Chapitre IIIC, page 1
INFARCTUS MYOCARDIQUE AIGU (JP BOURDARIASET G JONDEAU)
DÉFINITION ET ÉTIOLOGIES
L'infarctus du myocarde (Un infarctus, stricto sensu, est une infiltration hémorragique d'une zone
de parenchyme et non comme l'usage le sous-entend dans ce cas, une nécrose ischémique) est une
nécrose ischémique d'une zone myocardique dont la perfusion est soudainement interrompue par
l'occlusion de l'artère coronaire correspondant à ce territoire (artère responsable ou "coupable").
Dans la très grande majorité des cas, l'occlusion résulte du développement d'un thrombus sur une
plaque d'athérome fissurée. Les autres causes sont : le spasme artériel, la dissection aortique,
l'embolie coronaire, les anomalies congénitales des artères coronaires, le rétrécissement aortique,
les maladies hématologiques (polyglobulie), les lésions traumatiques ou radiques, la toxicomanie à
la cocaïne et les artérites des connectivites.
ÉPIDÉMIOLOGIE
La fréquence de l'infarctus a diminué dans les pays développés grâce aux mesures de prévention
(primaire et secondaire) de l'athérosclérose coronaire : c'est ce que montre en France l'étude
MONICA (Fig 1 et 2)
Il faut noter que 60% des décès surviennent en dehors d'une structure hospitalière et que 3 décès
sur 4 surviennent avant la 24ème heure. Enfin, les délais d'hospitalisation sont encore trop longs:
seulement 60% des hommes et 51% des femmes sont hospitalisés avant la 6ème heure. En tenant
compte des contre-indications à la thrombolyse, moins d'1 malade sur 2 peut bénéficier de ce
progrès thérapeutique.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
la nécrose ischémique
Le concept classique d'infarctus transmural (onde Q) et sous- endocardique (absence d'onde Q) doit
être abandonné. Expérimentalement, un infarctus de 1 cm de diamètre et n'intéressant que le 1/4
interne de la paroi s'accompagne toujours d'une onde Q et inversement chez l'homme, de nombreux
infarctus sous-endocardiques peuvent donner lieu à une onde Q. L'infarctus transmural est une
nécrose qui intéresse la totalité (ou presque) de l'épaisseur de la paroi ventriculaire. L'infarctus
sous-endocardique, non transmural, n'intéresse que les couches sous-endocardiques et parfois les
couches moyennes. D'une façon générale, l'infarctus avec onde Q est plus étendu, s'accompagne
plus souvent de complications et a une mortalité plus grande que l'infarctus sans onde Q.
Comme le montre la figure 3, après occlusion coronaire expérimentale, la nécrose progresse de
l'endocarde vers l'épicarde sur une période d'environ 6 heures. Ces constatations sont à la base du
concept de recanalisation précoce de l'artère occluse pour limiter l'étendue de l'infarctus.
Figure 1- Fréquence de l'infarctus chez
l'homme de 35-64 ans; la borne supérieure
correspond à une définition "stricte" de
l'infarctus et la borne inférieure à une
définition plus "large" (données
manquantes)
Figure 2- Mortalité de l'infarctus
myocardique à la fin de la 4ème
semaine.
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Non ischémique
Ischémique(viable)
crosé
15 minutes 40 minutes
3 heures > 6 heure
s
Figure 3
Schématisation de la
progression de la nécrose en
fonction du temps écoulé
depuis l'occlusion de l'artère
responsable de l'infarctus.
D'après Jennings et Reimer, Circulation
1983 ; 68 : suppl. 1 : 36.
l'occlusion coronaire
Diffusion de la maladie coronaire
Dans le primo-infarctus, la maladie coronaire est limitée à 1 vaisseau dans près de 2/3 des cas alors
que dans l'angor stable la maladie n'est monotronculaire que dans 1/4 des cas (Tableau I)
Nb de
vaisseaux Infarctus
(%) Angor stable
(%)
09,10
1 vaisseau 61,8 25,5
2 vaisseaux 18,2 38,3
3 vaisseaux 36,2
Tableau I : (Bogaty et al, Circulation 1993 ; 87 : 1938)
Sévérité de la sténose coronaire responsable de l'occlusion (Fig 4)
Chez 2/3 des patients, l'artère responsable de l'IDM transmural n'est pas l'artère la plus sténosée: la
sténose est < 50 % dans 66 %, < 70 % dans 97 %. Environ 5% des patients ont une coronaire
angiographiquement normale: l'infarctus est secondaire à un spasme, un embole ou un thrombus
qui se sont lysés spontanément. De fait, la thrombolyse spontanée rétablit la perméabilité du
vaisseau: au bout d'un mois, environ 50% des artères sont reperméabilisées (Fig 5)
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100
80
60
40
20
0
92 %
39 %
% d'occlusions totales
(6 premières heures)
Avec onde Q Sans onde Q
Fig 4.
L'infarctus transmural s'accompagne généralement d'une occlusion complète de l'artère tandis que
l'infarctus non transmural va généralement de pair avec une artère très sténosée mais encore
perméable. Paradoxalement, la sténose coronaire initiale, sur laquelle va se développer le
thrombus compliqué d'infarctus transmural est moins sévère que celle qui est responsable de
l'infarctus non transmural. Une sténose dont la sévérité croît progressivement favorise le
développement d'une circulation collatérale tandis que la fissuration d'une plaque d'athérome peu
sténosante induit la formation d'un thrombus rapidement occlusif. Ainsi, il est fréquent de
visualiser par la coronarographie une occlusion complète d'un vaisseau coronaire sans qu'elle ait
provoqué un infarctus car le territoire intéressé est perfusé par une circulation collatérale.
Figure 5 (d'après DeFeyter et al Am Heart J 1985;109: 194)
Structure de la plaque athéromateuse responsable de la sténose (Fig 6,7, 8)
Coiffe rompue
Plaque
hémorrhagique
Bouillie
athéromateuse
Lumière
du vaisseau
Fig 6
Fissuration de la plaque, puis développement
d'un hématome sous la plaque, exposition de
la bouillie au flux sanguin et constitution d'un
thrombus qui se propage dans la lumière du
vaisseau.
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Bouillie
d'atrome
Plaque
morrhagique
Thrombus
luminal
Coiffe
Fig 7.
La rupture de la coiffe de la plaque permet à son contenu d'entrer en contact avec le flux sanguin et
d'induire la formation d'un thrombus à la fois sous la plaque et dans la lumière de l'artère,
aboutissant à son occlusion.
Thrombus
intraluminal Extension
du thrombus
Thrombus
intraplaque Noyau
lipidique
Flux
sanguin
Fig 8.
Vue longitudinale du développement du thrombus occlusif et de sa propagation dans la lumière de
l'artère, en aval de la sténose. La rupture de la coiffe de la plaque met en contact le noyau lipidique
avec le sang et induit le processus thrombotique. Il n'est donc pas nécessaire que la sténose due à
la plaque soit serrée; il suffit que la chape de la plaque soit fragile, ce qui est le cas des plaques peu
sténosantes d'athérome "mou", à l'opposé de l'athérome "dur" fibreux et calcifié.
(d'après Davies MJ, Circulation 1990;82 : suppl II, 38)
Fréquence du thrombus en fonction du type clinique de la maladie coronaire et de la
structure de la plaque d'athérome.(Fig 9
A. STABLE A. INST
A
BLE INF
A
RCTUS
THROMBUS
Athérome mou
Atrome dur
canismes de la sténose / occlusion
dans la maladie corona ire
Fig 9.
Schématisation de l'importance relative du thrombus dans les formes cliniques de la maladie
coronaire. Plus l'athérome est "mou" c'est-à-dire, a un noyau riche en bouillie lipidique et une chape
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fine, plus le risque de fissuration de la plaque est grand avec secondairement possibilité de
thrombose occlusive.
Mortalité à un an
Fraction d'éjection VG à la sortie
Figure 10.
Relation entre la mortalité à la fin de la 1ère année et la valeur de la FE VG à la sortie du patient.
Noter l'allure exponentielle de la courbe. Une diminution de la FE de 42 % à 28% triple la mortalité.
Si la FE est < 20 %, la mortalité est : 50% (d'après Hugenholtz, JACC 1987; 9 : 1375)
PHYSIOPATHOLOGIE: CONSÉQUENCES HÉMODYNAMIQUES DE
L'INFARCTUS.
Immédiates: dysfonction systolo-diastolique
L'altération de la fonction systolique dont témoigne la diminution de la FE (Fig 10) résulte de:
- l'amputation de la masse contractile VG correspondant à la zone nécrosée qui est akinétique ou
dyskinétique;
- la diminution de la contractilité de la zone bordante
- l'hétérogénéité de la contraction.
L'altération de la fonction diastolique est due à la prolongation de la relaxation, elle-même
secondaire à l'ischémie de la zone entourant l'infarctus, d'où une diminution de la distensibilité
ventriculaire et une augmentation de la pression de remplissage.
L'altération de la fonction cardiaque entraîne, si elle est assez sévère, la mise en jeu de mécanismes
compensateurs par l'activation des systèmes sympathique et rénine-angiotensine:
- augmentation de la fréquence et de la contractilité;
- vasoconstriction veineuse et augmentation du volume sanguin circulant. qui augmentent la
pression télédiastolique du VG afin de maintenir son remplissage, gêné par la diminution de sa
distensibilté.
- vasoconstriction artérielle destinée à maintenir une pression aortique suffisante pour perfuser les
territoires privilégiés (cérébral et coronaire).
Secondaires: expansion et remodelage (Fig 11)
La nécrose myocardique s'accompagne de modifications structurelles et morphologiques à la fois
dans la zone nécrosée et dans le myocarde sain. Les modifications de la première correspondent au
"concept de l'expansion" et celles du second au "concept du remodelage ventriculaire".
L'expansion peut conduire à la rupture pariétale ou à la constitution d'un anévrisme dans la zone
nécrosée. Le remodelage est le développement d'une hypertrophie-dilatation du myocarde résiduel,
non intéressé par la nécrose, en réponse à la surcharge volumique conséquence de l'infarctus sur la
fonction cardiaque globale.
Expansion de la zone nécrosée
L'expansion est définie comme une dilatation et un amincissement de la zone nécrosée, sans
augmentation de la masse nécrosée et correspond à une forme de rupture intramurale. Elle peut
être décelée par l'échocardiographie bidimensionnelle ou la ventriculographie isotopique dans les 3
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