Indéniablement un des peintres italiens contemporains les plus internationalement reconnus, Valerio Adami s’est d’abord fait remarquer { la fin des années soixante en France par ses compositions pop aux couleurs acidulées. Au cours des années 70 puis 80, il a développé un langage unique où de grands aplats de couleurs délimités par de strictes lignes noires, dessinent des compositions sophistiquées aux perspectives complexes. Adami structure ses toiles { partir de dessins au crayon, d’une grande précision, qui sont longuement travaillés jusqu’{ atteindre un dépouillement extrême. Tout un monde pictural apparaît alors, qui ne peut se comprendre d’après Adami que par une traduction psychanalytique : enchevêtrement de corps, murs devenant paysages, meubles ou fenêtres, fragments d’objets familiers… Dès les années 70, apparaissent de façon récurrente des allégories poétiques, des portraits ou des compositions historiques. Dans cette exposition à la Galerie IUFM Confluence(s), Valerio Adami présente une sélection de ses dessins préparatoires réalisés depuis les dix dernières années ainsi que des tableaux récents. A travers cette succession d’une vingtaine de dessins, se profile une forme de journal dessiné, où les thèmes obsessionnels de l’artiste – voyages, musique, littérature – se révèlent dans toute leur complexité. Le dessin joue un rôle fondamental dans le travail de Valerio Adami. Réalisé sur plusieurs jours, il constitue la matrice de chacun de ses tableaux. Le papier garde la trace des repentirs, des esquisses qui se sont succédées. Pour lui, il devient un témoignage et donc la mémoire même de la peinture. Comme il l’explique : « le moi du tableau est dans le dessin. Le but du peintre est de donner des contours et des volumes au dessin. Mais au cas où ceux-ci seraient abstraits, leur syntaxe, elle, devrait toujours être parfaitement concrète. » Pour Valerio Adami, la ligne et les formes closes entretiennent un rapport étroit avec le langage et les mots. Ami d’Italo Calvino et de Jacques Derrida, Valerio Adami conçoit sa peinture comme une interrogation philosophique avec le verbe. Comme il l’explique, « Des journées entières passées sur les dessins, pour en effacer toute trace mondaine. (Se mesurer { l’utopie est une manière de connaître la vérité.) Tous ces dessins ne sont que les fruits de saisons de l’arbre que nous sommes, etc. Dessins sans ombre ni angoisse, où la lumière et l’obscurité sont enfermées ensemble dans la ligne. Il y a des petites clés dans la forme close, qui font bouger le tout. » Les toiles d’Adami sont plus que jamais organisées comme des chambres, des scènes, où le contraste entre les couleurs parfois fluorescentes, évoque à lui seul la lumière, les ombres et les volumes. Elles révèlent souvent des figures allant par deux, des couples entremêlés ou non, qui s’opposent ou se complètent. La dualité est sans cesse posée. De même, on retrouve souvent une dualité entre le dessin et la toile finalement réalisée. Pour Adami, le dessin devient comme le témoignage et donc « la mémoire de la peinture ». Cependant, c’est depuis une dizaine d’année seulement que le travail de Valerio Adami a réellement dépassé les limites de l’expérimentation plastique ou de l’évocation poétique pour s’ancrer dans la réflexion philosophique et littéraire. Ami de Carlos Fuentes, Antonio Tabucchi ou Jacques Derrida, Valerio Adami conçoit aussi sa peinture comme une interrogation philosophique sur le langage et la perception. Comme l’écrit Edouard Glissant dans « Les entrées de l’artiste, multiplicité et unité de Valerio Adami » (2004), l’œuvre de Valerio Adami a une « portée qui va plus loin que les limites de sa représentation ». Le concept de multiplicité ou de dualité est essentielle. Par exemple la coupure imposée par la structure linéaire noire engendre une multiplicité de scènes et de réalités, qui sont à rapprocher de la tentative philosophique de « la pensée qui cherche à créer une unité à partir de la diversité des mondes et des vies ».