TRIBUNE
La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 2 - Février 2010 | 65
2003 : canicule en Europe
(203 références, 70 000 morts)
On attendait le charbon, on a vu des petits vieux tomber
comme des mouches de fièvre et de cachexie déshydra-
tante, en plein été et désert médical, faute d’endroits pour
se rafraîchir par 35 °C à l’ombre. La France, très mal préparée,
a compté, entre le 1er et le 15 août, 11 435 morts. C’est la
deuxième mortalité la plus importante d’Europe, après celle
de l’Italie (20 000 morts, cachés jusqu’en 2005). On pourra
dire qu’il ne s’agit pas d’une maladie infectieuse, mais la fièvre
était, et est toujours, un des principaux signes de ce coup de
chaleur. Et, dans le contexte du principe de précaution obli-
geant à prendre en compte des risques plus virtuels, cette
épidémie caniculaire, tout à fait prévisible, a interpellé. Elle
a rappelé aux politiques le sens des réalités. Elle nous a remis
dans le bon sens de la marche.
2004 : SARM-CA
(1 695 références, plusieurs milliers de morts aux États-Unis)
Les Américains attendaient la variole (après les enveloppes au
charbon), ils ont eu droit au SARM-CA ou “community-asso-
ciated methicillin-resistant Staphylococcus aureus”. L’épidémie
d’infection par des staphylocoques dorés résistants à la méti-
cilline était rampante depuis déjà des années, dans les villes
américaines. Elle a été négligée par les autorités politiques
de l’époque, plus portées sur la guerre au terrorisme. Et puis
les CDC d’Atlanta (Center for Disease Control) alertent quant
à l’état de la situation à travers 9 “communities” aux États-
Unis, surveillées tout au long de l’année 2005 : 8997 cas d’in-
fections invasives à SARM avaient été révélés, la plupart étant
“healthcare-associated” (87 %), mais incluant des infections
soit à début communautaire (58 %), soit à début hospitalier
(26 %), les autres étant “community-associated” (13 %). Le
nombre de décès a été estimé à 1598 dans cette étude. Le
SARM-CA pose, comme son nom l’indique, d’importants
problèmes de prise en charge en matière d’antibiothérapie,
mais aussi d’autres difficultés, sur lesquelles nous reviendrons
dans un prochain numéro de La Lettre de l’Infectiologue.
2004 : grippe aviaire A/H5N1
(1 654 références, plus de 100 morts)
Le rapport entre le nombre de publications et le nombre
de décès (R = 16) tend vers le chiffre historique obtenu par
le bioterrorisme (R = 450), mais il en reste loin. Restons
sérieux, la grippe aviaire tue avec une belle efficacité les
quelques personnes qui la rencontrent (au contact d’animaux
malades ou morts, ou de leurs déjections). Heureusement,
ces cas restent rares. Une transmission interhumaine limitée,
liée à des contacts étroits et répétés, a été rapportée dans
4 épisodes distincts (Indonésie, Chine, Pakistan, Thaïlande),
mais elle n’a pas donné lieu à une transmission communau-
taire secondaire. Cela ne relève probablement pas du hasard.
Comme pour le SARS coronavirus, il est utile de garder en
mémoire qu’un agent pathogène qui tue son hôte ne se
transmet pas très facilement. S’il veut survivre et se trans-
mettre, il doit s’adapter pour respecter un peu plus son hôte.
C’est d’ailleurs, peut-être, ce qui se passera avec le H5N1,
mais, jusqu’à maintenant, les pandémies sont plus le fait
de virus H1 ou H2 que H5.
2004 : tsunami (634 publications, 230 000 morts)
Il n’est pas habituel que des catastrophes naturelles soient
responsables d’autant de morts (230 000), de disparus
(45 000) et de blessés (125 000) dans tant de pays différents.
En général, les tremblements de terre qui peuvent être aussi
graves, en termes de mortalité et de morbidité, touchent la
population d’une seule région. Mais la vague mortelle a ici
déferlé sur les côtes de Sumatra, avant d’atteindre les plus
touristiques des côtes de la Thaïlande, du Sri Lanka et de l’Inde,
en pleines fêtes de fin d’année, le jour de Noël ! C’était la
conséquence d’un tremblement de terre d’une force énorme
(une magnitude de 9,3 sur l’échelle de Richter) qui a eu lieu au
nord de l’île de Sumatra, quelques centaines de kilomètres plus
au sud. En quelques heures, toute l’Europe – et principalement
les pays scandinaves (dont les ressortissants aiment bien les
vacances au soleil, surtout à cette époque de l’année) –, était
touchée. Quant aux épidémies annoncées (paludisme, choléra,
etc.), elles n’ont pas eu lieu. En revanche, des infections peu
courantes de la peau et des parties molles ont été signalées
chez les blessés. Elles étaient le fait de germes aquatiques ou
nosocomiaux plutôt inattendus ou résistants...
2005-2006 : chikungunya
(998 références, 254 morts à la Réunion)
Après environ trente ans d’hivernage, le virus du chikungunya
est sorti de sa réserve pour refaire surface, au prix d’une petite
mutation qui a permis une meilleure adaptation au moustique
vecteur, dans les îles du Sud de l’océan Indien, principalement
Mayotte (66 000 cas) et l’île de la Réunion (266 000 cas), où
l’épidémie a explosé en décembre 2005 et a sévi jusqu’à la
sortie de l’été austral, en mars 2006. À l’île de la Réunion, la