Avons-nous abusé des antibiotiques ?
Le problème ne se situe pas uniquement dans la quantité d’antibiotiques ingérés, mais dans la façon
de les prescrire et de les consommer : « L’antibiothérapie est devenue un domaine médical
complexe et à vrai dire difficile à appréhender pour les non-spécialistes », affirme Stéphane Gayet.
Un changement d’habitudes est requis, tant de la part des médecins invités à mieux cibler le choix
des antibiotiques et leur dosage, que des patients qui bien souvent ne respectent ni les doses
prescrites, ni la durée du traitement. On le comprendra aisément, les pays les plus touchés par le
problème sont également connus pour leur grande consommation de médicaments, au rang desquels
la France et le Royaume Uni, mais aussi les États-Unis et le Japon, selon Stéphane Gayet. Au point
que de simples opérations chirurgicales de routine, telles que la pose d’une prothèse de hanche ou le
recours à la césarienne, pourraient paraître à l’avenir trop risquées pour bien des patients, déclare
The Economist.
Mais le phénomène prend également une ampleur alarmante dans de nombreux pays non
occidentaux à faible niveau de vie. « On y observe des niveaux de résistance très élevés,
essentiellement dûs à de graves insuffisances en termes de réglementation, de régulation, de
formation et d’encadrement des prescriptions et consommations de nombreux antibiotiques qui sont
bien souvent en vente libre », déclare Stéphane Gayet. La résistance bactérienne est ainsi l’un des
facteurs de mort par tuberculose dans bien des pays pauvres, note The Economist.
Les antibiotiques dans nos assiettes
L’usage excessif de traitements antibiotiques n’est pas l’unique facteur dans l’essor des résistances
bactériennes. « On stigmatise en les culpabilisant les médecins généralistes en matière de
prescription d'antibiotiques, sans jamais parler ou presque des consommations massives, et même,
d’une certaine façon, anarchique, d’antibiotiques dans l’industrie agro-alimentaire », note Stéphane
Gayet. Ceci est particulièrement vrai de l’élevage intensif en grande promiscuité, où des
antibiotiques sont systématiquement et massivement utilisés pour prévenir les épidémies. D'autres
ont longtemps été administrés aux veaux et aux porcelets non pour les soigner, ni même pour
prévenir des infections, mais pour les engraisser, certains antibiotiques ayant la faculté de fabriquer
de la graisse... Si cette dernière pratique est désormais interdite en Europe, elle persiste cependant
aux États-Unis, rapporte The Economist, et aussi « dans les pays émergents comme l’Inde et la
Chine, [où] il y a le plus de bactéries résistantes, explique Antoine Andremont dans Le Figaro. Les
génériques d’antibiotiques y sont en effet produits et vendus à très faibles coûts, et sont donc
d’infections responsables de diarrhées, de pneumonies, d’infections urinaires et de gonorrhées, comme le mentionne un
récent rapport de l’OMS cité par Radio Canada International. Ces genres se subdivisent en différentes espèces, qui
elles-mêmes se déclinent en plusieurs variétés, toutes étant différemment résistantes aux divers antibiotiques. Les
spécialistes ont ainsi identifié six niveaux de résistance, allant du plus faible au plus élevé, de la simple résistance
naturelle à la pan-résistance ou toto-résistance dont aucun traitement ne vient à bout. Cependant, note Stéphane Gayet,
la résistance « n’est pas de type tout ou rien », une même souche bactérienne pouvant présenter différents degrés de
résistance à différents traitements. De plus, le phénomène est fort heureusement réversible, ajoute-t-il. Il suffit pour cela
d’une baisse de la consommation d’antibiotiques, qui provoque une diminution des pressions de sélection : les souches
sensibles semblent alors l’emporter sur les souches résistantes. Comme le dit en synthèse The Economist, « exposez la
bactérie à moins de traitements, et vous trouverez moins de résistance ».