Lesactualitésducœur•Printemps2012
Le bulletin de l’Alliance québécoise pour la santé du cœur
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Circonférence de taille
Introduction
La relation entre l’obésité et les complications métaboliques, le
diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certaines formes
de cancer est maintenant bien établie. Malgré tout, l’hétérogénéité
de l’obésité a longtemps gardé les cliniciens perplexes quant à
l’importance de ce facteur de risque. En effet, certains individus
avec un diagnostic d’obésité effectué sur la base de l’indice de
masse corporelle (IMC) ne présentent pas ou peu de complications
métaboliques alors que d’autres individus peuvent être caractérisés
par un profil de risque diabétogène et athérogène. À cet égard,
les études épidémiologiques et métaboliques réalisées depuis
plus de 25 ans ont confirmé qu’une proportion élevée de graisse
abdominale constitue un facteur de risque important pour les
maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et la mortalité.
Relation entre la circonférence de la taille, l’IMC et le risque de
maladies cardiovasculaires et de diabète
Il y a plus de 15 ans, nous avons proposé la mesure de la
circonférence de la taille en tant qu’indicateur de la quantité absolue
de tissu adipeux abdominal. Cependant, certains investigateurs
ont questionné la valeur ajoutée du tour de taille puisque celui-
ci est fortement corrélé à l’IMC (Figure 1). En dépit de cette forte
association (souvent supérieure à 0,80), la Figure 1 nous révèle
également qu’il existe une variation interindividuelle considérable
dans la circonférence de la taille pour tout IMC donné. Ainsi, parmi
Pourquoi est-il important
de mesurer la circonférence
de la taille en plus de l’indice
de masse corporelle?
les individus qui montrent un IMC similaire, ceux qui ont un tour de
taille élevé montrent un profil métabolique détérioré et sont plus à
risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires que
les individus avec un tour de taille inférieur.
L’importance de prendre en considération l’obésité abdominale en
plus de l’adiposité totale dans l’évaluation du risque cardiovasculaire
a été confirmée par l’étude INTERHEART, une étude transversale
internationale cas-témoins conduite auprès de 27 000 hommes et
femmes. Une autre grande étude épidémiologique internationale,
l’étude IDEA impliquant 100 000 femmes et 70 000 hommes
provenant de 63 pays, a montré une relation continue entre le tour
de taille, l’IMC et la prévalence de diabète. Toutefois, à n’importe
quelle valeur d’IMC, une circonférence de la taille élevée était
associée à un risque accru de diabète.
L’étude EPIC-Norfolk, conduite chez 24 508 hommes et femmes
avec un suivi moyen de 9,1 années a, quant à elle, démontré qu’une
circonférence de la taille élevée était associée à une augmentation
du risque de maladie coronarienne, et ce, même après ajustement
pour l’IMC. Les auteurs ont même rapporté qu’une circonférence des
hanches élevée (indicateur d’obésité sous-cutanée) semblait protéger
contre la maladie coronarienne, indépendamment de l’IMC ou de
la circonférence de la taille. Notre laboratoire a même proposé que
ce « bon » tissu adipeux sous-cutané pourrait constituer un réservoir
métabolique protégeant l’organisme contre la « lipotoxicité ».
Dans l’évaluation du risque cardiovasculaire, quelle est l’utilité de
mesurer les paramètres d’adiposité au-delà des facteurs de risque
traditionnels?
Tout récemment, une étude publiée par la Emerging Risk
Factors Collaboration (58 études prospectives, 221 934 individus)
a semé une certaine confusion quant à l’importance de mesurer
la circonférence de la taille. En effet, les auteurs de l’étude ont
suggéré que puisque l’IMC, la circonférence de la taille et le Rapport
Messages clés
• L’obésité augmente le risque de maladies
chroniques (maladies cardiovasculaires,
diabète de type 2, cancers, etc.).
• La mesure de la circonférence de la
taille permet de raffiner la prédiction des
événements cliniques (diabète de type 2
et maladies cardiovasculaires) au-delà de
l’indice de masse corporelle (IMC).
• La circonférence de la taille ne doit pas
remplacer l’IMC, mais est une mesure à
ajouter à l’IMC dans l’évaluation du patient
en clinique.
Jean-Pierre Després, Ph.D., FAHA, FIAS, directeur de la recherche en cardiologie, Centre de recherche de l’Institut
universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec; directeur scientifique, Chaire internationale sur le risque
cardiométabolique;professeurtitulaire,Départementdekinésiologie,Facultédemédecine,UniversitéLaval
Une proportion élevée de graisse
abdominale constitue un facteur de
risque important pour les maladies
cardiovasculaires, le diabète de type 2
et la mortalité.