Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin S. Nahon* Fertilité Les études les plus récentes n’ont pas montré de différence significative entre le taux de fertilité des femmes et des hommes atteints de RCH et celui de la population générale en âge de procréer. Au cours de la MC, la fertilité des patients de sexe féminin ou masculin diminue proportionnellement au degré d’activité de la maladie. Chez les femmes, cette observation peut traduire une inflammation tubaire, ovarienne ou périnéale (à l’origine d’une dyspareunie). D’autre part, la dénutrition et l’aménorrhée secondaire – qui peuvent accompagner les poussées de la maladie – pourraient expliquer en partie l’hypofertilité. Chez l’homme, une oligospermie a été notée au cours des poussées, ainsi qu’avec la prise de sulfasalazine ; dans cette dernière situation, elle est réversible 3 à 6 mois après l’arrêt du traitement. En revanche, l’azathioprine et l’infliximab ne semblent pas affecter le taux de fécondité, pas plus chez l’homme que chez la femme. Un travail récent a montré que l’anastomose iléo-anale chez la femme atteinte de RCH augmente le risque de stérilité comparativement à l’anastomose iléorectale. Ainsi, avant d’envisager cette option chirurgicale chez une femme en âge de procréer, il est utile d’en avertir la patiente et de discuter le rapport * Service de gastroentérologie, CHI de Montfermeil. E n Europe septentrionale et en Amérique du Nord, l’incidence annuelle des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) est d’environ 15 à 20 pour 100 000 habitants. Par ailleurs, les pics de prévalence de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorragique (RCH) s’observent au cours de la troisième décennie, ce qui correspond au pic de fréquence des patients et patientes en âge de procréer. Ainsi, la perspective d’une grossesse est classiquement abordée par les patients atteints de MICI. Les préoccupations sont centrées sur les risques de transmission de la maladie à la descendance, le retentissement de la MICI sur la grossesse, le retentissement de la grossesse sur la MICI, la prise en charge thérapeutique propre à la MICI pendant la grossesse et les modalités d’accouchement. Ces différents thèmes seront abordés dans cette mise au point, hormis la thérapeutique, qui fait l’objet du chapitre “Médicaments” p. 45. bénéfice/risque en présence de l’équipe médico-chirurgicale. Enfin, la grossesse est la période idéale pour envisager un sevrage tabagique, à la fois pour le fœtus et pour les femmes atteintes de MC. En effet, si les méfaits du tabac sur l’évolution de la MC sont aujourd’hui bien connus (augmentation du taux de rechute, du recours à la chirurgie et de la prescription de traitements immunosuppresseurs), le tabac est également à l’origine d’un taux accru d’avortement spontané et de prématurité. Hérédité et MICI Le développement des MICI fait intervenir des facteurs environnementaux et héréditaires. L’hérédité des MICI suit les lois de l’hérédité non mendélienne. Une étude comparative a montré une prévalence de 5,2 % chez les nouveau-nés ayant un parent atteint de MC. Pour la RCH, la prévalence atteindrait 1,6 % chez les sujets dont un des parents est porteur d’une RCH. Lorsque les deux parents sont atteints de MC, le risque de transmettre la maladie serait de 36 %. Les Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005 découvertes génétiques récentes, en particulier la mise en évidence de la mutation du gène NOD2/CARD15 dans la MC, plaident en faveur de cette composante génétique. Effets des MICI sur la grossesse Premier trimestre : plusieurs études cas-témoins n’ont pas montré de risque accru d’avortement spontané au cours de la RCH et de la MC. Cependant, si la conception a lieu en phase d’activité de la maladie, le taux d’avortement spontané pourrait atteindre 35 %. Il ne semblerait pas non plus qu’il y ait davantage de malformations congénitales liées à ces maladies. Deuxième et troisième trimestres : la RCH et la MC ne semblent pas majorer le risque de survenue de complications spécifiques à la grossesse telles que prééclampsie ou éclampsie. Cependant, les MICI augmenteraient significativement le risque de prématurité et d’hypotrophie fœtale. Ce risque est d’autant plus élevé que la maladie est évolutive (corrélation avec l’indice d’activité). Au cours d’une 33 et grossesse Tube digestif poussée, ce risque semble plus élevé chez les malades atteints de MC, notamment en cas d’atteinte iléale ou d’antécédent de chirurgie abdominale. On conseillera un suivi attentif et régulier tout au long de la grossesse, et notamment au cours du troisième trimestre. Influence de la grossesse sur l’activité des MICI Idéalement, toute grossesse devrait être planifiée afin de diminuer au maximum la probabilité des poussées de la maladie durant cette période. Une rémission d’au moins 3 mois serait optimale avant conception. Rectocolite hémorragique : en phase de rémission, la grossesse est sans conséquence sur l’histoire naturelle de la RCH. Dans une étude, le taux de rechute était estimé à 34 % dans les neuf mois suivant la conception. Les rechutes surviennent le plus souvent au cours du premier trimestre, probablement en raison de l’arrêt volontaire par les patientes de tout traitement de fond à l’annonce de la grossesse. Une conception en phase inflammatoire est suivie dans 45 % des cas d’une aggravation de la RCH. Quelques rares patientes atteintes de RCH sont symptomatiques uniquement en période gravidique. Maladie de Crohn : tout comme pour la RCH, l’indice d’activité de la maladie lors de la conception détermine l’évolution de la maladie et son retentissement sur la grossesse. Une MC active en début de grossesse se stabilise dans 1/3 des cas, s’aggrave dans 1/3 des cas et s’améliore dans 1/3 des cas. Cependant, il est généralement admis que l’activité d’une MC serait habituellement moins importante au cours de la grossesse. Cela pourrait en partie s’expliquer par la réduction ou l’arrêt du tabac dès l’annonce d’une grossesse. Le délai optimal de rémission préconceptionnelle n’est pas clairement établi. En pratique clinique, un délai de trois mois d’inactivité inflammatoire est communément conseillé avant d’envisager une grossesse. Traitement Le traitement médical des MICI au cours de la grossesse n’est pas étudié dans cette revue, car il fait l’objet du chapitre “Médicaments”, p. 45. Nous aborderons uniquement les traitements chirurgicaux. Les séries concernant les traitements chirurgicaux des MICI au cours de la grossesse sont rares. Les indications chirurgicales dans ce contexte sont identiques à celles des MICI en dehors de la grossesse, en particulier pour les colites aiguës graves résistantes à la corticothérapie ou encore les sepsis intrapéritonéaux. Si le pronostic maternel est en jeu, une interruption thérapeutique de grossesse sera réalisée ; en revanche, si le fœtus est suffisamment mature, une césarienne synchrone est à privilégier. Par ailleurs, le rétablissement de continuité en un temps majore le risque de complications postopératoires. Anastomose iléo-anale et pronostic fonctionnel : les patientes atteintes de RCH ayant subi une proctocolectomie totale avec anastomose iléo-anale ont une hypofertilité augmentée par rapport aux femmes atteintes de RCH sans antécédent chirurgical. En revanche, cette intervention est sans conséquence sur le déroulement de la grossesse. Iléostomies : peu de données sont disponibles sur l’influence d’une iléostomie sur le déroulement de la grossesse. Quelques études ont montré l’absence de différence significative sur la survenue de complications pendant la grossesse. De même, la grossesse serait sans incidence sur le pronostic fonctionnel de la stomie. Toutefois, si une altération du résultat fonctionnel est observée, elle est spontanément réversible 6 à 9 mois après l’accouchement. La présence d’une stomie ne constitue donc pas un obstacle à un projet de grossesse, et n’est pas source de complication. Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005 Modalités de l’accouchement au cours des MICI Une étude rétrospective a montré que le taux de césariennes chez les femmes atteintes de MICI était en moyenne de 26 %, contre 13 % dans la population générale, différence liée à une augmentation des indications obstétricales. En l’absence d’atteinte anopérinéale ou d’antécédent de chirurgie périnéale, un accouchement par voie basse est la règle. Cependant, pour certains auteurs, une épisiotomie doit être évitée au cours de la MC. En effet, elle serait à l’origine dans 17,9 % des cas d’une atteinte périnéale de novo. Pour d’autres, elle n’aurait aucune influence sur l’histoire naturelle de la MC périnéale. En pratique, si une épisiotomie est envisagée, on privilégiera une incision médiolatérale, moins traumatisante pour le sphincter anal. En cas d’atteinte périnéale active ou antérieure, ou de chirurgie anopérinéale, une césarienne sera préférée. Chez les femmes ayant une iléostomie, un accouchement par voie basse peut être envisagé. Par ailleurs, en cas d’accouchement par voie basse, le taux de césariennes est plus important que dans la population générale. Conclusion Les taux de fertilité, d’avortements spontanés et d’anomalies congénitales au cours des MICI ne diffèrent guère de ceux observés chez les femmes sans MICI. Les taux de prématurité et d’hypotrophie fœtale seraient plus importants au cours de la MC en activité. Le facteur pronostique principal du bon déroulement de la grossesse est l’indice d’activité de la maladie, une période de quiescence d’au moins 3 mois étant habituellement recommandée. Prise en charge individualisée, coopération interdisciplinaire et observance thérapeutique sont indispensables pour une prise en charge optimale de la grossesse au cours des MICI. ■ 34 et grossesse Tube digestif Références – Brandt LJ, Estabrook SG, Reinus JF. 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