L’Encéphale (2008) 34, 427—433 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep RENCONTRE AVEC L’EXPERT Congrès de l’encéphale - Paris, janvier 2008 Anxiété mineure et paroxysmes anxieux Encephale congress - Paris - January 2008 - Minor anxiety and anxious paroxysm D. Servant Consultation stress et anxiété, service de psychiatrie générale, CHRU de Lille, rue Verhaeghe, 59037 Lille cedex, France Reçu le 26 mai 2008 ; accepté le 25 juin 2008 Disponible sur Internet le 28 août 2008 Présentation du cas M. B. 44 ans conducteur de TER vient consulter pour des paroxysmes anxieux déclenchés lorsqu’il doit dormir à l’extérieur de chez lui. Les seules situations surviennent lorsqu’il ne peut rentrer chez lui après un trajet dans le cadre de son travail. En dehors de ces situations, on ne retrouve pas d’attaques de panique spontanées ni situationnelles ni aucune phobie. Il peut dormir en dehors de chez lui en vacances ou dans toute autre circonstance. Les problèmes ont débuté en 2003. Aucun antécédent de troubles anxieux ou dépressifs n’est retrouvé. Le niveau d’anxiété est modéré et on retrouve surtout des symptômes somatiques, par exemple lorsqu’il est enrhumé il focalise sur l’impression d’étouffer. Tout problème physique même mineur accentue son anxiété. Il se décrit comme quelqu’un de sérieux, calculateur qui analyse beaucoup les choses. Il parle de difficulté d’aller au bout des choses de peur d’être déçu, il est casanier et aime plutôt rester chez lui. Introduction Beaucoup de patients anxieux expriment à travers une symptomatologie mineure et des paroxysmes anxieux, une Adresse e-mail : [email protected]. 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2008.06.007 plainte diffuse qui s’intègre dans un fonctionnement parfois ancien sans que l’on puisse diagnostiquer un trouble anxieux évident. Se pose le problème de leur prise en charge tant sur le plan médicamenteux que psychothérapeutique. Les éléments du diagnostic Le diagnostic de ces formes d’anxiété mineure et de paroxysmes anxieux est souvent difficile car la plainte anxieuse est souvent masquée par des problèmes somatiques et le patient n’exprime pas de demande précise. Elles ne correspondent pas à un diagnostic précis décrit dans les classifications internationales comme le DSMIV. En effet, les paroxysmes anxieux ne répondent pas à toutes les caractéristiques sémiologiques des attaques de panique particulièrement le fait que quatre symptômes sur dix sont requis au minimum pour le diagnostic. Elles correspondent à des formes dites sub syndromiques qui à minima peuvent se confondre avec le fond anxieux. L’anxiété mineure a la même caractéristique sémiologique que l’anxiété mais elle est moins bruyante, moins handicapante et elle se confond parfois avec le style de vie ou la personnalité. On se situe donc plus dans une approche de dimension (symptôme ou syndrome anxieux) que de catégorie (trouble anxieux avéré). Seul l’entretien rigoureux permettra de retenir le diagnostic et surtout de mettre en lumière un certain nombre 428 d’éléments utiles pour la prise en charge du patient. On retiendra principalement les antécédents, la date de début du trouble, son évolution souvent en dents de scie, les événements de vie et les stress récents, l’existence d’un terrain anxieux, les comorbidités psychiatriques (principalement les éléments anxieux et dépressifs) et somatiques au cours de la vie, les traitements antérieurs (médicamenteux et psychothérapiques), le retentissement du trouble anxieux et les conséquences sur la vie familiale, sociale et professionnelle, la consommation de psychotropes et l’altération de la qualité de vie. Certains éléments du mode de vie comme l’activité physique, la consommation de substances psychoactives, les rythmes de vie, le sommeil et les autres grandes fonctions (alimentation, sexualité. . .) seront évaluées. L’analyse sémiologique reprendra les éléments concernant les différentes dimensions de l’anxiété : • la sphère somatique où dominent souvent des signes cardiorespiratoires mais tous les appareils (digestif, neuro sensoriel, cutané, génito urinaire) sont concernés. Les douleurs musculaires, les contractures et la fatigue sont souvent rapportées par les patients. Un certain nombre d’examens somatiques peuvent être nécessaires (ECG, biologie. . .) pour éliminer un problème organique mais il faut garder à l’esprit que le diagnostic d’anxiété ne requiert aucun examen complémentaire et se fait uniquement sur l’entretien et l’analyse rigoureuse du contexte ; • La sphère psychologique ou cognitive et on cherchera à mettre en évidence les pensées, les ruminations et les interprétations anxieuses du sujet. Elles vont dans ce cas souvent concerner l’état de santé et les problèmes posés par le mal être anxieux et n’ont pas forcément de lien avec des événements ou des peurs concrètes. Les symptômes peuvent être perçus selon un mode proche de la somatisation. C’est le cas de l’exemple de M. B. qui perçoit une simple gène dûe à un encombrement rhinopharyngé comme une sensation anxieuse désagréable. À côté de la sphère respiratoire, ce sont souvent les symptômes cardiaques (palpitations, douleurs thoraciques. . .) et neurovégétatifs (sueurs, vertiges, tremblements, bouffées de chaleur. . .) qui sont perçus et amplifiés comme dans une spirale qui peut aboutir à un paroxysme anxieux. C’est la raison pour laquelle le patient anxieux va chercher souvent une raison médicale à son problème ce qui le conduit à différentes demandes de soins qui n’aboutiront pas à un diagnostic. Le sujet évoque souvent le fait de ne pas comprendre ce qui lui arrive. Pour d’autres patients, un fond anxieux peut être mis en évidence mais qui globalement leur permet de vivre sans trop de perturbations. On recherchera une préoccupation excessive pour les événements à venir ou les dangers habituels de la vie pour soi-même ou ses proches (accident, maladie, disparition). Parfois le patient ressent une tension intérieure, une fébrilité, un sentiment diffus de malaise qu’il a du mal à définir précisément ; • Des comportements anxieux peuvent se voir et on recherchera particulièrement : ◦ une agitation, une impression de ne pas tenir en place, ◦ une irritabilité, une agressivité sont très fréquemment associées à l’anxiété. Le patient peut ressentir une ten- D. Servant sion intérieure, une agitation motrice qui peut parfois aller jusqu’à des crises de colère, ◦ une inhibition anxieuse est décrite depuis très longtemps comme un élément central de l’anxiété. Face à une situation de la vie, les plans d’action sont bloqués chez l’anxieux. Un évitement phobique est à rechercher, sachant que la phobie est une peur marquée et persistante d’objets ou de situations qui ne présentent pas de caractère potentiellement dangereux. Dans ce cas, elle n’est pas aussi systématisée que dans le trouble phobique comme dans le cas de M. B. qui se sent mal hors de chez lui dans le cadre de son travail, mais pas dans quasiment toutes les situations extérieures comme pour un patient agoraphobe. L’exposition au stimulus phobogène déclenche une réponse anxieuse dont l’intensité varie mais qui peut aller jusqu’au paroxysme anxieux. Le sujet va donc redouter la confrontation (anticipation anxieuse), ce qui peut conduire à un évitement. Il reconnaît le caractère excessif et irraisonné de sa peur. Les troubles du sommeil sont à considérer : l’insomnie est très fréquente dans l’anxiété mineure. Il s’agit classiquement d’une difficulté à s’endormir (insomnie d’endormissement) souvent due aux ruminations qui maintiennent éveillé. De même, l’hyper-vigilance, la tension intérieure sont sources d’un sommeil léger avec de multiples réveils. Les rêves et les cauchemars sont souvent rapportés par le patient anxieux comme une reviviscence des difficultés actuelles. Enfin il ne faut pas oublier la sphère émotionnelle, la colère, les peurs mais aussi la culpabilité et la tristesse doivent être repérées. La dimension émotionnelle est aujourd’hui considérée comme centrale dans l’anxiété. Même si le patient en a conscience, l’émotion échappe au raisonnement et au contrôle. La répétition des émotions anxieuses crée peu à peu un mode de réaction automatique dont le patient peut avoir plus ou moins conscience. Face à des situations parfois banales et pas seulement stressantes, le sujet ne peut les accepter et le refus s’exprime par une émotion négative. De nombreuses situations au travail sont susceptibles de générer des émotions négatives dans le sens où les contraintes et les changements sont de moins en moins acceptés. Cela n’est pas toujours exprimé mais peut être recherché avec le patient à partir de l’analyse de situations concrètes. Pour M. B. l’accent pourrait être mis sur les conditions actuelles de son travail et les nouvelles exigences qu’il doit accepter. Les crises, lorsqu’il est seul, pourraient être interprétées comme une forme de refus « émotionnel ». Enfin, on éliminera définitivement des troubles anxieux et dépressifs en posant des questions d’orientation simples. Ce sont surtout le trouble anxieux généralisé où la dimension d’intolérance à l’incertitude face aux événements à venir domine, le trouble de l’adaptation avec anxiété qui correspond à un tableau de réaction anxieuse où un événement datant de moins de trois mois est mis en évidence, le trouble panique marqué par des attaques de panique complètes avec au moins quatre symptômes récurrents entraînant la peur de refaire une crise sur une période continue d’au minimum quatre semaines qui peuvent poser des problèmes. Bien que dans tout état anxieux, on peut noter un découragement, une lassitude, un émoussement passager pour le plaisir, on éliminera un état dépressif franc où Anxiété mineure et paroxysmes anxieux domine une vision pessimiste du monde et de soi même associé à une perte de goût évoluant de façon durable. Les modalités de prise en charge L’anxiété mineure et les paroxysmes anxieux pourraient être facilement négligés une fois le diagnostic fait. Exclu du domaine médical par le généraliste, exclu de la psychiatrie par le psychiatre, ces états conduisent souvent à une errance pour le patient. On sait que l’anxiété dans son ensemble, du fait de sa fréquence et de son retentissement, est un problème non négligeable de santé. Ces formes mineures n’échappent pas à la règle, elles peuvent se compliquer et surtout elles peuvent être soulagées ce qui est un argument supplémentaire à l’utilité de leur prise en charge. Cependant ces états bien que moins graves que beaucoup de tableaux psychiatriques ne sont pas si simples à prendre en charge et plusieurs points méritent d’être abordés : La prise en charge implique souvent différents acteurs, médecins traitants, psychiatres, psychologues, voire d’autres professionnels de santé. La coopération entre ces différents intervenants est essentielle tout le long de la prise en charge. Le patient demande avant tout, à aller mieux, à être soulagé et que ses symptômes disparaissent. Il ne vient pas forcément dans une démarche psychologique de changement et c’est pour cela que pour beaucoup de patients, le passage au psychiatre ou au psychologue n’est pas évident. Le médecin généraliste va être confronté à des situations très différentes et il devra affiner la demande réelle du patient. Dans beaucoup de cas, il assurera le suivi seul. Certains patients ont la conviction que leurs symptômes sont d’origine organique et sont dans l’attente d’examens complémentaires. Inutile pour eux de trop évoquer d’emblée une origine psychologique qui ne sera pas entendue. En faisant le point, en reconnaissant la représentation organique du trouble, le patient va pouvoir progressivement accepter qu’il souffre d’un problème différent d’un problème somatique classique et que l’on est plus dans le registre fonctionnel et émotionnel. Certaines demandes vont être plus facilement démasquées, c’est le cas de patients soumis à des stress ou des contextes difficiles ou se reconnaissant dans un tempérament anxieux. Ils vont plus facilement accepter l’idée que les manifestations sont du registre anxieux et accepter une autre voie d’approche psychologique. Beaucoup de patients vont accepter facilement une approche orientée vers la gestion des symptômes anxieux et sont prêts à « collaborer » avec le médecin ; en revanche d’autres resteront dans une attitude passive et souhaiteront recevoir uniquement un soin ; ils seront moins enclins pour s’engager dans un travail « éducatif » de changement. L’information du patient L’information est pour l’anxiété autant du domaine du généraliste que du psychiatre. L’information concerne : • la nature du trouble anxieux, ses manifestations, sa fréquence, ses causes, les difficultés du diagnostic ; 429 • les différents traitements, incluant les psychothérapies, avec leurs avantages et leurs inconvénients ; • pour les médicaments : le délai d’action, la nécessité d’adapter la dose efficace sous contrôle médical, de respecter la régularité des prises, d’éviter l’escalade de doses, les effets indésirables, le risque de syndrome de sevrage en cas d’arrêt brutal, les signes de sevrage et les signes de rebond de l’anxiété éventuels ; • une bibliographie (ouvrages, documents) adaptée au trouble anxieux du patient ; • la sensibilisation du patient, de sa famille et de ses aidants sur l’existence d’associations de patients et de familles et sur l’intérêt de les contacter. Si nécessaire, l’entourage du patient doit également recevoir ces informations avec l’accord du patient et en sa présence. En psychiatrie, les premiers contacts, au cours desquels le patient demande avant tout un conseil, se multiplient en raison d’un accès de plus en plus spontané de la part des patients qui ont dépassé beaucoup de tabous. De plus, en raison d’une forte médiatisation actuellement de la « psy », le patient se présente parfois avec certaines idées préconçues. Il faut cependant parfois aider le patient à modifier certaines représentations et attributions fausses qu’il fait de son problème. L’échange en face à face est la forme la plus habituelle ; elle est celle qui favorise la meilleure relation thérapeutique. Mais souvent elle ne se fait pas en une seule séance et réclame un peu de temps. Self-help et bibliothérapie : une aide possible Baptisée par les Anglo-Saxons self-help cognitive behavioral therapy, cette approche propose des méthodes simples basées sur les TCC de gestion des symptômes et de changement des interprétations et des comportements anxieux qui sont réalisés en grande partie par le patient lui-même. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), la thérapie « self-help », ou gestion de l’anxiété par soi-même, met l’accent sur l’information du patient et les moyens de changer par lui-même. La plupart des programmes incluent un ouvrage pratique conçu comme des guides d’autothérapie (bibliothérapie). Les objectifs sont dirigés vers les symptômes : anxieux, somatiques, émotionnels, cognitifs et comportementaux. Ils proposent des exercices concrets à faire soi- même (relaxation, contrôle respiratoire, gestion émotionnelle, exposition, affirmation de soi. . .). Le contact avec le thérapeute reste indispensable. La formation initiale du patient et l’évaluation en cours de thérapie sont essentielles. L’approche de self-help thérapie a pour but de favoriser l’accès aux soins et de permettre, à partir de support écrit, de limiter les contacts, et au patient de suivre une TCC structurée. Elle semble bien indiquée en soin primaire, dans des cas d’intensité légère à moyenne et un nombre minimum de contact est nécessaire. Plusieurs études rapportent que des programmes associant un guide de thérapie à des contacts téléphoniques avec une infirmière ou une psychologue s’avèrent supérieurs à un suivi habituel du médecin généraliste. À partir de l’ouvrage Master your 430 anxiety and panic de David Barlow, il a été montré que les patients adhéraient bien à ce type de pratique, tiraient un bénéfice thérapeutique et globalement étaient satisfaits. Un ouvrage en français Soigner le stress et l’anxiété par soi-même est utilisé dans notre unité spécialisée dans des programmes structurés individuels et de groupe en cours de validation. Le développement récent des nouvelles technologies de l’informatique et de l’internet a permis de proposer des programmes de self-help plus sophistiqués que les ouvrages en proposant une certaine interactivité à partir de support audio, vidéo et de support écrit interactif mais qui ne sont encore disponibles en France. Sans se substituer au contact direct indispensable avec le soignant, la self-help thérapie peut permettre d’élargir l’offre de soins dans certains cas insuffisants et permettre au patient d’agir plus facilement par lui-même. La gestion des paroxysmes anxieux Une des premières demandes du patient est souvent centrée sur les paroxysmes anxieux et sur la façon de les traiter. Cette demande peut être motivée dans le cadre de l’urgence où l’on est amené à rencontrer le patient au cours d’une consultation où le patient va demander comment faire, si une crise survient. Dans un premier temps, il importe d’être rassurant et de l’informer sur la nature anxieuse des crises, mais beaucoup de patients demandent un soulagement rapide et gardent un doute quant à l’origine médicale du phénomène. Le patient attribue très souvent ses crises à un problème médical et est demandeur d’examens complémentaires et de traitements. Ce n’est qu’après un temps d’information qu’il pourra accepter une attribution « psychologique » à son problème et modifier la perception de son trouble et la façon de le prendre en charge. Il apparaît, tant au niveau de l’urgence que du soin primaire ou spécialisé, que si ce temps d’information manque, le patient est conforté dans l’organicité de son trouble ce qui le conduit à réitérer les demandes de soins et en fait, à ne pas traiter correctement son problème. Il importe souvent de prendre en compte la dimension physiologique et fonctionnelle du paroxysme anxieux et de l’inscrire dans un dérèglement émotionnel bien réel dont l’origine est multifactorielle. Le modèle de l’anxiété proposé peut être celui d’une « alarme émotionnelle hypersensible ». Les raisons de ce dysfonctionnement ne sont pas évidentes dans bon nombre de cas. On proposera dans ce temps initial et limité de se centrer sur la façon de mieux contrôler cette alarme plutôt que de rechercher les causes organiques ou psychologiques. Ce temps de reconnaissance et d’information est indispensable et peut en partie donner au patient le sentiment d’avoir été compris, ne pas être seul avec son problème et de se voir proposer des moyens concrets pour y faire face. Parmi les moyens à mettre en place, les techniques de contrôle respiratoire et de relaxation rapide peuvent vraiment offrir au patient un moyen simple de faire face au paroxysme anxieux. Des protocoles sont aujourd’hui disponibles pour les thérapeutes et pour les patients. D. Servant Schématiquement, le contrôle respiratoire va consister à apprendre à éviter l’hyperventilation. Pour cela le sujet doit s’entraîner en dehors des crises pour pouvoir mettre en application dans un second temps en situation anxieuse. C’est un fait important auquel le patient doit adhérer : il doit apprendre la technique et c’est seulement une fois acquise qu’il pourra faire face. Quelques conseils peuvent lui être utiles d’emblée comme l’inutilité de s’agiter, le fait que la crise finit par passer d’elle-même. Une approche cognitive autour des conséquences des symptômes et de l’utilité de s’exposer aux symptômes et de ne pas essayer de chercher à lutter contre eux, peut être utile pour désactiver la spirale bien que moins facilement réalisable que dans le cadre de trouble panique constitué. Les autres techniques de relaxation (voir plus loin) peuvent également l’aider à faire face instantanément à la crise. L’apprentissage des consignes lors d’une consultation prend quelques minutes sauf si le patient est en crise. Il doit accepter de s’entraîner par lui-même. Si ces principes d’informations et de contrôle respiratoire s’avèrent insuffisants, et si le patient est en demande de soulagement rapide, le traitement médicamenteux peut s’avérer utile. Les benzodiazépines sont indiquées lorsque le contrôle rapide de l’anxiété est nécessaire, car elles ont un effet anxiolytique significatif et rapide. Elles peuvent être utilisées au coup par coup en cas de crise en utilisant la voie per os ou sub linguale ou parfois pendant une période courte si les paroxysmes anxieux sont fréquents (pluriquotidien). Gestion de l’anxiété par la relaxation La relaxation peut être proposée comme une alternative aux traitements médicamenteux et apporter une réponse favorable et durable dans le temps. En revanche, elle nécessite une implication de la part du patient bien supérieure à celle de la simple observance au traitement. Il existe de nombreuses techniques et seuls la relaxation musculaire progressive, la méditation de pleine conscience, le yoga et l’hypnose ont été étudiés dans l’anxiété. Cependant de nombreux problèmes méthodologiques existent. Les méta-analyses concluent à l’intérêt évident de la relaxation dans l’anxiété mais la nécessité de savoir de quoi on parle et d’études mieux validées notamment qui incluent des populations homogènes de patients. Une nouvelle approche de la relaxation, qui propose un apprentissage plus rapide, l’implication active du patient et l’application concrète des techniques face à des symptômes anxieux, pourrait être intéressante dans la prise en charge de l’anxiété mineure et des paroxysmes anxieux. L’apprentissage se fait à partir de quatre techniques de base : le contrôle respiratoire, la détente musculaire, la méditation de pleine conscience et la visualisation. Les exercices sont courts et facilement reproductibles par le patient seul qui peut s’aider de support de self-help sous forme d’ouvrages ou de documents audio pour s’entraîner aux exercices. À partir de ces quatre techniques de base, le patient va apprendre à induire assez rapidement une réponse de Anxiété mineure et paroxysmes anxieux relaxation et ainsi permettre de réguler son état émotionnel. L’apprentissage du cycle dure huit à 12 semaines. La relaxation va permettre au patient de réduire la symptomatologie physique et la tension musculaire de l’anxiété mineure sans avoir recours à des traitements médicamenteux et de faire face aux paroxysmes anxieux grâce à des techniques flash. Le contrôle respiratoire évite l’hyperventilation en maintenant une fréquence respiratoire lente, abdominale et favorisant le temps expiratoire pour ainsi stimuler naturellement le tonus vagal. Cette simple technique, si elle est pratiquée régulièrement, permet de réduire l’hyperactivité sympathique et de maintenir la balance sympathovagale à un bon équilibre. L’obtention d’une détente musculaire peut être obtenue à partir d’exercice de contraction-décontraction musculaire dans un premier temps et ensuite une fois l’exercice mémorisé par une autosuggestion d’une sensation de détente et de calme. La méditation de pleine conscience n’a rien à voir et ne doit pas être confondue avec la médiation concentrative (type méditation transcendantale). Il s’agit de se concentrer pleinement dans le moment présent et sur l’action. Des exercices de concentration sur la respiration, sur le balayage corporel, sont très accessibles et vont permettre ainsi de déclencher rapidement une réponse de relaxation. Ensuite le patient pourra se concentrer sur des actions de la vie de tous les jours (manger, se laver, marcher . . .). Enfin la visualisation d’image apaisante comme l’espace de sécurité permet aussi d’induire rapidement un état de relaxation et de permettre de faire face à des situations de stress. Certains exercices peuvent mieux convenir à certains sujets et à certains symptômes anxieux. Cette diversité d’exercices permet à beaucoup de patients et, particulièrement ceux qui ont du mal à lâcher prise, d’apprendre concrètement les exercices de relaxation ce qui n’est pas forcément possible dans les méthodes plus anciennes (Training autogène de Schultz, Relaxation musculaire de Jacobson. . .). De plus, le patient doit s’approprier la technique qui n’est pas seulement un moyen de détente mais une technique de gestion de l’émotion anxieuse. Au total, les techniques de relaxation et de méditation permettront : • d’obtenir une réponse de relaxation en un temps court (gestion des paroxysmes anxieux par la relaxation flash et des symptômes mineurs) ; • de se décentrer des pensées parasites et de se recentrer sur le moment présent par la méditation ; • de s’exposer par visualisation à des situations anxiogènes et phobogènes ; • d’accepter mieux des situations afin de prévenir les réactions émotionnelles. À quel moment prescrire un psychotrope et lequel ? Dans les formes évoluant de façon durable et résistante aux mesures informatives et psychoéducatives que nous venons 431 d’aborder, se pose la question de la prescription médicamenteuse. Quelle molécule choisir ? En se référant à l’AMM, les anxiolytiques sont les psychotropes les plus indiqués dans l’anxiété mineure car les antidépresseurs sont indiqués dans certains troubles anxieux diagnostiqués selon les critères du DSMIV (TOC, trouble panique, anxiété généralisée, syndrome de stress post-traumatique). Les benzodiazépines offrent le plus large choix de molécules. La prescription d’anxiolytique doit être encadrée des précautions d’usage et il est nécessaire d’impliquer le patient dans une utilisation courte soit au coup par coup, soit sur quelques jours ou quelques semaines si l’anxiété même d’intensité mineure est mal supportée par le patient. Elles exposent alors à un risque de rebond de l’anxiété à l’arrêt, risque qui est diminué par le sevrage progressif. Outre la dépendance physique et psychique, les autres effets indésirables sont notamment une amnésie antérograde, une baisse de la vigilance, une confusion, des chutes chez le sujet âgé. D’autres molécules à effet anxiolytique sont utilisables : comme certains antihistaminiques et la buspirone. Pendant combien de temps ? La durée de traitement maximale préconisée pour les anxiolytiques est de 12 semaines, sevrage progressif inclus. Cependant dans de nombreux cas, soit la durée est prolongée, soit le patient une fois l’arrêt est amené à reprendre le traitement en raison d’une recrudescence des symptômes. Tout traitement prolongé supérieur à trois mois doit conduire à réévaluer l’anxiété et proposer systématiquement d’autres moyens non médicamenteux que nous avons abordés. Aborder le terrain ou l’environnement ? L’auto entretien d’une symptomatologie mineure peut être en partie liée à deux facteurs très importants : la personnalité du sujet et les stress environnants. Beaucoup de patients présentant ce type de symptomatologie mineure avec des paroxysmes anxieux répondent à certains traits anxieux qui évoluent depuis de nombreuses années, proches d’un style de vie ou d’une perception du monde qui rappelle la notion de personnalité anxieuse. Parmi les traits les plus souvent reconnus, on note la dépendance, l’hyperémotivité, le perfectionnisme, l’hyper-contrôle, la timidité. Ces traits marquent une personnalité anxieuse qui ne correspond pas forcément aux troubles de la personnalité tels qu’ils sont décrits dans le DSMIV dans le Cluster C mais crée un terrain vulnérable évident. Dans le DSM, l’axe II correspond aux troubles de la personnalité et propose donc une approche catégorielle. Selon le DSM-IV-TR, les traits de personnalité désignent des modalités durables d’entrer en relation avec, de percevoir et de penser son environnement et soi-même, qui se manifestent dans un large éventail de situations sociales et professionnelles. Les traits de personnalité ne constituent des troubles que lorsqu’ils sont rigides et inadaptés et qu’ils causent une souffrance subjective et/ou une altération significative du fonctionnement. 432 Les personnalités évitantes, dépendantes et obsessionnelles identifient des personnes anxieuses et craintives : • la personnalité évitante est caractérisée par une inhibition sociale, par des sentiments de ne pas être à la hauteur et une hypersensibilité au jugement négatif d’autrui ; • la personnalité dépendante est caractérisée par un comportement soumis et « collant » lié à un besoin excessif d’être pris en charge ; • la personnalité obsessionnelle-compulsive est caractérisée par une préoccupation par l’ordre, la perfection et le contrôle. Si on peut retrouver chez ces patients d’authentiques troubles de la personnalité, ce sont le plus souvent des traits différents qui sont associés conférant un style de vie de type anxieux dont le patient peut avoir plus ou moins conscience mais qu’il ne peut modifier rapidement par le simple raisonnement ou la volonté. Le stress est souvent mis en évidence dans le déclenchement et le maintien de ces formes d’anxiété mineure. Le stress définit souvent plus des pressions liées au contexte (le travail par exemple) mais dont les conséquences anxieuses sont liées aussi à la perception du sujet. On sait que la façon de faire face (coping des Anglo-Saxons) est plus importante que l’événement en lui-même. Certains modes de coping vont s’avérer moins adaptés à la situation que d’autres. Les techniques de gestion du stress par la TCC et particulièrement de restructuration cognitive et de résolution de problème peuvent être une aide pour trouver une meilleure adaptation à la situation stressante. Quelles psychothérapies ? Pour quels patients ? Il faut le dire d’emblée toutes les formes d’anxiétés mineures et de paroxysmes anxieux dont nous parlons ne requièrent pas une prise en charge psychothérapeutique structurée. Les distinctions entre les différentes modalités de prise en charge psychologiques ont été précisées. Dans le cadre du traitement psychothérapique, il convient de distinguer ce qui est de l’ordre de l’information et du soutien psychologique et ce qui est de l’ordre des psychothérapies structurées. Une psychothérapie non structurée d’accompagnement, un soutien psychologique, une écoute attentive et des conseils à court terme sont systématiques dans ces cas. En revanche l’orientation pour une psychothérapie structurée doit être discutée. Elles ont des objectifs différents qui doivent être communiqués au patient et selon les circonstances à l’entourage avec l’accord du patient : • certaines sont orientées vers la gestion des problèmes actuels et le futur : TCC qui constituent une option thérapeutique dans les troubles anxieux ; • d’autres sont centrées sur l’individu et ses conflits psychiques (psychothérapie d’inspiration analytique, psychanalyse, etc.). Les psychothérapies structurées doivent être menées par des professionnels spécialement formés et entraînés. Elles D. Servant sont parfois difficilement réalisables en raison du manque de thérapeutes formés (commune éloignée d’un grand centre, disparité géographique, non-remboursement des actes des psychologues) ou de la réticence des patients. On constate qu’une majorité de patients demandent bien souvent un soulagement des symptômes, un soutien, une écoute et une guidance de la part d’un professionnel. Les TCC apportent certainement la réponse la mieux adaptée au plus grand nombre de patients anxieux et peuvent aider le psychiatre mais aussi le médecin généraliste dans sa prise en charge. La pratique des TCC est bien codifiée, la formation accessible partout en France, chaque psychiatre et chaque médecin généraliste peut dans sa pratique en utiliser les principes soit dans le cadre d’un conseil, d’un accompagnement psychologique ou d’une psychothérapie structurée. La durée de la thérapie est généralement limitée dans le temps, trois à six mois environ parfois plus et elle nécessite une bonne adhésion de la part du patient. Des modules structurés de TCC sont aujourd’hui validés et sont disponibles en français (voir in D Servant 2007). Ces modules sont protocolés, des informations destinées aux patients leur permettent de comprendre la thérapie mais aussi de pratiquer des exercices concrets. En effet un des objectifs de la TCC consiste à s’exposer et pratiquer des taches assignées en dehors des séances. La durée du module s’étend de 12 à 20 séances hebdomadaires avec des séances d’environ 45 minutes. Une formation est nécessaire chez des thérapeutes possédant un pré- requis de clinique et de psychologie. Ces thérapies sont généralement pratiquées en individuel mais plusieurs études montrent une efficacité lors de thérapies de groupe qui ont l’intérêt de créer une dynamique et ainsi favoriser la réalisation des exercices entre les patients. La grande difficulté pour les patients réside encore aujourd’hui dans l’accessibilité aux TCC malgré un nombre de plus en plus important de thérapeutes formés par les universités et les instituts privés. En conclusion ce que l’on peut retenir Les formes d’anxiété mineures et des paroxysmes anxieux sont très fréquents. Ils évoluent le plus souvent de façon chronique avec des phases actives et de rémission. Le coût humain et médico-social bien que difficile à évaluer est très important. Le patient anxieux sollicite très souvent le médecin généraliste qui est en difficulté à la fois pour faire le diagnostic et pour proposer un traitement adapté. Les principales raisons invoquées sont que l’anxiété se présente souvent par un tableau somatique, que beaucoup de patients sont réticents à une prise en charge psychologique, et enfin que les généralistes sont insuffisamment formés à la reconnaissance et à la prise en charge de l’anxiété. Les deux traitements efficaces validés sont les médicaments et les psychothérapies. Les recommandations actuelles vont dans le sens d’un meilleur usage des psychotropes et du développement de l’information et de l’accompagnement psychologique, de la relaxation et des TCC. Les patients acceptent généralement bien les traitements psychologiques ; cependant l’accès est difficile à une prise en charge psychothérapeutique spécialisée de l’anxiété qui n’est pas toujours indiquée dans ces formes modérées. Les TCC ont fait preuve de leur efficacité à la fois sur le court terme Anxiété mineure et paroxysmes anxieux et le long terme. Le développement récent de programmes pouvant être déclinés à différents niveaux de l’information, de l’accompagnement et de la psychothérapie structurée peut être utile tant pour les médecins généralistes que les psychiatres ou les psychologues. L’ampleur du problème de l’anxiété et son caractère chronique doit nous amener à repenser à l’organisation du soin et à proposer des alternatives à une prise en charge psychiatrique classique « en face à face » impossible à proposer à tous les patients. Pour en savoir plus Association américaine de psychiatrie —– DSM-IV-TR Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th edn, Text Revision, 2000. American Psychiatric Press, Washington. Traduction française : Guelfi J.D. Manuel diagnostique et statistique des Troubles Mentaux 4e édition, Texte révisé. Paris, Masson, 2003. 433 Barlow DH, Craske MG. Mastery of your anxiety and panic: MAP-3. New York: Graywind Publications, 2000. Conrad A, Roth WT. Muscle relaxation therapy for anxiety disorders : It works but How ? J Anxiety Disord 2007 ;21(3):243-64. DuPont, R. L., Rice, D. P.,Miller, L. S., Shiraki, S. S., Rowland, C. R., & Harwood, H. J. (1996). Economic costs of anxiety disorders. Anxiety, 2, 167—72. Haute autorité de santé. Affection de longue durée. Trouble anxieux grave. 2007. Ost, L-G. Applied relaxation: description of a coping technique and review of controlled studies. Behaviour Research and Therapy 1987, 25, 397—40. Pelissolo A. 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