La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 5 - septembre-octobre 2010 | 147
Prévalence et pharmaco-
thérapie de la dépression chez
les patients atteints de cancer
Utrecht (Pays-Bas) et Malaya (Malaisie)
Les personnes touchées par le cancer souffrent
de détresse psychologique importante, et à long
terme. Toutefois, la prévalence de dépression
varie considérablement d’une étude à l’autre.
Ces disparités semblent résulter de l’utilisation
de critères de diagnostic, d’outils et d’échelles
de mesure différents selon les types de cancers.
Des chercheurs hollandais et malais ont entre-
pris une revue systématique de la littérature,
dans le but de faire le point sur la prévalence
et le traitement de la dépression chez les
patients atteints de cancer et pour examiner
les éléments de preuve concernant l’efficacité
du traitement médicamenteux de la dépression
chez ces patients. En interrogeant Pubmed, ils
ont identifié 488 articles traitant de la dépres-
sion chez des patients cancéreux entre 1950 et
février 2010. Ils se sont intéressés plus spéci-
fiquement aux 31 articles qui ont fondé le
diagnostic de dépression sur l’entretien clinique
structuré du DSM (
Structured Clinical Interview
for DSM Disorders
[SCID]). Ces articles ont tous
été publiés entre 1994 et 2009. Les auteurs ont
estimé les taux de prévalence en combinant
les données de tous les rapports. En outre, ils
ont identifié des essais contrôlés qui ont étudié
les effets des médicaments psychotropes chez
les patients cancéreux déprimés. Sur la base de
ces 31 rapports, le taux de prévalence estimé
de la dépression chez les patients atteints de
cancer, mesurée à l’aide de la méthodologie
psychiatrique spécifique, serait de 10,8 %. Les
chercheurs ont par ailleurs identifié 8 essais
comparant un traitement antidépresseur à
d’autres traitements efficaces chez les patients
cancéreux. Seuls la miansérine et l’alprazolam
ont démontré un effet positif pour améliorer
les symptômes dépressifs. Malgré la forte
prévalence de la dépression chez les patients
atteints de cancer, des études sur la pharma-
cothérapie efficace restent donc relativement
rares. Les preuves de l’efficacité des médica-
ments classiques utilisés pour le traitement de la
dépression, tels les antidépresseurs tricycliques
et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine, sont très limitées. Il est possible que
ces molécules soient moins indiquées dans ce
cadre en raison de leur long délai d’action. Selon
les auteurs, l’utilisation des psychostimulants
d’action rapide mériterait plus d’attention.
>
Ng CG, Boks MP, Zainal NZ, de Wit NJ. The prevalence and
pharmacotherapy of depression in cancer patients. J Affect Disord
2010 [Epub ahead of print].
Effet de la gestion par
télésoins de la douleur et
la dépression chez les patients
atteints de cancer
Indianapolis (États-Unis)
La douleur et la dépression constituent les
symptômes physiques et psychiques les plus
répandus dans les cancers. Malgré cela, elles
sont souvent méconnues, mal traitées, voire les
deux. Les techniques de soins collaboratifs ont
montré leur efficacité pour améliorer les symp-
tômes dépressifs. Des chercheurs de l’Indiana
ont mis en place une approche collaborative
destinée à l’amélioration de la douleur et de la
dépression en oncologie dans une zone d’habitat
dispersé. Ils ont cherché à savoir si la gestion
des soins centralisée par téléphone, de pair avec
un contrôle automatisé des symptômes, pouvait
améliorer la dépression et la douleur chez les
patients atteints de cancer. Cette étude rando-
misée a été réalisée dans 16 secteurs de soins
oncologiques de zones urbaines ou rurales. Le
recrutement s’est fait de mars 2006 à août 2008
et le suivi a été réalisé jusqu’en août 2009. Les
patients inclus souffraient de dépression, de
douleurs liées au cancer, ou des deux. L’inter-
vention par télésoins a concerné 202 patients
et les soins habituels ont été appliqués à 203
personnes. La gestion par téléphone des patients
du groupe d’intervention était réalisée par une
équipe constituée d’infirmières et de médecins
spécialisés et elle était associée à un contrôle
automatisé à domicile des symptômes, qui se
faisait par enregistrement vocal interactif ou
sur Internet. Parmi les 405 participants inscrits
à l’étude, 131 souffraient de dépression seule,
96, de douleurs seules, et 178 présentaient à la
fois des signes de dépression et des douleurs.
Parmi les 274 patients souffrant de douleur,
137 d’entre eux appartenant au groupe d’in-
tervention ont vu la leur atténuée au cours des
12 mois de l’essai, de manière plus marquée que
celle des patients qui ont suivi le traitement clas-
sique. De même, parmi les 309 patients souffrant
de dépression, il a été observé une diminution
de la sévérité de la dépression plus importante
chez les 154 patients du groupe d’intervention
que chez les 155 autres, du groupe des soins
habituels. La gestion centralisée par télésoins,
associée à une surveillance automatisée des
symptômes, a donc abouti à une amélioration,
en matière de douleur et de dépression, chez les
patients cancéreux recevant des soins dans des
régions d’habitat géographiquement dispersé,
urbaines et rurales.
>
Kroenke K, Theobald D, Wu J et al. Effect of telecare manage-
ment on pain and depression in patients with cancer: a rando-
mized trial. JAMA 2010;304(2):163-71.
Trouver un bénéfice après le
cancer : le rôle de l’optimisme,
des pensées intrusives
et de l’environnement social
Spring Hill (Australie)
L’expérience du diagnostic et du traitement du
cancer est indéniablement un événement de vie
négatif. Toutefois, beaucoup de patients ayant
eu un cancer rapportent que cette expérience a
eu également des effets positifs sur la suite de
leur existence. Ils évoquent souvent le fait que
ce vécu a amené une profonde modification de
leur manière d’appréhender l’existence et les
relations humaines, que le sens ou le but de
leur vie a changé, qu’ils ont fait de nouveaux
choix et qu’ils se sont donné de nouvelles
priorités. Des chercheurs australiens ont posé
l’hypothèse que le traitement cognitif du trau-
matisme du cancer dans un contexte social
favorable pourrait sous-tendre le mécanisme
de ces effets positifs. Ils ont donc réalisé une
étude auprès de 439 patients atteints de cancer
et ont évalué chez eux l’optimisme, les pensées
intrusives à propos du cancer, l’évitement (ne
pas penser à la maladie), le soutien social et les
contraintes, l’anxiété, la dépression, la qualité
de vie et le bénéfice ressenti. Ce dernier était
établi à l’aide d’un questionnaire de 17 items.
Les domaines évalués incluaient l’acceptation
des imperfections de l’existence, la meilleure
prise de conscience du rôle des autres dans
sa propre vie et le développement d’un but
dans la vie. Les patients devaient quantifier