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Pharmacogénétique du cancer colorectal
Colorectal cancer pharmacogenetics
● Valérie Boige*
a pharmacogénétique est l’étude des variations génétiques prédictives de la réponse à un traitement donné.
L’étude des polymorphismes génétiques constitutionnels permet dans certains cas de prédire la toxicité d’un médicament via l’identification de sujets dits “métaboliseurs lents” ou
“métaboliseurs rapides”.
La prédiction de la toxicité et de la réponse aux traitements cytotoxiques est un enjeu majeur en cancérologie, et en particulier
dans le domaine du cancer colorectal (CRC) dans la mesure où
l’on assiste ces dix dernières années à un enrichissement thérapeutique très important qui rend nécessaire l’identification de facteurs prédictifs fiables, en vue d’un traitement personnalisé le
moins toxique et le plus efficace possible pour chaque patient.
Dans ce cadre, l’étude des variations génétiques présentes chez
l’individu permet plutôt de prédire la toxicité des traitements,
alors que celles présentes dans la tumeur paraissent plus fiables
pour prédire la réponse au traitement. Les principaux médicaments cytotoxiques utilisés dans le CRC sont le 5-FU et ses dérivés, l’oxaliplatine et l’irinotécan, auxquels s’ajoutent maintenant
les thérapies ciblées comme les inhibiteurs du récepteur à l’EGF
(EGFR ou epidermal growth factor receptor), et les inhibiteurs
de l’angiogenèse, et plus particulièrement du VEGF (vascular
endothelial growth factor). Parmi les nombreux polymorphismes
présents au sein des gènes impliqués dans le métabolisme et la
détoxification de ces médicaments, ou au sein des gènes codant
pour la ou les cibles de ceux-ci, certains sont clairement identifiés comme prédictifs de la toxicité et/ou la réponse à ces traitements.
Une grande partie des études de pharmacogénétique publiées en
2005 ont été consacrées à l’étude des facteurs prédictifs de
réponse aux inhibiteurs de l’EGFR. Il est maintenant clairement
établi que, dans le CRC, l’efficacité des inhibiteurs de l’EGFR
n’est pas corrélée à l’existence ou à l’intensité de l’expression de
l’EGFR en immuno-histochimie. Elle n’est pas non plus corrélée à l’existence de mutations du gène EGFR, celles-ci étant très
rarement identifiées dans le CRC (1, 2). Une augmentation du
nombre de copies du gène de l’EGFR étudié par FISH (fluorescence in situ hybridisation) dans les tumeurs colorectales de
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* Institut Gustave-Roussy, Villejuif.
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patients traités par cetuximab ou panitumumab semble en
revanche être corrélée à l’existence d’une réponse objective à ces
deux traitements combinés ou non à la chimiothérapie (3).
L’étude de deux polymorphismes constitutionnels du gène EGFR
montrés comme étant associés à des modifications du niveau de
transcription du gène in vivo et in vitro (HER-1 R497K et EGFR
intron 1 (CA)n repeat), a montré que ces polymorphismes seraient
prédictifs du bénéfice de l’association 5-FU + oxaliplatine (4),
en termes de survie sans progression et prédictifs du bénéfice de
la radiochimiothérapie dans les cancers du rectum. Néanmoins,
ces études sont rétrospectives et portent sur des petits effectifs de
patients. Ces résultats méritent donc d’être confirmés à plus
grande échelle (5).
Deux autres principales études ont été consacrées à la recherche
de facteurs prédictifs d’efficacité et de la toxicité de l’oxaliplatine. ERCC1 fait partie de la famille des gènes de réparation de
l’ADN, plus particulièrement des gènes du système NER (nucleotid excision repair) impliqués notamment dans la réparation des
adduits à l’ADN créés par les sels de platine. Le polymorphisme
présent dans le codon 118 du gène ERCC1 a été étudié dans une
population de 91 patients traités par FOLFOX (6). Le taux de
réponse était significativement meilleur chez les patients ayant
un génotype T/T, comparé à celui observé chez les patients ayant
un génotype C/T ou C/C (61,9 % versus 42,3 % et 21,4 %, respectivement, p = 0,018). Les glutathions S-transférases (GST)
sont une famille des gènes impliqués dans la détoxification de
nombreux médicaments, notamment des sels de platine. Les gènes
des GST, en particulier GSTM3, GSTM1, GSTP1 et GSTT1,
contiennent des polymorphismes constitutionnels liés à des substitutions ou à des délétions, aboutissant à une diminution ou à
une abolition de l’activité enzymatique correspondante. L’incidence d’une neurotoxicité cumulative de grade 3 chez 90 patients
traités par oxaliplatine était supérieure chez les patients ayant un
génotype GSTP1*A/*A comparée à celle observée en cas de
génotype GSTP1*A/*B ou GSTP1*B/*B (33 % versus 8 % ;
p = 0,02) [7].
En conclusion, les études pharmacogénétiques menées en 2005
chez les malades traités pour CRC ont permis l’identification de
nouveaux critères prédictifs de toxicité et de réponse aux traitements antitumoraux utilisés dans cette pathologie qui, ajoutés à
ceux précédemment connus, constituent un pas vers un traitement
“à la carte” adapté à chaque patient. Ces résultats devront bien sûr
être validés prospectivement et aboutir rapidement à des essais de
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
stratégie thérapeutique prenant en compte le génotypage des
patients pour orienter le choix des différents protocoles. C’est
tout l’intérêt des prélèvements biologiques qui devraient être systématiquement réalisés dans le cadre de nos essais thérapeutiques,
car les études actuelles manquent de fiabilité du fait de leur caractère quasi exclusivement rétrospectif. Dans ce cadre, l’étude pharmacogénétique de l’essai FFCD 2000-05 actuellement en cours
devrait servir d’exemple pour tous les essais à venir.
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3. Moroni M, Veronese S, Benvenuti S et al. Gene copy number for epidermal
growth factor receptor (EGFR) and clinical response to antiEGFR treatment
in colorectal cancer: a cohort study. Lancet Oncol 2005;6:279-86.
4. Zhang W, Stoehlmacher J, Park DJ et al. Gene polymorphisms of epidermal
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5. Zhang W, Park DJ, Lu B et al. Epidermal growth factor receptor gene polymorphisms predict pelvic recurrence in patients with rectal cancer treated with
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6. Viguier J, Boige V, Miquel C et al. ERCC1 Codon 118 polymorphism is a
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
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