L’idée trouvée, comme la touche finale que l’on apporterait à un tableau vient
clôturer les sessions de disruption. Il va sans dire que sa quête est ardue et que peu de
gens en trouvent de réellement brillantes. Philippe Michel à qui Jean Marie Dru rend
hommage dans son livre, faisait certainement partie des plus créatifs. « L’idée est
quelque chose dont on a le désir de se souvenir » déclarait-il. Selon lui, « la publicité
[n’était] pas là pour donner une image, [elle était] là pour donner une idée. » Par
ailleurs, et c’est probablement ce que tous les professionnels de la publicité devrait
retenir, Philippe Michel respectait sincèrement son auditoire. Pour lui, une publicité pleine
de tact, de gentillesse, de simplicité, d’humour ou, pour résumer, de créativité, était le
minimum. Il savait que les gens, lorsqu’ils «apprécient la manière dont vous leur parlez,
viennent vers vous. »
Tout comme Philippe Michel, beaucoup d’autres publicitaires ont ce talent et
accouchent chaque jour d’idées exceptionnelles. Apple, Adidas ou Nissan en sont la
preuve. Invitées à réfléchir sur le thème de la rupture, ces trois marques ont fait du
changement leur leitmotiv. Chacune à leur manière, elles ont poussé le thème de la
disruption à l’extrême pour en faire de véritables visions d’entreprise, aujourd’hui
reconnues par tous.
Apple a toujours été connu pour ses produits marginaux. Néanmoins, il fut un
temps où les innovations se faisaient attendre. Les investisseurs commençaient à
s’inquiéter. Pire, les consommateurs doutaient et se demandaient si Apple allait réussir à
tenir son pari. Il était temps d’agir. Un produit révolutionnaire était en gestation, il était
nécessaire de faire patienter le public. TBWA a alors suggéré la campagne Think
Different. Elle était tout naturellement le reflet de l’entreprise : un regroupement de
personnes qui avancaient à contre-courant, qui cherchaient à changer le monde qui les
entourait. Le film publicitaire, en noir et blanc, rendait donc hommage en une minute aux
« fous, aux marginaux, aux rebelles, aux agitateurs », sur des images d’Albert Einstein,
Bob Dylan, Martin Luther King, Mohammed Ali, le Mahatma Gandhi, etc. Ce film aura
permis a Apple de « retrouver sa place dans la culture populaire, avant même qu’un
produit n’est été lancé. » Véritable cri de ralliement en interne, la campagne fit fureur et
redonna du courage aux troupes. A la sortie du Macintosh, les esprits avaient été
préparés. Tout le monde fut pourtant sidéré par l’originalité du spot 1984 qui
accompagnait la sortie du Macintosh. Apple était prêt à défier le système et à changer le
monde. Ce qui fut à nouveau le cas avec l’arrivée du iPod et de iTunes qui réinventèrent
à la fois le modèle économique du marché de la musique et le modèle de parrainage
classique de la publicité. Le succès de la marque était tel que les artistes espéraient
passer dans les publicités iPod pour lancer leur carrière. Apple n’avait inversement plus
besoin de stars pour vendre ses produits.
Adidas faisait quant à elle face à une autre problématique. Toujours plus
challengée par Nike, la marque devait agir avec force. Elle avait besoin de ranimer son
esprit de conquête. Car derrière Impossible is Nothing se cache une véritable histoire,
celle de l’équipe d’Allemagne des années 50, en finale de la coupe du monde contre la
Hongrie. Largement favorite, la Hongrie faisait peur aux Allemands. À cette époque, le
fondateur d’Adidas, Adi Dassler avait inventé la chaussure à crampons dévissables qui
permettaient de ne pas glisser sur un terrain mouillé. Il en avait équipé l’équipe
allemande. Sur un terrain détrempé par la pluie, l’Allemagne est sortie grande vainqueur
de la coupe ce qui redonna espoir à une nation désillusionnée depuis la fin de la
deuxième guerre mondiale. Impossible is Nothing traduisait ainsi une vision qui animait
la marque depuis toujours, elle concrétisait le désir de chacun d’atteindre des résultats