En notre temps, les usages ornementaux des plantes masquent souvent les fonc-
tions symboliques ou religieuses qui étaient les leurs dans l’ancienne société ;
nous citerons ici quelques traditions haut-provençales toujours vivaces.
Les fleurs dans les fêtes
Les fleurs, qui ont un rôle majeur dans la joie printanière, sont des signes de
liesse dans nos sociétés depuis des siècles.
Parfois discrètes dans les mariages puisqu’un “bouquet de la mariée” peut
suffire à la cérémonie, elles sont toujours présentes lors des évènements qui
ponctuent la vie.
En Haute-Provence, le rite du passage de la «barre-fleurie» s’est maintenu
jusqu’à aujourd’hui. Confectionnée par la famille ou par quelques fleuristes lo-
caux, la «barre-fleurie» est sautée avec allégresse à l’issue de la cérémonie de
mariage.
Les plantes protectrices
Outre le buis bénit le jour des Rameaux, coutume vivace mais non spécifique
à la Provence, d’autres plantes ont un rôle protecteur.
La grande carline, aux feuilles d’acanthe acérées, poussait autrefois en grand
nombre dans les prairies sèches pâturées où elle se raréfie aujourd’hui. Clouée
sur les portes des granges, cette belle fleur solaire déroutait les forces de
l’ombre. Cette pratique se maintient encore ici ou là. Par simple souci déco-
ratif ? Ou par reminiscence plus ou moins consciente des énergies positives
associées aux plantes ?
Les fleurs dans les rituels funéraires
De nos jours, on imagine mal les cimetières sans fleurs à la Toussaint. Et pour-
tant les chrysanthèmes, originaires d’Extrême-Orient, ne sont pas cités sur les
tombes avant 1853.
Les fleurs de plastique qui ont succédé à l’immortelle du Var, aux fleurs de
perles et de céramique, assurent le fleurissement permanent des tombes en
hiver. Ont-elles la même fonction symbolique que les vraies fleurs sacrifiées au
froid de novembre ?
Mort “moderne” s’il en est, le décès dans un accident de voiture se voit com-
mémoré par des bouquets du bord des routes, parfois constitués en petits
autels du souvenir sur des arbres ou des poteaux. Ces bornes de mémoire
ornées souvent de fleurs artificielles fleurissent partout.
Les arbres des cimetières
Les cimetières, qui apparaissent sous leur forme actuelle au début du XIXe siè-
cle, intègrent bientôt le cyprès en mémoire des cultes funéraires de l’Antiquité,
remis à l’honneur par les penseurs de la Révolution.
Les alignements de cyprès qui caractérisent les cimetières provençaux, à la
valeur paysagère exceptionnelle, sont aujourd’hui menacés par une maladie
cryptogamique redoutable, le chancre cortical.
Quelques fonctions symboliques du végétal aujourd’hui
Naturelles ou factices, les fleurs sont les interprètes
des émotions, des regrets, des espérances...
Le cimetière de Forcalquier dont les allées sont consti-
tuées d’ifs peignés est un lieu classé.
La joubarbe est une plante grasse autrefois plantée sur les murs des jardins ou sur les toits des
maisons pour son rôle protecteur en cas d’orage. Cette espèce sempervirente a trouvé ici sa
place de veilleuse fidèle auprès d’une tombe.
Une borne de mémoire, au bord d’une route, rappelle le souvenir d’un être décédé trop jeune, par accident.
Une grande carline : décoratrice ou protectrice ?
La tradition de la «barre fleurie», hier et aujourd’hui
Le cimetière de Villars : les cyprès jaillisent de terre vers le ciel, faisant lien entre le monde des vivants et le monde des morts.