Le Musée d’Ethnographie de l’Université Bordeaux Segalen (MEB) est conçu comme un lieu de diffusion de la
culture scientifique et d’expérimentation muséographique : il vise une présentation, adaptée à différents
publics, de la recherche « en train de se faire ». Ses missions vont donc bien au-delà de la gestion et de la
valorisation des collections universitaires. Elles consistent à proposer une lecture originale des questions de
société en invitant chercheurs, professionnels et publics autour d’expositions thématiques en prise sur
l’actualité.
Pour sa première exposition thématique, le MEB s’appuie sur la vocation médicale de l’Université Bordeaux
Segalen et sur l’excellence de la recherche en Sciences Humaines et Sociales qui y est menée en matière de
Santé. Il s’est entouré de chercheurs spécialisés dans ce domaine et venant de nombreuses institutions
françaises (Universités, Institut de la Recherche pour le Développement, Centre National de la Recherche
Scientifique) pour imaginer et construire cette exposition Enquête de santé.
En 1937, le chirurgien René Leriche définit dans une formule restée célèbre la santé comme « la vie dans le
silence des organes ». En 1946, l’Organisation Mondiale de la Santé en propose une définition plus large
dans le préambule de sa constitution : « La santé est un état de bien être total physique, social et mental de
la personne. Ce n’est pas la simple absence de maladie ou d’infimité ».
Prenant au sérieux cette définition large de la notion de santé, nous proposons d’aller au-delà du
questionnement sur le corps biologique pour interroger le corps social. Cependant, analyser les contraintes
sociales et économiques qui sous-tendent la quête de soins et de sens ne consiste pas pour autant à faire
disparaître l’acteur derrière les structures. Il convient en effet de rendre compte de sa capacité de penser et
d’agir à travers les choix qu’il réalise, les significations qu’il produit, bref les itinéraires thérapeutiques qu’il
emprunte vers la « bonne santé ». C’est cette perspective particulière que l’équipe scientifique, réunie
autour de Frédéric Le Marcis, a choisi de privilégier, cherchant à rendre, au moyen d’une scénographie
appropriée, la diversité des expériences et des parcours liés à la quête de la santé.
La visite débute par la prise de conscience d’un désordre, par la reconnaissance du mal, par la mise de mots
sur les maux. Le langage populaire de la maladie foisonne d’expressions métaphoriques exprimant
l’expérience du mal-être. Présenter ces expressions sous une forme illustrée et les comparer d’une région ou
d’une langue à l’autre favorise l’étonnement, la prise de distance et la suspension du jugement face aux
façons de dire la maladie exotique comme ordinaire. L’étonnement initial est cultivé tout au long de la visite,
mais l’exposition dépasse graduellement une première approche anecdotique pour questionner les logiques
profondes qui structurent la santé et sa prise en charge tant sur des terrains africains que sur des terrains
européens.
Ainsi, le visiteur est-il invité à enquêter au cœur des itinéraires thérapeutiques, qui s’étendent de l’espace
domestique et intime à la gestion collective de la santé. A travers les six étapes qui constituent l’itinéraire,
les questions de l’offre de soin, de la logique des recours thérapeutiques, des inégalités de santé et
finalement de la dimension politique de la santé sont abordées.
Parce que les sciences sociales cherchent à saisir l’expérience et la compréhension que l’on a du monde,
elles entrent, ici, à plusieurs reprises en dialogue avec un discours artistique et résolument subjectif pour
laisser émerger une discussion que le visiteur est invité à poursuivre au-delà de la visite.