Compte-rendu du congrès Psoriasis 2013
Paris, 4-6 juillet
N. Kluger (Department of dermatology, allergology and venereology, Institute of Clinical Medicine, Skin and Allergy Hospital, University of Helsinki,
Helsinki University Central Hospital, Finlande)
Du 4 au 6 juillet s’est tenu à Paris le 4e congrès
du réseau international du psoriasis.
Cette conférence a lieu tous les 3 ans à Paris.
Elle réunit tous les experts internationaux travaillant
sur le psoriasis.
Psoriasis et psyché
Selon une étude marocaine (N. Benhiba, Rabat, Maroc), les
symptômes dépressifs sont fréquents chez les patients avec
un psoriasis. Les résultats se fondent sur le BDI
(Beck Depres-
sion Inventory)
, un questionnaire regroupant 13items qui per-
mettent le dépistage de la dépression ; 76,2 % des patients
présentaient des symptômes de dépression modérée à sévère
et 23,8% des signes de dépression sévère. Les symptômes
rapportés étaient : perte d’énergie et faiblesse (> 60 %), perte
d’appétit (50 %), troubles du sommeil (< 40 %), anorexie (30 %),
sensation de culpabilité (30 %), idées suicidaires/souhait de
mort (< 20 %). La sévérité de la dépression était corrélée à
la sévérité du prurit, mais l’amélioration de l’état cutané
s’accompagnait de celle des troubles dépressifs. Rappelons
néanmoins que le BDI ne se substitue pas à une consultation
spécialisée, et que tout événement intercurrent peut affecter
le résultat de ce test. Néanmoins, cette étude démontre
combien les patients avec un psoriasis sont fragiles sur le
plan thymique. Un “tempérament anxieux” et un “tempéra-
ment dépressif” étaient retrouvés chez respectivement 56 et
46 % des patients d’une cohorte tunisienne (N.Litaiem, Tunis,
Tunisie). L’insomnie est un signe fréquent chez les patients
psoriasiques, et il faut probablement la rechercher plus sys-
tématiquement chez nos patients (B. Halioua, Paris, France).
La dysfonction sexuelle est fréquente chez les patients
atteints de psoriasis ; elle affecte 22,9 % de ces patients,
selon une étude française réalisée sur Internet chez
571patients souffrant de psoriasis (B. Halioua, Paris,
France).Elle affecte le plus souvent les femmes et les
hommes de plus de 50ans. L’âge de début du psoriasis, la
surface atteinte, les localisations génitales, les facteurs de
risque cardiovasculaires ou le rhumatisme psoriasique ne
sont pas associés. En revanche, l’anxiété, les problèmes
relationnels/de satisfaction (problèmes d’écoute/d’empathie)
avec le médecin traitant/dermatologue en charge du pso-
riasis, la sensation de stigmatisation et les stratégies d’évite-
ment en société (isolement) sont associés à une dysfonction
sexuelle. Une autre étude ayant porté spécifiquement sur
les femmes âgées de 18 à 69ans (P.S. Kurizky, Brasilia,
Brésil) confirme une dysfonction sexuelle chez 58,6 % des
patientes (75patientes contre 75contrôles, utilisation du
Female Sexual Function Index
[FSFI]). Le désir était le plus
profondément affecté. Le auteurs trouvaient un lien entre
dysfonction sexuelle et comorbidités rhumatologiques.
Coût du psoriasis en France
Selon une étude interne réalisée entre décembre 2010 et
janvier 2011 sur 571patients âgés de plus de 18ans, dont
529recevaient uniquement des traitements locaux, l’er-
rance diagnostique, la visibilité, la sévérité – établie par le
médecin–, le type et l’étendue du psoriasis sont autant de
facteurs jouant un rôle dans le coût annuel total de la prise
en charge de cette pathologie en France (F.Maunoury, Paris,
France)
[tableauxI et II]
.
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Congrès-Réunion
Tableau I. Coût annuel par patient en euros.
Moyenne Maximum
Dermatologues 410 10 400
Soins infi rmiers 31 3 302
Coût des traitements topiques 3 687 84 491
Coûts directs 4 351 85 687
Coûts indirects (arrêt de travail) 185 11 424
Tableau II. Facteurs associés au coût annuel.
Coût annuel
(euros)
Sévérité du psoriasis établie par le médecin
Peu sévère 2 980
Modéré 4 940
Sévère 8 288
Le patient ne sait pas 4 911
Sévérité du psoriasis perçue par le patient
Peu sévère 2 592
Modéré 5 630
Sévère 8 699
Le patient ne sait pas 556 …/…
Les patients avec un psoriasis de faible
sévérité ont le même risque que la population
générale de développer de l’athérosclérose
et un événement cardiovasculaire
Les résultats de l’étude de la cohorte de Rotterdam, publiés cette
année dans le
Journal of Investigative Dermatology
, risque de
faire couler beaucoup d’encre (E.A. Dowlatshahi, Rotterdam,
Pays-Bas). En effet, les études cas-contrôles actuelles de
comorbidités sur le psoriasis portent le plus souvent sur des
patients atteints de psoriasis sévère suivis en centre hospitalier
universitaire. Ces derniers sont loin de représenter l’ensemble
de la population psoriasique, mais la présence chez eux de
comorbidités, en particulier cardiovasculaires, constitue un
argument pour pousser à la prescription de thérapeutiques coû-
teuses. Les auteurs ont ici analysé la survenue d’événements
cardiovasculaires (maladie cardiovasculaire, coronaropathie,
AVC, insuffisance cardiaque) et divers marqueurs infracliniques
cardiovasculaires (rapport intima-média de l’artère carotide,
plaque carotidienne, etc.) en comparant des patients atteints de
psoriasis avec un groupe contrôle. Il en ressort comme résultat
important que les patients atteints de psoriasis, extraits d’une
population générale, ont principalement un psoriasis de sévé-
rité minime ou modérée, et que leur profil cardiovasculaire est
comparable à celui de la population générale. Tous les psoriasis
ne sont donc pas des “bombes à retardement” cardiovasculaire
comme certaines publications pourraient le faire croire.
Efficacité et tolérance de l’aprémilast
dans le psoriasis et le rhumatisme
psoriasique
L’aprémilast est une nouvelle molécule en cours d’essai dans
le psoriasis. Il s’agit d’un inhibiteur de la phosphodiestérase4
qui est prescrit par voie orale. L’étude ESTEEM 1
(Efficacy
and Safety Trial Evaluating the Effects of apreMilast in pso-
riasis)
est une étude clinique de phase III randomisée contre
placebo en double aveugle, évaluant l’efficacité et la tolérance
de l’aprémilast dans le psoriasis modéré à sévère (K. Reich,
Munich, Allemagne). Huit cent quarante-quatre patients ont
été inclus (562 dans le groupe aprémilast 30 mg × 2/j, et 282
dans le groupe placebo) pendant 16 semaines. À la semaine16,
respectivement 33,1 et 58,7 % des patients sous traitement
atteignaient le PASI 75 et le PASI 50 contre 5,3 et 17 % pour
le groupe placebo (p < 0,001). La réponse ne variait pas en
fonction des traitements antérieurs reçus (biologiques ou non).
L’aprémilast avait aussi une action sur le psoriasis du scalp et
des ongles. La réponse clinique à l’aprémilast était observée
dès J15 ; 70 % des patients sous aprémilast avaient au moins
un effet indésirable. Les effets indésirables les plus fréquents
étaient les troubles digestifs, les infections des voies respi-
ratoires supérieures et les céphalées. Les troubles digestifs
(nausées et diarrhées) sont des effets indésirables précoces
(dans les 15jours suivant la première prise), mais transitoires,
semble-t-il. Aucune infection opportuniste n’a été rapportée.
L’étude se poursuit pour une période de 5 ans, ce qui permettra
de mieux évaluer l’efficacité et la tolérance de l’aprémilast au
long cours.
L’étude PALACE1
(Psoriatic Arthritis Long-term Assessment
of Clinical Efficacy)
est une étude randomisée contre placebo
comparant l’efficacité de 2dosages de l’aprémilast dans le rhu-
matisme psoriasique (20 et 30mg x 2/j) chez des patients en
échec des traitements conventionnels et/ou biologiques (A.O.
Adebajo, Sheffield, Royaume-Uni). À la semaine16, les patients
sous placebo non répondeurs étaient déjà randomisés, soit dans
le groupe 20mg x 2/j, soit dans le groupe 30 mg ×2/j ; 504 patients
ont été inclus (148 dans le groupe aprémilast 30 mg × 2/j, 146
dans le groupe 20 mg × 2/j et 150 dans le groupe placebo) pendant
16 semaines. À la fin de la semaine16, 40 % des patients sous
30mg × 2/j avaient atteint un score ACR 20, 31 % dans le groupe
20mg et 19 % dans le groupe placebo. L’aprémilast semble plus
efficace en monothérapie qu’en association avec un traitement
par méthotrexate. Une efficacité similaire était observée à la
semaine 24. Le profil de tolérance était bon, et les effets indési-
rables similaires à ceux de l’étude ESTEEM 1. Les symptômes
digestifs et les maux de tête étaient dose-dépendants. L’étude
se poursuit également sur une période de 5ans comparant les
2dosages. À ce jour, le programme PALACE compte 3 études
randomisées (PALACE 1, 2 et 3) qui suivent le même proto-
cole. Une analyse poolée des 1 493 patients inclus (495 dans le
groupe placebo, 501 dans le groupe aprémilast 20mg et 497
dans le groupe 30 mg) montre un profil de tolérance acceptable
à 24semaines (G. Schett, Erlangen, Allemagne). Les principaux
effets indésirables sont les troubles digestifs et les céphalées.
Ponésimod
Le ponésimod est un modulateur sélectif réversible du sphin-
gosine1-phosphate receptor-1 (agoniste du récepteur S1P1),
dont l’administration se fait par voie orale. Il est en cours
d’étude dans le psoriasis et la sclérose en plaques. Une étude
prospective multicentrique randomisée, en double aveugle
contre placebo, de phase II, visait à établir l’efficacité et la
tolérance de 2dosages du ponésimod (20 ou 40mg/j) dans le
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…/… Erreur diagnostique
Oui 6 456
Non 3 658
Psoriasis visible
Oui 6 780
Non 3 728
Type de psoriasis
Psoriasis en plaques 3 310
Autres types 4 858
Surface affectée
Entre 1 et 2 paumes de main 3 694
> 2 paumes 6 512
psoriasis
principalement
modéré à sévère (S.Chimenti, Rome,
Italie). Trois cent vingt-six patients étaient inclus (67pour le
placebo, 126pour le ponésimod 20 mg/j et 133 pour le poné-
simod 40mg/j). Après 16semaines, les patients ayant obtenu
au moins 50 % d’amélioration étaient à nouveau randomisés.
Les patients sous 40 mg/j pouvaient alors recevoir soit la même
dose, soit un placebo ; les patients sous 20 mg/j ou le placebo, et
les répondeurs sous placebo étaient randomisés mais ne rece-
vaient que le placebo. Le devenir des non-répondeurs n’était
pas mentionné ici. À la semaine 16, respectivement 48,1 %,
46 % et 13,4 % des patients sous ponésimod 40 mg/j, 20 mg/j
et placebo atteignaient un PASI 75. À la semaine 28, 77 et 71 %
des patients sous ponésimod 40 mg/j ou 20 mg/j atteignaient le
PASI 75. En revanche, ce taux était plus bas chez les patients qui
avaient été mis sous placebo à nouveau : 40 % pour les patients
anciennement sous 40mg/j et 42 % pour les patients ancien-
nement sous 20mg/j. Un des effets indésirables du ponésimod
est la lymphopénie. La lymphopénie est réversible à l’arrêt du
traitement. Aucun cas d’infection opportuniste n’a été observé.
Les effets indésirables notables comprenaient une dyspnée et
une cytolyse hépatique. Il convient encore une fois d’attendre
les résultats sur un plus grand nombre de patients pour se
faire une meilleure idée du profil de tolérance du ponésimod.
Hépatites et psoriasis
Pour nos patients atteints de psoriasis et infectés par le virus
de l’hépatiteB, le traitement de première intention est la photo-
thérapie UVB. Les traitements biologiques sont contre-indiqués
en cas d’hépatite aiguë active. En cas d’hépatite chronique, les
traitements biologiques sont contre-indiqués de façon relative,
en raison d’un risque de réactivation. Ce risque est moindre
chez les patients antigène HBs−. Le méthotrexate est contre-
indiqué en cas d’hépatite B.
Pour nos patients atteints de psoriasis et infectés par le virus
de l’hépatiteC, le traitement de première intention est encore
une fois la photothérapieUVB. Les traitements biologiques sont
efficaces et bien tolérés dans la majeure partie des cas. Cepen-
dant, le risque de réactivation impose de discuter le bénéfice/
risque au cas par cas. Le méthotrexate est contre-indiqué en cas
d’hépatite C. La ciclosporine est contre-indiquée de façon rela-
tive. L’acitrétine peut être prescrit (A. von Voorhees, États-Unis).
Infection par le VIH et psoriasis
Pour nos patients ayant une infection par le VIH et un pso-
riasis, le traitement de première intention est la photothérapie
UVB. Le traitement antirétroviral peut, à lui-seul, permettre
une amélioration du psoriasis. L’acitrétine peut être prescrit
seul ou en association avec les UV. Il faut se méfier du risque
d’hypertriglycéridémie et de pancréatite lors de l’association à
certains antirétroviraux. Il existe quelques rares cas de patients
ayant bénéficié de la ciclosporine A et du méthotrexate. Claire-
ment, ces 2traitements ne peuvent être instaurés qu’au cas par
cas, en concertation avec le spécialiste suivant le patient pour
l’infection rétrovirale. Les traitements biologiques peuvent être
prescrits sous contrôle strict et optimal de la charge virale, et le
plus souvent en cas de forme sévère (M. Bagot, Paris, France).
En bref
Les patients répondeurs initialement à l’étanercept 50 mg ×2/
semaine, qui rechutent après l’arrêt du traitement, peuvent
répondre à une reprise thérapeutique à mi-dose (25 mg ×2/
semaine) [C.E.M Griffiths, Manchester, Royaume-Uni].
Les esters d’acide fumarique sont efficaces et bien tolérés
en combinaison avec la photothérapie. Cette dernière permet
d’utiliser des doses plus faibles d’esters. En revanche, il
n’existe pas encore de données concernant le risque au long
cours de développer un cancer cutané après une telle combi-
naison (K. Reich, Hambourg, Allemagne).
La dysfonction temporomandibulaire (DTM) peut être le premier
signe de rhumatisme psoriasique (U. Garagioloa, Milan, Italie). La
DTM est souvent unilatérale et brutale, révélée par une douleur et
une sensibilité articulaire locale, une difficulté à la mastication,
notamment matinale (verrouillage matinal), une crépitation arti-
culaire, une fatigabilité des mâchoires voire un gonflement de la
capsule. Il faut donc savoir évoquer ce diagnostic et adresser ces
patients au dentiste pour une prise en charge optimale.
L’échographie des tendons peut détecter des anomalies infra-
cliniques chez des patients psoriasiques asymptomatiques
(J.Ubogui, Buenos Aires, Argentine). En utilisant le score
GUESS
(Glasgow Ultrasound Enthesitis Scoring System)
, basé
sur 4critères ultrasonographiques : épaississement, érosion,
présence d’entésophytes et/ou de bursite. Ces anomalies ont
été observées chez des patients avec un psoriasis, et principa-
lement chez ceux ayant un rhumatisme psoriasique, par rapport
à un groupe contrôle. Il est possible que ces lésions soient en
rapport avec une entésopathie inflammatoire spécifique. La
question du rôle prédictif de ces signes échographiques dans
le développement d’un rhumatisme psoriasique se pose.
L’infection par
Helicobacter pylori
serait-elle plus fréquente
chez les patients psoriasiques ? Une étude comparative entre
patients avec un psoriasis et un groupe contrôle a montré une
séroprévalence plus importante d’
H.pylori
chez les patients
avec un psoriasis modéré à sévère (S.Haim, Jérusalem, Israël) :
79 % contre 49 % des patients avec un psoriasis léger, et 53 %
des contrôles. Cependant, cette observation est limitée par le
fait qu’il ne s’agissait que d’une sérologie ELISA sans
breath-
test
. De plus, les auteurs n’ont pas ici collecté d’informations
sur l’éventuelle présence de symptômes, ni sur les traitements
reçus pour l’infection.
II
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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