revue de presse
ces médicaments pour le fœtus, l’anxiété
reste grande quant aux risques liés à leur
consommation chez les patientes enceintes
ou allaitant. Avec un risque de base de
1 à 3 % de malformations graves, le
hasard seul pourrait être considéré
comme responsable d’un nombre sub-
stantiel des déficiences observées à la
naissance d’enfants dont les mères ont
pris ces médicaments au début de la
grossesse. Ce concept est souvent mal
compris et, par conséquent, de nom-
breuses malformations ont été attribuées
à la consommation de médicaments. De
surcroît, la contribution des médias à
l’inquiétude des futures mères n’est pas
négligeable non plus. Il n’est dès lors pas
surprenant que certaines femmes, lors-
qu’elles découvrent qu’elles sont
enceintes, interrompent brutalement
leur traitement, soit du fait de leur
propres peurs, soit suite à l’avis bien
intentionné de certains soignants. Cet
arrêt brutal est susceptible d’entraîner
des effets de sevrage ou de favoriser la
réapparition du trouble psychiatrique ou
psychologique de départ. Il est donc
important d’évaluer les répercussions
sur la mère et le bébé d’une interruption
soudaine de l’administration d’antidé-
presseurs ou de benzodiazépines pen-
dant la grossesse. En outre, il est inté-
ressant aussi de vérifier l’impact et les
effets des conseils d’un professionnel de
la santé (Einarson A, Selby P, Koren G.
Abrupt discontinuation of psychotropic
drugs during pregnancy : fear of terato-
genic risk and impact of counselling. J
Psychiatry Neurosci 2001 ; 26 : 44-8).
Les auteurs de l’étude ont pu contacter
des jeunes femmes enceintes ou désirant
l’être grâce au programme Motherisk,
qui est un service de conseils destiné aux
femmes enceintes et à leur médecin trai-
tant. Il leur fournit par téléphone des
informations et des conseils concernant
les risques potentiels pour le fœtus ou
l’enfant liés à l’exposition aux produits
chimiques, aux médicaments, aux mala-
dies, aux radiations, etc. Ce service
reçoit environ 35 000 appels par an, dont
12 à 15 % concernent les médicaments
psychotropes. Toutes les femmes qui ont
consulté le programme Motherisk entre
novembre 1996 et décembre 1997, et qui
ont cessé de prendre des antidépresseurs
ou des benzodiazépines lorsque la gros-
sesse a été confirmée, ont consenti à par-
ticiper à l'étude. Les jeunes femmes ont
été interviewées, ont reçu des conseils
et rempli un questionnaire un mois après
l'appel initial, et à nouveau après l'ac-
couchement. Sur les 36 femmes qui ont
participé à l'étude, 34 ont cessé soudai-
nement de prendre des médicaments
parce qu'elles craignaient de nuire au
fœtus, et 28 l'ont fait sur le conseil de
leur médecin. Vingt-six femmes (70 %)
ont signalé des effets physiques et psy-
chologiques indésirables, 11 ont signalé
des effets psychologiques uniquement,
et 11 ont signalé des idées suicidaires,
parmi lesquelles 4 ont été hospitalisées.
Suite aux conseils qui leur ont été pro-
digués, 22 des 36 femmes (61%) ont
recommencé à prendre leur médicament
et quatre ont constaté qu'elles n'en
avaient plus besoin. Une des femmes a
subi un avortement thérapeutique et
deux ont eu un avortement spontané. Il
y avait donc 35 bébés en bonne santé
(dont deux couples de jumeaux) nés de
33 femmes, et 14 des 21 mères ont
allaité leur bébé pendant qu'elles pre-
naient leurs psychotropes, sans que l'on
signale d'effet indésirable. En conclu-
sion, on peut donc avancer que lors-
qu'on évalue les risques et les avantages
de la prise de psychotropes pendant la
grossesse, les femmes et leurs médecins
devraient savoir que l'interruption sou-
daine de l'administration de psycho-
tropes peut avoir des effets secondaires
sérieux. Le conseil joue un rôle efficace
en rassurant les femmes et en les inci-
tant à se conformer au traitement.
Mots clés. Mères – Grossesses – Psy-
chotropes – Risque tératogène.
Risque de récurrence
de troubles bipolaires
liés à l’arrêt du lithium
chez les femmes enceintes
et les autres
Boston (États-Unis)
Les troubles bipolaires (de type I
et II) affectent 1 à 2 % de la population, et
sont également assez communs chez les
femmes en âge d’avoir des enfants. En
dépit de cette prévalence relativement éle-
vée, on sait peu de choses sur le risque de
rechute des troubles bipolaires au cours de
la grossesse, quoique les troubles affectifs
sérieux au cours de la grossesse soient
assez fréquents. Un point de vue tradi-
tionnel, qui se base en fait sur des données
très parcimonieuses, est que la grossesse
protège de la récurrence de la plupart des
troubles affectifs et du suicide. Le suivi
des femmes enceintes souffrant de trouble
bipolaire pose un dilemme clinique
sérieux. Les agents antimanie (lithium,
valproate et carbamazépine) présentent
tous des risques tératogènes au début de la
grossesse et des effets secondaires à la fin
et lors de l’accouchement. Mais, l’impact
de l’interruption d’un traitement antipsy-
chotique durant la grossesse n’est pas
négligeable non plus. En outre, l’arrêt bru-
tal de la médication est associé à un risque
élevé de rechute, risque qui peut dépasser
la rythmicité naturelle des maladies
maniaco-dépressives non traitées. Cette
étude est la première à avoir comparé le
risque de récurrence de troubles bipolaires
après l’interruption du traitement par le
lithium dans une population importante de
femmes enceintes et non enceintes. Les
auteurs ont également comparé les taux de
récurrence au cours de la grossesse après
l’arrêt du traitement avec les taux de récur-
rence des mêmes patientes au cours de la
période précédant l’arrêt du traitement.
(Viguera A, Nonacs R, Cohen L et al. Risk
of recurrence of bipolar disorder in pre-
gnant and nonpregnant women after dis-
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Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001