Prix: 25 € - En librairie le 15 avril 2015
EAN : 9782200271749
Pages :320 - Collection : Le temps des idées
« Mémoire », « témoignage », « catharsis » : ces mots ne cessent de revenir au sujet des catastrophes politiques
du 20e siècle, comme s’ils aidaient à les assimiler. La hantise d’un effondrement a donné lieu à une morale de la
transmission, mais en réalité nul ne sait quoi faire d’un tel héritage, qui semble barrer l’accès au présent et
obstruer notre avenir. De ce non-savoir vient le mot « mémoire », protoplasme sous lequel s’agitent le chaos des
chagrins individuels et collectifs, celui des luttes pour la reconnaissance, un nouveau vocabulaire politique, un
marché culturel, un immense continent littéraire, et à présent un champ académique : bref une culture. Mais cette
culture devenue régulatrice, travaillée par ses points aveugles, semble toucher ses limites et se désamarrer du
réel au point de faire écran à ce dont elle se réclame : la réalité passée et sa mémoire.
Plutôt que de dénoncer en vain les « abus de mémoire », l’auteur change de perspective en voyant s’exprimer
dans cette obsession mémorielle une angoisse de la vérité détruite ou privée d’autorité, issue d’une perte
d’autorité du réel lui-même : l’herméneutique de la mémoire conduit à une anthropologie du mensonge politique
et de la destruction des faits. Au-delà du refus d’oublier, ce qui déchire l’espèce et détruit des mondes produit
pour certains un lancinant mal de vérité, et pour tous une durable crise de la vérité, qui ne se limite pas au conflit
des interprétations, ni à l’habituelle division de la vérité. Les mythes qui (en Occident et hors Occident) se forment
aujourd’hui autour des vieux mots « mémoire », « témoignage », « catharsis », ont pour fonction d’y répondre.
Sous cette religion d’époque, l’auteur dessine les contours d’une étrange utopie, qui semble vouloir espérer à
travers le passé et à partir du pire. Au cœur de cette utopie il y a le témoignage, à présent sacralisé et souvent
(re)christianisé : l’apostolique « passage de témoin » relaie en littérature le politique « devoir de mémoire », et
l’utopie bascule alors dans la dystopie. En observant les oscillations et contradictions de ce principe espérance à
l’envers, en dressant la physionomie critique de cette culture, l’auteur tente un autre usage des textes témoins,
pour penser avec eux ce mal qui travaille notre rapport au passé, et chercher un rapport politique au présent.
Catherine Coquio est professeur de littérature comparée à l’université Denis-Diderot (P7) où elle co-anime
l’axe « Penser et écrire l’histoire » au Cerilac. Elle a créé avec I. Wohlfarth en 1997 l’association Aircrige,
qu’elle a présidée de 1999 à 2008. Elle est l’auteur de Rwanda. Le réel et les récits (2004), L’Art contre l’art.
Baudelaire, le joujou et la décadence (2006), L’Enfant et le génocide (avec A. Kalisky, 2007), La Littérature en
suspens (2015) ; parmi les collectifs : Mécislas Golberg, passant de la pensée. Une anthropologie politique et
poétique au début du siècle (1995), L’Histoire trouée. Négation et témoignage (2003), Retours du colonial ?
(2008), Littérature et histoire en débats (2013), Roms, Tsiganes, Nomades : un malentendu européen (avec
J.L. Poueyto, 2014). Elle a créé en 2012 chez Garnier la collection « Littérature, Histoire, Politique ».
Contacts presse
(Voir ci-dessous la table des matières)