Psychomotricité
2 - © Les entretiens de Bichat 2015
L'intérêt de l'IM a déjà été décrit pour amé-
liorer différents domaines moteurs hors écri-
ture, par exemple chez l'enfant porteur d'un
Trouble de l'Acquisition de la Coordina-
tion [93]. L'hypothèse principale de ce travail
était que les enfants souffrant de troubles
de l'écriture pouvaient également bénéficier
de l'utilisation de l'IM pour cette activité
hautement spécifique.
Après avoir fait le point sur les notions d'IM,
de modèles internes, et de dysgraphie,
seront exposés la méthode utilisée pour cette
étude ainsi que les résultats obtenus. Ces
résultats seront eux-mêmes discutés et mis
en perspective relativement à d'autres tra-
vaux portant sur la même thématique.
L'imagerie motrice
Les travaux traitant des problématiques sou-
levées par l'IM ont connu un essor considé-
rable ces deux ou trois dernières décennies,
qu'il s'agisse de travaux issus du champ des
sciences cognitives et comportementales, ou
de la neurophysiologie [54]. Aucune définition
consensuelle n'est disponible pour le
moment, mais il est coutume de considérer
l'IM comme un état cognitif dynamique qui
permet l'accès conscient du déroulement
d'une action et de ses caractéristiques tem-
porelles, spatiales, proprioceptives et kines-
thésique à partir d'une perspective
égocentrée (i.e., à la première personne) sans
qu'aucun mouvement réel ne soit effec-
tué
[12,36,38]. La pratique de l'IM se différencie
donc d'autres modes de représentations
internes telles que l'imagerie mentale ou
visuelle [55], qui consistent, elles, à imaginer le
déroulement d'une action à partir d'une pers-
pective externe, comme si le sujet voyait le
déroulement d'une scène à la troisième per-
sonne. Aucun ressenti proprioceptif ou kines-
thésique n'est présent en imagerie visuelle.
En IM, en revanche, le sujet expérimente un
acte moteur de l'intérieur, en tentant d'en
ressentir les différentes caractéristiques,
parmi lesquelles le déroulement temporel ou
les conséquences sensorimotrices de l'action,
que celle-ci implique la totalité du corps (e.g.,
courir, sauter), ou des zones corporelles bien
précises (e.g., écrire, saisir).
La grande majorité des études sur l'IM a été
réalisée chez l'adulte sain ou pathologique.
Plusieurs données remarquables ont été
mises en évidence, par exemple la similarité
des propriétés temporelles (invariance tempo-
relle) entre une action simulée et une action
réellement produite [14]. Ces propriétés tem-
porelles peuvent varier de façon parallèle en
fonction des caractéristiques de la tâche [13].
En outre, les propriétés chronométriques de
la simulation d'une action permettent de véri-
fier la loi de Fitts1, comme dans le cas d'un
acte moteur réellement exécuté [13,73]. Cette
invariance temporelle signerait une base
fonctionnelle commune entre IM et action
réelle sur laquelle nous reviendrons plus bas.
Une autre caractéristique remarquable réside
dans l'intérêt de l'IM dans l'amélioration des
performances motrices. Plusieurs travaux ont
supporté l'hypothèse selon laquelle l'IM
pourrait constituer un apport non négli-
geable dans les domaines de la psychologie,
du sport, ou de la réhabilitation motrice chez
certains patients. L'IM a montré des résultats
positifs pour des situations d'apprentissages
moteurs et d'optimisation de la perfor-
mance [19]. Des activations corticales distri-
buées ont été mise en évidence chez les
athlètes [17,68], les musiciens [64], les patients
amputés du membre supérieur [54], ou les
patients avec lésions spinales [69].
Chez des adultes normo-typiques, l'IM per-
met une amélioration des mécanismes d'équi-
libre, avec des résultats améliorés si l'on
couple l'IM avec une phase préalable d'obser-
vation de l'action à réaliser sur vidéo [80]. Chez
des personnes âgées, l'IM permet également
une amélioration de l'équilibre mais aussi, et
1 Fitts a montré que le temps de mouvement est lié de
manière linéaire à l'indice de difficulté de la tâche. Cet
indice est exprimé dans sa célèbre expérience de poin-
tage manuel par la distance entre les cibles présentées
au sujet et leur largeur. L'équation mise au point par Fitts
(T=a+b log2(2D/W), où T=temps, a et b =constantes,
D=distance entre les cibles, et W=largeur des cibles) rend
compte du conflit vitesse/précision qui se joue dans de
nombreuses activités motrices.