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Etude des profils de population selon le niveau
de risque suicidaire en France :
Enquête « santé mentale en population générale ».
Francis CHABAUD 1,2, Julie DEBARRE 1, Céline SERAZIN 1, Roland BOUET 2,
Guillaume VAÏVA 3, Jean Luc ROELANDT 4.
1. Observatoire Régional de la Santé du Poitou-Charentes, Poitiers
2. Département d’Information Médicale, Centre Hospitalier Henri Laborit, Poitiers
3. Secteur des Urgences Psychiatriques, CHRU de Lille
4. Centre collaborateur OMS (Lille, France), EPSM Lille Métropole
Auteur correspondant :
FRANCIS CHABAUD
4 PLACE DE LA CATHEDRALE, 86000 POITIERS
0549411363, [email protected]
Résumé L’étude utilise les données de l’enquête Santé Mentale en Population Générale(SMPG) OMS-DREES-
EPSM en France Métropolitaine. Les dimensions psychopathologiques ont été déterminées à l’aide du ques-
tionnaire Mini International Neuropsychiatric Interview (MINI) ;
Ce questionnaire comporte un outil d’évaluation du risque suicidaire gradué en quatre niveaux : nul, léger,
moyen ou élevé. La méthode statistique utilisée est une analyse factorielle des correspondances multiples qui
permet de synthétiser l’information contenue dans un grand nombre de variables et d’individus, à travers la
projection mathématique de ces caractéristiques sur un graphique.
Cette étude permet d’identifier des groupes d’individus ayant un niveau de risque suicidaire proche en leur
associant les caractéristiques sociales, économiques et psychopathologiques. Elle illustre le rôle essentiel des
caractéristiques économiques et sociales des individus dans l’existence d’un risque suicidaire et celui des psy-
chopathologies dans la détermination du niveau de ce risque. Ces résultats apportant une typologie des
déterminants du risque suicidaire en population générale, posent l’idée d’une stratégie des programmes d’in-
tervention intégrant mieux les aspects socio-économiques, ce qui trancherait avec les stratégies traditionnelles
plus médicales.
Abstract Study of population profiles in relation to the level of suicide risk in France : Study « Mental health
in the general population ».
Suicidal behaviour is a very important public health issue. The French study of mental health in the general
population casts a whole new insight on this issue thanks to the size of the sample used, to its representative
nature and to the variety of the collected data.
This study aims at defining better the relationships between the factors of suicide risk within a noninstitu-
tionalized adult population and more specifically between the socioeconomic and the psychopathological
factors. The final aim is to help define the intervention strategies which should be developed in the context
of prevention programs.
The method used consists in estimating the suicide risk for each person included in the study by developing a
standardized indicator. Six questions taken from the MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview) were
used to define the four levels of suicide risks which compose this indicator. Next, this indicator was matched
for the socioeconomic variables of the study as well as for the main psychopathological categories. A factor
analysis of the numerous relations was then carried out. Its principle consisted in synthesizing the information
contained in a great number of variables and individuals thanks to the mathematical projection of these featu-
res onto a graph. The variables which were retained for the analysis were those which presented the richest
relationship with the main variable.(that is to say the level of suicide risk).
The estimated prevalence rate of suicidal risk in the general population (with at least one positive answer) is
13.7 % which can be divided into 9.7 % of low risk, 2.1 % of medium risk and 1.9 % of high risk. The rela-
tionship between the presence of a psychopathology and a medium or high risk of suicide is quite significant.
What is more, the presence of associated pathologies (comorbidities) increases the risk. The highest prevalence
of risk is observed in psychotic and depressive disorders. However, suicide risk exists in some people who do
not present any detected psychopathology : the statistical analysis reveals an excessive medium and high sui-
cide risk in relation to a low family income, unemployment, separation and the 18 to 24 age group. The mul-
tidimensional analysis brings to light several specific aspects : the principal explanation shows a relationship
MOTS CLÉS
psychiatrie,
risque suicidaire,
psychopathologie,
population générale,
épidémiologie,
prévalence, facteurs
socio-économiques.
KEYWORDS
psychiatry,
epidemiological survey,
general population,
suicidal risk,
risk factors,
socio economic factors,
France.
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
L’Encéphale (2010) Supplément 1 au N°3, 33-38
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ontexte de l’étude
L’enquête Santé Mentale en Population Générale 1
propose une évaluation du niveau de risque suicidaire
par une approche liée aux tentatives de suicide passées
et aux idées suicidaires, grâce à un outil de mesure inté-
gré dans le questionnaire épidémiologique MINI 6 .
Une première approche utilisant un modèle d’analyse
factorielle des correspondances multiple 3 avait permis
de poser l’hypothèse de l’importance des facteurs socio-
économiques, en interaction avec les troubles psycho-
pathologiques. La présente étude propose d’explorer
cette hypothèse. Cette approche épidémiologique origi-
nale sur un très large échantillon doit permettre d’amé-
liorer la connaissance des groupes à risque suicidaire en
population générale, en précisant les pistes pour une
prévention plus efficace.
b ectif Matériel et Méthodes
L’objectif principal est de caractériser, en fonction des cri-
tères socio-économiques et psychopathologiques, des
groupes de personnes âgées de 18 ans ou plus dont le
risque suicidaire a été déterminé à l’aide d’un indicateur
construit à partir des items du MINI . Cette typologie doit
permettre de déterminer, à partir de ces caractéristiques
associées, les groupes de personnes ayant des tendan-
ces suicidaires et pouvant faire l’objet d’une vigilance
particulière et d’actions de prévention ou de soins.
L’outil utilisé, le Mini International Neuropsychiatric In-
terview (MINI), explore la présence d’idées de mort ou
de suicide sur le mois écoulé ainsi que les tentatives de
suicide faites dans le mois précédent l’enquête ou sur la
vie entière. La question comportant la programmation
du geste suicidaire, « avez-vous établi la façon dont vous
pourriez vous suicider ? », a été retirée de la passation
du test, compte tenu de l’impossibilité de neutralité en
cas de réponse positive et de la difficulté majeure ren-
contrée par l’enquêteur dans cette situation. Le risque
suicidaire ainsi évalué se répartit entre léger, moyen ou
élevé selon les items et ou le nombre d’items positifs. Le
risque est considéré comme élevé chez toute person-
ne qui a fait une tentative de suicide au cours du mois
écoulé ou, ayant déjà fait une tentative de suicide dans
sa vie, a pensé à se suicider au cours du mois écoulé
(Tableau I).
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’Observatoire
Régional de Santé à Poitiers, sur le logiciel SAS win 8.7
et SPAD. Elles incluaient une première phase descriptive
univariée (fréquences, moyennes, et déviations stan-
dards, tests du Khi-2, test de Student) afin de définir les
variables discriminantes des niveaux de risque suicidaire.
Ces variables ont ensuite été incluses dans la deuxième
étape : l’analyse factorielle des correspondances multi-
ples, dont l’objectif était d’identifier les caractéristiques
sociales, économiques, démographiques et psychopa-
thologiques des sous-groupes de population française
associées à différents niveaux de risque suicidaire.
Son principe consiste à réaliser une synthèse de l’infor-
mation contenue dans un grand nombre de variables et
d’individus, à travers la projection mathématique de ces
caractéristiques sur des plans. Ces plans sont décrits par
des axes principaux qui peuvent être considérés comme
des variables de synthèse interprétables. Chaque moda-
lité des variables est représentée par un point. Par exem-
ple, le point appelé « célibataire » représente l’ensemble
des individus qui sont célibataires ; une interprétation
graphique simple de l’ensemble des résultats peut-être
faite grâce à la proximité géométrique des points (qui
traduit une proximité statistique). De plus, il est possible
des définir des groupes d’individus présentant un en-
semble de modalités de variables proches. Afin d’inter-
préter correctement les graphiques, il convient cepen-
dant de tenir compte des résultats fournis par le logiciel
d’analyse (forte ou faible contribution d’une variable à
la création des axes, plus ou moins bonne qualité de la
représentation du point ). Sur le graphique obtenu, il
est possible de projeter d’autres variables dites illustrati-
ves (c’est-à-dire qui ne participent pas à l’analyse, mais
projetées sur les axes à la suite de l’analyse des varia-
bles dites contributives) afin d’identifier les combinaisons
entre variables sociodémographiques, économiques et
psychopathologiques associées aux modalités de la va-
riable projetée (ici, le niveau de risque suicidaire et le fait
d’avoir ou non un trouble mental).
Résultats
Niveau de risque suicidaire actuel selon les critères
socio-économiques
Cette première analyse descriptive présentée au tableau
III permet de définir les facteurs dits « sociaux » qui dif-
férent selon le niveau de risque suicidaire et sont sus-
rancis ABAUD ulie D BARR éline S RA Roland B U T Guillaume A A ean Luc R LA DT
between unfavourable socio economic status and the presence of suicide risk at a level which is not equal
to zero. The second explanatory line defines the level of risk according to the principal psychopathological
characteristics. These two lines define a plane which enables to differentiate low risk groups from medium
risk groups and high risk groups. The latter consists mainly in isolated pathological factors or associated fac-
tors (comorbidities). The medium and high risk groups are composed mainly of the combination of the two
variables.
To conclude, these results – which are necessarily imsy since they are based on epidemiological and statistical
analysis- do however match up with the data of the epidemiologic literature in an interesting way and raise
the question of an intervention and prevention strategy that would integrate better the medical factors and
the socio economic aspects into its program. They should be completed by targeted forward clinical studies as
well as by more precise epidemiological patterns.
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Etude des profils de population selon le niveau de risque suicidaire en France :
Enquête « santé mentale en population générale ».
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ceptibles de l’expliquer en partie. Elle permet de justifier
le choix des variables à inclure dans les analyses multi-
variées, à savoir : le sexe, l’âge en 3 classes (18-24 ans,
25-59 ans et 60 ans et plus), l’activité professionnelle
(en 4 classes ou en 11 classes), le niveau de diplôme
obtenu (en 3 catégories), la situation de famille (marié,
célibataire, veuf, divorcé), le niveau de revenu mensuel
du foyer (en 5 classes), le fait de vivre seul ou non.
Niveau de risque suicidaire actuel selon les troubles
psychopathologiques repérés par le MINI.
Le tableau II présente l’association du risque suicidaire
avec les troubles mentaux recensés par le questionnaire
MINI. Les personnes ayant au moins un trouble diagnos-
tiqué présentent plus souvent un risque suicidaire non
nul. Tous les troubles psychiques décrits ici semblent dis-
criminants par rapport au niveau du risque suicidaire :
le fait de présenter un trouble mental quel qu’il soit aug-
mente le risque suicidaire. Ce constat est retrouvé dans
la littérature sur le risque suicidaire 1, 4 .
Ces croisements permettent de déterminer les facteurs
psychopathologiques qui semblent en relation avec le
risque suicidaire. Ce choix est confirmé par les données
de la littérature 1,2,4,6 : il s’agit des épisodes dépres-
sifs, troubles dépressifs récurrents, dysthymie, épisode
maniaque, anxiété généralisée, phobie sociale, trouble
panique, agoraphobie, état de stress post-traumatique,
syndromes d’allure psychotique, problèmes de drogue
et enfin des problèmes d’alcool.
Analyse factorielle des correspondances multiple
Les variables sélectionnées pour l’analyse étaient com-
posées des variables actives et des variables illustratives ;
les variables actives comprenaient les variables sociodé-
mographiques et celles illustrant la présence de troubles
psychopathologiques.
Les variables sociodémographiques retenues étaient re-
présentées par le sexe, l’âge en 3 classes (18-24 ans, 25-
59 ans et 60 ans et plus), la catégorie professionnelle en
4 classes, le niveau de diplôme obtenu en 3 catégories,
rancis ABAUD ulie D BARR éline S RA Roland B U T Guillaume A A ean Luc R LA DT
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la situation de famille, le niveau de revenu mensuel du
foyer, le fait de vivre seul ou non.
Les troubles psychopathologiques diagnostiqués par le
MINI comprenaient les épisodes dépressifs, les troubles
dépressifs récurrents, la dysthymie, l’épisode maniaque,
l’anxiété généralisée, la phobie sociale, le trouble pani-
que, l’agoraphobie, l’état de stress post-traumatique, les
syndromes d’allure psychotique, les problèmes d’alcool,
les problèmes de drogue.
Les variables illustratives retenues pour l’analyse étaient
le niveau de risque suicidaire, et le fait de présenter au
moins un trouble de santé mentale.
D’autres variables ont été supprimées de l’analyse :
agoraphobie, état de stress post-traumatique, épisode
maniaque. Elles ont été exclues de l’analyse en raison
des effectifs trop faibles d’individus concernés par ces
troubles.
Résultats (graphique 1)
Deux axes( appelés « facteurs » sur le graphique) ont
été retenus afin de représenter les données, traduisant
au total 20% de l’information contenue dans l’ensemble
des données.
Le facteur 1 permet la représentation des caractéristi-
ques démo-socio-économiques, opposant les person-
nes ayant un emploi, jeunes, ayant fait des études, aux
personnes de plus de 60 ans, veuves, ayant de faibles
revenus ou inactives. Sur cet axe, le risque suicidaire est
peu discriminé : on peut remarquer cependant une dis-
tinction, entre présence et absence de risque suicidaire.
Il peut être appelé « facteur socio-économique ».
On remarque que le niveau des revenus déclarés varie
parallèlement à l’axe( facteur) 1.
Le facteur 2 peut être qualifié de « psychopathologi-
que » : il oppose en effet les personnes souffrant d’au
moins une psychopathologie à celles qui n’en souffrent
pas. Le niveau de risque suicidaire augmente de ma-
nière linéaire sur cet axe, parallèlement au niveau de
revenus, qui lui, diminue progressivement.
Une fois prises en compte les caractéristiques sociodé-
mographiques, la présence ou l’absence de psychopa-
thologies peut permettre une distinction plus précise de
groupes homogènes.
La présentation du plan factoriel [1-2] permet de distin-
guer plusieurs groupes de sujets différenciés du point
de vue du niveau de risque suicidaire :
- groupe associant une situation socio-économique glo-
balement satisfaisante et l’absence de troubles asso-
ciés à une absence de risque ;
- les personnes souffrant d’anxiété généralisée, de dys-
thymies, séparées ou vivant seuls associés au risque
suicidaire léger ;
- les jeunes, les célibataires, les personnes ayant de fai-
bles revenus, les chômeurs, les personnes souffrant de
phobie sociale associées au risque suicidaire moyen ;
- les personnes souffrant de troubles psychotiques, de
troubles dépressifs ou de l’humeur ou de troubles de
l’anxiété (autres que l’anxiété généralisée), et celles
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Enquête « santé mentale en population générale ».
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