HISTORIQUE
Par sa récurrence, le débat sur
les concepts de fatigue, de dé-
prime et de dépression a été
comparé à la figure journalis-
tique du marronnier.
Le terme de dépression est re-
lativement récent : il tient son
origine de celui de la neurasthé-
nie apparue à la fin du
XIXesiècle, Pierre Jannet intro-
duisant peu après le concept de
psychasthénie. Ainsi, on voit
bien qu’asthénie, neurasthénie,
psychasthénie, « fatigue de
nerfs » et dépression ont tou-
jours été très liés. Ils sont dans
un même spectre, la même fa-
mille élargie tout en restant des
concepts différents.
Certaines classifications ne
semblent plus pertinentes de
nos jours telle la distinction
entre asthénie physique et psy-
chique.
APPROCHE CLINIQUE
Deux dimensions sont particu-
lièrement importantes à consi-
dérer lors d’une consultation en
médecine générale pour asthé-
nie : le rythme nycthéméral et
la rupture avec le fonctionne-
ment antérieur. Le fait que l’as-
thénie soit matinale, s’amélio-
rant dans la journée avec un
mieux en fin d’après midi est
un signe robuste d’orientation
vers une fatigue dépressive.
Il en est de même pour une as-
thénie qui altère significative-
ment le fonctionnement du su-
jet. Il est pertinent de se référer
aux habitudes de vie propres à
chaque sujet pour cerner l’im-
portance du retentissement
fonctionnel. Là on rejoint les
critères diagnostiques de dé-
pression selon le DSM-IV qui
soulignent la nécessité d’une
rupture significative avec le
fonctionnement antérieur de-
puis une durée suffisamment
importante, d’au moins quinze
jours.
Le recueil des éléments sémio-
logiques d’une asthénie en fa-
veur d’une dépression nécessite
des entretiens prolongés et mul-
tiples. Ces entretiens visent à ai-
der le sujet à passer du registre
d’une pathologie somatique à la
conscience d’une maladie psy-
chiatrique. Ils permettent, ainsi
que la négativité des examens
complémentaires, de rassurer le
patient fatigué souvent en gran-
de souffrance. Un bilan sanguin
minimal qui élimine une anémie
ou une anomalie thyroïdienne
est recommandé.
Enfin il est important de rappe-
ler que toutes les dépressions
ne sont pas ralenties et asthé-
niques puisque chez l’adoles-
cent on rencontre le plus sou-
vent des dépressions agitées et
hostiles. Certaines dépressions
masculines ne sont pas asthé-
niques et chez le sujet âgé les
dépressions sont volontiers agi-
tées et anxieuses.
ANNONCE DU DIAGNOSTIC
L’annonce du diagnostic
semble difficile pour la majori-
té des praticiens. Ils préfèrent
parler d’asthénie réactionnelle
ou de déprime : parler de ma-
ladie dépressive reste difficile
et fait craindre l’arrêt du suivi
des patients. La négativité des
examens biologiques pourrait
faciliter l’annonce du diagnos-
tic. De même, on peut faire
appel à des références biolo-
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêt.
Dépressions et âges de la vie
3 rue Urban V, 34000 Montpellier
Fatigue, déprime, dépression :
concepts et réalités
B. Rimlinger
B. Rimlinger L’Encéphale (2008) Hors-série 2, 33-34
S 34
Dépressions et âges de la vie
giques notamment le manque
de neurotransmetteurs tels
que la sérotonine ou la nora-
drénaline au niveau cérébral
qui a été montré par imagerie
cérébrale chez les patients dé-
primés. Par similitude avec le
diabète l’antidépresseur corri-
ge la déplétion en neurotrans-
metteurs comme l’insuline le
fait chez les diabétiques insuli-
nodépendants.
Un moyen peut être d’insister
sur les aspects psychologiques
consécutifs à d’éventuels élé-
ments déclencheurs. Tous les
participants à cet atelier ont
convenu que les sujets sont de
plus en plus fatigués dans une
société difficile où il faut tou-
jours être fonctionnel face à
beaucoup de sollicitations dans
le travail, de charges dans la vie
personnelle (travail, maison,
enfants…). On voit de plus en
plus de patients qui consultent
pour une plainte de fatigue tout
à fait normale quand on consi-
dère le mode de vie ; d’où l’in-
térêt de se poser la question
sur cet aspect pour réfléchir
aux moyens de diminuer les
causes de fatigue en sachant
qu’elle peut faire le lit de la dé-
pression : il est important
d’aménager la situation avant
qu’elle empire.
Enfin, des plaquettes ou des
outils d’information pour le pa-
tient et sa famille sont dispo-
nibles sur le site Internet de
l’Institut National pour la Pré-
vention et l’Éducation à la San-
té (INPES) : www.INPES.san-
té.fr.
TRAITEMENT
Il a été retenu que la dépression
est une maladie chronique. En
effet dans 25 % des cas un épi-
sode dépressif caractérisé est
isolé, dans 50 % des cas il se
complique de récurrences et
dans 25 % des cas il devient
chronique.
Il est important de signaler que
l’asthénie peut être en amont
de la dépression et par consé-
quent signer une rechute, elle
est aussi un signe pendant la
dépression et parfois un symp-
tôme résiduel après la rémis-
sion du syndrome dépressif.
Dans ce dernier cas, elle peut
être à tort imputée au traite-
ment et être la cause d’arrêt
d’où l’intérêt d’en informer le
patient et son entourage.
RÉMUNÉRATION
La « fatigue » du médecin, face
aux entretiens longs et spéci-
fiques indispensables en cas de
consultation pour asthénie,
peut être gratifiée matérielle-
ment. Il est rémunéré 69 euros
s’il fait passer deux échelles
pour la cotation de la dépres-
sion telle que la MADRS ou la
HDS et s’il cote ALQPQ003.
CONCLUSION
Les concepts de fatigue, dépri-
me et dépression ont toujours
été très liés bien que différents
d’où la récurrence des débats au
fil du temps. La fatigue peut aus-
si bien constituer le lit de la dé-
pression qu’être un symptôme
dépressif. L’évolution nycthémé-
rale de l’asthénie ainsi que la
rupture marquée avec le fonc-
tionnement antérieur du sujet
constituent deux indices majeurs
qui orientent vers un diagnostic
de pathologie dépressive. Enfin
l’annonce du diagnostic semble
encore difficile pour les prati-
ciens non-psychiatres d’où l’im-
portance de la formation et de
l’information.
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