34 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 1 - janvier-février 2011
MISE AU POINT Diagnostic et prise en charge de la dysplasie au cours des MICI
cancer invasif (4). D’un point de vue endoscopique,
la dysplasie peut être plane ou surélevée. La dysplasie
plane peut être uni- ou multifocale. La dysplasie en
muqueuse plane est classiquement considérée comme
endoscopiquement invisible, et sa détection repose
sur les biopsies systématiques. Le CCR sur MICI se
développe selon la séquence inflammation chronique-
dysplasie de bas grade (DBG)-dysplasie de haut grade
(DHG)-cancer. Pour cette raison, les patients sont
intégrés dans un programme de surveillance endo-
scopique dans le but de détecter l’apparition de la
dysplasie avant celle du CCR. La fiabilité du système
de surveillance repose sur trois piliers : le gastro-
entérologue, l’anatomo-pathologiste, le patient (2).
Rôle du gastroentérologue
Le gastroentérologue doit : 1. identifier les patients
MICI qui nécessitent une surveillance ; 2. examiner la
muqueuse colorectale à la recherche d’une dysplasie ;
3. adapter la prise en charge de chaque patient en
fonction des données de l’étude anatomopatho-
logique ; 4. veiller au suivi endoscopique du patient
(2). La conférence de consensus de la CCFA (Crohn’s
and Colitis Foundation of America) sur la surveillance
du CCR au cours des MICI a recommandé la réalisa-
tion d’au moins 32 biopsies lors de chaque coloscopie
de surveillance, en pratiquant 4 biopsies en quadrant
tous les 10 cm (25). Chaque groupe de 4 biopsies doit
être placé dans un tube séparé, ainsi que les biopsies
réalisées sur les lésions surélevées ou suspectes (25).
Afin de pallier les insuffisances de l’échantillonnage,
de nouvelles techniques d’endoscopie ont été déve-
loppées. L’amélioration de la technologie des puces
vidéo a entraîné une identification plus fréquente des
lésions polypoïdes associées aux MICI. La chromo-
endoscopie, au bleu de méthylène ou à l’indigo
carmin, permet d’améliorer la détection des lésions
subtiles de la muqueuse colique en augmentant la
sensibilité de l’examen endoscopique (2, 4, 28-31). De
nouvelles techniques d’endoscopie pourraient faci-
liter l’identification des lésions de dysplasie : parmi
elles, on retrouve le narrow-band imaging (NBI) [32]
et l’endomicroscopie confocale (33).
Rôle de l’anatomopathologiste
Selon Riddell et al., le diagnostic histologique de
dysplasie est classé en trois catégories : 1. absence
de dysplasie ; 2. présence d’une dysplasie (DBG ou
DHG) ; 3. dysplasie indéfinie (27). Cette classifica-
tion souffre d’un manque de concordance entre les
anatomopathologistes experts et non experts (34).
Le consensus de la CCFA et la U.S. Multisociety Task
Force recommandent la réalisation d’un second examen
des biopsies par un anatomopathologiste indépendant
avant la prise de décision définitive (25, 35).
Considérations liées au patient
Le rôle du patient dans la surveillance du CCR au
cours des MICI est le plus critique et le moins étudié.
Dans le contexte d’une MICI, le patient doit adhérer
au programme de surveillance endoscopique et
prendre en compte les options de prise en charge
proposées par le gastroentérologue (2). Dans une
enquête utilisant un questionnaire auto-administré
et menée sur 199 patients avec une RCH évoluant
depuis plus de 8 ans, 60 % des patients refusaient
la colectomie élective en cas de dysplasie, malgré
un risque encouru de CCR de l’ordre de 20 % (36).
L’analyse des données de cette étude a démontré
que les patients n’acceptaient la réalisation d’une
colectomie élective que si le risque de CCR encouru
dépassait 73 % (36). Cette étude, bien que menée sur
un échantillon relativement faible, démontre la diffi-
culté d’application d’un programme de surveillance
du CCR au cours des MICI.
Prise en charge de la dysplasie colique
au cours des maladies inflammatoires
chroniques de l’intestin
L’appellation de DALM (dysplasia-associated lesion or
mass) a été utilisée pour décrire des lésions dyspla-
siques surélevées en endoscopie (2). Les DALM qui
présentent un aspect endoscopique similaire à celui
des adénomes sporadiques sont appelées adenoma-
like DALM. Les non-adenoma-like DALM sont des
lésions qui ne sont pas résécables endoscopique-
ment et dont la prise en charge est chirurgicale (2).
Contrairement aux non-adenoma-like DALM, les
adenoma-like DALM peuvent être traitées par une
polypectomie, avec des biopsies réalisées autour de
la muqueuse plane en circonférence de la lésion suré-
levée (37). Si la lésion est complètement reséquée et
que la muqueuse environnante en circonférence ne
comporte pas de dysplasie, une surveillance rappro-
chée par coloscopie est indiquée. La mise en évidence
d’une dysplasie dans la muqueuse plane avoisinante
à la lésion surélevée impose la colectomie, compte
tenu du risque élevé de progression vers le cancer.