Introduction
Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) appelé maladie de Bouillaud est une maladie
inflammatoire compliquant une infection par le streptocoque du groupe A. Si, dans les pays
développés, le RAA est devenu une maladie virtuelle, c’est dans les pays en voie de
développement qu’il constitue encore un problème majeur de santé publique. On estime que
la maladie frappe actuellement au moins 12 millions de personnes. Le RAA reste la cause la
plus fréquente de mortalité et de morbidité cardiovasculaires dans le monde chez les moins de
40 ans. La cardiopathie rhumatismale est responsable de 400 000 décès par an principalement
chez les enfants et les jeunes adultes.
Le RAA survient généralement entre 5 et 10 ans avec un pic à 6–8 ans. Il est exceptionnel
au-dessous de 3 ans et au-dessus de 25 ans.
Définition / classification
Le Rhumatisme articulaire aigu est une complication inflammatoire d’une infection par le
Streptococcus Pyogenes, c’est donc une maladie compliquant une infection bactérienne.
Synonyme(s) : Angine à Streptocoque - Scarlatine - Impétigo - Érysipèle - Infections
invasives à S. Pyogenes : Septicémies; Fièvre puerpérale; Dermohypodermites nécrosantes
(DHN) (auparavant désignées sous les termes de cellulites extensives ou fasciites
nécrosantes); syndrome de choc toxique streptococcique (SCTS)...
Épidémiologie descriptive
Incidence
L’épidémiologie du RAA a toujours été différente selon que les pays sont industrialisés ou
en voie de développement.
Dans les pays industrialisés
La décroissance du RAA s’est amorcée avant l’apparition des antibiotiques par
l’amélioration des conditions de vie pour s’accentuer à partir de la Seconde Guerre mondiale
avec l’utilisation de l’antibiothérapie qui a permis la prévention primaire et secondaire du
RAA.
Simultanément, les séquelles cardiovasculaires et la mortalité ont chuté pour devenir
insignifiantes à l’heure actuelle.
L’incidence annuelle moyenne du RAA est depuis les années 1980 de l’ordre de 0,5/10 000
enfants âgés de 5 à 17–18 ans oscillant entre 0,23 et 1,88/100 000 aussi bien aux États-Unis,
au Japon, au
Danemark, en Grande-Bretagne qu’en Australie. Une résurgence du RAA a été observée
d’une manière épidémique aux États-Unis vers 1985 dans cinq régions éloignées les unes des
autres et deux camps militaires, notamment dans l’Utah où l’incidence observée était de
18/100 000 enfants. Ces bouffées n’ont cependant pas modifié l’incidence générale de la
maladie. À l’heure actuelle, 90 à 157 cas annuels sont rapportés en Tunisie. Cette résurgence
du RAA accompagnée de formes sévères alors que la maladie avait pratiquement disparu
depuis deux ou trois décennies a causé beaucoup de surprises du fait que 85 % de ces enfants
vivent en milieu rural ou suburbain et 73 % d’entre eux avaient un statut socio-économique
moyen ou favorable.
Il paraît raisonnable de penser que la diminution de l’incidence du RAA et sa recrudescence
font intervenir deux groupes de facteurs. Ceux qui interviennent dans sa diminution sont
d’une part le niveau socio-économique et d’autre part les antibiotiques avec une stratégie de
prise en charge des angines. Les facteurs qui interviennent dans sa résurgence concernent à la
fois l’hôte et le germe par une augmentation de la virulence du streptocoque B hémolytique
du groupe A (SBHA) par production accélérée de protéine M ou par l’apparition d’un
nouveau sérotype auquel la population n’est pas habituée.
Dans les pays en voie de développement
Le RAA est endémique. Les données récentes ne constatent pas une tendance à la baisse du
RAA et des valvulopathies rhumatismales. L’incidence annuelle est 100 à 200 fois celle des
pays industrialisés.
Dans la plupart de ces pays, on ne dispose pas de statistique précise sur l’incidence du RAA,
elle est très variable selon les pays. Des enquêtes soutenues par l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) dans certains pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et de l’ouest de la
Méditerranée ont trouvé que plus de 1 % de tous les enfants scolarisés ont présenté des signes
de RAA. Dans les pays de la Méditerranée orientale, l’incidence du RAA est de 27 à 100 pour
100 000 habitants. Dans les pays du Maghreb et aux Antilles, la mise en place de programmes
nationaux de lutte contre le RAA a permis de réduire significativement l’incidence de celui-ci.
En Tunisie, l’incidence du RAA en 1985 était de 8,7/100 000 habitants et est passée en 2001
à 1,55. En Algérie, en 1975, le taux d’incidence était de 49/100 000 pour passer à
6,12/100 000 habitants en 2000. En 1980, l’enquête menée aux Antilles françaises montrait
une incidence de 50/100 000 enfants âgés de moins de 20 ans ; cette incidence est ramenée à
20/100 000 en Martinique et 17/100 000 en Guadeloupe en 1993.
Prévalence
Une étude de l'épidémiologie du RAA parmi 3 946 enfants scolarisés d'un quartier
périphérique de Tunis montre que la prévalence des valvulopathies rhumatismales y est de
6,6 %, l'insuffisance mitrale est l'atteinte la plus fréquente.
Tableau. Rhumatisme articulaire aigu et cardiopathies rhumatismales, Rapport d’un Groupe d’étude de l’OMS, Genève 1988.
Région OMS Population
scolaire Cas diagnostiqués Prévalence pour
1000
AFRIQUE 173.408 818 4,7 (3.4 - 12,6)
AMÉRIQUE 23.328 35 1,5 (0,1 – 7,9)
OUEST
MEDITERRANEEN 49.933 1807 4,4 (0,9 – 10,2)
SUD-EST
ASIATIQUE 195.142 26 0,12 (0,1 – 1,4)
PACIFIQUE 631.899 449 0,7 (0,6 – 1,4)
TOUTES
RÉGIONS 1.433.710 3125 2,2 (0,7 – 4,7)
Tableau. Prévalence du RAA dans les différentes régions du monde (Programme OMS dans 16 pays)
Tendances
Incidence plus élevée en fin d'hiver - début du printemps.
Espèce la plus fréquemment isolée des pharyngites de l’enfant entre 5 et 10 ans
(25 à 40 % des angines de l’enfant ; 15 à 25 % des angines de l’adulte).
Complications
Contrairement aux atteintes articulaires qui durent en moyenne 3 mois et
guérissent sans séquelles, les atteintes endocardiques et myocardiques peuvent évoluer
vers un rhumatisme cardiaque évolutif.
Les récidives sont fréquentes et elles sont d’autant plus à craindre que la crise
antérieure est proche. Il est rare que le cœur reste indemne après plusieurs crises de
RAA et se révèle 2 à 8 ans plus tard par une sténose mitrale ou une insuffisance
aortique.
Toutefois, ces complications restent très rares.
Mortalité
Une lettre récente de l’Organisation mondiale de la santé rappelle que le RAA et la
cardiopathie rhumatismale sont, chaque année, à l'origine de 400 000 décès dans le monde.
Au moins 12 millions de personnes sont concernées par la maladie, deux millions de
personnes parmi celles-ci nécessitent des hospitalisations répétées et un million une
intervention chirurgicale à cœur ouvert.
Coûts
Lors d'une consultation qui s'est tenue cette semaine au Siège de l'OMS à Genève sous la
présidence du professeur Edward Kaplan de l'université du Minnesota, une liste de
recommandations a été préparée à cet effet.
« Les enfants et notamment ceux qui sont pauvres n'ont ni moyens financiers ni carte
d'électeur. Il n'existe pas de vaccin et il n'y en aura pas avant dix ans » explique le professeur
Kaplan. « Pourtant, le rhumatisme articulaire aigu et la cardiopathie rhumatismale sont, de
toutes les affections cardiovasculaires, celles qui se prêtent le mieux à la prévention et un petit
effort financier supplémentaire en faveur de l'action sanitaire nationale ferait beaucoup pour
tenir la maladie en échec. » Par exemple, un investissement annuel de 50 000 US $ pendant
cinq ans permet d'assurer la couverture d'un district de 300 000 enfants d'âge scolaire et
d'éviter plus de 500 cas de cardiopathie rhumatismale et les conséquences graves et coûteuses
de cette affection.
Pour évaluer le coût de prise en charge de la maladie, et en l’absence d’un programme
national tunisien de lutte contre le RAA, on prendra l’exemple de l’Algérie.
Le coût de la maladie y était évalué à près de 750 millions de dinars en 1995,
uniquement pour ce que représentaient les transferts pour soins à l’étranger
des cardiopathies valvulaires opérables, et probablement Une somme équivalente avait
été consacrée à leur prise en charge médicale en Algérie.
Le RAA, constitue un problème de santé publique, d'une part par la gravité de ses
complications cardiaques et d'autre part par le coût social de la maladie, et son coût financier.
C’est la deuxième cause de transfert pour les soins à l’étranger et la première sur le plan
financier, il a été bien établi qu’il fallait traiter 300 angines pour éviter un cas de RAA: sur
une population cible de 998.780 personnes exposées aux angines, l’absence de programme
de lutte contre cette maladie entraînerait chaque année 3329 nouveaux cas de RAA à traiter,
soit une dépense globale de 96.507.710 DA. En Algérie, le coût moyen d’une intervention à
cœur ouvert est d’environ 500.000 DA et à l’étranger il avoisinerait en (France) les
200.000 FF.
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