Lésions du segment postérieur de l`œil associées à la cataracte

Introduction
Certaines affections oculaires représentent une contre-
indication relative ou absolue à la chirurgie de la cataracte
chez le chien. Les affections du segment antérieur de l’œil,
telles les kératites ou les iridocyclites, ainsi que le glaucome
peuvent être aisément identifiées lors de l’examen ophtalmo-
logique [1]. En revanche les affections du vitré ou de la
rétine ne peuvent être observées cliniquement lorsque le
fond d’œil est totalement masqué par l’opacité du cristallin
[1,9]. Deux examens complémentaires s’avèrent alors néces-
saires : l’échographie oculaire, qui visualise l’état du vitré
ainsi que la position de la rétine, et l’électrorétinographie,
qui évalue la fonction rétinienne [9, 10]. Etablir un bilan
complet, par l’examen ophtalmologique et les examens com-
plémentaires, est donc indispensable à une décision opéra-
toire raisonnée et offrant les meilleures chances de réussite
pour la chirurgie du cristallin. Lorsque ces règles sont sui-
vies, le taux de réussite de l’opération de la cataracte chez le
chien est de 80-95% à un an et de l’ordre de 70% après un an
[2,9].
Le but de cette étude était d’une part, d’évaluer l’incidence
des modifications du segment postérieur de l’œil détectées à
l’échographie chez des chiens à cataracte présentés pour être
opérés de cette affection, et d’autre part d’étudier les liens
possibles entre ces modifications et le stade d’évolution de la
cataracte ainsi que leur potentielle association avec l’uvéite
phacolytique, c’est-à-dire induite par la cataracte [16, 18].
Matériel et méthodes
Les dossiers des chiens présentés pour une cataracte à la
clinique d’ophtalmologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire
de Toulouse de septembre 1999 à mars 2003, ont été analy-
sés. Seuls ont été retenus, les dossiers des animaux présen-
Lésions du segment postérieur de l’œil associées
à la cataracte : étude échographique chez 106
chiens (1999-2003)
A. PONCHET, B. CANTALOUBE, G. CAZALOT et A. RÉGNIER*
Département des Sciences Cliniques, Ecole Nationale Vétérinaire, 23 chemin des Capelles, B.P. 87614, Toulouse Cedex 3, France
* Auteur chargé de la correspondance : a.regnier@envt.fr
SUMMARY
Ultrasonographic findings in the posterior segment of canine eyes with
cataracts : 106 cases (1999-2003). By A. PONCHET, B. CANTA-
LOUBE, G. CAZALOT and A. RÉGNIER.
The present study was aimed at evaluating the incidence of echographic
abnormalities in the posterior segment of canine eyes with cataracts. Data
were collected from medical records of 106 dogs with immature, mature or
hypermature cataract, representing 175 eyes. These animals were seen for
potential cataract surgery at the Ophthalmology Clinic of the National
Veterinary School of Toulouse between September 1999 and March 2003.
Prior to surgical decision, ocular ultrasonography was peformed on each
eye using a real-time, B-mode ultrasound system and a 10 MHz mechanical
sector scanner, under topical anesthaesia. Overall, ultrasonographic abnor-
malities were identified in 34.8% (61/175) of the eyes with cataracts.
Retinal detachment was observed in 16.6% (29/175) of the eyes, and was
bilateral in 10 cases. No significant relationship (P > 0.05) was found bet-
ween the stage of cataract maturation and the incidence of retinal detach-
ment. Vitreous degeneration was also present in 16.6% (29/175) of the eyes
examined. The vitreous degeneration appeared as vitreous opacities (13.7 %
= 24/175) or posterior vitreous detachment (2.8 % = 5/175). Retinal detach-
ment and vitreous degeneration were both present in three cases (1.7%).
Persistent hyperplasic primary vitreous was observed in two cases of conge-
nital cataract (1.1 %) and posterior lenticonus was identified in one case (0.6
%). These results confirm that vitreoretinal abnormalities, which can com-
plicate or obviate the need for cataract surgery, may be present in canine
eyes with cataracts. Thus, they emphasize the role of ultrasonography to
evaluate the posterior segment of the eye prior to cataract surgery.
Keywords : ultrasonography - cataract - retinal detachment
- vitreous degeneration - dog.
Revue Méd. Vét., 2005, 156, 7, 386-390
RÉSUMÉ
L’objectif de cette étude était d’évaluer la prévalence des lésions du seg-
ment postérieur de l’œil pouvant être présentes lors de cataracte chez le
chien. Les dossiers cliniques de 106 chiens ayant une cataracte immature,
mûre ou hypermûre (n = 175 yeux) et qui avaient fait l’objet d’une écho-
graphie oculaire lors de la consultation, ont été retenus pour cette étude. Ces
animaux avaient été présentés à la clinique d’ophtalmologie de l’Ecole
Nationale Vétérinaire de Toulouse entre septembre 1999 et mars 2003 pour
être opérés de leur cataracte. Avant décision opératoire, des échographies
des globes oculaires ont été réalisées en mode B avec une sonde de 10 MHz,
après anesthésie locale de la cornée, et selon des plans sagittaux et horizon-
taux. Au total, des modifications échographiques du segment postérieur de
l’oeil ont été décelées chez 34,8% (61/175) des yeux atteints de cataracte.
Ces images échographiques anormales ont caractérisé un décollement de
rétine dans 16,6% (29/175) des cas, une dégénérescence du vitré dans
16,6% (29/175) des cas, un vitré primitif hyperplasique dans deux cas
(1,1%), et un lenticône postérieur dans un cas (0,6%). Aucune corrélation
significative (P > 0,05) n’a été trouvée entre le stade d’évolution de la cata-
racte et l’incidence du décollement de rétine. La dégénérescence du vitré
s’est matérialisée par des corps flottants vitréens (13,7% des cas = 24/175),
ou un décollement postérieur du vitré (2,8% des cas = 5/175). Le décolle-
ment de rétine et la dégénérescence vitréenne étaient associés dans 3 cas
(1,7%). Ces résultats confirment que des lésions vitréo-rétiniennes, consti-
tuant des contre-indications ou des risques potentiels d’échec pour la phaco-
exérèse, peuvent être présentes lors de cataracte chez le chien. Ils soulignent
de ce fait, la place majeure de l’échographie oculaire dans le bilan déci-
sionnel à la chirurgie de la cataracte chez le chien.
Mots-clés : échographie - cataracte - décollement de rétine
- dégénérescence du vitré - chien.
Revue Méd. Vét., 2005, 156, 7, 386-390
tant une cataracte suffisamment évoluée pour justifier une
intervention chirurgicale et chez lesquels une échographie
oculaire avait été réalisée. Pour chaque chien, les yeux ont
été examinés à la lampe à fente (portable slit lamp SL-14TM,
Kowa Company), avant et après dilatation de la pupille, et la
pression intraoculaire a été mesurée par tonométrie à apla-
nissement (Tonopen XLTM, Mentor), après anesthésie locale
de la cornée (Novésine®, MSD-Chibret). Les cataractes rete-
nues pour cette étude étaient suffisamment denses pour
empêcher l’observation du fond d’œil par ophtalmoscopie
indirecte, et elles appartenaient à l’un des stades d’évolution
suivants : cataracte immature, cataracte mûre et cataracte
hypermûre, incluant celle de Morgagni. Ces stades ont été
caractérisés selon les standards habituels [1, 10, 11].
L’examen ophtalmologique s’est également attaché à recher-
cher la présence d’une éventuelle uvéite phaco-antigénique.
Son diagnostic était basé sur l’existence d’un ou plusieurs
des signes suivants : injection cilaire, myosis, effet Tyndall,
pression intraoculaire (P.I.O.) inférieure à 10 mmHg, retard à
la mydriase pharmacologique, et pigmentation de l’iris [10,
16, 18].
L’anesthésie de surface effectuée préalablement pour la
mesure de la P.I.O. a servi également pour l’échographie
oculaire, réalisée sur l’animal vigile dont la tête était mainte-
nue immobile par un aide. L’examen échographique a été fait
avec une sonde de 10 MHz, en mode B, et réglée à 40 mm
(B-Scan Compact 201TM, Quantel Médical). La sonde,
enduite d’un gel échographique stérile, était placée directe-
ment sur la cornée. Le globe oculaire était exploré selon des
coupes verticales puis horizontales. Un cliché de chaque
coupe était imprimé et classé dans le dossier de l’animal.
L’interprétation des images échographiques a été faite selon
les standards définis dans la littérature [4, 6, 7, 12].
L’analyse statistique des données a été réalisée avec le
logiciel SAS software version 8.1. Le test d’association du
χ2a été utilisé pour étudier la corrélation entre les différents
stades de la cataracte, la présence d’uvéite phaco-antigé-
nique, et l’existence d’un décollement rétinien ou d’une
dégénérescence vitréenne. Le seuil de signification a été fixé
à P <0,05.
Résultats (graphe 1)
Sur 157 dossiers analysés, seuls 106 cas correspondaient
aux critères d’inclusion définis pour cette étude. Vingt-sept
races canines étaient représentées dans l’échantillon de
population sélectionné. Les caniches (27,4%), les chiens
croisés (16%) et les cockers anglais (8,5%) étaient les races
les plus représentées. L’échantillon étudié comprenait 52
femelles et 54 mâles. L’âge des chiens s’échelonnait de 1,5 à
15 ans, avec une moyenne de 7,7 ans, et une médiane de 8
ans. Onze animaux (soit 10,4%) avaient un diabète sucré.
Les 106 chiens retenus dans l’étude, représentaient 175
yeux atteints de cataracte justifiant une échographie. Ces
cataractes se répartissaient en 36 cataractes immatures
(20,6%), 109 cataractes mûres (62,3%) et 30 cataractes
hypermûres comprenant celles de Morgagni (17,1%). La
cataracte était bilatérale dans 80 cas et unilatérale dans 15
cas. Des symptômes d’uvéite phacolytique ont été observés
sur 44% (77/175) de l’ensemble des yeux examinés, et selon
une fréquence de 41,7% (15/36) pour les cataractes imma-
tures, 41,3% (45/109) pour les cataractes mûres, et 56,7%
(17/30) pour l’ensemble des cataractes hypermûres et de
Morgagni. Il n’a pas été trouvé de différence significative
(P>0,05) entre ces différents fréquences.
Des images échographiques anormales ont été identifiées
dans le segment postérieur de 34,8% (61/175) des yeux à
cataracte inclus dans l’étude. Ces images correspondaient à
un décollement de rétine dans 16,6% (29/175) des cas. Parmi
ceux-ci, 10 décollements étaient bilatéraux et 19 unilatéraux.
Ils se présentaient sous forme de décollement partiel (Figure
1) ou total (Figure 2). Un décollement de rétine existait avec
11,1% (4/36) des cataractes immatures, 14,7% (16/109) des
cataractes mûres, et 30,0% (9/30) des cataractes hypermûres
incluant celles de Morgagni. Malgré l’augmentation de fré-
quence du décollement rétinien avec les stades d’évolution
de la cataracte, il n’a été trouvé de relation statistiquement
significative (P = 0,01) entre ces deux paramètres que pour le
stade de cataracte hypermûre. La dégénérescence vitréenne a
été observée avec la même incidence globale que le décolle-
ment de rétine (16,6% = 29/175), et elle était associée à ce
dernier dans 3 cas (1,7%). Elle s’est matérialisée dans 5 cas
(2,8%) par un décollement postérieur du vitré apparaissant
comme une ligne fine en avant de, et parallèle à la rétine
(figure 3), et dans 24 cas (13,7%) par une organisation
vitréenne sous forme d’échos ponctiformes régulièrement
répartis ou en amas (figure 4). La dégénérescence du vitré
était présente chez 13,9% (5/36) des cataractes immatures,
16,5% (18/109) des cataractes mûres, et 20,0% (6/30) des
cataractes hypermûres, incluant celles de Morgagni. Il n’a
pas été trouvé de corrélation significative (P > 0,05) entre le
stade d’évolution de la cataracte et l’existence d’une dégéné-
rescence vitréenne. Une image de vitré primitif hyperpla-
sique a été observée dans deux cas de cataracte congénitale
(1,1% = 2/175). Dans un cas, la cataracte était immature et
dans l’autre elle était hypermûre et associée à un décolle-
ment de rétine. Enfin, un lenticône postérieur (0,6% = 1/175)
a été diagnostiqué dans un cas de cataracte juvénile.
Une uvéite phacolytique a été diagnostiquée chez 44,1 %
ECHOGRAPHIE DE L’ŒIL À CATARACTE CHEZ LE CHIEN 387
GRAPHE 1. — Incidence (en pourcentage) du décollement de rétine et de la
dégénérescence du vitré en fonction du stade d’évolution de la cataracte
(nombre total = 175 yeux).
Revue Méd. Vét., 2005, 156, 7, 386-390
388 PONCHET (A.) ET COLLABORATEURS
(64/114) des yeux à cataracte sans anomalie du segment pos-
térieur, 37,9% (11/29) des cas de cataracte avec décollement
de rétine et 34,5% (10/29) des cataractes avec dégénéres-
cence vitréenne. Il n’y avait pas de différence significative (P
> 0,05) entre les fréquences de l’uvéite phaco-antigénique
observées dans ces différents groupes.
Discussion
L’échantillon des cataractes sélectionnées pour notre étude
comprenait 20,6 % de cataractes immatures, 62,3 % de cata-
ractes mûres et 17,2 % de cataractes hypermûres. Seuls ces
stades évolutifs de l’opacité cristallinienne avaient nécessité
un examen échographique du segment postérieur de l’œil
puisque ce dernier ne pouvait être examiné correctement par
ophtalmoscopie. Cet échantillonnage correspond à ceux
publiés dans deux précédentes études ayant le même objectif
que le notre, et pour lesquelles la cataracte mûre était égale-
ment le stade d’évolution le plus représenté, avec respective-
ment 51 % [5] et 44 % [14] des cas. Dans notre échantillon,
44% de l’ensemble des yeux à cataracte présentaient des
symptômes d’uvéite phacolytique, et cette complication a été
observée avec une fréquence équivalente pour les trois
stades d’évolution de l’opacité du cristallin. Cette constata-
tion est en accord avec les données de la littérature [16, 18].
La prévalence globale de l’uvéite phacolytique au sein de
notre échantillon est proche de la valeur de 39,6% observée
dans une étude américaine portant sur l’examen échogra-
phique de 277 yeux à cataracte [17].
Dans la présente étude, une anomalie échographique sié-
geant dans le segment postérieur de l’œil a été observée dans
34,8% des 175 yeux à cataracte. Cette évaluation est iden-
tique à celle de 34% publiée dans l’étude américaine précé-
demment citée [17]. Les modifications du segment posté-
rieur qui ont été identifiées sont principalement le décolle-
ment de rétine et la dégénérescence du vitré. La prévalence
FIGURE 1. — Echographie en mode B d’une cataracte avec un décollement
partiel de la rétine.
FIGURE 2. — Echographie en mode B d’une cataracte avec un décollement
total de la rétine.
FIGURE 3. — Echographie en mode B d’une cataracte avec un décollement
postérieur du vitré se traduisant par une fine ligne hyperéchogène en
avant de, et parallèle à la rétine.
FIGURE 4. — Echographie en mode B d’une cataracte avec une organisa-
tion vitréenne matérialisée par des échos multiples punctiformes.
ECHOGRAPHIE DE L’ŒIL À CATARACTE CHEZ LE CHIEN 389
Revue Méd. Vét., 2005, 156, 7, 386-390
de 16,6 % (29/176) estimée pour le décollement de rétine est
légèrement supérieure à celle de 11 % précédemment rap-
portée dans l’étude portant sur 277 cas [17]. A l’image de
cette étude [17], nous avons observé que l’incidence du
décollement de rétine a augmenté avec les stades évolutifs de
la cataracte. Toutefois, l’analyse statistique de nos résultats a
montré que la relation entre stade évolutif et décollement de
rétine était seulement significative pour la cataracte hyper-
mûre.
Une dégénérescence du vitré a été vue à l’échographie
chez 16,6% (29/176) des yeux étudiés. Elle était présente
chez 13,9%, 16,5% et 20,0% des yeux avec respectivement
une cataracte immature, mûre et hypermûre. Cette apparente
augmentation de l’incidence de la transformation vitréenne
avec le stade d’évolution de la cataracte n’a toutefois pas été
confirmée statistiquement. Dans l’étude portant sur 277 cas,
précédemment citée [17], la prévalence de la dégénérescence
du vitré a été évaluée à 23 % (63/277). De même que dans
notre étude, l’incidence de la dégénérescence du vitré n’a pas
été statistiquement corrélée à l’évolution de la maturation de
la cataracte. Dans une étude menée à Zurich [5], et associant
l’examen échographique en modes A et B de 124 yeux à
cataracte, la présence d’une dégénérescence du vitré a été
diagnostiquée dans 77% (95/124) des cas. Cette différence
avec nos résultats et ceux de l’étude américaine [17] est pro-
bablement liée à l’utilisation du mode A qui, de par son
mode de représentation graphique sous forme de pics, peut
plus aisément distinguer les modifications de l’organisation
du gel vitréen. Dans l’étude susnommée [5], il a également
été trouvé que l’incidence de la dégénérescence du vitré aug-
mentait significativement avec le stade d’évolution de la
cataracte, pour atteindre 100% avec les cataractes hyper-
mûres.
Nos observations concernant la coexistence possible d’une
cataracte et d’un décollement de rétine ou d’une dégénéres-
cence vitréenne chez le chien, sont en accord avec des études
cliniques précédemment publiées [3, 5, 17]. D’un point de
vue pratique, il est difficile, voire impossible, de déterminer
la genèse et la chronologie de ces associations, mais plu-
sieurs hypothèses pathogéniques existent. La plupart mettent
en avant le rôle déterminant de la dégénérescence du vitré
qui peut être physiologiquement lié à l’âge ou secondaire à
une inflammation, ou hyalite [15]. Cette dernière pourrait
être une complication de l’uvéite phacolytique, et elle pour-
rait avoir pour conséquence de créer des brides de traction
vitréorétiniennes ou d’entraîner une synérèse, c’est-à-dire
une liquéfaction, du vitré. Dans le premier cas, la hyalite
pourrait être responsable de décollement de rétine par trac-
tion, et dans le second de décollement rhegmatogène [13,
14]. En effet, la synérèse liée à la dégradation de l’acide hya-
luronique et des fibrilles de collagène constituant le vitré,
crée des espaces remplis d’un liquide proche de l’humeur
aqueuse. [13,15]. Les déplacements du vitré liquéfié, provo-
qués par des mouvements brusques de l’oeil ou de la tête,
entraînent des tractions sur la rétine qui peuvent aboutir à sa
déchirure. La liquéfaction du vitré peut aussi conduire à sa
rétraction, qui permet à la membrane hyaloïde qui limite le
vitré de se détacher de la rétine (décollement postérieur du
vitré). Celle-ci n’étant plus attachée qu’à la base du vitré, il
s’exerce dans cette zone des tractions telles que la neuroré-
tine peut se déchirer lors des mouvements du vitré [13]. Dans
les deux cas, la déchirure rétinienne va aboutir à un décolle-
ment rhegmatogène si le vitré liquéfié s’engouffre dans l’es-
pace sous-rétinien et décolle la neurorétine [13, 15]. Dans la
présente étude, nous n’avons pas observé de déchirure réti-
nienne associée aux décollements. Cette lésion a pu toutefois
échapper à l’examen échographique si elle se trouvait en
périphérie de la rétine. Même si l’on n’a jamais mis en évi-
dence de corrélation statistiquement significative entre
l’existence d’une uvéite phacolytique et la présence d’un
décollement de rétine ou une dégénérescence du vitré lors de
cataracte chez le chien [5, 17], on peut faire l’hypothèse que
si la cataracte est primitive et s’accompagne d’une uvéite
phacolytique, cette dernière pourrrait favoriser la dégénéres-
cence du vitré qui pourrait ensuite créer un décollement de
rétine rhegmatogène ou par traction. A l’inverse, il est égale-
ment envisageable qu’un décollement de rétine, qu’elle
qu’en soit l’origine, puisse se compliquer secondairement de
cataracte [15]. Dans un cas comme dans l’autre, l’important
pour le clinicien est d’identifier par l’échographie le décolle-
ment de rétine car il constitue une contre-indication à la chi-
rurgie de la cataracte, qu’il soit partiel ou total [1, 9]. La
contre-indication à la chirurgie de la cataracte devient rela-
tive si l’échographie oculaire identifie une dégénérescence
de vitré sans décollement de rétine. En effet, cette modifica-
tion du vitré peut, par les mécanismes précédemment évo-
qués, favoriser l’apparition du décollement de rétine après la
phaco-exérèse, surtout s’il existe une uvéite post-chirurgi-
cale. Si l’opération de la cataracte est décidée pour un chien
ayant une dégénérescence vitréenne, la chirurgie doit être
accompagnée d’une rétinopexie transclérale au laser diode
ou à la cryode afin de prévenir les déchirures rétiniennes
périphériques [14]. Notre étude a également montré que
l’échographie a permis de visualiser des anomalies congéni-
tales, comme le vitré primitif hyperplasique ou le lenticône
postérieur qui représentent des situations particulières si la
chirurgie de la cataracte est décidée, car le chirurgien doit
systématiquement prévoir de réaliser un capsulorhexis pos-
térieur et une vitrectomie [8].
En conclusion, ces résultats montrent que des lésions
acquises ou congénitales du segment postérieur de l’œil peu-
vent être présentes sur les yeux à cataracte. L’échographie
oculaire faite en phase de décision pré-opératoire permet de
les identifier et de déterminer la pertinence d’une interven-
tion chirurgicale ou les conditions de sa réalisation.
Remerciements
Les auteurs remercient Xavier Lescure, Société Dioptrix
(31240 l’Union) pour son aide matérielle.
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