MARX – QUELQUES IDEES- FORCES Jean Luc de Meulemeester ULB

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MARX – QUELQUES IDEESFORCES
Jean Luc de Meulemeester
ULB
22 MARS 2011
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LA VISION DE MARX
• Karl Marx s’inscrit dans la tradition des
Utopies et rédige son oeuvre au moment
du maximum des inégalités (milieu 19ième
siècle) (Das Kapital, 1867)
• Il est à l’origine un juriste et un philosophe
=> il rejette le capitalisme pour des raisons
philosophiques:
• le marché est “chosifié” et “divinisé” (aliénation)
• le travail lui-même est une marchandise et ne
permet plus à l’homme d’exprimer ce qu’il est
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• Mais bientôt MARX se tourne vers
l’Economie Politique
– il reste fidèle à sa critique humaniste du
capitalisme
– mais veut lui donner un fondement
scientifique => MARX se tourne vers les travaux
économiques de son temps (Ecole Classique
anglaise d’économie politique: Smith, Malthus,
Ricardo…)
• il en vante les mérites scientifiques
• mais ne croit pas en des lois naturelles de
l’économie (non modifiables) mais “historiquement
déterminées” (propres à un mode de production
donné)
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• Originalité de Marx (1867): il prend les
institutions au sérieux (et le capitalisme
aussi)
– les Classiques anglais (Ricardo, 1817) pensaient
que la croissance économique mûe par la
quête du profit (donnant lieu à une
accumulation de capital) allait s’arrêter à cause
des rendements décroissants (chaque unité de
capital en plus coûte la même chose mais
rapport de moins en moins) => état
stationnaire
– Marx est + optimiste: reprenant les idées de
Ricardo sur le progrès technologique, il ne voit
pas l’arrêt de la croissance
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• Pour Marx, le problème du capitalisme
n’est pas l’étouffement de la croissance
• au contraire, il vante la magnifique dynamique du
capitalisme où les unités de production en
perpétuelle concurrence sont constamment
poussées à innover pour ne pas être rejetées du
marché. Par ce biais elles peuvent vendre au même
prix que leurs concurrentes et faire plus de profit
(et donc étendre leur capital et/ou innover
davantage) ou vendre moins cher que les autres et
éliminer les concurrents
• Mais la concurrence supposée au coeur du
modèle s’auto-détruit: concentration du
capital (socialisation “technique” de la
production)
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• Le problème du capitalisme est sa stabilité
– il s’inscrit dans la lignée des penseurs sur la
crise de surproduction (ou de sousconsommation), de Boisguillebert (1709) à
Keynes (1936)
– le capitalisme promeut les forces productives
(croissance) via la dynamique de concurrence
(qui peu à peu s’anémie avec la concentration
du K)
– MAIS aussi exploitation croissante de la main
d’oeuvre qui n’a d’autres choix que d’offrir sa
force de travail aux capitalistes
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• Dans la négociation du contrat de travail, le
“bargaining power” est du côté du
capitaliste => les prolétaires sont payés un
nombre d’heures juste nécessaire pour
assurer leur survie. Le reste est empoché
par le capitaliste (plus-value, sa
contrepartie monétaire étant le profit) qui
doit le réinvestir s’il veut éviter d’être
dépassé par des concurrents
• Il y a une offre de + en + abondante mais
une demande qui ne suit pas => crises
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• Il y a une baisse tendancielle du taux de
profit (bénéfices sur capital investi) qui
contribue à l’émergence de crises
périodiques qui ne font que contribuer à la
centralisation de la production (monopoles,
oligopoles)
• Pour MARX: in fine, la production est déjà
techniquement concentrée. Le problème
est social => idée qu’il est à ce stade
optimal de supprimer la propriété privée
des moyens de production au profit d’une
gestion collective
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LECONS DE MARX
• La société socialiste va émerger
“spontanément” (il y a une base objective
en sa faveur), et elle est nécessaire pour
des raisons d’efficacité économique (le
capitalisme a fait son temps, mais il a été
nécessaire pour développer l’économie)
• Efficacité et égalité vont de pair (une
société qui maintient la masse des gens
dans la misère est inefficace)
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• Problèmes du capitalisme:
– la distribution du revenu entre capital et travail
(les inégalités)
– il s’autodétruit (car la concurrence mène à la
concentration du capital): la concurrence
(l’aiguillon positif) disparaît d’elle-même et on
passe de la classe des entrepreneurs à des
administrateurs (cf. Schumpeter, 1936)
– la concentration du revenu du capital sur une
classe très étroite qui n’est plus constituée
d’entrepreneurs justifie l’expropriation
– le marché est propre aux éco peu développées,
la planification à un niveau haut de technologie
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UNE SOCIETE SOCIALISTE?
• Pour MARX: la société socialiste devait in
fine s’installer dans les sociétés capitalistes
les plus avancées (Allemagne, Angleterre,
Belgique..) et certainement pas à la
périphérie du capitalisme (Russie); là ce
dernier devait encore jouer son rôle de
promoteur des forces productives et du
progrès technologique
• Que dit Marx sur la société socialiste?
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• Marx est relativement peu loquace:
– quelques guidelines:
• propriété collective des moyens de production
(définition même du communisme) => fin de
l’aliénation du travail et fin de l’exploitation de
l’homme par l’homme. Le “produit du surtravail”
(produit du travail qui est fourni en + de ce qui est
nécessaire à la consommation immédiate du
travailleur) n’est plus accaparée par des capitalistes
mais est propriété collective
• transformation puis disparition de l’Etat (outil de
domination d’une classe sur une autre dans le
capitalisme). Une société socialiste sans classe n’a
plus besoin de l’état (sauf stade intermédiaire
socialiste: “état ouvrier” = dictature du prolétariat)
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• Disparition du marché: pour Marx, dans la société
communiste il y aura disparition du marché et de la
propriété privée des moyens de production. Avec la
production marchande doivent disparaître: valeur,
monnaie, salaire (opposé au socialisme de marché)
• Corollaire: l’organisation de la production sera
planifiée à l’échelle sociale. Les catégories
monétaires (et les prix de marché) étant supprimés,
le plan devra être exprimé directement en unités
naturelles (“comptabilité en temps de travail”,
“procédure d’évaluation des effets utiles des
différents produits)
• 2 phases de répartition:
– phase inférieure de la société communiste: le travail sert
directement dans la planification de la production
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– Il sert de principe de répartition des objets de
consommation individuelle entre les membres de la
société
– Phase supérieure de la société communiste: “à chacun
selon ses besoins”, abolition complète et définitive du
droit capitaliste
– Cette phase exige deux conditions:
» très haut niveau de développement des forces
productives
» profonde transformation des mentalités: le travail est
devenu dans la société communiste le premier
besoin de l’homme
– Utopie marxiste: la nouvelle société va
tellement développer la croissance que
l’homme se libérera de la contrainte
économique
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LE SOCIALISME REELLEMENT
EXISTANT
• Les prévisions de Marx sur
l’appauvrissement absolu des travailleurs
ne se réalise pas
• Après 1870 à l’Ouest, amélioration des
conditions de vie, croissance du revenu par
tête, développement de l’éducation (causes
militaires, économiques…) => mobilisation
+ forte dans des syndicats, partis sociodémocrates (Belgique: POB, 1886)
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• Combats pour le suffrage universel (1893
en Belgique: suffrage universel tempéré par
le vote plural)
• Intégration progressive de la classe ouvrière
dans le système et du parti socialiste dans
l’establishment politique
• Premières lois sociales (assurances sociales
en Allemagne sous Bismarck pour contrer
l’influence socialiste)
• Internationalisme (valeur clé chez Marx)
mort en 1914: vote des crédits de guerre
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• Après 3 ans de guerre lassitude sur tous les
fronts (mutineries sur le front français en
1917)
• En Russie 2 révolutions (bourgeoise en
février - Kerensky qui continue la guerre;
bolchévique en octobre/novembre qui met
fin à la guerre avec les Allemands, mais pas
à la guerre civile (1917-1921)
• 1921-1929: NEP (propriété collective des
grandes industries, infrastructures, mais
secteur privé existe encore)
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• La NEP combine des éléments socialistes
(et un effort en matière d’infrastructures,
par exemple électrification) avec le
maintien de rapports marchands (par
exemple dans l’agriculture)
• 1929-1941: Staline et la mise en place des
plans quinquennaux, collectivisation de
l’agriculture pour y retirer un surplus au
profit de l’industrialisation rapide
• L’Etat opère ce que Marx voyait comme le
rôle du capitalisme (industrialisation)
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L’économie centralement planifiée:
forces et faiblesses
• Cas-limite: le gouvernement prend toutes
les décisions sur ce qui doit être produit,
comment produire (comment les
ressources sont allouées, comment on
produit) - voire dans des cas extrêmes
comment les “biens finis” (destinés à la
consommation finale et non à la production
d’autres biens - les “biens intermédiaires”)
seront distribués!
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• Il y a un Bureau Central de Planification
(Gosplan) qui décide de l’allocation des
ressources en calculant leurs raretés
relatives compte tenu de ce qu’il imagine
être les demandes finales (ou ce qu’il
souhaite!) et les processus de production
• Techniques mathématiques existent:
– recherche opérationnelle (Danzig, USA et
Kantorovitch, URSS, prix Nobel d’économie,
1970)
– “évaluations objectivement déterminées”,
“shadow prices”
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• AVANTAGES (THEORIQUES) DE L’ECONOMIE PLANIFIEE
– le capitalisme (la libre-concurrence) est un
modèle dynamique instable où des firmes font
faillite, des individus souffrent de chômage
durant les périodes d’ajustement structurel. La
planification centralisée permet
d’”économiser” ces périodes de transition en
“imposant” dès le départ le résultat final
(éviterait des gaspillages)
• cas particulier: le socialisme de marché (Barone,
1913; O. Lange, 1939) => le planificateur centralisé
peut reproduire l’équilibre général du marché en
économisant le tâtonnement walrasien
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– Le Bureau Central de Planification (BCP) a une
vue globale du système économique => il est
en mesure de tenir compte explicitement des
externalités (ce qu’une firme isolée ne peut
faire)
• p.ex. en matière de pollution, le Bureau Central
peut imposer dès le départ les technologies
“vertes” de par son aptitude à prévoir les coûts
environnementaux des techniques alternatives.
• Le Bureau Central de planification a pour objectif
explicite de maximiser le bien-être collectif et non
celui d’une entité isolée
– Une économie planifiée pourrait conduire à
une distribution des Y et de la richesse plus
égale
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• La rémunération des facteurs de production est en
effet déterminée ou contrôlée par l’Etat (BCP), qui a
le choix d’introduire dans ses objectifs un objectif
d’égalité (en économie de marché la distribution
des Y est un by-product du fonctionnement du
système, très conditionnée par des dotations
initiales souvent inégalitaires)
– désir de la société de gouverner son propre
destin au lieu d’être dominée (entraînée) par
les forces de marché
– le BCP peut contrôler les prix et éviter
l’inflation (mais risques de pénurie…). En
économie planifiée les prix reflètent les raretés
par rapport aux objectifs globaux du BCP!
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• DESAVANTAGES (PRATIQUES) DE L’ECONOMIE PLANIFIEE
– le BCP peut méjuger des préférences des
citoyens (consommateurs) en l’absence de prix
de marché
• problème de la “médiation sociale des valeurs
d’usage dans le mode de production soviétique” (G.
Roland, 1989) => comment déterminer quels biens
produire pour répondre aux besoins des
consommateurs?
– économie de marché: via les prix (signaux de rareté)
– économie planifiée: plus dur à évaluer => erreurs et donc
excès d’offre (trop de choux…) et de demande (pas assez
de voitures…)
• solution extrême: le BCP veut imposer une
meilleure structure de consommation (dictature)!
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– Problèmes d’incitation:
• en économie planifiée: propriété collective des
moyens de production
• tous les travailleurs sont fonctionnaires (le PDG du
combinat comme les ouvriers sont payés et évalués
par le BCP) et perçoivent donc une rémunération
fixée par l’Etat => peu incitatif (cf. fonction
publique)
• URSS années 60: part fixe, statutaire, puis aussi un
‘bonus’ en relation avec l’atteinte des objectifs fixés
par le Plan (recherche d’incitations)
• MAIS démotivation liée aussi à la structure topdown: les décisions sont prises en haut lieu (les
directeurs de firmes exécutent les décisions du BCP)
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• Peu de place laissée à l’initiative in situ => risque de
se priver d’une information utile
– problème plus global de la gestion de
l’information (le centre, le BCP, doit gérer une
information de + en + complexe au fur et à
mesure du développement économique =>
système de + en + inefficace) (supériorité du
marché pour gérer l’information: cf. Hayek)
– structure centralisée => absence de
concurrence entre les firmes (unités de
production toutes pilotées par le BCP) =>
faibles incitants à l’innovation => peu de
variété des produits, faible qualité (Etat en
monopole, pas de choix)
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– Le système économique est géré par l’Etat =>
requiert une lourde administration => danger
de bureaucratisation excessive (tout le monde
est fonctionnaire):
• coûts d’administration élevés
• lourdeur du système, peu réactif aux changements
– NB: ces défauts de l’économie planifiée
peuvent se retrouver à l’Ouest dans la fonction
publique (administration, armée,…) et le
secteur privé (très grandes entreprises) =>
distinction plus entre petites unités
(Schumacher, 1971: ‘small is beautiful’) et
grandes entités
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