MUTATIONS ET MUTAGENESE I/ Définition et conséquences : Une mutation est une modification de l'information génétique dans le génome d'une cellule ou d'un virus ou modification de la séquence d’ADN ou d’ARN (cas d’un virus à ARN). C'est une des causes principales de l’évolution des espèces et de la variabilité génétique. Selon la partie du génome touchée, les conséquences d'une mutation peuvent varier d’une modification du produit du gène sans aucune incidence sur le phénotype à l’installation d’un phénotype anormal voire une létalité. Cette mutation est transmise à la descendance pour les organismes procaryotes et uniquement lorsqu’elle touche les cellules germinales dans le cas des eucaryotes. II/ Anomalies chromosomiques : 1. Anomalies de nombre : Elles peuvent affecter: -Tout le génome (haploïdie, triploïdie, tétraploïdie). La plupart de ces aneuploïdies sont létales et sont la cause d’avortements précoces. On distingue alors : * L’haploïdie (n) *La polyploïdie (3n – 4n) dont la triploïdie (69 chromosomes) observés dans les avortements spontanés du 1er trimestre ou la tétraploïdie (92 chromosomes ; cas observés dans les avortements spontanés de la 3ème semaine). -Un seul chromosome (autosome ou gonosome) et donner soit une monosomie ou une trisomie. Parmi ces anomalies, on distingue : *L’aneuploïdie 2n-1 ou monosomie : Les aneuploïdies touchant des autosomes représentent 30 % des avortements spontanés très précoces. En effet, aucune monosomie autosomique complète n’est compatible avec la vie. Le syndrome de Turner (45, X) est la seule monosomie non létale touchant les gonosomes. Elle représente: 0,4/% des naissances de filles. *L’aneuploïdie 2n+1 ou polysomie : Les aneuploïdies par excès touchant des autosomes les plus fréquentes sont les trisomies telles que la trisomie 13 (1/5000 naissances, survie très courte), la trisomie 18 (1/8000 naissances - 4 filles/1 garçon mortalité in utero +++) et la trisomie 21 (1/700 naissances). Les polysomies touchent également les gonosomes tel que dans le syndrome de l’Y du crime (47, XYY) et le syndrome de Klinfelter (47, XXY). 2. Anomalies de structure : Elles peuvent être de plusieurs types: -Une délétion, une duplication ou la formation d'un isochromosome qui se traduira par un phénotype le plus souvent anormal. -Une insertion, une inversion ou une translocation peuvent être équilibrées. Les porteurs de ces anomalies de structures sont phénotypiquement sains, car la totalité du matériel génétique est présente. a- La délétion correspond à l’élimination d’un segment de chromosome (Figure 1a) b- La duplication ou dédoublement d’un segment d’un chromosome et sa réinsertion dans le même chromosome (Figure 1b). c- La formation d’un isochromosome consiste en une division transversale du chromosome et l’obtention de 2 chromosomes différents (Figure 1c2) au lieu de l’obtention de 2 chromosomes identiques (Figure 1c1). a c1 b Figure 1 : Anomalies de structure des chromosomes c2 d- Une insertion correspond à une section d’un fragment d'un premier chromosome et son Insertion dans un autre chromosome (Figure 2a.) e- Une inversion est une cassure d'un fragment de chromosome, sa rotation de 180° du fragment et son réintégration dans le même chromosome. Lorsque la région touchée inclut le centromère, on parle de duplication péricentrique (Figure 2b2), par opposition à la duplication paracentrique (Figure 2b1). f- La translocation consiste en un échange de segments entre les chromosomes de deux paires non homologues (translocation réciproque ; Figure 2c). a b1 b2 c Figure 2 : Anomalies de structure des chromosomes 3. Causes des anomalies chromosomiques : Les anomalies de nombres résultent d'une mauvaise ségrégation des chromosomes au cours de la division cellulaire, les deux chromosomes d'une même paire migrant tous les deux vers la même cellule fille. Les anomalies de structure sont dues à des cassures des chromosomes durant la méiose. Il s’ensuit un réarrangement du matériel chromosomique. III/ Mutations géniques : Ce sont des modifications plus fines de l’information génétique portant sur l’expression d’un gène et pouvant modifier le phénotype d’un individu. Elles sont de différents types: -Mutations ponctuelles -Mutations dans les éléments répétés: variation -Mutations dues à l’insertion d’éléments mobiles 1. Différents types de mutations : -Mutations ponctuelles : Il peut s’agir d’une : *Substitution : lorsqu’une base est remplacée par une autre base. Cette substitution est appelée transversion si les bases sont quelconques et transition lorsque les deux bases appartiennent à la même classe. *Addition ou délétion : si dans la séquence nucléotidique, une ou plusieurs nucléotides sont additionnés ou éliminés. *Inversion : si des nucléotides successifs sont inversés. L’incidence de ces mutations sur le phénotype découle du fait que l’information génétique porté par les gènes aboutit à des protéines pouvant être non fonctionnelles. De ce fait, la mutation ponctuelle est dite : -neutre si elle ne modifie pas la séquence en acides aminés de la protéine, plusieurs triplets de bases ou codons correspondant à un même acide aminé (ex : GAG/GAA codent tous deux pour Glu). -faux-sens si elle entraîne la modification de la séquence en acides aminés de la protéine (ex : GAG/GUG codent respectivement pour Glu, acide aminé chargé négativement et Arg, acide aminé chargé positivement). -non-sens si elle entraîne l'apparition d'un signal « stop » qui interrompt la fabrication de la protéine (ex : UGC/UGA codent respectivement pour Cys et STOP). -Frameshift lorsque le code génétique est décalé et la séquence en acides aminés de la protéine devient différent (Ex : addition d’une C dans la séquence : CCAGAGGAGUGCGGU/CCACGAGGAGUGCGGU, décale le cadre de lecture et on obtient la séquence polypeptidique Pro-Arg-Gly-Val-Arg au lieu de Pro-Glu-GluCys-Gly). Ces différentes mutations ont été largement étudiées dans le cas des gènes codant pour les chaînes et (Tableau I) de l’hémoglobine. Tableau I : Modifications observées au cours des mutations du gène de la chaîne de l’hémoglobine Mutation Codon Modification ADN Modification brin sens Chaîne polypeptidique S (anémie falciforme) 6 GAG / GTG Glu to Val C (syndrome de Cooley) 6 GAG / AAG Glu / Lys G 7 GAG / GGG Glu / Gly E 26 GAG / AAG Glu / Lys MSaskatoon 63 CAT / TAT His / Tyr MMilwauki 67 GTG / GAG Val / Glu O 121 GAA / GTA Glu / Val -Mutations dans les éléments répétés: variation : Mutation consistant en une répétition anormale de certaines séquences existant en tandem(Ex: Les individus normaux ont la séquence CGG répétée moins de 40 fois, ceux atteints du syndrome de l’X fragile ont cette séquence répétée plus de 200 fois). -Mutations dues à l’insertion d’éléments mobiles : Les éléments mobiles, sont des fragments d’ADN qui sont insérés dans le génome d’un organisme hôte et qui ont la propriété remarquable de se déplacer d’un point à un autre du génome (transposons, rétrovirus et phages lysogènes). Leur insertion nécessite l’intervention d’une endonucléase causant une coupure décalée des 2 brins, une polymérase qui synthétise les brins manquants de part et d’autre du transposon inséré et une ligase qui soude les brins avec ceux du transposan (Figure 3). Figure 3 : Mécanisme d’insertion d’un élément mobile 2. Points chauds de mutation : Les dinucléotides CG sont considérés comme des points chauds de mutation chez l’homme. Ceci s’explique par l’existence, chez les vertébrés, de cytosine méthylées qui ont tendance à disparaître au cours de l’évolution. La méthylation touche les C en amont de G. Les régions promotrices et les séquences de début de gènes comportent des CG et le rapport CG/GC avoisine 1. A l’intérieur des gènes, ce rapport est de 0,1. Lors de désamination accidentelle, la C non méthylée donne U, reconnue comme une erreur et soumise à réparation ; la C méthylée donnera T qui n’est pas reconnue comme erreur et est lue comme telle sans réparation. 3. Causes des mutations géniques : -Mutations spontanées : Ce sont des mutations apparaissant spontanément au moment de la réplication. Ces mutations sont rares en raison du haut degré de fidélité de la réplication et de la fonction d’édition (lecture des épreuves et correction des erreurs) des polymérases I et III. En effet, une polymérase sans fonction d’édition introduit 1 erreur tous les 10 000 nt polymérisés alors qu’une polymérase douée d’activité éditrice fait 1 erreur/106 nt. Par conséquent, toute mutation touchant ce site fonctionnel de la polymérase entraîne une augmentation du nombre d’erreurs. -Mutations induites : Ce sont des mutations provoquées par des agents mutagènes chimiques ou physiques. *Agents chimiques responsables de mutations : Analogues de bases : La bromoU est identique à la T (CH3 en 5 remplacé par un atome Br). Une tautomérisation céto-énol entraîne l’appariement de la bU avec G au lieu de T d’où l’introduction d’une mutation pour l’étape de transcription et réplication suivante. La 2-amino-purine est un analogue de A et G. Elle provoque des transitions A-T en G-C. 2 aminopurine Adénine Guanine L’acide nitreux provenant de la transformation des nitrites est à l’origine de désaminations donnant U à la place de C, T à la place de C méthylée ou l’hypoxantine à la place de A. Thymine cytosine Uracile Adénine Hypoxanthine Les agents intercalants tels que l’acridine, la proflavine et le bromide d’éthidium sont des molécules qui s’insèrent entre les brins de l’ADN entraînant un étirement de l’ADN. La polymérase insère alors une base surnuméraire en face de la molécule étrangère. Les agents qui altèrent la structure de l’ADN telles que la liaison de grosses molécules à des bases, l’introduction de liaisons intra et inter brins ou des ruptures dans l’ADN n’induisent pas directement des mutations mais sont à l’origine de processus de réparation qui sont mutagéniques. *Agents physiques responsables de mutations : Ce sont principalement les rayonnements du spectre électromagnétique. Les rayons X et sont assez énergétiques pour produire des ions réactifs (atomes chargés) quand ils interagissent avec les molécules biologiques. Les radiations agissent par action directe ou en provoquant la production de radicaux libres. Ces radicaux possèdent des électrons non appariés et sont chimiquement très réactifs. Ils interagissent avec l'ADN, les protéines et les lipides des membranes. Au niveau de l’ADN, il s’ensuit: - Des ruptures dans l'un ou les deux brins (qui peuvent conduire à des réarrangements, délétions, perte de fragments de chromosome, ou la mort de la cellule en l'absence de réparation). - Une altération ou perte de bases (mutations). - Un enchevêtrement de l'ADN sur lui-même ou avec des protéines. Les rayons UV ne sont pas les plus énergétiques et ne sont pas ionisants, mais leurs longueurs d'onde sont absorbées préférentiellement par des bases pyrimidiques de l'ADN (notamment T) et par les acides aminés aromatiques des protéines. De ce fait, deux thymines contiguës voient leurs liaisons modifiées par excitation des électrons, elles se lient alors par une liaison covalente et forme un dimère qui crée une distorsion dans l’ADN au niveau de laquelle la réplication s’arrête.