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d’éléments utiles pour la prise en charge du patient. On
retiendra principalement les antécédents, la date de début
du trouble, son évolution souvent en dents de scie, les
événements de vie et les stress récents, l’existence d’un
terrain anxieux, les comorbidités psychiatriques (principa-
lement les éléments anxieux et dépressifs) et somatiques
au cours de la vie, les traitements antérieurs (médicamen-
teux et psychothérapiques), le retentissement du trouble
anxieux et les conséquences sur la vie familiale, sociale
et professionnelle, la consommation de psychotropes et
l’altération de la qualité de vie. Certains éléments du mode
de vie comme l’activité physique, la consommation de
substances psychoactives, les rythmes de vie, le sommeil
et les autres grandes fonctions (alimentation, sexualité...)
seront évaluées.
L’analyse sémiologique reprendra les éléments
concernant les différentes dimensions de l’anxiété :
•la sphère somatique où dominent souvent des signes car-
diorespiratoires mais tous les appareils (digestif, neuro
sensoriel, cutané, génito urinaire) sont concernés. Les
douleurs musculaires, les contractures et la fatigue sont
souvent rapportées par les patients. Un certain nombre
d’examens somatiques peuvent être nécessaires (ECG,
biologie...) pour éliminer un problème organique mais
il faut garder à l’esprit que le diagnostic d’anxiété ne
requiert aucun examen complémentaire et se fait unique-
ment sur l’entretien et l’analyse rigoureuse du contexte ;
•La sphère psychologique ou cognitive et on cherchera à
mettre en évidence les pensées, les ruminations et les
interprétations anxieuses du sujet. Elles vont dans ce
cas souvent concerner l’état de santé et les problèmes
posés par le mal être anxieux et n’ont pas forcément de
lien avec des événements ou des peurs concrètes. Les
symptômes peuvent être perc¸us selon un mode proche
de la somatisation. C’est le cas de l’exemple de M. B. qui
perc¸oit une simple gène dûe à un encombrement rhino-
pharyngé comme une sensation anxieuse désagréable. À
côté de la sphère respiratoire, ce sont souvent les symp-
tômes cardiaques (palpitations, douleurs thoraciques...)
et neurovégétatifs (sueurs, vertiges, tremblements, bouf-
fées de chaleur...) qui sont perc¸us et amplifiés comme
dans une spirale qui peut aboutir à un paroxysme anxieux.
C’est la raison pour laquelle le patient anxieux va cher-
cher souvent une raison médicale à son problème ce qui le
conduit à différentes demandes de soins qui n’aboutiront
pas à un diagnostic. Le sujet évoque souvent le fait de ne
pas comprendre ce qui lui arrive. Pour d’autres patients,
un fond anxieux peut être mis en évidence mais qui globa-
lement leur permet de vivre sans trop de perturbations.
On recherchera une préoccupation excessive pour les évé-
nements à venir ou les dangers habituels de la vie pour
soi-même ou ses proches (accident, maladie, disparition).
Parfois le patient ressent une tension intérieure, une
fébrilité, un sentiment diffus de malaise qu’il a du mal
à définir précisément ;
•Des comportements anxieux peuvent se voir et on recher-
chera particulièrement :
◦une agitation, une impression de ne pas tenir en place,
◦une irritabilité, une agressivité sont très fréquemment
associées à l’anxiété. Le patient peut ressentir une ten-
sion intérieure, une agitation motrice qui peut parfois
aller jusqu’à des crises de colère,
◦une inhibition anxieuse est décrite depuis très long-
temps comme un élément central de l’anxiété. Face à
une situation de la vie, les plans d’action sont bloqués
chez l’anxieux.
Un évitement phobique est à rechercher, sachant que la
phobie est une peur marquée et persistante d’objets ou de
situations qui ne présentent pas de caractère potentielle-
ment dangereux. Dans ce cas, elle n’est pas aussi systéma-
tisée que dans le trouble phobique comme dans le cas de
M. B. qui se sent mal hors de chez lui dans le cadre de son
travail, mais pas dans quasiment toutes les situations exté-
rieures comme pour un patient agoraphobe. L’exposition au
stimulus phobogène déclenche une réponse anxieuse dont
l’intensité varie mais qui peut aller jusqu’au paroxysme
anxieux. Le sujet va donc redouter la confrontation (anti-
cipation anxieuse), ce qui peut conduire à un évitement. Il
reconnaît le caractère excessif et irraisonné de sa peur.
Les troubles du sommeil sont à considérer : l’insomnie
est très fréquente dans l’anxiété mineure. Il s’agit
classiquement d’une difficulté à s’endormir (insomnie
d’endormissement) souvent due aux ruminations qui main-
tiennent éveillé. De même, l’hyper-vigilance, la tension
intérieure sont sources d’un sommeil léger avec de mul-
tiples réveils. Les rêves et les cauchemars sont souvent
rapportés par le patient anxieux comme une reviviscence
des difficultés actuelles.
Enfin il ne faut pas oublier la sphère émotionnelle, la
colère, les peurs mais aussi la culpabilité et la tristesse
doivent être repérées. La dimension émotionnelle est
aujourd’hui considérée comme centrale dans l’anxiété.
Même si le patient en a conscience, l’émotion échappe au
raisonnement et au contrôle. La répétition des émotions
anxieuses crée peu à peu un mode de réaction automatique
dont le patient peut avoir plus ou moins conscience. Face à
des situations parfois banales et pas seulement stressantes,
le sujet ne peut les accepter et le refus s’exprime par une
émotion négative. De nombreuses situations au travail sont
susceptibles de générer des émotions négatives dans le sens
où les contraintes et les changements sont de moins en
moins acceptés. Cela n’est pas toujours exprimé mais peut
être recherché avec le patient à partir de l’analyse de situa-
tions concrètes. Pour M. B. l’accent pourrait être mis sur les
conditions actuelles de son travail et les nouvelles exigences
qu’il doit accepter. Les crises, lorsqu’il est seul, pourraient
être interprétées comme une forme de refus «émotionnel ».
Enfin, on éliminera définitivement des troubles anxieux
et dépressifs en posant des questions d’orientation simples.
Ce sont surtout le trouble anxieux généralisé où la dimension
d’intolérance à l’incertitude face aux événements à venir
domine, le trouble de l’adaptation avec anxiété qui corres-
pond à un tableau de réaction anxieuse où un événement
datant de moins de trois mois est mis en évidence, le trouble
panique marqué par des attaques de panique complètes
avec au moins quatre symptômes récurrents entraînant la
peur de refaire une crise sur une période continue d’au
minimum quatre semaines qui peuvent poser des problèmes.
Bien que dans tout état anxieux, on peut noter un
découragement, une lassitude, un émoussement passager
pour le plaisir, on éliminera un état dépressif franc où