La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 1 - janvier-février-mars 2010 | 25
Résumé
Les récentes avancées majeures dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques du psoriasis
ont permis de définir plusieurs nouvelles cibles thérapeutiques, tout particulièrement les cytokines de
l’immunité que sont le TNFα, l’IL-12 et l’IL-23. Ces progrès, ainsi que ceux des techniques de biologie
moléculaire et de génie génétique, ont conduit à la production de molécules biologiques à usage théra-
peutique qui ont fait la preuve de leur efficacité dans le psoriasis modéré à sévère. Il en est ainsi des
inhibiteurs du TNF (anticorps monoclonaux anti-TNF comme l’adalimumab et l’infliximab, ou récepteur de
fusion comme l’étanercept) et des anticorps monoclonaux anti-IL-12/IL-23p40 (ustékinumab). De nouvelles
molécules ciblant d’autres cytokines de l’immunité adaptative, comme l’IL-17, sont actuellement en cours
de développement. Ces données témoignent de la pertinence des concepts d’immuno-intervention ciblée
au cours du psoriasis.
Mots-clés
Psoriasis
Lymphocyte T
TNFα
IL-12
IL-23
Abstract
Recent advances in the under-
standing of pathogenic mecha-
nisms of psoriasis allowed to
identify several new therapeutic
targets, notably cytokines such
as TNFα, IL-12 and IL-23. These
advances, together with major
progress in molecular biology
and bioengeneering techniques,
led to the production of thera-
peutic biological drugs showing
efficacy in moderate-to-severe
psoriasis. it is the case for TNF
inhibitors (adalimumab and
infliximab anti-TNF mono-
clonal antibodies, etanercept
as fusion protein), or anti-IL-12/
IL-23p40 monoclonal anti-
bodies (ustekinumab). New
biologics targeting other adap-
tive immunity cytokines such
as IL-17 are currently under
development. This set of data
emphasizes the relevance of
targeted immune intervention
concepts in psoriasis.
Keywords
Psoriasis
T lymphocyte
TNFα
IL-12
IL-23
paludéens de synthèse ou l’interféron alpha (IFNα)
ou β constituent des facteurs identifiés comme
pouvant induire des poussées, mais à l’exception
des interférons de type I (voir infra), les mécanismes
physiopathologiques qui conduisent au déclenche-
ment des lésions restent très mal connus.
Mécanismes immunologiques
L’efficacité de certains immunosuppresseurs, en
particulier de la ciclosporine, constitue sans doute
à ce jour la démonstration la plus convaincante du
rôle du système immunitaire dans l’inflammation
psoriasique. Ces données cliniques confirment
cependant celles issues d’études menées aussi bien
chez l’homme que chez l’animal, qui ont d’abord
démontré la contribution des lymphocytes T,
effecteurs majeurs de l’immunité dite “adapta-
tive”. Parmi ceux-ci, les lymphocytes T CD4
+
auxi-
liaires de type Th1, qui produisent principalement
comme cytokines l’IFNγ et le TNFα, ont un rôle
pro-inflammatoire important, qui a été notamment
démontré sur des modèles de souris immunodéfi-
cientes recevant des xénogreffes de peau humaine
psoriasique (1, 7). Les lymphocytes T pathogènes
semblent être avant tout des cellules résidant dans
la peau, mais des lymphocytes recrutés à partir de la
circulation sanguine jouent certainement également
un rôle (7). En effet, les études des lymphocytes T
in situ ont permis de suggérer que leur activation
était dépendante des stimulations antigéniques,
mais la nature de ces stimuli reste inconnue dans
tous les cas, hormis dans ceux où les antigènes
streptococciques semblent jouer ce rôle. Il a par
ailleurs été montré qu’une source cellulaire prin-
cipale de la production de TNF dans la peau était
constituée par des cellules dendritiques spécialisées
exprimant le marqueur CD11c mais pas la lange-
rine (8). D’autres lymphocytes T, appelés Th17, sont
également impliqués dans la maladie par l’intermé-
diaire de la sécrétion prédominante d’IL-17, cytokine
pro-inflammatoire qui active notamment en cascade
les polynucléaires neutrophiles, et d’IL-22, qui est en
partie responsable de la prolifération exagérée des
kératinocytes et de l’acanthose (9). Si la différencia-
tion des lymphocytes Th1 est influencée de manière
positive par l’IL-12, celle des lymphocytes Th17 est
stimulée par l’IL-23, ce qui fait de cette cytokine
une cible thérapeutique privilégiée (1).
En effet, si l’activation des lymphocytes Th1 et Th17
est un élément essentiel de l’inflammation au cours
du psoriasis, les mécanismes initiateurs se situent
sans doute en amont de l’immunité adaptative. C’est
donc assez logiquement que des travaux récents ont
mis en évidence la contribution de l’immunité dite
“innée”, et des mécanismes qui relient fonctionnel-
lement l’immunité innée à l’immunité adaptative,
au cours du psoriasis. Ainsi, l’IFNα a été identifié
comme un élément initiateur important de l’acti-
vation lymphocytaire au cours du psoriasis, et est
également impliqué dans les éruptions dites “para-
doxales” survenant chez des patients recevant des
traitements inhibiteurs du TNFα (10). La sécrétion
d’IFNα est assurée de manière prédominante par des
cellules dendritiques spécialisées appelées “cellules
dendritiques plasmocytoïdes”, qui sont présentes
dans les lésions cutanées de psoriasis (10).
Parmi les autres cytokines à activité pro-inflamma-
toire figurent bien sûr le TNFα, qui est la cible théra-
peutique de plusieurs agents biologiques inhibiteurs
– adalimumab, étanercept et infliximab – mais aussi
l’IL-12 et l’IL-23. En fait, c’est surtout cette dernière
qui est exprimée de manière prédominante dans
les lésions cutanées du psoriasis en plaques et qui
joue à l’évidence un rôle essentiel dans la réaction
inflammatoire chronique, notamment par la promo-
tion de la différenciation des lymphocytes Th17 (11).
Plus en amont, les événements à l’origine du déclen-
chement de la cascade inflammatoire restaient mal
connus, jusqu’à l’identification de la combinaison d’un
peptide antibactérien, appelé LL-37, avec l’ADN du soi
en tant que facteur stimulant la production d’IFNα
par les pDC (12). Ces travaux constituent d’ailleurs la
première démonstration de la nature auto-immune
du psoriasis, par le biais de l’immunité innée.
Conclusion : vision intégrée (figure)
Grâce aux nombreuses avancées récentes dans la
compréhension des mécanismes effecteurs qui sont
responsables de l’inflammation cutanée chronique,
des traitements plus ciblés, tels que les inhibiteurs du