chassées ? En France, le dispositif national Sylvatub (Rivière et al. 2013) a mis au point une
formation des chasseurs afin qu’ils effectuent une surveillance via l’examen visuel des
carcasses. Les chasseurs sont positionnés au début de la chaîne d’un réseau d’acteurs qui
ensemble contribuent à une surveillance efficace de la maladie. Un tel dispositif est-il
envisagé ou envisageable aujourd’hui en Mongolie ? Quels seraient la manière et les moyens
de le mettre en place de manière à ce qu’il ait une efficacité et un résultat quantifiable qui
satisfasse les autorités nationales et internationales ?
3) Dimension pluridisciplinaire du projet de recherche
Les pays occidentaux s’inquiètent de l’émergence et de l’expansion des maladies
animales dans le monde, notamment celles transmissibles à l’homme2 et celles qui deviennent
pandémiques. Les foyers d’émergence situés en Asie sont particulièrement préoccupants.
Le colloque Zoonoses and emergence of new infectious diseases: biology meets
anthropology (Collège de France, juin 2013), organisé par Ph. Sansonetti (Collège de France,
chair de Microbiologie et Maladies infectieuses), B. B. Finlay (PWIAS, University of British
Columbia, Vancouver) et Fr. Keck (CNRS, LAS), interrogeait la possible pluridisciplinarité
de l’étude des émergences des maladies animales3. Les résultats des deux enquêtes de terrain
ethnographiques menées en Mongolie en 2013-2014 et le travail bibliographique réalisé
m’incitent à penser que l’étude de la perception-gestion des maladies animales en lien étroit
avec d’autres disciplines que l’anthropologie, et notamment la sérologie, la virologie et
l’épidémiologie, est nécessaire pour saisir toutes les dimensions du sujet.
Sur la base d’une enquête ethnographique des relations homme / animal, il s’agira de
croiser des données biologiques (épidémiologie, virologie, sérologie) et anthropologiques
(anthropobiologie, anthropologie sociale, environnementale, religieuse). Je ferai dialoguer ces
deux champs disciplinaires avec celui de la politique et du droit. La relation homme / animal
sera envisagée en rapport avec le mode d’élevage (nomade extensif, sédentaire intensif) et
l’environnement (steppe, ferme), les politiques publiques de gestion des maladies animales
(quarantaine, abattage, vaccination), les services vétérinaires, le traitement réservé aux
produits dérivés (lactés, carnés) des troupeaux infectés. Enfin, j’étudierai en détail l’aspect
religieux de la question : les croyances des éleveurs relatives au monde animal (âme animale)
et les répercussions sur la représentation et la gestion des maladies animales. À partir de
l’étude de leurs pratiques, discours et justifications, il s’agira de comprendre comment les
éleveurs articulent différents systèmes de gestion des troupeaux et des maladies animales avec
différents savoirs et systèmes de croyances ? Comment ont-ils (simultanément ou
successivement) recours à des systèmes empruntés à des rebouteux, chamanes, moines et
vétérinaires, aux savoirs et savoir-faire locaux et scientifiques de type occidental ? Et
comment perçoivent-ils les abattages sanitaires au regard des pratiques d’abattage des
animaux domestiques et celles de chasse du gibier en vue de leur consommation ?
L’objectif final de ce postdoctorat consistera à élaborer une comparaison avec les
Mongols de Russie et de Chine sur la base de collaborations avec des collègues virologistes,
épidémiologistes et anthropologues spécialistes de ces régions. J’analyserai ainsi, à un niveau
plus large, les modalités de production des normes et des politiques publiques. Il s’agirait de
comprendre comment elles structurent des espaces de surveillance et de contrôles des
populations animales (domestiques et sauvages) et humaines pour prévenir la propagation de
maladies animales au sein d’une même espèce animale, d’une espèce animale à une autre ou
d’une espèce animale à l’homme, aux échelles locales et globales — épizootie et panzootie.
2 Keck et Vialles (dir.), Des hommes malades des animaux, Cahiers d’anthropologie sociale, 8 (L’Herne, 2012).
3 Cf. le compte rendu du colloque, Ruhlmann 2013 [en ligne sur http://www.college-de-france.fr/site/philippe-
sansonetti/symposium-2013-06-11-12h30.htm].