Picking up the Pieces, un atelier destiné aux survivantes

publicité
Évaluation de Picking up the Pieces,
un atelier destiné aux survivantes
par Margaret Fitch, Alison McAndrew,
Sherri Magee, Fran Turner et Elisabeth Ross
Abrégé
On développe, à mesure que grandit le nombre de survivants du cancer, un bassin toujours plus grand d’information sur l’incidence à
long terme du cancer et de son traitement. Cancer de l’ovaire Canada
(COC) a abordé les besoins cernés des femmes ayant reçu un traitement pour le cancer de l’ovaire et a mis au point un programme
d’ateliers destiné aux survivantes et intitulé Picking Up the Pieces
[Recoller les morceaux]. Cet article décrit l’évaluation de l’atelier tel
qu’il a été offert à 170 survivantes dans le cadre de huit séances données à l’échelle du Canada. Les sondages imprimés et les entrevues
détaillées révélaient que les participantes avaient trouvé l’atelier
d’une très grande utilité concernant la validation de leurs expériences en matière d’adaptation à titre de survivantes, les liens qu’il leur
permettait d’établir avec d’autres survivantes et un réseau de soutien
ainsi que les outils pratiques qu’il leur fournissait afin de les aider
à aller de l’avant et à vivre la vie qu’elles envisageaient pour ellesmêmes. Les infirmières en oncologie occupent une position idéale
pour encourager les femmes à assister aux ateliers conçus pour les
survivantes. En outre, ce programme pourrait servir de modèle et
être adapté pour d’autres populations de patients atteints de cancer.
Introduction
Selon les estimations, 2 700 femmes sont diagnostiquées annuellement du cancer de l’ovaire au Canada (Institut national du cancer du
Au sujet des auteures
Margaret Fitch, inf., Ph.D., Centre de cancérologie
Odette, 2075 Bayview Ave., Toronto, ON M4N 3M5
Tél. : 416-480-5891 ; Téléc. : 416-480-7806 ;
Courriel : [email protected]
Alison McAndrew, B.A., RAP, Odette Cancer
Centre, 2075 Bayview Ave., Toronto, ON M4N 3M5.
Courriel : [email protected]
Sherri Magee, Ph.D., 1660 Angus Dr.,
Vancouver, BC V6J 4H3.
Courriel : [email protected]
Fran Turner, M.Sc., Ovarian Cancer Canada, 145
Front Street East. Suite 101, Toronto, ON M5A 1E3.
Courriel : [email protected]
Elisabeth Ross, M.Sc.S., Ovarian Cancer Canada,
145 Front Street East Suite 101,
Toronto, ON M5A 1E3.
Courriel : [email protected]
doi: 10.5737/1181912x213145149
Canada, 2009). Bien qu’il représente la première cause de décès dû au
cancer parmi les cancers gynécologiques et que beaucoup de femmes
sont encore de nos jours diagnostiquées en phase avancée (stade III
ou IV) (Daly & Ozols, 2004) quand le taux de survie tourne autour de
20 %, on constate des progrès encourageants. Les régimes thérapeutiques toujours plus efficaces et moins toxiques mis en œuvre depuis
les années 1970 ont entraîné une augmentation régulière des taux de
survie. Le nombre de femmes encore en vie cinq ans après leur diagnostic de cancer ovarien est passé de 37 % en 1976 à 46 % en 2006
(American Cancer Society [ACS], 2010). On souligne que l’optimalisation des techniques de réduction tumorale constitue l’un des plus
importants facteurs au niveau de la maximalisation de l’efficacité des
thérapies postopératoires (Lockwood-Rayermann, 2006).
À mesure que grandit le nombre de survivantes du cancer ovarien, on dispose de davantage d’information sur les défis auxquels ces
femmes continuent de faire face. Beaucoup d’entre elles subissent les
effets continus de leur chirurgie et de leur traitement tels que l’infécondité, les perturbations de la sexualité, la fatigue, la ménopause
induite par le traitement et les changements d’ordre cognitif (Fitch,
Gray & Franssen, 2000, 2001; Lockwood-Rayermann, 2006). De certaines façons, le cancer de l’ovaire pourrait de nos jours correspondre
à un modèle de maladie chronique. La prise en charge de la maladie
et de ses symptômes peut se poursuivre sur une durée relativement
étendue. Son incidence dépasse le simple aspect physique. Elle peut
être également de nature émotionnelle, sociale, psychologique et spirituelle (Fitch, Porter & Page, 2008). Les survivantes doivent non seulement s’adapter aux effets physiques tardifs et à long terme mais
encore recoller les morceaux de leur vie et aller de l’avant.
Les survivantes du cancer ovarien font face à bien des défis lorsqu’elles doivent trouver les moyens de composer avec l’incertitude,
le manque de contrôle, la peur de l’inconnu, la marque infamante
du cancer et l’éventualité d’une récidive et de leur mort (Ferrell et
al., 2005; Howell, Fitch & Deane, 2003). Les survivantes ont décrit les
défis suivants : changements touchant les rôles familiaux, perturbations des fonctions corporelles et de l’image de soi, changements
en matière de confort et de mobilité, problèmes relatifs à la fertilité
et à la sexualité et enfin, défis rencontrés sur le plan du fonctionnement cognitif et de la capacité physique. Celles qui sont moins
âgées, moins instruites, sans partenaire de vie et dont la maladie est
plus étendue sont confrontées à davantage de défis (Gil, Gibbons,
Jenison, Hopkins & van Gruenigen, 2007; Schulman-Green, Ercolano,
Dow, Schwartz & McCorkle, 2008).
Cancer de l’ovaire Canada (COC) est un organisme national dont la
mission consiste à faire preuve de leadership dans la lutte contre le
cancer de l’ovaire : 1) en appuyant les femmes atteintes de la maladie
et leurs familles, 2) en sensibilisant le grand public et les professionnels de la santé, et enfin, 3) en finançant la recherche pour mettre au
point des techniques de dépistage précoce, améliorer le traitement
et, finalement, trouver un moyen de guérir cette maladie. Cancer de
l’ovaire Canada a pris connaissance d’un grand nombre des problèmes confrontant les survivantes dans le cadre des forums d’intervenants et des séances d’information qu’elle a organisés dans l’ensemble
du Canada (Fitch & Turner, 2004). Les femmes réclamaient de l’aide
au niveau de la transition entre le traitement primaire du cancer de
l’ovaire et la vie en tant que survivante, que cette dernière ait un cancer actif ou non. Cancer de l’ovaire Canada a ensuite envoyé 18 survivantes du cancer ovarien à l’International Cancer Rehabilitation
Conference tenue à Vancouver (avril 2006) où les femmes ont assisté
à l’atelier Picking Up the Pieces [Recoller les morceaux] animé par
Sherri Magee et Kathy Scalzo. Cet atelier était conçu pour présenter
le concept de survivance et certaines stratégies dont les survivantes
pouvaient se prévaloir pour composer avec leur situation. Par la suite,
CONJ • RCSIO Summer/Été 2011 145
le groupe de survivantes ayant participé à l’atelier a insisté auprès
de Cancer de l’ovaire Canada pour qu’il offre ce type de programme
à d’autres survivantes du pays. En réponse à cette demande, Cancer
de l’ovaire Canada a élaboré un nouveau programme intitulé Picking
Up the Pieces: A Program for Survivors [Recoller les morceaux : programme à l’intention des survivantes]. En étroite collaboration avec
la Dre Sherri Magee, un format d’atelier élargi a été conçu pour le nouveau programme en fonction de l’information et des approches mises
au point par la Dre Magee et sa collègue, Kathy Scalzo (Magee & Scalzo,
2006). Le changement revenait essentiellement à étendre le programme à une journée et à fournir une exploration bien plus détaillée
de la survivance et des stratégies pratiques d’adaptation. Le présent
article vise à décrire le nouveau programme destiné aux survivantes
du cancer ovarien et à présenter les résultats de l’évaluation de sa
mise en œuvre initiale à l’échelle du Canada.
Description du programme
Picking Up the Pieces
Le nouveau programme se basait sur le matériel présenté dans
l’ouvrage intitulé Picking up the pieces: Moving forward after surviving cancer de Magee et Scalzo (2006). Ce livre avait été rédigé pour
servir de ressource aux personnes ayant subi un traitement pour
leur cancer, et à toutes les conséquences afférentes, et étant confrontées aux défis de ramasser les morceaux de leur vie, de trouver
le moyen de les recoller et d’aller de l’avant. Il combine les voix de
maintes survivantes pour présenter un guide pratique sur le rétablissement et la guérison après le traitement du cancer.
Le nouveau programme a été conçu sous la forme d’un atelier
d’une journée à l’intention des femmes ayant été diagnostiquées d’un
cancer de l’ovaire et traitées à cet effet. Il n’y avait aucune restriction concernant le temps écoulé depuis le diagnostic. Le programme
visait avant tout à fournir des approches pratiques favorisant le
rétablissement après un traitement pour cancer ovarien. Ses objectifs particuliers étaient d’aider les femmes 1) à traverser la transition
de survivante à personne connaissant le bien-être, 2) à intégrer le soi
pré- et post-cancer, 3) à leur redonner confiance dans leurs choix et
de l’espoir pour l’avenir, 4) à cerner leur compréhension de soi et
les aptitudes nouvellement acquises, et enfin, 5) à éveiller ou raviver
leurs esprits guérisseurs. Le contenu et les activités étaient basés sur
Tableau 1. Sommaire du contenu (séances de 6 heures)
Vue d’ensemble des quatre phases du rétablissement
1. Recouvrer une conscience de soi—questionnement
Questions principales :
Quel est mon nouveau normal?
Qu’est-ce qui a changé?
Qu’est-ce qui est encore pareil?
Casse-tête : Trouver les quatre coins—soi intellectuel, soi corporel,
soi spirituel, relations
2. Recouvrer un sentiment de maîtrise—découverte
Questions principales :
Qu’ai-je besoin de guérir?
Suis-je en train de vivre la vie que je veux vivre?
Casse-tête : Assembler les bords
3. Recouvrer un sens profond de signification—croissance
Question principale :
Quels aperçus profonds ai-je acquis du fait de l’expérience du
cancer?
Casse-tête : Travailler vers le centre
4. Recouvrer le sentiment d’avoir un avenir—réflexion
Question principale :
Que fais-je pour vivre dans le présent?
146 CONJ • RCSIO Summer/Été 2011
les quatre phases du rétablissement telles que conceptualisées par
Magee et Scalzo : questionnement (recouvrer une conscience de soi);
découverte (recouvrer un sentiment de maîtrise), croissance (recouvrer un sens profond de signification, et enfin, réflexion (recouvrer
le sentiment d’avoir un avenir) (Magee & Scalzo, 2006).
Le programme de l’atelier comprenait une présentation didactique sur les quatre phases du rétablissement (y compris des éléments graphiques sous forme de diapositives), des discussions en
groupes de petite et grande taille au sujet des croyances entourant
la guérison et de la visualisation par les femmes de la vie qu’elles
souhaitent mener, des exercices expérientiels ainsi que des exercices d’apprentissage et de pratique actifs autour des compétences
fondamentales de l’atelier (en voir le programme au tableau 1). Les
compétences fondamentales comprennent la réflexion sur les cinq
questions et la marche attentive (voir le tableau 2).
Dans chaque ville concernée, la tenue du programme a été annoncée par le biais des publications de Cancer de l’ovaire Canada (son
bulletin électronique et Semons l’espoir) et des envois postaux aux
intervenants. Les participantes devaient s’inscrire à l’avance mais ne
payaient aucun frais de participation. Les ateliers étaient offerts dans
des salles d’hôtels locaux. Le nouveau programme a été donné sous
forme d’atelier de six heures dans huit villes différentes (Winnipeg,
Edmonton, Calgary, Victoria, Halifax, London, Ottawa et Montréal).
Collecte et analyse des données d’évaluation
L’évaluation du nouveau programme a été conçue de manière
à décrire les perspectives des femmes relativement à l’atelier et à
déterminer l’utilisation qu’elles faisaient de l’information qu’elles y
avaient reçue et des compétences qu’elles y avaient acquises. Les
données ont été réunies lors de l’atelier et six mois plus tard afin de
déterminer si le programme 1) avait été présenté tel que prévu, et 2)
avait atteint les buts qui lui avaient été attribués.
Deux approches ont été utilisées pour réaliser la collecte des
données d’évaluation. Premièrement, toutes les participantes ont
été invitées à remplir une enquête concernant leurs perspectives sur
l’atelier et ce, à la fin de la séance d’une journée. Les enquêtes ont
été rassemblées par l’animatrice de l’atelier qui les a ensuite fait parvenir à la coordonnatrice de la recherche à Toronto. Deuxièmement,
les participantes ont été invitées à participer à une entrevue téléphonique semi-dirigée six mois après l’atelier. L’invitation concernant
Tableau 2. Réflexion sur les cinq questions et marche attentive
L’atelier encourageait les réflexions quotidiennes sur ces cinq
questions*
• Que se passe-t-il au niveau de mon corps?
• Quelles émotions est-ce que je ressens?
• Quand je laisse mes pensées vagabonder, à quoi est-ce que je
pense?
• Avec qui ai-je eu un rapport significatif?
• Qu’est-ce qui m’a donné un sentiment de paix?
L’atelier encourageait la marche attentive**
• Mettez de côté 20 minutes chaque jour pour faire une
promenade seule.
• Concentrez votre attention sur votre respiration.
• Remarquez ce qui arrive à votre corps. À quel rythme allezvous? Vous déplacez-vous en toutes liberté et aise? Où
éprouvez-vous des douleurs, des raideurs ou une gêne?
• Tandis que vous marchez, concentrez-vous sur les sons, les
couleurs et les odeurs.
• Remarquez les sentiments qui naissent alors que vous faites
porter votre attention sur vos alentours.
• Revenez au moment présent à chaque fois que votre esprit
vagabonde.
* Voir la page 67, Picking Up the Pieces (Magee & Scalzo, 2006)
** Voir la page 66, Picking Up the Pieces (Magee & Scalzo, 2006)
doi: 10.5737/1181912x213145149
l’entrevue a été annoncée à la fin de l’atelier et les participantes ont
été contactées six mois plus tard à ce propos par la coordonnatrice
de la recherche œuvrant à Toronto. Le consentement des participantes concernant l’entrevue a été obtenu à ce moment-là, juste avant
la tenue de cette dernière. Les entrevues ont été réalisées au téléphone par la coordonnatrice de la recherche et enregistrées afin de
faciliter la prise de notes et l’analyse ultérieure.
Les outils d’évaluation ont été spécifiquement conçus aux fins
de ces travaux particuliers. L’enquête administrée à la fin de l’atelier
visait à recueillir des données démographiques (p. ex. l’âge, le temps
écoulé depuis le diagnostic) et des perspectives sur la présentation
réelle du programme. Ces perspectives ont été saisies en demandant
aux participantes d’attribuer une cote, au moyen d’une échelle de type
Likert en quatre points, à divers aspects de l’atelier (p. ex. présentations, documents distribués, travail en groupes). L’enquête comprenait également des questions ouvertes demandant aux participantes
de suggérer des améliorations éventuelles, ce qu’elles comptaient
faire afin d’utiliser l’information et les outils de l’atelier et enfin, si
elles recommanderaient volontiers le programme à d’autres femmes.
Le guide de l’entrevue aux six mois comprenait des questions concernant le souvenir qu’avaient les femmes de leur expérience de l’atelier, ce qui les y avaient inspirées, ce qu’elles avaient trouvé difficile
au niveau de la participation à l’atelier, l’application qu’elles avaient
faite des leçons apprises au cours de l’atelier et les suggestions qu’elles pouvaient faire en vue d’améliorer toute édition future de l’atelier.
Il était prévu que ces entrevues prennent de 20 à 30 minutes, selon la
quantité de détails que les femmes souhaitaient fournir.
L’analyse du sondage six mois après l’atelier était descriptive. Les
fréquences et les pourcentages ont été calculés pour les réponses
données à chacune des questions dirigées. Le contenu des réponses
aux questions ouvertes a été colligé et organisé selon les similitudes en matière de perspectives. Les données de l’entrevue ont été
soumises à une analyse simple du contenu. Les réponses fournies
à chaque question ont été colligées et regroupées selon les similitudes en matière de perspectives.
Résultats
Échantillon
Les données utilisées dans le cadre de cette évaluation proviennent des huit éditions de l’atelier données à l’échelle du Canada.
Au total, 103 personnes ont rempli le sondage imprimé à la fin des
diverses séances, sur les 170 personnes qui y ont participé. L’âge
moyen des répondantes était de 54 ans (l’âge médian étant de 55
ans), l’étendue variant de 27 à 74 ans. Parmi les 103 répondantes,
14 étaient des personnes atteintes d’un cancer autre que le cancer
des ovaires et 6 étaient des proches et/ou des soignants. Parmi celles ayant subi un traitement, son achèvement remontait en moyenne
à 23 mois (pour une étendue de 0–300 mois).
Cotes attribuées dans le sondage et commentaires relatifs aux
éléments du programme
Le tableau 3 présente un résumé des cotes correspondant à chacun des éléments clés du programme. Quatre-vingt-dix-neuf pour
cent des participantes qui ont rempli le sondage ont indiqué que,
dans l’ensemble, l’atelier était de « bon » à « excellent ». Elles signalaient que les documents distribués étaient utiles et compréhensibles à l’exception de quelques descriptions graphiques du processus
de survie/rétablissement.
On a constaté que les participantes avaient inscrit de nombreux
commentaires dans le sondage en réponse aux questions ouvertes.
Dans l’ensemble, les participantes estimaient que l’animatrice avait
présenté le contenu de manière informative et encourageante. Le
fait de disposer d’une technique de visualisation et de compréhension des étapes du rétablissement aidait les participantes à réaliser
que ce qu’elles éprouvaient n’avait rien d’inhabituel.
• J’ai apprécié l’accent mis sur le côté positif et l’emploi des mots—
compassion, bravoure
• Très informatif; [j’ai désormais] une meilleure compréhension
intuitive du rétablissement et de l’avenir.
• L’animatrice est très à l’aise avec le matériel; elle comprend ce que
les survivantes veulent et ce dont elles ont besoin.
Beaucoup de participantes ont mentionné la valeur des échanges mutuels de récits. En écoutant les récits d’autres survivantes,
elles éprouvaient espoir et encouragement. Elles avaient l’impression qu’elles se trouvaient des points communs et qu’elles ne se
sentaient plus si isolées dans leur expérience de la survivance.
• [J’ai préféré] écouter les récits des autres personnes et les entendre
parler du processus complet menant de la survivance au bien-être.
• Ça donne espoir. Je ne suis pas seule. J’ai ressenti le soutien émanant du groupe.
• Le sentiment d’espoir que nous a laissé [l’animatrice]; le fait que le
choix joue un rôle tellement important dans la manière dont nous
vivons.
Certaines participantes décrivaient des aspects tangibles particuliers de l’atelier comme étant les plus précieux pour elles—apprendre les phases du processus de rétablissement, passer en revue le
livre Picking Up the Pieces: Moving Forward After Surviving Cancer
(Magee & Scalzo, 2006). D’autres jugeaient que l’aspect le plus
appréciable de la participation à l’atelier était le soutien qu’elles y
avaient reçu d’autrui. Rien que le fait de se trouver en compagnie
d’autres survivantes leur apportait un soutien.
• [J’ai aimé] parler avec d’autres personnes traversant des situations
similaires qui ont ainsi une meilleure compréhension de mon vécu
du cancer.
• [J’ai aimé] les occasions données aux participantes de partager
leurs pensées les plus perspicaces.
En ce qui concerne les outils pratiques que les participantes pensaient pouvoir utiliser, celles-ci ont indiqué en avoir acquis plusieurs dans le cadre de l’atelier. Elles mentionnaient les suivants :
• Marche attentive
• Réflexion sur les cinq questions essentielles
• Façons de nommer et comprendre la peur; sentiment réaliste de
l’espoir (par opposition aux platitudes du genre Hallmark)
• Savoir que le moi que je m’efforce de guérir vaut les efforts entrepris puisqu’il survivra à mon corps.
Tableau 3. Utilité des divers éléments du programme (N=103)
Tout à fait
d’accord/d’accord
Neutre
Pas du tout d’accord/
pas d’accord
Sans objet
Pas de réponse
Les graphiques du processus de
rétablissement étaient utiles
26
7
1
65
4
La documentation était facile à comprendre
96
4
1
5
-
La documentation était utile
97
5
1
-
-
PowerPoint était utile
88
13
2
-
-
Éléments
doi: 10.5737/1181912x213145149
CONJ • RCSIO Summer/Été 2011 147
Les participantes indiquaient qu’elles avaient l’intention de partager ce qu’elles y avaient appris avec leurs proches et de tirer ellesmêmes avantage de l’information.
• Je crois que ça va m’aider à traverser un peu plus facilement mes
journées.
Les participantes indiquaient unanimement qu’elles recommanderaient l’atelier à d’autres survivantes. Elles constataient qu’il aiderait à valider ce que les gens ressentent et à savoir ce qu’il leur serait
utile d’apprendre afin de bien composer avec les conséquences du
traitement.
• Ceci fournit de merveilleux outils pour franchir les étapes ultérieures au traitement et de passer « du néant au nouveau normal ».
Entrevues de suivi à six mois
Trente-sept femmes ont indiqué à la fin de l’atelier qu’on pourrait les contacter six mois plus tard pour une entrevue. Lorsqu’on
est entré en communication avec elles, 15 ont accepté de participer
à l’entrevue. La majorité de celles qui ont décliné la participation à
l’entrevue l’ont fait parce qu’elles ne se sentaient pas suffisamment
bien ou que leur participation ne les intéressait plus. Ces entrevues
ont duré approximativement 30 minutes chacune (étendue de 20 à
60 minutes).
En jetant un regard en arrière sur leur vécu de l’atelier, toutes les
femmes interviewées se le rappelaient sous un jour positif. Selon le
souvenir qu’elles en avaient, la séance venait compléter leurs autres
expériences et avait donné lieu à de nombreuses interactions sociales positives. Elles décrivaient l’inspiration qu’elles avaient héritée des autres participantes tandis qu’elles écoutaient leurs récits.
Pour reprendre les mots d’une interviewée, « le simple fait que nous
étions là était en lui-même une source d’inspiration ». Les femmes
décrivaient comment l’animatrice, et les interactions qu’elle générait, avaient validé leur vécu de survivantes et ceci contribuait à
l’élan d’inspiration qu’elles avaient ressenti. Cette compréhension et
cette validation étaient perçues comme des avantages complémentaires au fait d’avoir vu les autres participantes—toutes à différents
stades de la maladie—ainsi réunies.
En examinant les six mois écoulés depuis la tenue de l’atelier,
les femmes interviewées décrivaient la façon dont celui-ci les avait
motivées à faire des plans pour l’avenir. Il renforçait ce qu’elles ressentaient ou vivaient et leur permettait de cultiver de nouvelles amitiés et leur procurait plusieurs outils pratiques qu’elles pouvaient
utiliser. Dans l’ensemble, on y cernait la notion d’apprentissage pratique sur ce qu’il convenait de faire exactement plutôt que de lire
un livre ou de tenir une discussion à cet effet. Les outils pratiques
qu’elles avaient utilisés durant l’intervalle de six mois comprenaient la réflexion sur les cinq questions (voir le tableau 2), la marche
attentive, la tenue d’un journal, la musique et des méditations particulières qu’elles avaient apprises au cours de l’atelier.
La plupart des 15 femmes interviewées ont déclaré qu’elles
vivaient, au moment de l’entrevue de suivi, la vie qu’elles souhaitaient vivre. Elles rapportaient qu’elles voyageaient, jardinaient,
passaient du temps en famille, faisaient de l’exercice et profitaient
davantage « du moment présent ». Elles exprimaient la notion selon
laquelle l’atelier les avait incitées à vouloir atteindre l’objectif de
vivre pleinement leur vie et à prendre des mesures à cet effet.
Suggestions des femmes pour l’amélioration de l’atelier
Toutes les suggestions faites par les interviewées sur les améliorations à apporter à l’atelier tel que donné reflétaient les commentaires qu’elles avaient inscrites plus tôt sur les copies du sondage
administré à la fin de l’atelier proprement dit. Les principales idées
concernant les améliorations à l’atelier comprenaient les suivantes : Accroître la quantité de temps consacrée aux activités et discussions en groupes/accroître les interactions (davantage d’action
et moins d’écoute)
148 CONJ • RCSIO Summer/Été 2011
• Réaliser qu’il peut être pénible de revivre l’expérience en s’exprimant à son sujet
• Rallonger l’atelier (2 journées ou en deux fois)
• La journée a été bien longue
• Offrir le même atelier aux proches/soignants
• Créer un cahier d’exercices qui accompagnerait l’atelier
• Développer une séance de méditation à faire à l’intérieur (si on est
dans l’impossibilité d’aller dehors pour faire la marche).
Discussion et implications
Il existe, au Canada, un nombre croissant de personnes qui vivent
après avoir reçu un diagnostic de cancer et un traitement à cet effet.
Il y a ainsi environ 1 million de survivants au Canada (INCC, 2009).
La survivance est un phénomène dont la fréquence ne cesse de croître et l’on concentre de plus en plus l’attention sur les réalités de
l’adaptation pendant cette période (Boyle, 2006; Fitch, RistorskiSlijepcevic, Scalzo, Bennie, Nicoll & Doll, 2009; Lance Armstrong
Foundation, 2004). Ceci a débouché sur un corpus croissant de connaissances et de compréhension de l’impact à long terme du cancer et de son traitement. Beaucoup de survivants doivent composer
avec un éventail d’effets à long terme et de séquelles du traitement
du cancer et aussi trouver le moyen de franchir le cap correspondant à l’épisode actif du traitement proprement dit et de continuer
à vivre leur vie. Ils ont besoin qu’on les aide sur le plan de la transition entre la fin du traitement primaire et la période où ils recollent
les morceaux de leur vie et vont de l’avant. Jusqu’à présent, le système de lutte contre le cancer a accordé bien peu d’attention à cet
intervalle ou aux manières dont il pourrait fourni un soutien aux
patients afin qu’ils réussissent la transition (Institute of Medicine &
National Research Council, 2005) du traitement primaire au vécu de
la vie après le cancer. Le programme élaboré et offert par COC est
donc novateur et constitue un premier pas vers le comblement de
cette lacune en soins de soutien.
Ce programme a été conçu pour les survivantes du cancer, et les
participantes s’étaient autosélectionnées. L’évaluation était volontaire et les efforts concertés visant à garder le contact avec les participantes à des fins de suivi n’ont pas eu lieu. Néanmoins, si l’on
se fonde sur les résultats de l’évaluation (les données du sondage
imprimé et de l’entrevue ultérieure), le nouveau programme Picking
Up the Pieces a été donné tel que prévu et a réussi à atteindre les
objectifs fixés (c.-à-d. aider les femmes à franchir les transitions vers
le bien-être, intégrer leurs aperçus portant sur leur nouvelle identité
axée sur le cancer et sur le rétablissement, rebâtir leur degré de confiance et raviver leurs esprits guérisseurs). Il convient de noter l’importance de la validation personnelle dont les participantes avaient
bénéficiée, à leurs dires. Le contenu de l’atelier et les échanges avec
les autres participantes avaient pour résultat de normaliser les sentiments et les préoccupations des femmes. En particulier, les participantes se sentaient plus habilitées par les conceptualisations sur
la transition, sur le rétablissement en tant que processus et sur la
reprise d’un contrôle sur leur vie. De plus, elles possédaient désormais la terminologie leur permettant de décrire adéquatement ce
qui leur arrivait. Les compétences particulières qu’elles ont acquises (c.-à-d. les outils aidant à gérer les peurs; les exercices facilitant l’exploration du vécu de la vie qu’elles souhaitent vivre; les
outils leur permettant d’accéder à leur avenir; les profils résultant
d’auto-évaluations afin d’explorer les défis physiques, spirituels et
sociaux auxquels elles sont confrontées) faisaient naître, chez elles,
le sentiment d’être en train de prendre des mesures actives en vue
de poursuivre leur cheminement après le choc du diagnostic et du
traitement. Il est manifeste que ce programme abordait l’adaptation
aux problèmes de qualité de vie d’ordre psychosocial ainsi que les
nombreux avantages liés à une activité de groupe de soutien aux
patients offerte en personne (Gray, Sinding & Fitch, 2001). À titre de
modèle, il pourrait être grandement applicable à d’autres sièges de
cancer ou populations de patients.
doi: 10.5737/1181912x213145149
Ce programme a été conçu et offert par un organisme communautaire au personnel bénévole en partenariat avec des professionnels. Il
recevait le plein appui de l’organisme et se déroulait dans des installations hôtelières. Il pourrait s’agir d’une approche à examiner plus
avant à l’avenir. Cependant, du fait de l’attention relativement nouvelle que l’on porte à la survivance au sein du continuum des soins
aux personnes atteintes de cancer, à la fois en tant que concept et que
domaine nécessitant des approches programmatiques, de nombreuses
questions devront être explorées : Qui devrait jouer un rôle au niveau
des programmes relatifs à la survivance et en assumer la responsabilité? Où les individus concernés sont-ils susceptibles d’accéder à ces
programmes—au centre de cancérologie ou dans la communauté?
Comment les programmes de cancérologie et les organismes communautaires peuvent-ils établir les partenariats les plus fructueux autour
des questions entourant la survivance? Qui devrait offrir tels ou tels
types de programmes ou de contenu? À quelle phase de l’expérience
du cancer devrait-on offrir les programmes portant sur la survivance?
Il s’agit là de sujets qui devront être débattus et clarifiés.
La quantité de publications concernant la survivance est montée
en flèche ces dernières années (Morgan, 2009). Pourtant, les manières
d’aborder les programmes de survivance et la prestation des services
restent fortement controversées. Au niveau de cette dernière, l’attention a surtout porté sur l’utilisation des plans de traitement des survivants à titre d’outils aidant les patients à progresser vers la phase de
la survivance. Une récente analyse du contexte concernant les plans
de traitement des survivants a mis au jour les aperçus suivants : les
programmes de cancérologie ont tendance à aborder les plans d’intervention auprès des survivants en fournissant des résumés du traitement reçu, des effets secondaires dont il convient de surveiller
l’apparition éventuelle et des instructions relatives aux examens de
suivi (p. ex. mammographie, CA-125, etc.) alors que les organismes
communautaires considèrent que la survivance allie principalement
un apprentissage de l’adaptation, l’assistance pratique, la gestion du
stress et des modes de vie sains (http://www.partnershipagainst
cancer.ca/sites/default/files/journey/Survivance_Svetlana_
Ristovski-Slijepcevic.pdf). Il est incontestable que les efforts à venir
devront examiner les moyens d’intégrer ces deux grands aspects des
soins aux survivants et de favoriser les partenariats entre les programmes de cancérologie et les organismes communautaires.
Le programme Picking Up the Pieces a été offert sous forme
d’atelier lequel permettait des interactions personnelles (en face à
face). Étant donné le succès qu’il a remporté, le programme pourrait être donné dans d’autres endroits. Des infirmières en oncologie pourraient s’impliquer dans la planification et la présentation
d’un tel atelier. À tout le moins, informer les patients de la tenue
d’un tel atelier dans leur région devrait faire partie de la pratique
courante. En outre, on pourrait mettre au point des adaptations du
programme à l’intention d’une gamme plus étendue de survivants
de tous les types de cancers. Il est également raisonnable d’explorer et d’évaluer des adaptations du programme afin qu’il puisse être
offert par le biais de téléconférences ou de modalités en ligne. Les
récentes expériences auprès de groupes de soutien en ligne ont été
fort encourageantes, et ces derniers s’avèrent prometteurs dans le
cadre des soins aux survivants (Stephen et al., 2009). Pour terminer,
ce type d’atelier pourrait être offert aux infirmières en oncologie
afin qu’elles apprennent de nouvelles techniques qu’elles pourraient employer dans leur propre pratique, dans le cadre de l’enseignement et des conseils qu’elles prodiguent aux survivants et dans
le cadre du soutien qu’elles fournissent aux patients et à leurs proches tout au long de la transition.
Références
American Cancer Society (2010). Cancer facts and figures 2006.
Retrieved from http://www.cancer.org/acs/groups/content/
@nho/documents/document/acspc-024113.pdf
Boyle, D.A. (2006). Survivorship. Canadian Journal of Oncology
Nursing, 10(3), 407–416.
Daly, M.B., & Ozols, R.R. (2004). Symptoms of ovarian cancer—Where
to set the bar? Journal of the American Medical Association,
291(22), 2755–2756.
Ferrell, B., Cullinane, C.A., Ervine, K., Melancon, C., Uman, G.C., &
Jarez, G. (2005). Perspectives on the impact of ovarian cancer:
Women’s views of quality of life. Oncology Nursing Forum, 32(6),
1143–1143.
Fitch, M.I., Gray, R.E., & Franssen, E. (2000). Perspectives on ovarian
cancer: Young women’s views. Canadian Oncology Nursing
Journal, 10(3), 101–108.
Fitch, M.I., Gray, R.E., & Franssen, E. (2001). Perspectives on living
with ovarian cancer: Older women’s views. Oncology Nursing
Forum, 28(9), 1433–1442.
Fitch, M., & Turner, F. (2004, May). Canadian stakeholders’
perspectives regarding the priorities for information
dissemination on ovarian cancer. 2nd National Conference on
Ovarian Cancer, Ottawa, Canada.
Fitch, M.I., Porter, H.B., & Page, B.D. (2008). Supportive care
framework: A foundation for person-centred care. Pembroke, ON:
Pappin Communications.
Fitch, M., Ristovski-Slijepcevic, S., Scalzo, K., Bennie, F., Nicoll, I., &
Doll, R. (2009). Cancer survivorship: Creating a national agenda.
Canadian Oncology Nursing Journal, 19(2), 55–59.
Gil, K.M., Gibbons, H.E., Jenison, E.I., Hopkins, M.P., & van Gruenigen,
V.E. (2007). Baseline characteristics influencing quality of life in
women undergoing gynecologic oncology surgery. Health Quality
of Life Outcomes, 5, 25.
doi: 10.5737/1181912x213145149
Gray, R.E., Sinding, C., & Fitch, M.I. (2001). Cancer self-help groups
are here to stay: Issues and challenges for health professionals.
Journal of Palliative Care, 17(1), 53–58.
Howell, D., Fitch, M.I., & Deane, K.A. (2003). Impact of ovarian cancer
perceived by women. Cancer Nursing, 26(1), 1–9.
Institut national du cancer du Canada. (2009). Statistiques
canadiennes sur le cancer 2009. Toronto, ON : Auteur.
Institute of Medicine and National Research Council (2005). From
cancer patient to cancer survivor: Lost in transition. Washington,
DC: National Academics Press.
Lance Armstrong Foundation. (2004). A national action plan for
cancer survivorship: Advancing public health strategies. Austin,
TX: Author.
Lockwood-Rayermann, S. (2006). Survivorship issues in ovarian
cancer: A review. Oncology Nursing Forum, 33(3), 553–562.
Magee, S., & Scalzo, K. (2006). Picking up the pieces: Moving forward
after surviving cancer. Vancouver: Raincoast.
Morgan, M.A. (2009). Cancer survivorship: History, quality-oflife issues, and the evolving multidisciplinary approach to
implications of cancer survivorship care plans. Oncology Nursing
Forum, 36(4), 429–436.
Schulman-Green, D., Ercolano, E., Dowd, M., Schwartz, P., & McCorkle,
R. (2008). Quality of life among women after surgery for ovarian
cancer. Palliative Supportive Care, 6(3), 239–247.
Stephen, J., Speca, M., Turner, J., Carlson, L., Taylor-Brown,
J., Flood, K., et al. (2009). Empowerment and support at the
click of a mouse: Research and clinical developments in
professionally facilitated online support groups. Symposium,
Canadian Association of Psychosocial Oncology, Vancouver,
BC.
CONJ • RCSIO Summer/Été 2011 149
Téléchargement