, la réalisation d’un bilan d’efficience intellectuelle est indispensable, d’une part pour confirmer le
caractère spécifique du trouble suspecté
(en éliminant une déficience intellectuelle), d’autre part pour mieux comprendre les potentialités de l’enfant (le
TDA/H pouvant représenter un obstacle
à leur mise en œuvre, notamment pour
les enfants de haut potentiel intellectuel). Parmi les différents indices, deux
sont en général significativement abaissés : l’indice de mémoire de travail et
celui de vitesse de traitement. Ce bilan
d’efficience intellectuelle peut être complété par des explorations neuropsychologiques plus spécialisées, portant sur
les différentes fonctions attentionnelles
et exécutives (planification, inhibition
de l’impulsivité motrice ou cognitive,
flexibilité mentale…).
En pratique, plusieurs présentations cliniques coexistent : forme prédominant
sur l’inattention, ou prédominant sur
l’hyperactivité/impulsivité, ou formes
combinées, ou forme inattentive « restrictive ».
Dans sa démarche diagnostique, le médecin doit distinguer dans la plainte les
difficultés directement liées au TDA/H
de celles liées aux comorbidités, qui sont
fréquentes : troubles des apprentissages,
trouble d’acquisition des coordinations
(TAC), troubles oppositionnels avec provocation (TOP), troubles des conduites,
troubles émotionnels (anxiété, dépression), troubles du sommeil, voire dépendance aux substances addictives. Dans
tous les cas, la question d’une maltraitance sous-jacente doit être envisagée,
soit comme étant à l’origine des symptômes, soit dans le cadre d’une souffrance ou d’un épuisement de l’entourage.
COMPLÉMENTARITÉ
ENTRE CONSULTATIONS
SPÉCIALISÉES
ET MÉDECIN DE PREMIER
RECOURS DANS
LA PRISE EN CHARGE
A partir de la confirmation du diagnostic, l’analyse du retentissement des
troubles dans les différents domaines
de la vie de l’enfant ou de l’adolescent
est essentiel, afin d’en apprécier la sévérité, l’étendue, et de guider le choix
entre les différentes options d’accompagnement et de prise en charge (figure 3).
Dans le cadre de la consultation spécialisée, plusieurs axes de prise en charge
sont proposés en fonction des difficultés
rencontrées par l’enfant et sa famille. La
prise en charge est basée sur une analyse dimensionnelle des capacités et des
difficultés de l’enfant (figure 4). Elle comprend, selon les recommandations, différents niveaux d’intervention dans le
cadre d’une prise en charge combinée.
La guidance parentale est indispensable, réalisée notamment pour les enfants présentant des troubles opposiseptembre 2016
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tionnels par des programmes d’entraînement aux habiletés parentales sous
forme de groupes de Barkley [4] ou de
programmes Triple P : pratiques parentales positives [5].
Les adaptations pédagogiques sont proposées en lien avec l’équipe enseignante, au travers des réunions d’équipe éducative, des plans d’accompagnement
personnalisés (PAP) ou des projets personnalisés de scolarisation (PPS).
L’accompagnement psychologique individuel ou en groupe répond aux besoins
mis en évidence lors de l’évaluation. Il
peut comporter des programmes de thérapie cognitivo-comportementale
(TCC), de remédiation cognitive ou une
psychothérapie de soutien [6-8].
L’accompagnement rééducatif par un
psychomotricien ou un neuropsychologue peut si besoin être complété par
une prise en charge rééducative des comorbidités (orthophonie, ergothérapie).
L’indication éventuelle du traitement
pharmacologique par méthylphénidate
(seule molécule active disponible en
France) intervient en seconde intention, en complément des autres approches, parfois d’emblée dans les
formes sévères [9]. La mise en place du
traitement médicamenteux relève de la
consultation hospitalière spécialisée
(pédiatre, neuropédiatre, neurologue,
psychiatre), avec en général une consultation de mise en place du traitement et
quelques semaines après une consultation de suivi pour déterminer le bénéfice et la tolérance, et proposer si besoin
une adaptation de la dose ou de la forme galénique. Il n’y a pas de nécessité
d’évaluation cardiologique systématique avant traitement (sauf en cas
d’antécédent familial de mort subite
d’origine cardiaque, de troubles du
rythme ou de conduction, de cardiopathie sous-jacente). Enfin, une prise en
charge spécifique peut parfois être nécessaire, initialement ou secondairement, en cas d’anxiété importante, de
contexte dépressif…
Dans le cadre du traitement médicamenteux, une consultation de suivi est
réalisée tous les vingt-huit jours par le
médecin de l’enfant, pour évaluer la
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Tableau I
Critères DSM-5 : trouble déficit de l’attention/hyperactivité (American Psychiatric Association, 2013)
A. Un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le développement et qui est caractérisé
par A1 et/ou A2
A1. Inattention
A2. Hyperactivité/impulsivité
Souvent ne parvient pas à prêter attention aux détails ou fait des fautes
d’étourderie dans les devoirs scolaires, le travail ou d’autres activités
(ex. : néglige ou oubli des détails, le travail n’est pas précis)
Remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège
A souvent du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux
(ex. : a du mal à rester concentré durant un cours, une conversation, la
lecture d’un texte long)
Se lève souvent en classe ou dans d’autres situations où il est supposé
rester assis (ex. : se lève de sa place en classe, au bureau ou à son travail,
ou dans d’autres situation qui nécessitent de rester assis)
Semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement (ex. :
son esprit paraît ailleurs, même en l’absence d’une distraction manifeste)
Souvent court ou grimpe partout, dans les situations où cela est
inapproprié (remarque : chez les adolescents ou les adultes, cela peut se
limiter à un sentiment d’agitation)
Souvent ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à mener à
terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses obligations
professionnelles (ex. : commence le travail mais perd vite le fil et est
facilement distrait)
A souvent du mal à se tenir tranquille dans les jeux ou les activités de loisir
A souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités (ex. : difficultés à
gérer des tâches séquentielles ; difficultés à conserver ses outils et ses
affaires personnelles en ordre ; complique et désorganise le travail ; gère
mal le temps ; ne respecte pas les délais fixés)
Est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s’il était « monté sur
ressorts » (ex. : est incapable ou n’arrive que difficilement à se tenir
immobile pendant un long moment, comme dans les restaurants, les
réunions ; peut être perçu par les autres comme agité ou comme difficile à
suivre)
Souvent évite, a en aversion ou fait à contrecœur les tâches qui
nécessitent un effort mental soutenu (ex. : le travail scolaire ou les devoirs
à la maison ; pour les adolescents et les adultes, préparation de rapports,
formulaires à remplir, revoir un long article)
Souvent, parle trop
Perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités (matériel
scolaire, crayons, livres, outils, portefeuille, clés, papiers, lunettes,
téléphone mobile)
Laisse souvent échapper la réponse à une question qui n’est pas encore
entièrement posée (ex. : termine la phrase de son interlocuteur ; ne peut
attendre son tour dans une conversation)
Souvent se laisse facilement distraire par des stimulus externes (pour les
adolescents et les adultes, cela peut inclure passer du « coq à l’âne »)
A souvent du mal à attendre son tour (ex. : lorsque l’on fait la queue)
A des oublis fréquents dans la vie quotidienne (ex. : faire les corvées, les
courses ; pour les adolescents et les adultes, répondre à ses appels, payer
ses factures, respecter ses rendez-vous)
Interrompt souvent les autres ou impose sa présence (ex. : fait irruption
dans les conversations, les jeux ou les activités ; peut commencer à utiliser
les biens d’autrui sans demander ou recevoir leur autorisation ; pour les
adolescents et les adultes peut s’immiscer ou s’imposer et reprendre ce
que d’autres font)
6 (ou plus) des symptômes dans la catégorie A1 et/ou A2 ont persisté pendant au moins six mois, à un degré qui ne correspond pas au niveau de
développement et qui a directement des conséquences négatives sur les activités sociales et scolaires/professionnelles (remarque : les symptômes ne
sont pas seulement la manifestation d’un comportement d’opposition, d’une déficience, d’une hostilité ou de l’incompréhension de tâches ou
d’instructions. Pour les grands adolescents et les adultes (dix-sept ans et plus), au moins 5 symptômes sont exigés)
B. Certains des symptômes d’hyperactivité/impulsivité ou d’inattention étaient présents avant l’âge de 12 ans
C. Certains des symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité sont présents dans deux ou plus de deux types d’environnement différents
(ex. : à la maison, à l’école, ou au travail ; avec des amis ou des relations ; dans d’autres activités)
D. On doit clairement mettre en évidence une altération cliniquement significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel et de la qualité
de vie
E. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’une schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique et ils ne sont pas mieux
expliqués par un autre trouble mental (trouble thymique, trouble anxieux, trouble dissociatif, trouble de la personnalité, intoxication par une prise
de substance ou son arrêt)
Sous-types cliniques :
– condition mixte ou combinée : les critères A1 et A2 sont satisfaits pour les six derniers mois
– condition « inattention » prédominante : le critère A1 est satisfait, le critère A2 n’est pas satisfait et trois symptômes ou plus du critère A2 sont présents
pour les six derniers mois
– condition « inattention » restrictive : le critère A1 est satisfait mais pas plus de deux symptômes du critère A2 sont satisfaits pour les six derniers mois
– condition « hyperactivité/impulsivité » prédominante : le critère A2 est satisfait pour les six derniers mois mais pas le critère A1
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Figure 3
Axes de prise en charge et rôles du médecin de premier recours et du spécialiste
Médecin spécialisé
Prise en charge combinée basée sur une analyse dimensionnelle de la personne :
– guidance parentale : Barkley, triple P
– adaptations pédagogiques
– psychothérapie individuelle ou en groupe, thérapie cognitivo-comportementale, remédiation
cognitive
– prise en charge en psychomotricité
– rééducation des comorbidités : orthophonie, ergothérapie
– indication de traitement médicamenteux en deuxième intention, ou d’emblée dans les troubles
sévères (prescription initiale hospitalière)
+
+
Médecin spécialisé
Consultation spécialisée annuelle :
– coordination des soins rééducatifs, suivi des aménagements pédagogiques
– réévaluation du traitement pharmacologique
Tableau II
Différentes formes galéniques de méthylphénidate disponibles en France
Forme
Action immédiate Action prolongée
Spécialité
Ritaline®
Ritaline LP®
Quasym LP®
Medikinet LM®
Concerta®
Dosage et
présentation
Comprimé
10 mg
sécable
Gélule*
10, 20, 30,
40 mg
Gélule*
10, 20, 30 mg
Gélule*
5, 10, 20,
30, 40 mg
Comprimé**
18, 36,
54 mg
Proportion de méthylphénidate LI/LP***
100 % LI
50/50
30/70
50/50
22/78
Durée d’action
8h
8h
12 h
8h
* La gélule peut être ouverte et les microgranules donnés sur un produit frais, sans les croquer, en une prise
unique matinale.
** Le comprimé ne peut pas être ouvert ni modifié, ce qui peut représenter une limite pour les enfants réticents à
l’avaler. 18 mg de Concerta® correspond à 15 mg de méthylphénidate.
tolérance, rédiger la nouvelle prescription et suivre avec la famille les difficultés éventuellement rencontrées dans la
vie quotidienne et à l’école. Le médecin
doit donc bien connaître les effets secondaires les plus fréquents, qui consti-
Communication
Responsabilité
individuelle
Sécurité
Fonctionnement
adaptatif
Travail
Vie domestique
Pédiatre, médecin généraliste
Consultation mensuelle en cas de traitement par méthylphénidate :
– poids, taille, tension artérielle
– tolérance du traitement : appétit, douleurs abdominales, céphalées, anxiété, troubles de
l’humeur, tics
– adaptation possible de la dose ou de la présentation galénique
– ordonnance sécurisée tous les 28 jours
– nom de la pharmacie
– non renouvelable
3-4 h
Figure 4
Approche dimensionnelle de la personne
tuent en fait rarement une cause d’arrêt
du traitement. Ainsi, les troubles digestifs ou d’appétit sont le plus souvent acceptables, mais peuvent nécessiter de
bien s’assurer que l’enfant prend un vrai
petit-déjeuner le matin. Cette anorexie
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Santé
Loisirs
Soins
personnels
Vie sociale
est souvent compensée par un goûter
plus important. La majoration de tics
peut en revanche devenir un obstacle et
nécessiter une réévaluation aussi bien
diagnostique que thérapeutique. Dans
les premiers jours ou semaines de traitement, des fluctuations émotionnelles
peuvent survenir, mais s’atténuent souvent au fil du temps. En revanche, leur
majoration peut traduire une dépression et nécessite une évaluation, un accompagnement spécifique et la réévaluation de la poursuite du traitement.
Les troubles anxieux sont fréquemment
présents dès le diagnostic, mais disparaissent le plus souvent quand l’enfant
commence à ressentir le bénéfice du
traitement et à pouvoir mieux mettre en
œuvre ses compétences grâce à la réduction de son trouble d’attention.
La surveillance spécialisée, semestrielle
ou au minimum annuelle, dans le cadre
du traitement pharmacologique a pour
objet de vérifier les progrès de l’enfant,
de suivre et de coordonner les différentes rééducations proposées, de rechercher et de prendre en charge les comorbidités en priorisant les propositions, et de déterminer si le traitement
pharmacologique reste encore nécessaire et adapté en posologie et en forme
galénique (tableau II). Cette consultation
est également l’occasion de rédiger ou
de mettre à jour les certificats (MDPH,
mutuelle, ALD le cas échéant).
Médecine
& enfance
LES TROUBLES DU
SOMMEIL DANS LE TDA/H
Dans le suivi quotidien, les troubles du
sommeil occupent une place importante, que ce soit comme comorbidité du
trouble déficitaire de l’attention, comme retentissement éventuel du traitement pharmacologique ou comme
conséquence des troubles psychologiques secondaires à la situation.
Ces troubles du sommeil constituent
une comorbidité très fréquente du
TDA/H (environ 30 à 50 %) [1]. Leur
présence peut aggraver la symptomatologie du TDA/H et, en l’absence de prise
en charge spécifique, peut représenter
un frein à l’amélioration des symptômes
par la prise en charge conventionnelle
du TDA/H.
Les troubles les plus fréquemment observés chez l’enfant et l’adolescent
TDA/H sont l’insomnie, le syndrome de
retard de phase et les parasomnies. Le
retard de phase est un trouble du sommeil lié au rythme circadien. Il se définit par un endormissement beaucoup
plus tardif que l’heure souhaitée du
coucher. La latence de sommeil, c’est-àdire la période entre le coucher et l’endormissement, dépasse les trente minutes normales. La dette de sommeil
s’associe souvent à une difficulté à se réveiller le matin [10]. Les parasomnies
(somnambulisme, terreurs nocturnes,
éveils confusionnels, bruxisme, somniloquie et énurésie) sont caractérisées
par des troubles du sommeil lent ou du
sommeil paradoxal.
Le respect des règles hygiéno-diététiques associé à la prise en charge comportementale et pharmacologique du
TDA/H suffit à réduire de manière significative la fréquence et l’intensité de
la plupart de ces troubles du sommeil
(tableau III).
De façon générale, il est contre-indiqué
de donner un traitement médicamenteux spécifique pour les troubles du sommeil chez le sujet jeune, traitement qui
risquerait d’aggraver les troubles
(trouble de l’attention et de la concentration et trouble mnésique), de créer une
Tableau III
Conseils pour les parents : quelques astuces afin d’améliorer le sommeil de l’enfant
TDA/H
1. Le rythme de l’enfant doit être respecté. En effet les besoins de sommeil ne sont pas les mêmes
chez tous les enfants, ils diffèrent en fonction du chronotype du sujet. Ainsi un enfant qui est un
petit dormeur s’énervera et fera des colères si on le couche trop tôt.
2. Le moment du coucher est un moment important. Il s’agit souvent d’un moment délicat qui peut
s’avérer difficile car l’enfant doit quitter un lieu éclairé et animé pour se retrouver seul dans le noir.
Pour favoriser le coucher, on prévient l’enfant environ trente minutes à l’avance qu’il va bientôt être
l’heure d’aller se coucher.
3. Afin de prendre de bonnes habitudes, la chambre doit être réservée au sommeil et à certaines
activités comme le jeu, la lecture, le travail scolaire… (Par exemple le lit est dédié au sommeil, le
bureau aux devoirs ou aux activités).
4. On apprend à l’enfant à reconnaître les signes de fatigue et d’endormissement : il baille, se frotte
les yeux… On lui explique que c’est le signe qu’il a sommeil et que c’est le signal pour aller se
coucher.
5. Il est important de respecter des horaires réguliers du coucher, y compris pendant les week-ends
et les vacances (notre corps ne dispose pas d’une horloge de semaine et d’une horloge de weekend…).
6. Au moment du coucher, afin de mettre l’enfant dans des conditions propices à
l’endormissement, quelques règles s’imposent :
– éliminer les sources de distraction et de stimulation : télévision, console de jeux, téléphone, jeux
éparpillés, frères et sœurs…
– éviter les lumières bleues et les écrans (télé, ordinateur, tablette, téléphone)
– éviter les stimulations intellectuelles
– la chambre doit être dans la pénombre, calme et silencieuse. Si l’enfant a peur du noir, utilisez
une veilleuse de faible intensité lumineuse
– afin de maintenir une température corporelle basse, éviter les bains ou douches chaudes ainsi
que l’activité physique deux heures avant le coucher
– la température de la chambre au coucher doit être maintenue entre 18 et 20° au maximum
– ne pas laisser l’enfant s’endormir ou même dormir avec les parents
Que faire en cas de difficultés d’endormissement ou de syndrome de retard de phase :
– pratiquer toujours le même rituel avant le coucher. Le rituel du coucher est un signal et non le
moyen de s’endormir. Il doit être régulier, unique, court (maximum 15 minutes), non sujet à la
négociation, non associé à un des deux parents. Eviter un rituel qui dépende de la présence de
l’adulte (bercer, prendre dans les bras)
– dédramatiser le sommeil, sinon l’enfant risque de devenir anxieux face au sommeil
– déterminer une heure maximale de réveil applicable le week-end et les vacances
– instaurer des routines de sommeil avec des horaires de coucher et de réveil aussi réguliers que
possible, y compris les week-ends
– décaler le moment du coucher de la moitié du délai d’endormissement habituel de l’enfant. Par
exemple, si elle ou il se couche à 20 heures et met deux heures à s’endormir, on lui propose de se
coucher à 21 heures afin de diminuer le temps passé au lit
– établir un calendrier avec l’enfant, le féliciter quand il a eu des nuits calmes
– respecter des horaires de repas précis
– prendre une douche chaude le matin
– favoriser une exposition lumineuse le matin
dépendance et une accoutumance, et qui
par ailleurs pourrait être responsables de
syndromes paradoxaux (excitation, délire…). Les hypnotiques (Stilnox®, Imovane®) et les benzodiazépines (Lexomil®,
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Xanax ® , etc.) sont particulièrement
contre-indiqués chez le sujet jeune.
Si les troubles du sommeil persistent
malgré les conseils hygiéno-diététiques
et la prise en charge comportementale
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SUPPORTS POUR LES PARENTS, LES ENFANTS, LES MÉDECINS
Sites internet
첸 https://sites.google.com/site/tdahetalors.
첸 www.tdah-France : site de l’association française HyperSupers-TDAH France.
첸 www.attentiondeficit-info.com : l’un des sites du Dr Annick Vincent qui anime près de Québec une consultation spécialisée.
첸 Manon Painchaud : « Stratégies d’enseignement pour les enfants TDAH », texte téléchargeable sur http://www.aqps.qc.ca/public/publications/bulletin/14/14-1-09.html.
첸 site du Dr Louis Vera : www.drlouisvera.com.
첸 un site canadien avec des aménagements pour les enseignants : http://www.cssamares.qc.
ca/trousse_TDAH/?milieu=enseignants.
Livres
첸 « Mon cerveau a besoin de lunettes », Annick Vincent, Les éditions Quebecor, 2010, ISBN :
978-2-7640-1540-7, distribué en France par Interforum Editis (www.interforum.fr).
첸 « Attention à mon attention » et « Guide à l’attention des enseignants confrontés au
TDA/H », édités par l’association TDA/H Belgique, 24 rue de la Glacière, 1060 Bruxelles, Belgique (www.tdah.be).
첸 «L’effet Domino Dys », Roselyne Guilloux, édition Chenelière Education, 2009.
첸 « Le TDAH et l’école », édité par l’association HyperSupers-TDAH France (www.tdah-France), brochure expliquant les difficultés scolaires et les aménagements.
첸 un ouvrage avec CD détaillant un programme pour aider les parents : « Attentix à la maison : aider son enfant à gérer l’impulsivité et l’attention », Alain Caron, Chenelière Education,
www.attentix.ca et www.cheneliere-education.ca.
첸 un ouvrage pour les parents et les enseignants : « 100 idées pour mieux gérer les troubles
de l’attention », Francine Lussier, Tom Pousse Ed., 2011, ISBN : 978-232-345-0428.
lescents [11]. Elle est administrée trente
à soixante minutes avant l’heure de
coucher souhaitée. Cependant, les
études sur l’utilisation de la mélatonine
en cas de syndrome de retard de phase
sont généralement ouvertes ou effectuées chez des adultes, et nous avons
peu de recul sur son utilisation à moyen
et long terme chez le sujet jeune [12]. En
cas de prescription, la rédaction de l’ordonnance doit alors comporter la mention « préparation magistrale prescrite à
but thérapeutique en l’absence de spécialité équivalente », cette prescription
étant hors AMM et n’ouvrant pas droit
dans cette situation au remboursement
par l’assurance maladie.
Certains enfants avec un TDA/H peuvent être aidés par une petite dose de
leur traitement stimulant au moment
du coucher. De manière paradoxale,
cette prise peut aider l’enfant à s’organiser pour s’endormir. Cette stratégie serait plus efficace chez les sujets présentant un TDAH avec présentation
첸
hyperactivité prédominante.
et/ou pharmacologique du TDA/H, il
est possible de prescrire un traitement
par mélatonine. Cette dernière peut
être indiquée en cas de syndrome de retard de phase ou en cas de difficulté
d’endormissement secondaire au traitement par méthylphénidate. La mélatonine accélère l’endormissement, avec
des doses habituelles de 2,5 à 3 mg chez
les enfants et de 5 à 10 mg chez les ado-
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en
rapport avec la rédaction de ce document ou sa présentation. Tous trois ont fait partie des experts réunis dans le
cadre du groupe de rédaction des recommandations de
bonne pratique médicale auprès de la HAS sur la conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d’avoir un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
Références
mental du TDAH : efficacité d’un programme d’entraînement
aux habiletés parentales », Can. J. Behav. Sci., 2014 ; 46 : 107-11.
[5] SANDERS M.R. : « Development, evaluation, and multinational dissemination of the Triple P-Positive Parenting Program »,
Annu. Rev. Psychol., 2012 ; 8 : 345-79.
[6] GIROUX S., PARENT V., GUAY M.C. : « La remédiation cognitive et la remédiation métacognitive pour les personnes ayant
un TDAH : deux stratégies d’intervention novatrices et pourquoi pas complémentaires ? », J. Thérap. Comp. Cog., 2010 ;
20 : 87-92.
[7] PARKER J., WALES G., CHALHOUB N., HARPIN V. : « The
long-term outcomes of interventions for the management of attention-deficit hyperactivity disorder in children and
adolescents : a systematic review of randomized controlled
trials », Psychol. Res. Behav. Manag., 2013 ; 6 : 87-99.
[8] SONUGA-BARKE E.J., BRANDEIS D., CORTESE S. et al. :
« Nonpharmacological interventions for ADHD : systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials of dietary
and psychological treatments », Am. J. Psychiatry, 2013 ; 170 :
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[9] PRASAD V., BROGAN E., MULVANEY C. et al. : « How effective are drug treatment for children with ADHD at improving ontask behavior and academic achievement in the school classroom ? A systematic review and meta-analysis », Eur. J. Adolesc.
Psychiatry, 2013 ; 22 : 203-16.
[10] TIBBITTS G.M. : « Sleep disorders : causes, effects, and solutions », Prim. Care, 2008 ; 35 : 817-37.
[11] OWENS J.A. : « Pharmacotherapy of pediatric insomnia », J.
Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry, 2009 ; 48 : 99-107.
[12] KENNAWAY D.J. : « Potential safety issues in the use of the
hormone melatonine in paediatrics », J. Paediatr. Child Health,
2015 ; 51 : 584-9.
[1] HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ : « Conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d’avoir un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Recommandation de bonne pratique », décembre
2014, http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1362146.
[2] CANADIAN ATTENTION DEFICIT HYPERACTIVITY DISORDER ALLIANCE (CADDRA) : « Lignes directrices canadiennes pour
le TDAH », 2011, 3e édition, mise à jour en 2014, www.caddra.
ca/pdfs/fr_caddraGuidelines2011.pdf.
[3] NATIONAL INSTITUTE FOR HEALTH AND CARE EXCELLENCE (NICE) : « Attention deficit hyperactivity disorder : diagnosis
and management », September 2008, updated February 2015,
http://www.nice.org.uk/guidance/cg72.
[4] HAUTH-CHARLIER S., CLÉMENT C. : « Abord développe-
septembre 2016
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