CNCH - CARDIO H - N°27
Compte rendu de congrès
AHA 2013 (AMERICAN HEART ASSOCIATION SCIENTIFIC SESSIONS 2013) DALLAS (TEXAS) DU 16 AU 20 NOVEMBRE
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CNCH - CARDIO H - N°27
Les inclusions ont concerné des patients de 50
ans ou plus, en insusance cardiaque sympto-
matique, avec une FEVG ≥ 45%, stratiés selon
la présence d’hospitalisations pour insusance
cardiaque dans l’année précédente, et un taux
de BNP augmenté ≥ 100 pg/ml ou NTpro-BNP ≥
360 pg/ml. Ont été exclus les patients avec un
eDFG < 30 ml/mn ou une kaliémie ≥ 5 mmol/l.
L’étude TOPCAT a été randomisée en double
aveugle contre placebo.
Les patients ont reçu 15, 30 ou 45 mg de Spiro-
nolactone par jour ou le placebo, 30 mg étant
la dose cible recommandée dans l’essai. Les pa-
tients étaient à l’inclusion en classe NYHA 2 pour
63% et classe 3 pour 33%. La FEVG moyenne du
groupe est de 56%. On note une hospitalisation
préalable pour 71% et un taux de BNP élevé
pour 28%. La clairance rénale moyenne (eDFG)
est de 65 ml/mn, avec 39% de patients ayant
une clairance < 60 ml/mn, la kaliémie à l’entrée
est de 4.3 meq/l. Les patients sont pour 84%
sous IEC ou ARA2. Le suivi moyen est de 3.3 ans.
La dose moyenne nale de Spironolactone est
de 25 mg. (Voir tableau 4)
Les taux de mortalité globale et d’hospitalisa-
tions toutes causes confondues sont identiques
dans les deux groupes, ne faisant donc pas ap-
paraître de problème de sécurité du traitement
évalué. Dans l’analyse en sous-groupes la seule
interaction est pour le groupe des patients
inclus sur le taux de BNP, où la Spironolactone
fait signicativement mieux que le placebo. On
note également plus de patients dégradant
leur fonction rénale sous Spironolactone, avec
un risque de doubler sa valeur initiale de créati-
nine de 1.49, p < 0.001.
A posteriori a émergé une dissonance géogra-
phique : les patients du continent américain
(USA, Canada, Argentine, Brésil) ont tiré béné-
ce de la spironolactone (RR du CEP 0.82 (IV95%
0.69 – 0.98) alors que les patients de Russie et
Géorgie en ont plutôt pâti (RR 1.10, NS). Pas
d’explication: mode de recrutement, patholo-
gies plus évoluées dans ces derniers pays?
La «discussante», Margaret M. Redeld, de la
Mayo Clinic de Rochester (MN) a soulevé des
questions très pertinentes:
- dans l’ICS et l’HTA, les ARM sont bénéques,
- dans l’ICNS, le taux d’aldostérone est prédictif
de la mortalité, et on a observé une activation
de récepteurs aux minéralocorticoïdes (RM)
spécique de l’Aldostérone,
- d’autres situations sont connues pour une ac-
tivation des RM indépendant de l’aldostérone:
l’obésité, le diabète, l’HTA, le sel dans l’ICNS, par
l’intermédiaire du stress oxydatif.
De plus, les variations géographiques, une
période d’inclusion trop longue, peut-être des
eectifs insusants, tout cela a pu intervenir.
Enn, le risque intrinsèque des patients ne peut
être considéré comme négligeable: il faudrait
privilégier des sites d’inclusion à taux d’événe-
ments élevés, des patients à BNP élevé, pour
disposer de patients a priori répondeurs.
Mais les études doivent se poursuivre, et de-
vraient permettre de mieux comprendre l’ICNS
et arriver à des traitements ecaces.
Au total donc une étude négative, si l’on ex-
cepte l’impact sur le taux d’hospitalisations
pour insusance cardiaque. La spironolactone
est le « nouveau » traitement échouant à dé-
montrer quelque chose dans le traitement de
l’ICNS, qui reste toujours aussi obscure quant à
sa physiopathologie complexe et donc sa prise
en charge.
Notre opinion : l’ICNS reste mal comprise.
Marc Pfeer paraissait bien placé pour faire
avancer le dossier: il s’était distingué dans les
années 1990 avec ses célèbres études sur l’IDM
expérimental du rat et l’eet bénéque du
blocage du SRA par IEC pour inhiber le remo-
delage VG et la survenue d’une insusance
cardiaque (étude SAVE). Ici la question est très
épineuse, car la physiopathologie de l’ICNS est
mal connue et sans doute complexe. On pense
que la brose myocardique progressive joue un
rôle important. De ce fait, l’intervention avec la
spironolactone, qui a un eet non seulement
anti-aldostérone/ARM mais aussi diurétique et
anti-brosant, était logique! Le simple fait de
rajouter de la spironolactone en plus du trai-
tement classique ne résume pas la prise en
charge : cette addition aurait-elle permis de
réduire les diurétiques de l’anse? Doit-elle rem-
placer les IEC? A quelle dose? L’essai TOPCAT
ne répond pas sur bien des points importants.
Autre facteur perturbant, la survenue de l’ICNS
peut être tardive dans le processus physiopa-
thologique, à un moment où une intervention,
quelle qu’elle soit, a peu de chances d’être e-
cace! Mais en l’absence de données anapath,
Tableau 4