nières années. Cependant, les caracté-
ristiques des patients, avec près de deux
tiers de femmes et un âge moyen de
41,9 ans sont identiques aux données
épidémiologiques habituelles rappor-
tées à plusieurs reprises au cours du SII
validant a posteriori le caractère repré-
sentatif de l’échantillon de patients (1, 9).
De même, la hiérarchisation de la plainte
symptomatique est similaire aux données
rapportées par ailleurs (4). L'impor-
tance des symptômes de type “sensitif”
retrouvés dans cette enquête rejoint la
place qui lui est donnée dans les critères
diagnostiques de Rome II (3).
Le versant original de cette enquête est
d’avoir mis en évidence les relations
étroites entre les repas, les différents
types d’aliments et l’apparition des
symptômes digestifs au cours du SII,
relations qui finalement n’ont été que
très peu étudiées au cours du SII (7, 8).
Concernant les relations temporelles
avec les repas, 43 % des patients signa-
laient une exacerbation des signes cli-
niques, essentiellement la douleur et les
sensations de ballonnements dans l’heure
suivant la fin du repas. Ces données
sont très proches de celles rapportées
par Ragnarsson et son équipe, qui
signalaient que 55 % des épisodes dou-
loureux étaient rapportés après les repas
(7). Le type de repas influence égale-
ment la survenue des symptômes. Le
repas pris rapidement, dans une situa-
tion stressante, facteur de majoration
des symptômes de SII (9), était claire-
ment signalé par les patients. À l’in-
verse, les repas de fête, qui a priori ne
représentent pas une situation de stress,
sont également incriminés par les
patients. La charge calorique sans doute
supérieure, responsable d’une réponse
motrice réflexe plus importante, pour-
rait être un facteur explicatif. Sur un
plan physiopathologique, ces relations
temporelles ne relèvent pas du hasard.
En effet, la prise alimentaire stimule de
manière très importante la motricité
digestive, notamment au niveau du
côlon. Une étude récente a d’ailleurs
montré que l’hypersensibilité colique à
la distension, phénomène physiopatho-
logique majeur au cours du SII (10),
était encore majorée en période post-
prandiale (11).
L’analyse des aliments incriminés dans
la survenue des symptômes montre une
convergence très nette entre l’avis du
patient et celui du médecin (tableau II).
Ces résultats sont similaires à ceux rap-
portés par Simren et al. en Suède (8).
Les plats en sauce, les frites et les fritures,
sources d’un apport lipidique important,
sont parmi les aliments les plus souvent
cités comme responsables d’une aug-
mentation des symptômes. L’apport calo-
rique et l’effet ralentisseur des lipides
sur le transit digestif pourraient en être
l’explication. Les aliments fermentes-
cibles sont également incriminés par les
patients comme par les médecins. L’effet
des fibres alimentaires sur le transit
digestif est bien connu, mais ce n’est
qu’assez récemment qu’un effet délé-
tère des fibres alimentaires a été mis en
évidence au cours du SII (12), confir-
mant l’avis des patients. L’importance des
boissons gazeuses dans le déclenche-
ment des symptômes digestifs, notam-
ment le ballonnement, est surprenante.
Les gaz digestifs sont abondants. Au
niveau de l’estomac et de la partie haute
du tube digestif, les gaz présents pro-
viennent de l’air avalé, des aliments et
des boissons gazeuses ; ils diffusent
rapidement ou sont éliminés lors d’éruc-
tations (13). Au niveau du côlon, ils
résultent essentiellement des processus
de fermentation bactérienne. Le rôle
des gaz dans la survenue des symp-
tômes pourrait être soit lié à une hyper-
sensibilité digestive favorisée par la dis-
tension gazeuse (14), soit secondaire à
une anomalie dans le transit digestif des
gaz, notamment au niveau intestinal,
comme l’ont souligné certains travaux
récents (15, 16). Finalement, le rôle des
laitages dans le déclenchement des
symptômes est assez faible, aussi bien
selon le jugement des patients que selon
celui des médecins. Le déficit en lactase
et l’intolérance au lactose qui en résulte
sont retrouvés chez 23 % des sujets
adultes en France et sont responsables
de signes cliniques d’une intolérance
dans la moitié des cas (17). Compte
tenu de l’ancienneté des symptômes
retrouvée dans cette étude, il est probable
que les patients ont appris à éviter la
consommation d’aliments riches en
lactose.
Finalement, ce travail souligne une
double réalité assez peu prise en
compte : d'une part, la très nette prédo-
minance de la symptomatologie sensi-
tive (douleurs abdominales, inconfort
intestinal, gêne abdominale) et, d'autre
part, l'influence majeure des repas sur
la symptomatologie. Cela implique,
dans la prise en charge thérapeutique
d'un patient ayant des troubles fonc-
tionnels intestinaux (TFI), d'identifier
clairement les facteurs déclenchants
(stress, repas, etc.) et les symptômes qui
leur sont liés. ■
Question d’actualité
Alimentation et SII
Tableau II. Principal symptôme digestif (exprimé en pourcentages) signalé par les patients
en fonction du sexe.
Symptôme le plus gênant Homme Femme Effectif
(30 %) (70 %)
Douleur abdominale seule 27,1 25,3 26,4
Inconfort intestinal seul 8,9 8,9 8,8
Gêne abdominale seule 6,6 8,5 7,3
Constipation seule 6,8 3,2 5,9
Ballonnements seuls 19,0 14,2 17,5
Émission de gaz seule 2,7 4,7 3,4
Diarrhée seule 3,1 4,7 3,6
Association 25,7 29,8 26,8
19
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004