Psychomotricité Les Entretiens de Psychomotricité 2015 Intérêt de l'imagerie motrice dans la rééducation de la dysgraphie chez l'enfant F. Puyjarinet* *Psychomotricien - [email protected] 305 Route de Nîmes, 34170 Castelnau-le-Lez Laboratoire Movement to Health-M2H (EA 2991), EuroMov, Université de Montpellier, 34000 Montpellier RÉSUMÉ MOTS-CLÉS L'objectif de cette étude est de vérifier chez des enfants d'âge scolaire l'apport d'un protocole de rééducation basé sur une technique d'imagerie motrice en comparaison avec un protocole de rééducation de l'écriture issu d'une approche métacognitive qui a déjà montré des effets positifs [39]. Pour cela, 51 enfants d'âge scolaire (7 à 12 ans) présentant des scores de dégradation supérieurs à + 2 DS à l'Echelle d'Evaluation Rapide de l'Ecriture chez l'Enfant [9], ayant consulté pour un bilan psychomoteur en service hospitalier ou en cabinet libéral, ont été répartis de manière aléatoire en 3 groupes : 1-groupe imagerie motrice, 2-groupe rééducation métacognitive, et 3-groupe contrôle sans traitement. L'expérimentation s'est déroulée sur 12 séances, à raison d'une séance hebdomadaire. Un design expérimental test-retest et des analyses statistiques (ANOVA, taille des effets) ont permis d'établir des différences entre les groupes et d'affiner les contributions relatives des 2 approches rééducatives dans les progrès des enfants aux scores obtenus sur le BHK. Les considérations thérapeutiques sont ensuite discutées à la lumière de ces résultats, et avec l'appui d'autres études portant notamment sur l'intérêt de l'imagerie motrice dans le domaine du contrôle moteur chez l'enfant. Dysgraphie, imagerie motrice, rééducation, enfant Introduction Pour certains auteurs, la plupart de nos actes moteurs effectués au quotidien seraient guidés par des représentations internes des buts à atteindre, plus ou moins accessibles à la conscience, beaucoup plus que par l'environnement lui-même [34,35]. Pour Jeannerod, l'imagerie motrice (IM) est le résultat de l'accès conscient de la représentation d'un mouvement intentionnel, qui est réalisée habituellement de manière non consciente pendant la préparation d'un mouvement. L'IM constituerait une voie de compréhension des mécanismes complexes à l'œuvre dans le processus de représentation de l'action. La notion d'imagerie motrice est d'ailleurs souvent associée à la théorie des modèles internes. Cette théorie stipule l'existence, à des niveaux corticaux et sous-corticaux, de représentations des mouvements et de prédictions des paramètres temporels et spatiaux avant et pendant l'exécution motrice. Ces représentations internes faciliteraient un contrôle moteur en boucle ouverte (ou contrôle moteur proactif), et expliqueraient en partie les capacités motrices complexes et remarquables de l'être humain. © Les Entretiens de Bichat 2015 - 1 Psychomotricité L'intérêt de l'IM a déjà été décrit pour améliorer différents domaines moteurs hors écriture, par exemple chez l'enfant porteur d'un Trouble de l'Acquisition de la Coordination [93]. L'hypothèse principale de ce travail était que les enfants souffrant de troubles de l'écriture pouvaient également bénéficier de l'utilisation de l'IM pour cette activité hautement spécifique. Après avoir fait le point sur les notions d'IM, de modèles internes, et de dysgraphie, seront exposés la méthode utilisée pour cette étude ainsi que les résultats obtenus. Ces résultats seront eux-mêmes discutés et mis en perspective relativement à d'autres travaux portant sur la même thématique. L'imagerie motrice Les travaux traitant des problématiques soulevées par l'IM ont connu un essor considérable ces deux ou trois dernières décennies, qu'il s'agisse de travaux issus du champ des sciences cognitives et comportementales, ou de la neurophysiologie [54]. Aucune définition consensuelle n'est disponible pour le moment, mais il est coutume de considérer l'IM comme un état cognitif dynamique qui permet l'accès conscient du déroulement d'une action et de ses caractéristiques temporelles, spatiales, proprioceptives et kinesthésique à partir d'une perspective égocentrée (i.e., à la première personne) sans qu'aucun mouvement réel ne soit effectué [12,36,38]. La pratique de l'IM se différencie donc d'autres modes de représentations internes telles que l'imagerie mentale ou visuelle [55], qui consistent, elles, à imaginer le déroulement d'une action à partir d'une perspective externe, comme si le sujet voyait le déroulement d'une scène à la troisième personne. Aucun ressenti proprioceptif ou kinesthésique n'est présent en imagerie visuelle. En IM, en revanche, le sujet expérimente un acte moteur de l'intérieur, en tentant d'en ressentir les différentes caractéristiques, parmi lesquelles le déroulement temporel ou les conséquences sensorimotrices de l'action, que celle-ci implique la totalité du corps (e.g., courir, sauter), ou des zones corporelles bien précises (e.g., écrire, saisir). 2 - © Les Entretiens de Bichat 2015 La grande majorité des études sur l'IM a été réalisée chez l'adulte sain ou pathologique. Plusieurs données remarquables ont été mises en évidence, par exemple la similarité des propriétés temporelles (invariance temporelle) entre une action simulée et une action réellement produite [14]. Ces propriétés temporelles peuvent varier de façon parallèle en fonction des caractéristiques de la tâche [13]. En outre, les propriétés chronométriques de la simulation d'une action permettent de vérifier la loi de Fitts1, comme dans le cas d'un acte moteur réellement exécuté [13,73]. Cette invariance temporelle signerait une base fonctionnelle commune entre IM et action réelle sur laquelle nous reviendrons plus bas. Une autre caractéristique remarquable réside dans l'intérêt de l'IM dans l'amélioration des performances motrices. Plusieurs travaux ont supporté l'hypothèse selon laquelle l'IM pourrait constituer un apport non négligeable dans les domaines de la psychologie, du sport, ou de la réhabilitation motrice chez certains patients. L'IM a montré des résultats positifs pour des situations d'apprentissages moteurs et d'optimisation de la performance [19]. Des activations corticales distribuées ont été mise en évidence chez les athlètes [17,68], les musiciens [64], les patients amputés du membre supérieur [54], ou les patients avec lésions spinales [69]. Chez des adultes normo-typiques, l'IM permet une amélioration des mécanismes d'équilibre, avec des résultats améliorés si l'on couple l'IM avec une phase préalable d'observation de l'action à réaliser sur vidéo [80]. Chez des personnes âgées, l'IM permet également une amélioration de l'équilibre mais aussi, et 1 Fitts a montré que le temps de mouvement est lié de manière linéaire à l'indice de difficulté de la tâche. Cet indice est exprimé dans sa célèbre expérience de pointage manuel par la distance entre les cibles présentées au sujet et leur largeur. L'équation mise au point par Fitts (T=a+b log2(2D/W), où T=temps, a et b =constantes, D=distance entre les cibles, et W=largeur des cibles) rend compte du conflit vitesse/précision qui se joue dans de nombreuses activités motrices. Psychomotricité dans le même temps, la diminution du coût attentionnel sur une situation de double tâche [27]. Une amélioration des performances a été montrée pour l'apprentissage de séquences motrices complexes [8], ou encore chez les enfants avec Trouble de l'Acquisition de la Coordination [92]. La pratique de l'IM a par ailleurs des conséquences sur le système nerveux autonome et les réponses végétatives : les travaux princeps de Decety, Jeannerod, Germain et Pastene [15] ont par exemple révélé une augmentation des rythmes cardiaque et respiratoire proportionnelle à l'effort mental requis au cours d'une action simulée (durant la marche). Notions de base sur les modèles internes Revenues au premier plan à partir des années 1990, les théories de la motricité basée sur l'existence de modèles internes [4,94,95] ont émergé en se nourrissant des théories déjà existantes de la motricité. Pour les tenants des théories qui mettent en avant le rôle des modèles internes, les théories « classiques » de la motricité, c'est-à-dire cognitives, mais aussi écologiques et dynamiques, n'ont pas permis de rendre compte des problèmes liés au bruit2 et aux délais3 qui interviennent dans la production et le contrôle des mouvements intentionnels. Affinées, entre autre, sur la base de travaux visant à étudier les phénomènes anticipatoires et la force de saisie lors d'un geste de préhension [21,86], les théories dites neuro-computationnelles ou cybernétiques intègrent la notion de modèles internes dans leur approche pour pallier à ces lacunes. Schématiquement, les modèles internes sont des mécanismes neuronaux capables d'établir une relation en boucle ouverte entre les entrées (canaux sensoriels) et les sorties (commandes motrices) du système sensorimoteur, en prenant en compte les caractéristiques de l'environnement. Les dynamiques du système sont représentées au sein même de ces modèles internes et permettent de déterminer quelles commandes motrices sont requises pour effectuer une tâche spécifique, mais aussi de prédire les futures conséquences d'une action grâce à la simulation de signaux réafférents qui l'accompagnent [94,95,96]. Deux types de modèles peuvent être identifiés. D'abord, les modèles directs (ou forward models), qui permettent d'anticiper les conséquences sensorielles d'un mouvement via la production de copies d'efférence ou décharges corollaires. D'autre part, les modèles inverses (inverse models) qui, eux, sont dédiés à la transformation des informations sensorielles prédites en patrons d'activations musculaires (i.e., la commande motrice), et qui vont induire le changement d'état désiré du système. Les résultats des recherches vont dans le sens d'une association fonctionnelle entre IM, représentation de l'action et modèles internes. Ces derniers permettent donc de simuler la mise en œuvre des commandes motrices ainsi que les signaux réafférents qui sont produits parallèlement à la commande motrice. S'imaginer réaliser de manière consciente un mouvement à la première personne, et en simuler les caractéristiques proprioceptives ou temporelles, ce serait déjà être capable de tirer profit des informations sensorielles simulées pour optimiser le contrôle réel de ce mouvement. 2 La notion de bruit dans le système moteur renvoie aux fluctuations et aux perturbations qui font que notre système nerveux est constamment « contaminé » par ces phénomènes à l'origine de différentes formes de variabilités. Ces fluctuations peuvent intervenir à différents niveaux, allant des processus intra-cellulaires aux comportements moteurs observables, en passant par des étages sensorimoteurs, ou organiques (muscles, cerveau, etc.). Voir Smits-Engelsman et Wilson [77] pour cette question du bruit chez les enfants TAC, particulièrement concernés notamment par la variabilité de leurs réponses comportementales. 3 Tout comme le bruit, les délais peuvent être observés à différents niveaux du système. La plupart du temps d'une durée de quelques millisecondes, ils sont responsables eux-aussi d'une partie de la variabilité comportementale, et suppose que le système nerveux puisse anticiper et prédire pour contrôler un mouvement en s'affranchissant autant que possible de ces délais. © Les Entretiens de Bichat 2015 - 3 Psychomotricité Chez l'enfant, plusieurs travaux tendent à démontrer que les actions produites font progressivement appel au contrôle proactif du mouvement (donc aux mécanismes liés aux modèles internes et à l'IM, voir [23] pour une revue), probablement dès l'âge de 7 ans [11,31,75,88]. Avant sept ans, et en ce qui concerne l'IM au sens strict, les enfants seraient dans l'incapacité de simuler correctement des mouvements à la première personne alors que, par la suite, le développement des capacités d'IM se mettrait en place mais resterait très largement dépendant du développement moteur lui-même jusqu'à l'adolescence [6,22,58]. Substrats neuro-anatomiques Jeannerod [34,36] défend l'idée selon laquelle tout acte moteur finalisé est forcément précédé par une anticipation de l'état futur du système. Les données expérimentales obtenues depuis les années 1990 vont clairement dans ce sens, puisque IM et exécution motrice partagent des substrats neuro-anatomiques étroitement liés. Il existerait un continuum entre la simulation d'une action et son exécution réelle, assomption qui découle des résultats expérimentaux issus de travaux chez l'adulte utilisant diverses techniques d'enregistrement (EEG, EMG, IRMf, MEG, PE, TMS)4. Tout comme pour l’exécution réelle d'un mouvement finalisé, les zones corticales et sous-corticales impliquées lors de l'IM sont nombreuses et distribuées. En IM, on retrouve une activation significativement accrue du cortex moteur primaire (aire M1) et du cortex pré-moteur (spécifiquement l'aire dorsale 6 et l'aire motrice supplémentaire), mais aussi du gyrus précentral, des ganglions de la base et du cervelet. L'implication du cortex pariétal inférieur est également démontrée, ce qui tend à 4 EEG : électroencéphalographie ; EMG : électromyo- graphie ; IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ; MEG : magnétoencéphalographie ; PE : potentiels évoqués ; TMS : transcranial magnetic stimulation ou stimulation magnétique transcrânienne. 4 - © Les Entretiens de Bichat 2015 assoir l'existence d'un codage spatial des informations proprioceptives et kinesthésiques lors de la simulation d'un mouvement, et pas exclusivement lorsque celui-ci est réellement exécuté [16,18,24,46,49,56,59,63,69,80,81]. Aucune étude d'imagerie fonctionnelle, à notre connaissance, n'a été menée chez l'enfant en IM, mais Molina, Tijus et Jouen [58] avancent l'hypothèse d'une évolution progressive des capacités d'IM à partir de l'âge de 7 ans et jusqu'à l'adolescence, dans le cadre d'un développement général des processus cognitifs, et déterminé principalement par une maturation neurologique des structures pré-frontales et pariétales. Il est enfin intéressant de noter dans cette section que plusieurs auteurs défendent l'hypothèse de l'implication des neurones miroirs dans le processus d'IM. Plusieurs études ont montré que ces neurones spécifiques et dédiés à de multiples fonctions (imiter, apprendre en observant, communiquer gestuellement, appréhender les réactions émotionnelles d'autrui, etc.) peuvent s'activer lorsque le sujet observe autrui effectuer un mouvement, ou une séquence de mouvements. Jeannerod [34] en a même conclu que la fonction principale des neurones miroirs était liée à ces comportements imitatifs, et qu'ils étaient à ce titre largement responsables de la formation des représentations internes des mouvements, ce que Rizzolatti et Sinigaglia [67] ont tempéré par ailleurs. IM et troubles neurodéveloppementaux IM et TAC Maruff et ses collaborateurs [57] ont examiné les caractéristiques temporelles de mouvements réels et simulés chez des enfants porteurs de Trouble de l'Acquisition de la Coordination (TAC) comparés à des enfants contrôles. Il apparaît que la production de mouvements réels dans le groupe TAC vérifie la loi de Fitts contrairement à la condition en IM, et au groupe contrôle dans lequel à la fois les mouvements réels et simulés se conforment à la loi de Fitts. Les auteurs en ont déduit qu'il existerait certainement chez Psychomotricité les enfants TAC un déficit dans la capacité à se représenter mentalement un mouvement (hypothèse d'un déficit de modélisation interne, ou IMD hypothesis). D'autres études utilisant divers paradigmes expérimentaux ont par la suite approfondi cette hypothèse et confirmé partiellement que les enfants TAC présentent effectivement des difficultés à ce niveau, et que le degré de sévérité du TAC joue un rôle crucial dans la capacité à simuler plus ou moins correctement un mouvement [61,90,91]. Quelques travaux chez l'enfant se sont penchés sur l'impact éventuel d'un trouble associé au TAC sur les capacités d'IM, notamment le TDA/H [50,89]. Les résultats tendent à établir un rôle limité du TDA/H sur le déficit de modélisation interne, alors que le TAC constituerait en lui-même le principal facteur explicatif de la difficulté à simuler correctement un mouvement. Néanmoins, aucune étude à notre connaissance n'a examiné l'IM chez des enfants avec TDA/H seul comparativement à des sujets contrôles. Ce type de travaux serait pourtant pertinent pour valider définitivement l'absence de dysfonctionnement des processus d'IM dans cette population. De leur côté, Wilson et ses collaborateurs [1] restent convaincus que l'hypothèse du déficit de modélisation interne pourrait expliquer de façon plus ou moins importante les déficits de contrôle moteur observables chez les enfants TAC. IM et dystonie Tumas et Sakamoto [85] se sont consacrés, chez des sujets adultes, à l'étude des caractéristiques de production de mouvements réels et simulés chez des patients souffrant de crampe de l'écrivain, une forme de dystonie qui s'actualise de manière quasi exclusive lors du geste d'écriture. Les résultats mettent en évidence un ralentissement significatif de la production écrite réelle chez les patients avec crampe de l'écrivain ainsi qu'en IM en comparaison avec le groupe contrôle. L'originalité de cette étude est double, et réside 1) dans la démonstration qu'il n'existe pas parmi les sujets avec crampe de l'écrivain de corrélation entre les propriétés chronomé- triques du geste d'écriture réel et simulé (loi de Fitts non vérifiée en IM dans le groupe de patients dystoniques), contrairement à ce qui est largement retrouvé dans la littérature chez les sujets sains, et 2) l'étiologie de cette forme de dystonie ne concernerait pas exclusivement des mécanismes périphériques, mais impliquerait également des phénomènes centraux en lien avec des déficits de planification motrice du geste d'écriture. Pour les auteurs, l'hypothèse explicative de ces faits reposerait sur l'existence de dysfonctionnements au niveau de l'aire préfrontale et de ses projections vers les aires motrice supplémentaire et pré-motrice, particulièrement impliquées lors d’un mouvement effectué en IM. Tout comme dans le cas du TAC, il est donc démontré ici que les propriétés chronométriques habituellement observées entre simulation d'un mouvement et exécution réelle ne sont pas retrouvées. Ceci tend à faire émerger l'idée selon laquelle les lois qui régissent la motricité volontaire au niveau central (i.e, conflit vitesse-précision lors de la simulation d'un mouvement) ne sont pas toujours retrouvées dans le cadre de troubles neurodéveloppementaux. D'autres travaux sont nécessaires pour savoir dans quelle mesure des troubles psychomoteurs fréquents comme le Trouble Déficit de l'Attention/Hyperactivité (TDA/H) ou les troubles de l'écriture hors crampe de l'écrivain sont concernés ou non par ce type d'observations. C'est pourquoi la dysgraphie, qui représente un des motifs les plus fréquents de consultation en rééducation psychomotrice, est l'objet de notre étude, même s'il s'agit ici de savoir principalement si l'entraînement en IM a un impact ou non sur l'amélioration de l'écriture. La dysgraphie développementale La dysgraphie développementale peut se définir comme l'atteinte de la qualité et/ou de la vitesse de production de l'écriture sans que cela puisse être expliqué par un trouble neurologique ou intellectuel. Le diagnostic est en général posé à partir de l'âge de 7 ans, et s'effectue la plupart du temps chez les enfants © Les Entretiens de Bichat 2015 - 5 Psychomotricité scolarisés en élémentaire grâce à l'Echelle d'Evaluation Rapide de l'Ecriture chez l'Enfant – BHK [9], et grâce au BHK-Ado pour les collégiens [79]. Les troubles de l'écriture chez l'enfant constituent une catégorie nosographique absente en tant que telle dans les classifications internationales des troubles. En effet, ni la CIM-10 [62], ni le DSM- IV-TR [2] ou le DSM-5 [3] ne mentionnent la dysgraphie comme un trouble à part entière, bien que quelques éléments renvoyant à une écriture malhabile soient présents, mais rattachés notamment au TAC pour le DSM- IV- TR. L'existence d'un trouble spécifique de l'écriture isolé est d'ailleurs régulièrement remise en cause [40]. Pour l'European Academy of Childhood Disabilities [5,74], les enfants avec trouble de l'écriture représentent une sous-catégorie du TAC, puisque le trouble graphique n'est pas systématiquement retrouvé dans cette population. Malgré ces données qui tendent à réfuter l'hypothèse de l'existence d'un trouble spécifique de l'écriture, il n'est pas rare en clinique de rencontrer des enfants qui ne souffrent que d'une écriture particulièrement malhabile, sans qu'aucun autre diagnostic n'ait été posé de façon claire. Dans d'autres cas, au contraire, les difficultés écrites s'inscrivent dans une entité pathologique plus large, et il sera courant d'identifier, par exemple, une dysgraphie associée à un TDA/H [41] ou à un Trouble du Spectre Autistique [45]. Plusieurs auteurs ont proposé une classification des différentes formes de dysgraphies sans qu'un consensus n'ait été trouvé. Sur le plan étiologique, il est admis que plusieurs facteurs sont impliqués dans les différents types de dysgraphies, tels que la dextérité manuelle et digitale, l'intégration visuomotrice, ou encore les capacités d'attention [42]. La prévalence est estimée entre 5 % et 30 % des enfants d'âge scolaire selon les études, les critères retenus et les outils d'investigation utilisés [43]. L'étiologie des troubles de l'écriture reste floue, compte tenu des difficultés à classer les différents types de dysgraphies de façon consensuelle, des nombreuses zones cérébrales impliquées et de la complexité des processus perceptivo6 - © Les Entretiens de Bichat 2015 moteurs en jeu lors d'une production écrite [53]. Pour le sujet qui en est porteur, les conséquences d'une dysgraphie peuvent être prépondérantes sur le plan de l'estime de soi, de la compliance, de la motivation et du comportement en général [70]. Des modèles d'intervention issus d'approches théoriques parfois différentes ont été proposés pour remédier aux troubles de l'écriture [7,25,29,39,51]. La plupart de ces travaux mentionnent que le programme de rééducation utilisé permet une amélioration de la qualité de l'écriture, mais pas de la vitesse de production. Les effets de la rééducation semblent durables, puisque des réévaluations à 3, 6 ou 9 mois après la mise en place du programme thérapeutique initial montrent des effets positifs persistants [25,76]. Aucune étude à notre connaissance ne traite des effets de l'IM sur la dysgraphie, en dépit du potentiel réel que laisse entrevoir cette technique novatrice sur les performances motrices. Les liens entre l'IM et les théories du contrôle moteur basées sur l'existence de modèles internes peuvent faire espérer une amélioration de certaines caractéristiques de l'écriture à la faveur d'un entraînement à la production mentale du geste d'écriture. Nous pensons que sous certaines conditions, la génération mentale de la production écrite et la capacité à ressentir les paramètres spatiaux, kinesthésiques et temporels du mouvement d'écriture, peuvent aider les enfants à réduire leur dysgraphie en améliorant leur contrôle moteur proactif. A partir de ces hypothèses, l'objet de notre étude est de comparer les effets d'un programme validé d'intervention issu d'une approche métacognitive [39] avec notre programme conçu à partir d'une revue intensive de la littérature et bâtie principalement sur l'utilisation de l'IM. Méthode Participants 51 enfants âgé 7 à 12 ans (4 filles, 45 garçons, âge moyen exprimé en mois : 103 ; écart-type : 16,6 ; étendue : 84-145) et sco- Psychomotricité larisés de la fin du CP jusqu'au CM2 ont été évalués en bilan psychomoteur en service hospitalier ou en cabinet libéral et ont pris part à cette étude. Leurs parents ont donné leur accord à leur participation via un formulaire de consentement éclairé. Tous les enfants recrutés ont obtenu un résultat supérieur ou égal à + 2 DS au score de dégradation de la qualité de l'écriture au BHK [9]. Les critères d'exclusion concernaient la présence de troubles neurologiques ou intellectuels (patients avec traumatisme crânien, retard mental, etc.), mais aussi les Troubles du Spectre Autistique. Interventions : description et techniques utilisées Les évaluations initiale et finale ont été réalisées sans traitement médicamenteux pour les enfants avec TDA/H, au regard du bénéfice potentiel du méthylphénidate sur les troubles de l'écriture [47,82]. a) Entraînement à l'imagerie visuelle et au timing prédictif La moyenne globale de l'ensemble des sujets au BHK était de 28,37 pour le score de dégradation de l'écriture (écart-type : 5,63 ; étendue : 17-44), et de 115,9 (écart-type : 53,60 ; étendue : 16-228) pour ce qui est de la vitesse de production. Design expérimental Les 51 enfants ont été répartis aléatoirement en 3 groupes : 1- groupe imagerie motrice (IM); 2- groupe rééducation métacognitive (RM) ; 3- groupe contrôle sans traitement. Chaque enfant a été testé à l'aide du BHK deux fois (test et retest) par deux psychomotriciennes expérimentées sans que celles-ci ne connaissent le groupe d'appartenance des enfants évalués. La durée de la période d'intervention s'est étalée sur 12 séances hebdomadaires de 45 minutes chacune. Les séances ont été menées individuellement. Aucune différence significative entre les trois groupes n'est apparue, qu'il s'agisse de l'âge des sujets (F(2,48)=1,1, p=.33), du niveau du QI évalué à l'aide du WISC-IV [87] (F(2,48)=0,94, p=.39), du niveau de la qualité de l'écriture initiale mesurée à l'aide du BHK (F(2,48)=1,51, p=.22), ou de la vitesse initiale de l'écriture (F(2,48)=0,22, p=.79). 1- Groupe imagerie motrice (IM) Le protocole de rééducation intégrait quatre étapes successives : a) entraînement sur des exercices d'imagerie visuelle faisant intervenir les capacités de timing prédictif, b) exercices de méditation de pleine conscience, c) observation de séquences vidéo montrant la production de lettres ou de mots à partir d'une perspective égocentrée, d) exercices d'imagerie motrice avec simulation mentale du mouvement d'écriture, e) production écrite réelle alternée avec simulation en IM. La première étape du protocole devait permettre aux enfants de s'exercer sur un logiciel de rééducation des habiletés visuo-spatiales : T.V. Neurones®. Sur le jeu « les Abeilles » disponible sur ce logiciel, les sujets devaient d'abord reconnaître, parmi quatre possibilités, quelle était la trajectoire décrite par un stimulus visuel (une abeille en mouvement). Puis ils devaient visionner trois fois à nouveau le déroulement de la trajectoire, avant de fermer les yeux et de visualiser mentalement, au signal du thérapeute (« Prêt ? Partez ! ») le même déplacement. A ce signal, l'adulte lançait par une pression sur une touche de la souris de l'ordinateur le parcours de l'abeille, sans que les enfants ne regardent. A la fin du parcours mental qu'ils tentaient de simuler, les sujets devaient donner un signal verbal (« Stop ! ») dès qu'ils pensaient que l'abeille arrivait au terme de son trajet. Un feedback était ensuite donné par l'adulte pour que les enfants apprennent progressivement à ajuster la vitesse mentale de déplacement de l'abeille en fonction de leur précision temporelle (« Trop rapide », « Trop tard », ou « exact ! »). Un deuxième, puis un troisième essai étaient donnés en cas d'imprécisions. Dix parcours différents étaient ainsi travaillés à chaque séance du protocole pendant une dizaine de minutes. b) E xercices de méditation de pleine conscience Après chaque session d'entraînement à l'imagerie visuelle, les enfants étaient invités © Les Entretiens de Bichat 2015 - 7 Psychomotricité à suivre, pendant 5 à 10 minutes, les instructions sur CD d'un thérapeute de méditation de pleine conscience [72,78]. Cette forme particulière de méditation, appelée aussi mindfulness, est reconnue aujourd'hui comme un moyen pertinent de régulation des capacités d'attention et de ressenti des sensations corporelles [30,98]. L'objectif était ici de stabiliser l'attention et de préparer les sujets à se centrer successivement sur le ressenti des différentes parties du corps (exercices de « balayage corporel ») et de développer leur capacité à analyser et accueillir sans jugement ce qui pouvait s'y passer (picotements, chaleur, fraîcheur, crispation, absence de sensation, etc.). Les exercices de méditation étaient réalisés assis sur la chaise. c) Observation de séquences vidéo Les enfants devaient ensuite visionner sur un écran d'ordinateur standard des séquences préalablement filmées montrant la production, de lettres isolées, de digrammes, de trigrammes ou de mots entiers, en écriture cursive, et à partir d'une perspective interne. Un adulte droitier ou gaucher (en fonction de la dominance manuelle de chaque enfant qui observait) produisait les lettres, comme si la main visible à l’écran était celle de la personne qui visionnait la séquence (pas d'autre information visuelle à l'écran que la main, le feutre ou le stylo tenu, et l'ardoise ou la feuille sur laquelle les graphies étaient produites). L’image pouvait être zoomée pour analyser les détails de la production écrite. La feuille d'écriture était volontairement simplifiée, avec seulement deux lignes d'écriture tracées et espacée de 4 millimètres (la ligne principale, et l'interligne supérieure). Pour l'observation de lettres isolées, un regroupement a été effectué selon les caractéristiques isomorphiques du mouvement nécessaire afin de faciliter la mise en place ultérieurs des patterns moteurs simulés : a, c, d, q, o / e, l, h, k, f, b /i, t, u, v, w, j, y / m, n, p, r, s, x, z. Pour la formation des digrammes, ceux qui ont été identifiées comme les plus courants dans la langue française ont été montrés aux enfants (es, de, le, en, de, nt, re, on, etc.). Pour les trigrammes, la liste de New [60] a été utilisée 8 - © Les Entretiens de Bichat 2015 (ent, ant, ien, ait, ion, ère, etc). Enfin pour les mots entiers, la liste des mots réguliers et irréguliers du test ODEDYS [33] a été consultée. Chaque séquence vidéo était visionnée deux à quatre fois, et l'attention des enfants était portée à la fois sur les caractéristiques de chacune des lettres formées (sens conventionnel, taille, etc.), sur les caractéristiques des enchainements entre les lettres (liaisons, espace entre les lettres, etc.) ainsi que sur les variables cinématiques de la production écrite filmée (temps de mouvement, fluidité, levées du stylo, ralentissements, pics d'accélération, etc.). d) Imagerie motrice Après la phase d'observation des séquences vidéo, les enfants étaient invités à fermer les yeux et à créer mentalement une image dont le contenu devait se rapprocher au maximum de ce qui avait été vu précédemment (s'imaginer avec le stylo dans la main, visualiser les lignes d'écriture sur la feuille). Puis il leur était demandé d'écrire, toujours en imagination, soit la lettre, soit le digramme, soit le trigramme, soit le mot observé juste avant, avec une description verbale lente du thérapeute sur chacune des étapes de la production écrite. Chaque production en imagination était réalisée trois fois : une fois avec instructions de l'adulte, et deux fois sans instruction de l'adulte. Puis les enfants devaient écrire réellement les lettres ou les mots, avant de simuler à nouveau la production en imagination et de réécrire une dernière fois en condition réelle la ou les graphies. Durant ces temps de production en imagerie, le thérapeute guidait les enfants, notamment dans leur ressenti en leur demandant par exemple de porter attention soit aux caractéristiques spatiales des lettres formées, soit aux caractéristiques temporelles, soit aux sensations corporelles (e.g., recrutement tonique). Lors des productions en IM, les enfants étaient confortablement installés sur leur chaise, les mains posées à plat sur les cuisses ou la table. Les recommandations générales sur l'utilisation de l'IM ont été consultées pour une recherche de résultats optimaux [71]. Les phases d'observa- Psychomotricité tions couplées aux exercices d'IM duraient au total une vingtaine de minutes environ. 2- Groupe rééducation métacognitive (RM) Les enfants du groupe RM étaient entraînés avec une méthode inspirée des travaux de Jongmans et al. [39] et de la méthode Cognitive Orientation to Daily Occupational Performance-CO-OP [64,65] dont l'efficacité est démontrée. Ces approches sont basées sur l’utilisation de stratégies explicites de résolution de problème, d'auto-instruction et d’auto-évaluation. Les enfants devaient observer le thérapeute former soit une lettre (dans les trois premières séances), soit des mots isolés (pour les séances 3 à 9), soit des phrases entières (pour les séances 9 à 12), puis les enfants écrivaient eux-mêmes sur des fiches d'écriture issues du cahier d'entraînement Graphilettre ® [32]. Chaque lettre ou mot était minutieusement inspecté(e) afin d'en vérifier les aspects positifs ou négatifs. Un cercle entourant la lettre ou le mot permettait de signaler les graphies correctement formées, alors que des flèches pointées vers les endroits précis des graphies visaient à signaler les aspects à modifier et à améliorer lors de la production suivante. Le thérapeute guidait les enfants dans la découverte de stratégies de réalisation des lettres, ce qui devait permettre d'apprendre à focaliser l'attention des enfants sur les feedbacks les plus pertinents et d'en tirer profit pour modifier pas à pas les productions écrites. Le langage était ici massivement utilisé. Ce mode opératoire reposait sur les principes de connaissances déclaratives de la formation des lettres ainsi que sur l'auto-évaluation des enfants quant à leurs productions. Les points communs et les différences principales entre les deux méthodes de rééducation (IM versus RM) sont présentés dans le tableau I. Tableau I – Principaux points communs et principales différences entre les protocoles de rééducation basés respectivement sur l'IM et sur la RM. Imagerie Motrice (IM) Rééducation Métacognitive (RM) Entraînement aux habilétes visuo-spatiales et au timing prédictif oui non Préparation mentale et exercices préalables de conscience corporelle oui non Observation préalable des lettres/mots à écrire oui oui Analyse préalable minutieuse des graphies basée sur les connaissances déclaratives non oui Productions en condition réelle répétées plus de deux à trois fois non oui Analyse systématique des graphies produites et identification des aspects positifs et négatifs des productions non oui Utilisation systématique de stratégies de résolution de problème et d'auto-évaluation des graphies produites non oui Analyse du ressenti kinesthésique et proprioceptif oui non Modalités d'entraînement et stratégies © Les Entretiens de Bichat 2015 - 9 Psychomotricité 3- Groupe sans rééducation de l'écriture Les enfants de ce groupe contrôle n'ont reçu aucune aide spécifique dans le domaine de l'écriture. Parmi ces 17 enfants, 8 d'entre eux ont bénéficié d'une prise en charge psychomotrice entre l'évaluation initiale et finale au BHK. Sur cette période, tout travail en lien avec la rééducation de l'écriture était strictement écarté (dextérité manuelle ou digitale, perception visuelle et intégration visuomotrice notamment). Les 9 autres enfants étaient placés sur liste d'attente et ne bénéficiaient d'aucune forme de prise en charge. Variables sélectionnées et analyses statistiques Pour chaque enfant, ont été calculé la qualité d'écriture obtenue sur le BHK (score de dégradation), pré et post-traitement, ainsi que la vitesse d'écriture pré et post-traitement. Puis ces deux variables ont été soumises à une ANOVA à mesures répétées à deux facteurs (facteur temps : test-retest, et facteur groupe). Des tests d'effets principaux simples ont été réalisés afin d'isoler les éventuels effets d'interaction. Pour compléter les tests de significativité, une estimation de la taille des effets a été réalisée (eta carré : η2). Des scores d'évolution de la qualité et de la vitesse d'écriture ont été obtenus en soustrayant le score de qualité de l'écriture au retest à celui du test initial (qualité test – qualité retest), et en soustrayant le score de vitesse d'écriture au test initial à celui du retest (vitesse retest – vitesse test). Un score positif indiquait dans les deux cas une amélioration (de la qualité ou de la vitesse d'écriture). Un score négatif montrait une réduction de la qualité ou de la vitesse. Ces scores d'évolution ont été soumis à une ANOVA à un facteur pour vérifier si des différences existaient entre les groupes, puis, le cas échéant, à des tests post-hoc (HSD de Tukey). p<.05, η2=.12), mais un effet temps (testretest) beaucoup plus conséquent (F(1,48)=119,15, p<.001, η2=.71). L'interaction entre le facteur temps et le facteur groupe est également significative (F(2,48)=15,88, p<.001, η2=.39). Les résultats des effets principaux simples montrent que le score de dégradation au BHK a été réduit chez les enfants du groupe IM (F(1,16)=67,33, p<.001. η2=.80), ainsi que chez les enfants du groupe RM (F(1,16)=68,62, p<.001, η2=.81), mais pas dans le groupe contrôle (F(1,16)=3,59, p>.05, η2=.18). Ces résultats sont reportés dans la figure 1. Figure 1 – Scores moyens de qualité d'écriture au BHK pré et post-traitement pour le groupe imagerie motrice (IM), le groupe rééducation métacognitive (RM), et le groupe contrôle (sans traitement). *p<.001 Vitesse d'écriture : Les ANOVA à mesures répétées ne révèlent aucun effet de groupe, de temps, ou d'interaction groupe X temps sur les scores de vitesse d'écriture, tout comme les tests d'effets principaux (p>.05). Scores d'évolution de qualité : Qualité d'écriture : La moyenne des scores d'évolution de qualité d'écriture est de 8,94 (écart-type : 4,49) pour le groupe IM, de 9,82 (écart-type : 4,88) pour le groupe RM, et de 1,88 (écarttype : 4,09) pour le groupe contrôle. Les résultats des ANOVA à mesures répétées effectuées sur les scores de qualité d'écriture montrent un effet de groupe (F(2,48)=3,5, L'ANOVA à un facteur réalisée sur le score d'évolution de la qualité de l'écriture met en évidence des résultats significatifs Résultats 10 - © Les Entretiens de Bichat 2015 Psychomotricité (F(2,48)=15,88, p<.001). Le test a posteriori de Tukey révèle une différence significative entre le groupe IM et le groupe contrôle (p<.001), et entre le groupe RM et le groupe contrôle (p<.001), mais pas entre le groupe IM et RM (p>.1). Tous les enfants des groupes IM et RM ont vu leur score de qualité s'améliorer, excepté un sujet du groupe RM dont le score d'évolution est resté nul. Pour le groupe contrôle, 13 enfants ont obtenu un score d'évolution positif, et 4 enfants ont obtenu un score négatif (dégradation de la qualité de l'écriture au retest). Score d'évolution de vitesse : La moyenne des scores d'évolution de vitesse d'écriture est de 8,41 (écart-type : 32,97) pour le groupe IM, de 8,11 (écart-type : 35,11) pour le groupe RM, et de 10,58 (écart-type : 30,32) pour le groupe contrôle sans traitement. L'ANOVA à un facteur réalisée sur le score d'évolution de la vitesse de l'écriture ne fait apparaître aucun résultat significatif (F(2,48)=0,02, p>.05). Pour le groupe IM, 11 enfants ont amélioré leur vitesse d'écriture, et 6 ont vu leur vitesse de production se réduire. Pour le groupe RM, 11 enfants ont amélioré leur vitesse, 5 enfants ont obtenu un score d'évolution négatif, et 1 enfant un score nul. Pour le groupe contrôle, 11 enfants ont produit une écriture plus rapide au retest, et 6 enfants ont obtenu un score d'évolution négatif (diminution de la vitesse d’écriture). Discussion Cette étude avait pour objectifs principaux 1) de vérifier l'apport potentiel d'une rééducation de la dysgraphie chez l'enfant à l'aide d'un protocole basé sur l'utilisation de l'IM, et 2) de comparer cette approche avec une approche métacognitive déjà validée [39]. Les résultats obtenus supportent l'hypothèse selon laquelle l'utilisation de l'IM apparaît pertinente dans la cadre de la prise en charge des troubles de l'écriture chez les enfants scolarisés en primaire. En premier lieu, pour ce qui concerne la qualité de l'écriture, les résultats des ANOVA à mesures répétées montrent, outre l'existence d'un faible effet de groupe due à une amélioration importante de la qualité d'écriture dans les deux premiers groupes, un effet d'interaction temps X groupe, et surtout un effet temps (test-retest) majeur. Les tests d'effets principaux simples mettent en évidence une amélioration importante de la qualité de l'écriture avec une taille d'effet très élevée dans les deux premiers groupes, mais aucune différence significative pour le groupe contrôle. En ce qui concerne les scores d'évolution de qualité d'écriture, aucune différence significative n'est apparue entre le groupe IM et le groupe RM (p>.1), mais des différences importantes sont apparues entre le groupe IM et le groupe contrôle d'une part, et entre le groupe RM et le groupe contrôle d'autre part (p<.001 dans les deux cas). L'absence de différence entre les deux premiers groupes sur le score d'évolution de la qualité de l'écriture est un élément important qui tend à démontrer qu'il existe une efficacité similaire des deux modalités thérapeutiques. En revanche, l'absence de prise en charge spécifique des troubles de l'écriture ne permet aucune amélioration spontanée (aucune amélioration en l'absence de rééducation pour le groupe contrôle). Quatre enfants ont même obtenu un score de dégradation plus élevé à la réévaluation qu’au test initial, alors que tous les enfants du groupe IM et du groupe RM, à l'exception d'un sujet, ont vu leur score de dégradation se réduire au retest. Ce type d'observation relative à l'absence de progrès significatifs sans rééducation avait d'ailleurs déjà été formulé [28,66]. Ensuite, pour ce qui concerne la vitesse de l'écriture, les ANOVA à mesures répétées n'ont pas mis en évidence d'effet de groupe, de temps (test-retest) ou d'interaction temps X groupe. Les ANOVA à un facteur réalisées sur les scores d'évolution de vitesse n'ont révélé aucune différence significative entre © Les Entretiens de Bichat 2015 - 11 Psychomotricité les groupes. Ces données sont consistantes avec la majorité des études portant sur la prise en charge des troubles de l'écriture : travailler sur la qualité de l'écriture ne permet, au moins dans un premier temps, aucun gain de vitesse de production. Si les résultats obtenus ici soutiennent la pertinence de l'utilisation de l'imagerie motrice pour remédier à la dysgraphie, ils ne permettent pas de savoir clairement par quels mécanismes les troubles de l'écriture sont réduits. L'hypothèse principale que nous formulons est celle qui concerne l'amélioration du contrôle proactif du mouvement d'écriture, et donc du fonctionnement des modèles internes par la prise de conscience des sensations kinesthésiques, proprioceptives et spatiales de l'action par les sujets et leur capacité à anticiper les conséquences d'une action (ici : produire des lettres ou des mots). La limitation quantitative de la production de lettres ou de mots en condition réelle, ainsi que l'absence quasi totale de feedbacks qualitatifs donnés aux enfants du groupe IM pendant ou après les productions réelles, permettent d'exclure à priori l'hypothèse d'une amélioration de l'écriture dépendante d'une répétition de production ou d'une analyse explicite des productions. Nous pensons, à la lumière de ces résultats, et en examinant les conclusions d'autres travaux sur cette thématique [93], que pratiquer l'IM sous certaines conditions permet l'amélioration des prédictions de l'action, et in fine le contrôle moteur lui-même. Puisque plusieurs des enfants de cette étude souffrent de TDA/H, la question s'est posée de savoir si les processus de modélisation interne étaient affectés et pouvaient expliquer au départ la qualité dégradée de leur écriture. Or, pour les enfants avec TDA/H seul, il n'est pas rapporté de déficits de modélisation interne dans la littérature. Cependant, les symptômes cardinaux de ce trouble (impulsivité, inattention) pourraient expliquer en partie le mauvais contrôle proactif de certains mouvements tels que ceux impliqués dans la production écrite, ce qui paraît confirmé par l'amélioration de la qualité de l'écriture mais pas de la vitesse de production sous traitement par méthylphéni12 - © Les Entretiens de Bichat 2015 date [47]. Chez ces enfants, et dans le cadre de l'écriture, le rôle du contrôle attentionnel apparaît comme majeur (nécessité d’un contrôle rétroactif accru pour écrire correctement). Il ne semble donc pas inutile d'utiliser l'IM pour élever dans un premier temps le niveau d'attention et favoriser la concentration en diminuant les interférences par des facteurs endogènes ou exogènes [10], et pour que soit envisagé dans un second temps un transfert plus rapide d'un mode de contrôle moteur rétroactif à un mode proactif, moins coûteux sur le plan attentionnel [27]. Pour les enfants avec TAC, le déficit de modélisation interne est en revanche une hypothèse récurrente qui a pris une ampleur certaine depuis quelques années [1,23]. Il est probable que, même en présence de ce type de déficits, et à condition que le degré de sévérité du TAC le permette [90], l'entraînement à l'IM guidée par des instructions verbales d'un adulte permette progressivement une capacité de modélisation interne plus efficiente et puisse constituer un complément intéressant aux modalités thérapeutiques déjà validées. Nous avons constaté, après rééducation par IM, que les productions écrites des enfants de notre étude étaient moins soumises à des phénomènes de variabilité dans la taille des lettres, dans la rectitude des lignes, ou encore dans les hésitations et les tremblements des tracés. Il est très probable qu'en optimisant leur contrôle proactif, les enfants aient pu s'affranchir partiellement du bruit présent à différents niveaux du système perceptivo-moteur [77], et que les possibilités d'anticipation et de prédiction des conséquences sensorielles produites lors de l'activité d'écriture soient responsables des observations cliniques relatives à une plus grande stabilité des différents paramètres examinés (taille des lettres, espaces entre les lettres, etc.). Dans tous les cas, si une amélioration du fonctionnement des modèles internes est effectivement à l'œuvre avec ce type de protocole, il est possible d'affirmer que le contrôle moteur proactif des enfants dysgraphiques est susceptible d'être optimisé par l'intermédiaire d'un entraînement à l'action simulée. Psychomotricité Bien que les résultats obtenus montrent l'utilité de l'IM dans la rééducation de l'écriture, il serait, en condition clinique, particulièrement pertinent de tester le potentiel initial d'IM de chaque enfant afin de savoir si une rééducation basée sur cette approche pourrait s'avérer potentiellement efficace ou pas. Pour ce faire, la validation, chez l'enfant, d'un questionnaire tel que le Movement Imagery Questionnaire-Revised [26,52] serait indispensable. Enfin, il est intéressant de noter que les deux protocoles présentés ici n'intègrent pas de réelle pratique ouverte ou aléatoire de l'écriture, lesquelles sont souvent préconisées afin d'obtenir un transfert d'habiletés motrices dans des contextes variés. Il serait judicieux de tester l'effet d'une pratique d'IM aléatoire en fin de phase bloquée d'acquisition motrice pour étudier l'impact d'une telle pratique ouverte notamment sur l'automatisation et la vitesse de l'écriture. Ce type d'approche basée sur l'utilisation de l'IM en pratique bloquée puis aléatoire pourrait peut-être favoriser définitivement la mise en place d'un contrôle proactif des mouvements d'écriture en déplaçant l'apprentissage ou le réapprentissage (dans le cadre d'une rééducation) de l'écriture d'un mode cognitif/déclaratif (donc rétroactif) vers un mode procédural dans lequel le contrôle proactif s'exprimerait pleinement. Conclusions et perspectives Ce travail visait l'évaluation d'un programme de rééducation de l'écriture établi à partir des données existantes sur la pertinence de l'IM dans l'apprentissage ou l'optimisation d'habiletés motrices. Les résultats ont démontré que l'approche basée l'IM est quasiment aussi efficace qu'une approche métacognitive dans le cadre de l'amélioration de la qualité de l'écriture, mais qu'elle n'est d'aucun effet sur la vitesse de production. Les théories du contrôle moteur postulant l'existence de modèles internes à l'origine des capacités d'anticipation et de prédiction des conséquences sensorielles d'un mouvement nous donnent matière à expliquer les mécanismes potentiellement ciblés par l'utilisation de l'IM et qui apparaissent comme sensibles à un entraînement après 12 séances de rééducation. Les résultats présentés ici sont convergents avec ceux issus d'autres travaux [93] et tendent à placer la technique d'exécution simulée des mouvements parmi les approches potentiellement efficaces dans la prise en charge de certains troubles perceptivo-moteurs. A l'issue de ce travail, de nouvelles questions peuvent surgir, telles que le maintien ou non à long terme des effets de la rééducation par IM sur les capacités d'écriture, l'impact de l'IM sur l'écriture de populations d'âges différents (collégiens, adultes, personnes âgées), ou l'apport d'une pratique aléatoire en supplément d'une pratique bloquée pour vérifier le possible gain sur l'automatisation de l'écriture et la vitesse de production. Des travaux sur des populations pathologiques plus spécifiques seraient également informatifs, notamment pour vérifier si l'IM a un impact similaire ou pas sur l'écriture des enfants dont le degré de sévérité des troubles n'est pas le même (e.g., TAC légers versus TAC sévères), ou pour examiner l'utilité de l'IM sur des troubles jusqu'ici peu étudiés par ce type d'approche (patients Asperger, dyslexiques, etc.) Ce travail s'inscrit dans une optique de validation des pratiques psychomotrices basées sur des preuves [3,83] et entend fournir des éléments pour assoir la pratique de l'IM comme une technique particulièrement intéressante dans la prise en charge des troubles de l'écriture chez des enfants d'âge scolaire. RÉFÉRENCES 1 – Adams, I. L., Lust, J. M., Wilson, P. H., & Steenbergen, B. (2014). Compromised motor control in children with DCD: A deficit in the internal model ? – A systematic review. 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