Douleurs abdominales récurrentes chez l’enfant Elisabeth Fournier-Charrière 2010 définition Au moins 3 épisodes de douleur abdominale suffisamment sévère pour interférer avec les activités de l’enfant pendant 3 mois (Apley 1958) épidémiologie 10 à 20% des enfants et adolescents Filles > garçons Apley 1958 : 1000 enfants, 10.6% Oster 1972, 2200 enfants de 6 à 19 ans : 14.4% Alfven 1993, 615 enfants de 7 à 15 ans : 15.1% Jusqu’à 25% chez les filles de 6 à 9 ans (études de cohorte) Youssef 2008 : 20745 enfants de 13 à 18 ans : 14% ont 2 à 3 épisodes par semaine, 3.2% ont plus de 4 crises par semaine Humeur dépressive : 45% Attitude pédiatrique habituelle Diagnostic étiologique pour «éliminer l’organique» (immense liste de diagnostics possibles) Quelques explorations d’utilité discutable voire nulle Mais parfois longue liste d’investigations invasives 5 à 20% d’étiologies retrouvées selon les séries Emballement sur certains diagnostics ou traitements selon la « mode » Constipation Reflux Intolérance au lactose Hélicobacter pylori Critères diagnostiques 5 à 10 ans Plus de 3 crises en 3 mois Douleur durant 1 à 48 heures Siège péri-ombilical sans irradiation Horaire prévisible ou non Intensité : parfois violente consultation en urgence ± troubles fonctionnels digestifs ± pâleur, asthénie Sans retentissement sur la croissance Sans amaigrissement Sans fièvre Bon état général Avec examen clinique « normal » (PA, ex neuro) Catégorisation en 4 groupes : critères de Rome III 2 styles de troubles digestifs fonctionnels (critères de Rome) Colopathie = Intestin irritable (« colite spasmodique ») Dyspepsie, RGO Caractéristiques Douleur plutôt épigastrique Irradiation au thorax Ballonnement ou impression de distension plutôt épigastrique Avant les repas Soulagé par l’alimentation Pyrosis Nausées, régurgitations Sensation de satiété caractéristiques troubles du transit alternant Facteurs alimentaires Après les repas dl en cadre crampes Dl soulagée par la défécation ballonnement ou impression de distension plutôt hypogastrique Souvent familial À part 117/171 (Hyams 1995) Migraine abdominale 54/171 (Hyams 1995) Troubles fonctionnels Rôle de l’intolérance au lactose ? Rôle des fibres ? Rôle de la constipation ? Rôle d’un reflux Rôle d’hélicobacter pylori ? Physiopathologie douleur viscérale Pas de syndrome psychiatrique Pas de maladie gastro-entérologique Hypothèses Anomalie du seuil de douleur : hypersensibilité viscérale (innervation complexe, régulation de multiples fonctions..) Épreuves de distension seuil de douleur colon, rectum, jéjunum, œsophage Inflammation mastocytes Anomalie du seuil de douleur de la paroi (et d’autres muscles) (Alfven, Duarte) Trouble de la motilité : réponse motrice plus importante et prolongée du sigmoïde, rôle de la CCK, contractions intestinales en salves, activité motrice normale (complexes moteurs migrants) perturbés, rôle de l’ocytocine Facteurs surajoutés de troubles fonctionnels digestifs Intolérance au lactose Déficit en fibres Allergie alimentaire ? Perturbation de la flore ? Evolution à long terme Plusieurs études à long terme 20 ans plus tard, 40% ont encore DAR (Apley 1975, 40 enfants) 5ans plus tard, 23 à 45% (Stickler 1979, Walker 1998) ont encore DAR, Développement d’un SII (Walker) Méta-analyse 18 études (Gieteling 2008) :1331 enfants suivis de 1 à 29 ans (médiane 5 ans) : 29 % ont toujours des douleurs Pronostic identique pour ceux suivis après diagnostic clinique et ceux ayant eu des investigations para cliniques. Contexte Pas de psychopathologie reconnue : enfants non différents des indemnes (McGrath 1983) Sollicitude /Rigidité/exigence de l’amour /défaut de résolution des conflits/ parents anxieux (Hotopf 1998) Anxiété /stress /dépression (Campo 2004) Culpabilité Conflits/opposition Deuil séparation soucis Évènements de vie négatifs ds la famille (Walker 1994, Boey 2001) Modèle de douleur abdominale dans la famille ? Bénéfices ? le ventre, zone cible… modèle « bio-psycho-social » Bénéfices, fonctionnement familial Coping : « je n’en peux plus », ou « je fais face » Avantages à avoir mal : Perte du sentiment d’efficacité, perte de confiance en ses ressources, sentiment d’impuissance, peur, évitement Conditionnement négatif, généralisation du problème Catastrophisme, pensées négatives attention parentale évitement de tâches diminution des obligations déscolarisation Rôle du symptôme : maintien de la cohésion familiale ? représentation culturelle Interactions parents-enfants Claar Pain 2008 : 327 enfants 8-17 ans suivis pour douleur chronique (DAR 12%) critiquer, ne pas tenir compte de la douleur, comme porter attention à la douleur, donner des privilèges sont associés à un handicap fonctionnel augmenté et des symptômes somatiques Walker Pain 2006 douleur abdominale expérimentale (ingestion d’eau) 104 enfants 119 témoins, 8-16 ans et leurs parents consigne d’attention : les plaintes doublent consigne de distraction : les plaintes sont divisées par 2 par rapport au groupe témoin (pas de consigne) Les enfants apprécient la distraction pour «se sentir mieux» Pérennisation Comportement, pensées, émotions centrées sur la douleur Les activités diminuent, l’invalidité augmente, l’adaptation diminue Cercles vicieux aggravants ou facteurs de pérennisation Douleur, catastrophisme, anxiété, quête, dysfonctionnement, isolement , modèles, etc Penser aussi Sévices Munchausen by proxy ? Contexte culturel ? comment en sortir, échapper ?? Ligne de conduite Écoute Reconnaissance du symptôme (affirmer la réalité) Examen clinique Voir le « dossier » ! Evaluation globale: enfant, parents, contexte Sauf orientation particulière, décider clairement d’arrêter les investigations, arrêter de chercher la cause Affirmer bénignité à court et long terme Éviter dichotomie organique/psy Plan de suivi (contrat de soin) Agenda ? The loneliness… Rester optimiste ! Suivi pédiatrique 95% des cas : action thérapeutique obtenue par la prise en compte des problèmes familiaux ou scolaires 5% des cas : recours au « psy », aux consultations douleur Soit d’emblée si trouble majeur, envahissant le psychisme et la vie de l’enfant Soit secondairement si échec de la prise en compte des éléments anxiogènes Évolution défavorable ds les familles qui refusent de s’engager ds un processus d’insight, qui sont suivies par plus de 3 médecins, manipulent (Lindley 2004) Rôle des médicaments Peu d’effet en général Cochrane 2002 : 13749 articles609 lus4 essais dont un seul méthodologiquement acceptable (pizotifène dans la migraine abdominale) Un autre sur l’huile de menthe Un autre sur le chromoglycate Quelques études chez l’adulte et SII Antispasmodiques ? Antisécrétoires ? NON (AFSSAPS 2008) Lactobacillus ? Antidiarrhéiques ? Laxatifs ? Antalgiques ? Antidépresseurs ? Rôle du régime alimentaire Les fibres (quelques études) Le lactose Le lait Attention aux exclusions alimentaires injustifiées Rôle des psychothérapies Psychothérapies classiques : école de psycho-somatique (Fain, Kreisler…) Cochrane 2008 : interventions « psycho-sociales » Idem méta analyse Palermo Pain 2009 Efficacité DAR et SII enfant 6 études randomisées : traitement cognitivo-comportemental 167 enfants 5 sont en faveur de l’efficacité /témoins(liste d’attente ou traitement médical classique) Sur la douleur Sur l’handicap Sur le « fonctionnement émotionnel » Essentiellement TCC, relaxation, biofeedback, hypnose méthodes par internet, téléphone… Rôle des thérapies psychocorporelles : l’hypnose Vlieger 2007 : étude randomisée, enfants 818 ans 31 enfants avec DAR fonctionnelle et 22 avec SII 6 séances d’hypnose en 3 mois vs soins standard et 6 séances « soutien » Amélioration dans les 2 groupes (agenda), mais> ds le groupe hypnose Un an plus tard, 85% rémission ds le groupe H vs 25% recommandations Experts et sociétés savantes (AAP) « nourriture saine avec abondance de fruits et légumes et abondance de boissons couplée à un programme d’activités physiques »… Succès et échecs évolution défavorable 12 mois plus tard dans les familles qui refusent de s’engager dans un processus d’insight, de voir un « psy » qui ne reconnaissent pas l’influence des facteurs psychosociaux qui sont suivies par plus de 3 médecins manipulent l’équipe « consumérisme » Lindley 2005 évolution favorable (3,5 ans plus tard) dans les familles qui prennent en considération les facteurs psychologiques durée moindre des symptômes au début de la PEC suivi psy, jugé bénéfique par les parents Le modèle bio psycho social est présenté conjointement par le gastro-entérologue et le psy Crushell 2003 Articles recommandés Murphy MS. Management of recurrent abdominal pain/ Arch Dis Child 1993, 69 : 409-415 Golgberg l. Intervention for RAP. Pediatric pain letter 2006, 8 (1) Recommandations de l’Académie Américaine de Pédiatrie 2005 (Pediatrics) traduction et commentaires dans Médecine et Enfance septembre 2005 Plunkett a RAP in children . J R Soc Med 2005, 98 : 101-6, traduit intégralement dans médecine et Enfance septembre 2005