OASIS (Outreach And Support in South London),

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L’Encéphale (2008) Supplément 5, S168–S170
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e m - c o n s u l t e . c o m / p r o d u i t / e n c e p
OASIS (Outreach And Support in South London),
évaluation et traitement des adolescents
et jeunes adultes, « à haut risque » de développer
un trouble psychotique
M. Raffin(a)1, P. K. McGuire, L. R. Valmaggia
(a) OASIS South London & Maudsley Trust & Institue of Psychiatry, King’s College London
Le service OASIS (Outreach and Support in South London)
propose une évaluation et un traitement à des adolescents
et des jeunes adultes âgées de 14 à 35 ans. Ces patients
présentent des symptômes qui évoquent une entrée dans la
psychose Leur symptomatologie ne permet pas encore de
poser un diagnostic formel mais ces patients sont dits « à
haut risque » de développer un trouble psychotique [1]. Le
terme « à haut risque » regroupe trois types de caractéristiques possibles :
• un déclin du fonctionnement habituel du sujet couplé à
une personnalité schizo-typique ou un antécédent familial direct de psychose ;
• la présence de symptômes positifs atténués évoquant un
désordre psychotique ;
• un épisode psychotique bref d’une durée maximale d’une
semaine et résolutif sans traitement médicamenteux.
Les signes d’alerte sont similaires aux symptômes psychotiques mais sont moins sévères et moins envahissants.
On peut observer chez ces patients des troubles du cours
de la pensée, de même que des perceptions visuelles ou
auditives proches d’un vécu hallucinatoire. Les patients
se rendent compte le plus souvent du caractère pathologique de leurs signes, aussi la remise en question de leur
expérience reste possible. Bien souvent, le contact avec
l’entourage s’est détérioré progressivement. On peut aussi
observer également des signes d’anxiété, de dépression et
* Auteur correspondant.
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
d’irritabilité. Sans traitement environ un tiers des sujets
vont développer un premier épisode psychotique dans les
12 mois suivant [4].
L’objectif du service OASIS est d’une part de prévenir ou de retarder le développement de ces troubles psychotiques, et d’autre part de permettre une orientation
rapide des patients développant un état psychotique vers
des services spécialisés. Le service OASIS ne reçoit que des
patients en demande de soin.
Comment fonctionne le centre OASIS
Les locaux d’OASIS se veulent accessibles et non stigmatisant. Ils ne se situent pas au cœur d’un centre hospitalier,
mais au sein d’un ensemble d’appartements résidentiels
de Brixton, dans les quartiers sud de Londres. (Lambeth,
Southwark, Croydon et Lewisham). Il fonctionne sur un
principe de sectorisation géographique. Ce secteur compte
une population de 275 800 habitants où l’on dénombre une
importante proportion de minorités ethniques (34 %) dont
une partie est d’origine africaine (parfois francophone). Le
taux de chômage est plus haut que la moyenne nationale
(8,4 %) et le nombre de personnes isolées, sans logement,
refugiées ou demandeuses d’asile est assez important (4 %).
Lambeth compte trois quartiers classés parmi les 10 % les
plus défavorisés du Royaume-Uni et seize faisant parti des
20 % les plus défavorisés.
OASIS (Outreach And Support in South London), évaluation et traitement des adolescents et jeunes adultes
Lors de la première évaluation, les patients sont le plus
souvent vus au cabinet de consultation de leur médecin
généraliste. Cette option est pratique et rassurante pour le
patient et permet un entretien de l’équipe avec le généraliste (qui a bien souvent adressé le patient).
Les médecins généralistes du secteur apprécient également cette possibilité qui leur permet de connaître immédiatement l’avis du spécialiste. Les patients peuvent aussi
être vus chez eux ou au centre OASIS. Ils sont adressés par
leurs proches, par le collège, par le médecin traitant ou
bien ils se présentent d’eux-mêmes. Les moyens de communication possibles afin d’adresser un patient à l’équipe
de l’OASIS sont le téléphone, le fax, le courrier postal ou
électronique. L’équipe dispose également d’un site web
(www.oasislondon.com) accessible au public qui renseigne
sur les symptômes prodromiques et fournit les coordonnées
du service. Des dépliants contenant les mêmes informations
sont disponibles dans les salles d’attentes des cabinets de
médecine générale, ainsi que dans les différents services
de santé mentale. Un bulletin d’information est également
distribué aux médecins généralistes du secteur tous les
2 mois. Les demandes de soins sont traitées dans un délai de
7 jours. La première étape est d’effectuer une évaluation
globale de l’état mental du patient. Les patients présentant
des symptômes prodromiques se voient proposer une prise
en charge par OASIS, alors que les personnes présentant
d’autres types de troubles mentaux (comme une dépression ou un trouble psychotique déjà constitué) sont directement adressés aux équipes de soins appropriées. Presque
tous les patients initialement évalués par le service OASIS
présentent une pathologie mentale. De ce fait, les patients
sans syndrome prodromique, mais présentant un autre trouble mental bénéficient d’un diagnostic plus précoce, et se
voient orientés plus rapidement vers un service approprié.
Les patients d’OASIS
Depuis quatre ans et demi, le centre OASIS s’est vu adresser
542 patients par les médecins généralistes, les collèges, les
familles et les autres équipes de soins. L’âge moyen des
patients est de 23 ans, 60 % sont des hommes et environ
les deux tiers sont issus de minorité ethnique. La plupart
sont professionnellement actifs ou étudient, bien qu’ils
éprouvent souvent des difficultés à poursuivre leur activité
normalement.
Un total de 105 sujets initialement adressés au centre
OASIS ont été réorientés vers d’autres structures, avant
d’être reçus par l’équipe, soit parce qu’ils vivaient en
dehors du secteur de soin, soit parce qu’ils ne remplissaient pas les indications propres au service, après discussion avec le référent, soit parce qu’ils étaient en dehors
des limites d’âges requises. Une évaluation a été proposée
aux 437 sujets restants. Toutefois 84 patients refusèrent
d’avoir un entretien ou manquèrent de manière récurrente
le rendez-vous d’évaluation avec l’équipe.
Un tiers des patients (30 %) évalué par l’OASIS présentait déjà un véritable épisode psychotique et a été adressé
à l’équipe de secteur spécialisé dans la prise en charge
précoce de la psychose. Un quart présentait une autre
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pathologie mentale et 5 % ne présentait aucune psychopathologie.
Les 40 % de sujets restants remplissaient les critères
d’une « santé mentale à risque ». Les symptômes les plus
souvent présentés sont les idées persécutives. L’adhérence
des patients n’est pas totale mais ces idées entraînent
cependant une souffrance. Il peut exister simultanément
d’autres difficultés telles que des troubles anxieux, des
symptômes dépressifs, ou des troubles de la personnalité.
Que propose le centre OASIS aux patients
Les patients présentant un état mental dit « à risque »
reçoivent des informations sur leurs symptômes et sur les
aides sociales et pratiques dont ils peuvent bénéficier. Un
traitement psychologique (thérapies cognitives et comportementales) ainsi que médicamenteux peut être proposé.
Les patients sont suivis par le même clinicien, régulièrement, et ce pour une durée maximum de deux ans, dans le
cas où le risque de transition vers un état psychotique est
élevé. Les patients sont généralement désireux de pouvoir
bénéficier d’un traitement, et leur adhérence aux soins est
excellente, avec 85 % de suivi à 6 mois. La majorité des
patients bénéficie d’un traitement psychologique alors que
seulement une minorité choisit de recevoir un traitement
médicamenteux (faibles doses d’antipsychotiques ou d’antidépresseurs).
Efficacité du traitement
Dans la majorité des cas le traitement améliore les symptômes prodromiques, diminue la souffrance associée et le
risque auto-agressif. La plupart des patients sont capables
de continuer à travailler ou à étudier ou de reprendre s’ils
avaient arrêté. Sur le long terme, le traitement réduit de
façon significative l’incidence des troubles psychotiques,
avec une chute du taux d’incidence de 23 % sur deux ans.
Lors du premier épisode psychotique, le nombre d’hospitalisations, de soins sous contrainte, et d’interventions de la
police est nettement inférieur pour les patients qui bénéficient déjà d’un suivi dans le service. En cela les « résultats »
sont meilleurs. Cette amélioration reflète probablement la
réduction du délai entre l’apparition des troubles et l’initiation du traitement.
Au Royaume-Uni ce délai est de 12 mois en moyenne, il
est réduit à une semaine pour les patients d’OASIS puisqu’ils
sont déjà engagés dans les soins. Les patients d’OASIS qui
développent un trouble psychotique sont immédiatement
adressés à l’équipe du secteur spécialisé dans la prise en
charge des premiers épisodes psychotiques. OASIS entretient des liens étroits avec ce type de service spécialisé,
ainsi un transfert sans heurt d’une équipe à l’autre et une
bonne continuité des soins est possible.
Une prestation de soin équitable
Dans les quartiers sud de Londres, la prévalence des troubles psychotiques est 7 fois plus élevée parmi les habitants d’origine Afro Caribéens que parmi ceux d’origine
S170
Caucasienne, de plus les personnes issues des minorités
ethniques qui développent des troubles psychotiques sont
plus à même d’être hospitalisées et de recevoir des soins
sous contrainte [2]. OASIS a connu un succès particulier
quant à l’engagement des minorités ethniques dans les
soins, cette population représente deux tiers de la file
active des patients. La majorité d’entre eux décrivent
leur premier contact avec les soins comme une expérience positive et bénéfique. Les prises en charge effectuées à OASIS entraînent une disparition des différences
entre minorités ainsi le taux d’incidence des troubles psychotiques, le nombre d’hospitalisations et de soins sous
contrainte s’égalise entre les différents groupes. Prodiguer
des soins à un stade précoce de la maladie mentale paraît
ainsi réduire les disparités initialement observées entre
les minorités ethniques.
Lien avec les services de premiers soins
ainsi qu’avec les gardes malades et
les usagers
En étant un service disponible, proposant un soin précoce
et adapté, OASIS facilite l’établissement de liens entre les
professionnels de santé mentale et les autres professionnels
de santé. Le service a été mis en place en collaboration
avec les médecins généralistes du secteur, cette approche
est populaire auprès des médecins traitants, des patients
et de leur famille. Il existe un groupe de représentants des
usagers relativement actif, et leur point de vue positif sur
l’OASIS a été décrit, dans le journal local « Lambeth life ».
Ce groupe représentant les usagers influence le fonctionnement du centre. En effet il mène sa propre recherche
M. Raffin et al.
sur les besoins et les attentes des patients et évalue dans
quelle mesure l’OASIS répond à ces besoins.
Rapport cout/efficacité
Du fait de la prise en charge préventive proposée par le centre OASIS, on observe une réduction du cout de la santé pour
le NHS (National Heath Services) et pour la société. Ce d’une
part, grâce à la réduction du taux d’incidence des troubles
psychotiques et, d’autre part, grâce à l’amélioration des
résultats pour les patients qui effectuent une transition vers
un état psychotique. Cette amélioration se manifeste par
la réduction du nombre d’hospitalisations ou de rechutes,
par la diminution de la dépendance des patients à l’égard
des systèmes de soins, ainsi que par une meilleure insertion
professionnelle. Une estimation très prudente laisse penser
que les bénéfices sont importants, avec un gain de 961 £
par patient au cours des premiers 24 mois, si l’on compare
cette approche aux soins habituels.
Références
[1] Broome MR, Woolley JB et al. Outreach and support in south
London (OASIS) : implementation of a clinical service for prodromal psychosis and the at risk mental state. Eur Psychiatry
2005 ; 20 (5-6) : 372-8.
[2] Fearon P, Kirkbride JB et al. Incidence of schizophrenia and
other psychoses in ethnic minority groups : results from the
MRC AESOP Study. Psychol Med 2006 ; 36 (11) : 1541-50.
[3] Valmaggia L, McCrone P, Knapp M et al. Economic Impact of an
Early Intervention Service for Psychosis. (2008 Submitted).
[4] Yung AR, Phillips LJ, Yuen HP et al. Psychosis prediction : 12month follow up of a high-risk (« prodromal ») group. Schizophrenia Research 2003 ; 60 (1) : 21-32.
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