Fertilité
Les études les plus récentes n’ont pas
montré de différence significative entre
le taux de fertilité des femmes et des
hommes atteints de RCH et celui de la
population générale en âge de procréer.
Au cours de la MC, la fertilité des patients
de sexe féminin ou masculin diminue
proportionnellement au degré d’activité
de la maladie. Chez les femmes, cette
observation peut traduire une inflamma-
tion tubaire, ovarienne ou périnéale (à
l’origine d’une dyspareunie). D’autre
part, la dénutrition et l’aménorrhée
secondaire – qui peuvent accompagner
les poussées de la maladie – pourraient
expliquer en partie l’hypofertilité.
Chez l’homme, une oligospermie a été
notée au cours des poussées, ainsi qu’avec
la prise de sulfasalazine ; dans cette
dernière situation, elle est réversible 3 à
6mois après l’arrêt du traitement. En
revanche, l’azathioprine et l’infliximab
ne semblent pas affecter le taux de fécon-
dité, pas plus chez l’homme que chez la
femme.
Un travail récent a montré que l’anasto-
mose iléo-anale chez la femme atteinte
de RCH augmente le risque de stérilité
comparativement à l’anastomose iléo-
rectale. Ainsi, avant d’envisager cette
option chirurgicale chez une femme en
âge de procréer, il est utile d’en avertir
la patiente et de discuter le rapport
bénéfice/risque en présence de l’équipe
médico-chirurgicale.
Enfin, la grossesse est la période idéale
pour envisager un sevrage tabagique, à
la fois pour le fœtus et pour les femmes
atteintes de MC. En effet, si les méfaits
du tabac sur l’évolution de la MC sont
aujourd’hui bien connus (augmentation
du taux de rechute, du recours à la chirur-
gie et de la prescription de traitements
immunosuppresseurs), le tabac est éga-
lement à l’origine d’un taux accru d’avor-
tement spontané et de prématurité.
Hérédité
et MICI
Le développement des MICI fait inter-
venir des facteurs environnementaux et
héréditaires. L’hérédité des MICI suit les
lois de l’hérédité non mendélienne. Une
étude comparative a montré une préva-
lence de 5,2 % chez les nouveau-nés
ayant un parent atteint de MC. Pour la
RCH, la prévalence atteindrait 1,6 % chez
les sujets dont un des parents est porteur
d’une RCH. Lorsque les deux parents
sont atteints de MC, le risque de trans-
mettre la maladie serait de 36 %. Les
découvertes génétiques récentes, en par-
ticulier la mise en évidence de la muta-
tion du gène NOD2/CARD15 dans la
MC, plaident en faveur de cette compo-
sante génétique.
Effets des MICI
sur la grossesse
Premier trimestre : plusieurs études
cas-témoins n’ont pas montré de risque
accru d’avortement spontané au cours
de la RCH et de la MC. Cependant, si la
conception a lieu en phase d’activité de
la maladie, le taux d’avortement spon-
tané pourrait atteindre 35 %. Il ne sem-
blerait pas non plus qu’il y ait davantage
de malformations congénitales liées à
ces maladies.
Deuxième et troisième trimestres : la
RCH et la MC ne semblent pas majorer
le risque de survenue de complications
spécifiques à la grossesse telles que pré-
éclampsie ou éclampsie. Cependant, les
MICI augmenteraient significativement
le risque de prématurité et d’hypotrophie
fœtale. Ce risque est d’autant plus élevé
que la maladie est évolutive (corrélation
avec l’indice d’activité). Au cours d’une
Maladies
inflammatoires
chroniques
de l’intestin
S. Nahon*
* Service de gastroentérologie,
CHI de Montfermeil.
E
n Europe septentrionale et en Amérique du Nord, l’incidence
annuelle des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)
est d’environ 15 à 20 pour 100 000 habitants. Par ailleurs, les pics
de prévalence de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorra-
gique (RCH) s’observent au cours de la troisième décennie, ce qui corres-
pond au pic de fréquence des patients et patientes en âge de procréer.
Ainsi, la perspective d’une grossesse est classiquement abordée par les
patients atteints de MICI. Les préoccupations sont centrées sur les
risques de transmission de la maladie à la descendance, le retentisse-
ment de la MICI sur la grossesse, le retentissement de la grossesse sur
la MICI, la prise en charge thérapeutique propre à la MICI pendant la
grossesse et les modalités d’accouchement. Ces différents thèmes
seront abordés dans cette mise au point, hormis la thérapeutique, qui
fait l’objet du chapitre “Médicaments” p. 45.
33
Tube digestif
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005
et grossesse
poussée, ce risque semble plus élevé chez
les malades atteints de MC, notamment
en cas d’atteinte iléale ou d’antécédent
de chirurgie abdominale.
On conseillera un suivi attentif et régu-
lier tout au long de la grossesse, et
notamment au cours du troisième
trimestre.
Influence de la grossesse
sur l’activité des MICI
Idéalement, toute grossesse devrait être
planifiée afin de diminuer au maximum
la probabilité des poussées de la mala-
die durant cette période. Une rémission
d’au moins 3 mois serait optimale avant
conception.
Rectocolite hémorragique : en phase
de rémission, la grossesse est sans
conséquence sur l’histoire naturelle de
la RCH. Dans une étude, le taux de
rechute était estimé à 34 % dans les
neuf mois suivant la conception. Les
rechutes surviennent le plus souvent au
cours du premier trimestre, proba-
blement en raison de l’arrêt volontaire
par les patientes de tout traitement de
fond à l’annonce de la grossesse. Une
conception en phase inflammatoire est
suivie dans 45 % des cas d’une aggra-
vation de la RCH. Quelques rares
patientes atteintes de RCH sont symp-
tomatiques uniquement en période gra-
vidique.
Maladie de Crohn : tout comme pour la
RCH, l’indice d’activité de la maladie
lors de la conception détermine l’évo-
lution de la maladie et son retentissement
sur la grossesse. Une MC active en début
de grossesse se stabilise dans 1/3 des
cas, s’aggrave dans 1/3 des cas et
s’améliore dans 1/3 des cas. Cepen-
dant, il est généralement admis que
l’activité d’une MC serait habituel-
lement moins importante au cours de la
grossesse. Cela pourrait en partie s’ex-
pliquer par la réduction ou l’arrêt du
tabac dès l’annonce d’une grossesse. Le
délai optimal de rémission préconcep-
tionnelle n’est pas clairement établi. En
pratique clinique, un délai de trois mois
d’inactivité inflammatoire est commu-
nément conseillé avant d’envisager une
grossesse.
Traitement
Le traitement médical des MICI au cours
de la grossesse n’est pas étudié dans cette
revue, car il fait l’objet du chapitre “Médi-
caments”, p. 45. Nous aborderons unique-
ment les traitements chirurgicaux.
Les séries concernant les traitements chi-
rurgicaux des MICI au cours de la gros-
sesse sont rares. Les indications chirur-
gicales dans ce contexte sont identiques
à celles des MICI en dehors de la gros-
sesse, en particulier pour les colites aiguës
graves résistantes à la corticothérapie ou
encore les sepsis intrapéritonéaux. Si le
pronostic maternel est en jeu, une inter-
ruption thérapeutique de grossesse sera
réalisée ; en revanche, si le fœtus est suf-
fisamment mature, une césarienne syn-
chrone est à privilégier. Par ailleurs, le
rétablissement de continuité en un temps
majore le risque de complications post-
opératoires.
Anastomose iléo-anale et pronostic
fonctionnel : les patientes atteintes de
RCH ayant subi une proctocolectomie
totale avec anastomose iléo-anale ont
une hypofertilité augmentée par rapport
aux femmes atteintes de RCH sans anté-
cédent chirurgical. En revanche, cette
intervention est sans conséquence sur
le déroulement de la grossesse.
Iléostomies : peu de données sont dispo-
nibles sur l’influence d’une iléostomie sur
le déroulement de la grossesse. Quelques
études ont montré l’absence de différence
significative sur la survenue de compli-
cations pendant la grossesse. De même,
la grossesse serait sans incidence sur le
pronostic fonctionnel de la stomie. Toute-
fois, si une altération du résultat fonction-
nel est observée, elle est spontanément
réversible 6 à 9 mois après l’accouche-
ment. La présence d’une stomie ne
constitue donc pas un obstacle à un pro-
jet de grossesse, et n’est pas source de
complication.
Modalités de l’accouchement
au cours des MICI
Une étude rétrospective a montré que
le taux de césariennes chez les femmes
atteintes de MICI était en moyenne de
26 %, contre 13 % dans la population
générale, différence liée à une augmen-
tation des indications obstétricales. En
l’absence d’atteinte anopérinéale ou
d’antécédent de chirurgie périnéale, un
accouchement par voie basse est la règle.
Cependant, pour certains auteurs, une
épisiotomie doit être évitée au cours de
la MC. En effet, elle serait à l’origine
dans 17,9 % des cas d’une atteinte péri-
néale de novo. Pour d’autres, elle n’au-
rait aucune influence sur l’histoire natu-
relle de la MC périnéale. En pratique, si
une épisiotomie est envisagée, on privi-
légiera une incision médiolatérale, moins
traumatisante pour le sphincter anal. En
cas d’atteinte périnéale active ou anté-
rieure, ou de chirurgie anopérinéale, une
césarienne sera préférée. Chez les femmes
ayant une iléostomie, un accouchement
par voie basse peut être envisagé. Par
ailleurs, en cas d’accouchement par voie
basse, le taux de césariennes est plus im-
portant que dans la population générale.
Conclusion
Les taux de fertilité, d’avortements spon-
tanés et d’anomalies congénitales au
cours des MICI ne diffèrent guère de ceux
observés chez les femmes sans MICI.
Les taux de prématurité et d’hypotro-
phie fœtale seraient plus importants au
cours de la MC en activité. Le facteur
pronostique principal du bon déroule-
ment de la grossesse est l’indice d’ac-
tivité de la maladie, une période de
quiescence d’au moins 3 mois étant habi-
tuellement recommandée. Prise en charge
individualisée, coopération interdiscipli-
naire et observance thérapeutique sont
indispensables pour une prise en charge
optimale de la grossesse au cours des
MICI.
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Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005
et grossesse
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