Réglementation Le système réglementaire français: mutations et sanctions Le champ réglementaire français des dispositifs médicaux a connu récemment d’importantes remises en cause suite aux affaires Médiator et PIP. Un climat de méfiance s’est développé envers le système français de police sanitaire et le secteur industriel. Le point sur les grands axes de ces futures mutations. Antoine Disset, AD-DM Consulting et Faraj Abdelnour, ACIDIM Sheet/38/20/FDA_EU_Devices_Report.pdf) Bild: iStock/onurdongel Un sujet qui fait couler beaucoup d’encre L a mise sur le marché étant une procédure européenne, des exigences nationales ont été annoncées par la loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé dite « Loi Bertrand », bien que l’Europe n’ait pas été consultée de ces futurs changements. De plus, la loi de finances de la Sécurité sociale 2012 (LFSS 2012) renforce ces exigences réglementaires par des dispositions écono10 miques qui tendent à amplifier la barrière existante en ce qui concerne l’arrivée sur le marché de certains dispositifs médicaux dits à haut risque. La FDA (Food and Drug Administration) s’invite au débat par une récente publication faisant part de quelques dispositifs médicaux approuvés et utilisés sur les patients en Europe alors que la FDA ne s’est pas prononcée sur leur sécurité, voire leur efficacité (cf http://www. elsevierbi.com/~/media/Supporting %20Documents/The%20Gray%20 Le nouveau paysage français résulte des différents travaux dont le rapport SAUVE du 26 janvier 2011 sur les conflits d’intérêt, les rapports de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) des 15 Janvier et 21 Juin 2011 et les discussions et rapport des « Assises du Médicament » du 23 Juin 2011 agrémentés de trois missions parlementaires dont celles: • A l’Assemblée nationale sur l’organisation de la pharmacovigilance, présidée par le député Gérard Bapt et dont le rapporteur est le député JeanPierre Door ; • Au Sénat sur l’évaluation et le contrôle des médicaments, présidée par le sénateur François Autain et dont la rapporteur est la sénatrice Marie-Thérèse Hermange (28 juin 2011) ; • A l’Assemblée nationale sur le système des agences de sécurité sanitaire, présidée par le député Yves Bur. Une évolution selon trois grandes orientations Les futures mutations du système français s’orientent autour de trois axes : • la gouvernance couvrant l’orga- DeviceMed France | Juillet/Août 2012 | www.devicemed.fr Réglementation «La publicité, définie d’une manière plus large, inclut tous les médias ayant une visée promotionnelle.» Faraj Abdelnour, Président de l’ACIDIM nisation des agences sanitaires avec une réforme des autorités concernées et de leurs responsabilités ; • la transparence des liens d’intérêt et surtout les relations avec les professionnels de santé ; et enfin • le cadre spécifique de la publicité dans le domaine des dispositifs médicaux. Ces nouvelles dispositions, qui devront être confirmées par des décrets en Conseil d’Etat, s’accompagnent de sanctions pénales et financières à l’égard des industriels et des professionnels de santé. Enfin, le renforcement de toutes ces mutations / dispositions est complété par des exigences supplémentaires, dictées par la LFSS 2012 et modifiant les règles de prise en charge / remboursement de certains dispositifs médicaux. La gouvernance de la nouvelle agence sanitaire Trois sénateurs et trois députés siègeront désormais au Conseil d’administration de la nouvelle agence, l’ANSM (Agence www.devicemed.fr | Juillet/Août 2012 | DeviceMed France Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé), qui succède à l’AFSSaPS mise en cause notamment dans sa dépendance. La nouvelle gouvernance dessinée par la loi Bertrand a pour but de renforcer le contrôle par le pouvoir législatif des orientations et des travaux de l’ANSM. Cette agence disposera également d’un nouveau conseil scientifique qui veillera à la cohérence de la stratégie scientifique qu’elle adoptera et donnera des avis sur les orientations et la programmation b scientifique de ses travaux. 11 Réglementation «La législation autour de la publicité pour les dispositifs médicaux n’est pas une nouveauté. Cependant, la loi introduit une modification de celle-ci et impose des conditions basées sur celles du médicament.» Antoine Disset, AD-DM Consulting Le décret relatif à l’ANSM traite d’autres aspects de la gouvernance et modifie la dépendance financière de l’Agence. Les paiements, taxes et redevances de l’Agence sanitaire doivent être réglés dorénavant à l’Etat. A l’avenir, l’Etat versera une allocation à l’ANSM pour la réalisation de ses responsabilités et travaux en fonction des demandes enregistrées et délivrera un reçu à l’industriel, en contrepartie des travaux réalisés par l’Agence comme par exemple le visa de publicité d’un dispositif médical ou bien l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. seront tenus de publier sur un site internet tous leurs liens avec les professionnels de santé, associations, sociétés savantes, organismes de formation, médias du secteur de la santé etc. Enfin, le texte prévoit que les conventions et/ ou avantages soient publiés dans leur intégralité sur ce site, sans limitation de montant et à partir de 1 euro. Le cas échéant, des sanctions financières de l’ordre de 10% HT du CA associées de sanctions pénales pour les personnes physiques seront appliquées. La transparence des liens d’intérêt La législation autour de la publicité pour les dispositifs médicaux n’est pas une nouveauté. Cependant, la loi introduit une modification de celle-ci et impose des conditions basées sur celles du médicament. La publicité, définie d’une manière plus large, inclut tous les médias ayant une visée promotionnelle. Ne sont pas concernés l’étiquetage et la notice d’instruction, la correspondance en réponse à une question précise, les informations sur une mise en garde, les précautions d’emploi et les informations institutionnelles (sans référence, même indirecte à un DM). Il y a une interdiction de principe de la publicité pour les DM remboursables à l’exception des DM évalués comme présentant un faible risque pour la santé publique. Pour le DM non remboursable présentant un risque important pour la santé, une autorisation préalable devra être sollicitée auprès de l’ANSM, renouvelable tous les 5 ans. Le Ministère de la Santé publiera par arrêtés les listes des dispositifs médicaux assujettis à cette La déclaration des liens d’intérêt des professionnels sollicités pour une expertise auprès d’une autorité publique (e.g. ANSM, HAS, etc.) existe déjà mais serait structurée sous forme d’une Déclaration Publique d’Intérêt (DPI). Dans la nouvelle disposition de la loi Bertrand, ces DPI devraient être rendues publiques ; cette même loi élargit le champ de ces déclarations aux étudiants, organismes de formation et associations de patients. Rendue dorénavant obligatoire et rétroactive sur 5 ans, cette disposition devrait être explicitée par des décrets en Conseil d’Etat et impose la mise à jour, dès lors qu’une évolution intervient. Des sanctions pénales et financières seront appliquées le cas échéant (5 ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende). De plus, à l’instar des dispositions du texte américain « Physician Payment Sunshine Act » de 2010, les industriels 12 La publicité pour les DM « déclaration a priori » de publicité. Des sanctions administratives financières et pénales (deux ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende) pourront être appliquées si une entreprise ne respecte pas cette obligation. Principaux textes redéfinissant le champ réglementaire français • Loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 «Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé » • Décret n° 2012-597 du 27 avril 2012 relatif à l‘Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé • Décret du Président de la République en date du 1er mai 2012, le Professeur Dominique Maraninchi, ancien directeur général de l’Afssaps, est nommé directeur général de l’ANSM • Décret n° 2012-743 du 9 mai 2012 relatif à la publicité pour les dispositifs médicaux • Décret n° 2012-744 du 9 mai 2012 relatif à la publicité pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro • Décret n° 2012-745 du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d‘intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire DeviceMed France | Juillet/Août 2012 | www.devicemed.fr Réglementation Nouvelles missions d’évaluation des DM pris en charge par l’assurance maladie La loi Bertrand a ajouté deux nouvelles missions d’évaluation des dispositifs médicaux pris en charge par l’assurance maladie. D’une part, elle attribue des missions complémentaires à l’ANSM, lui permettant de vérifier (directement ou par organismes compétents) l’exactitude des éléments fournis sur un DM quant à son adéquation avec la description d’une ligne générique de la LPPR (article L.165-1 du Code de la Sécurité Sociale). Dans le cas où un dispositif ne réponde pas exactement à la description de la ligne générique, le nouvel article L165-1-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoit des peines allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise en France pour le DM désigné. Cette entreprise peut ain- si être contrainte de rembourser les sommes perçues illégalement. D’autre part, elle entérine la mission d’évaluation des dispositifs médicaux utilisés dans les hôpitaux dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A - évaluation intra-GHS). Cette mission avait été initiée en 2009 par le Pr Dubernard (président de la CNEDiMTS) suite au constat selon lequel un dispositif pouvait être pris en charge financièrement dans le cadre d’un GHS sans avoir été évalué par la CNEDiMTS. Les deux premières évaluations sur les colles et hémostatiques à usage chirurgical et les systèmes de cicatrisation par pression négatives ouvrent un champ d’évaluation gigantesque. Reste à connaître comment le service d’évaluation des DM de la HAS –SED, Service d’évaluation des dispositifs- va organiser ces deux nouvelles missions. A la lecture des lois et des quelques décrets d’application décrits ci-dessus, il apparaît que les dispositions demeu- www.devicemed.fr | Juillet/Août 2012 | DeviceMed France rent incomplètes pour être appliquées. Un certain nombre de décrets et d’arrêtés restent en effet à publier. Cette situation est rendue plus complexe par la nouvelle « gouvernance » au Ministère la santé induite par le changement électoral. Les orientations en matière de sécurité sanitaire du nouveau Ministre des Affaires Sociales et de la Santé Madame Marisol Touraine demeurent à confirmer. La loi Bertrand, destinée à introduire plus de vertu et de transparence, a entraîné une situation de blocage et de méfiance. Les dispositions décrites semblent rappeler l’époque de l’homologation française où des listes décidées par un pouvoir central dictaient le choix d’un DM aux spécialistes utilisateurs ; cette époque semblait révolue, mais l’avenir nous en dira davantage… AD-DM Consulting F-34000 Montpellier www.ad-dmconsulting.com 13