Perspectives économiques dans le système public de soins L. Reyes

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L’Encéphale (2007) Supplément 5, S164-S166
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p
Perspectives économiques dans le système public
de soins
L. Reyes
Hôpital Sainte-Anne, 7 rue Cabanis, 75014 Paris
Les perspectives économiques dans le système public de
soins reposent en 2007 principalement sur le renforcement
de l’analyse médico-économique, dans une perspective
d’utilisation qui vise à ré-allouer des moyens dans le cadre
d’une enveloppe fermée.
Il existe de très fortes disparités dans les moyens et les
besoins, qu’il s’agisse de l’offre de soin ou de la demande,
et il faut donc reventiler certains moyens.
Le mode d’allocation des moyens en santé a profondément évolué au cours des dernières décennies. À partir de
1947 et durant une cinquantaine d’années, la logique était
celle de la planification. Cette planification a souligné
l’échec des pouvoirs publics à reventiler les moyens, pour
des raisons syndicales, politiques, ou techniques.
C’est pour tenter de résoudre cette incapacité qu’a été
mise en place la tarification à l’activité, dans un pseudomarché censé favoriser naturellement les meilleurs.
Données de base
En même temps que les troubles psychiatriques sont apparus comme un problème de santé publique, ils ont émergé
comme problème économique pour les pouvoirs publics. Ils
représentent la première cause d’invalidité et la seconde
cause d’arrêts de travail (CNAM – 2004), 10 % des dépenses
de santé, 20 % des lits d’hospitalisation, 75 % des lits en
hôpital de jour, 25 % des consultations de médecine générale. Ils constituent donc une part importante des dépenses
de santé, qui sont par habitant en France de 3 038 € en
2005, soit 11 % du PIB, l’un des taux les plus élevés des pays
occidentaux.
La dotation globale est, pour le monde de la santé, un
modèle historique, mais il est aussi celui dans lequel continue de fonctionner la psychiatrie.
La Dotation Globale (ou Budget Global) est une dotation
annuelle de financement. Ce système a été mis en place en
1985, pour rompre avec la logique inflationniste du financement à l’activité. Elle représente un mode de financement
peu corrélé au service fourni.
Bien que ce n’ait pas été à l’origine son objectif, ce
mécanisme a donné une impulsion forte à la sectorisation,
en réalisant une unification du financement : en effet, il a
entraîné un développement important de l’ambulatoire.
Toutefois, les deux inconvénients majeurs de ce mode de
financement ont été d’une part la création de « rentes de
situation », fondées sur des budgets historiques, et d’autre
part son caractère peu incitatif à l’innovation et à l’activité.
Dans les années 1990 se met donc en place, pour remédier à ces inconvénients, l’élaboration du PMSI en psychiatrie.
L’échec du PMSI en psychiatrie
Le PMSI a été expérimenté très rapidement en psychiatrie,
juste après son développement dans les spécialités médicales, chirurgicales, et obstétricales (MCO). On y retrouve
d’ailleurs l’influence des groupes homogènes de séjours
(GHS) du MCO.
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
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Deux expérimentations successives ont été menées.
Jusqu’en 2002, sont mis en place les premiers tests de
recueil et de modalités de classification des patients, les
Groupes Homogènes de Journées (GHJ), fondés sur les
caractéristiques médicales et sociales. Dès 1990, ont eu
lieu des travaux pour une médicalisation des systèmes d’information en psychiatrie, par un groupe de 13 DIM pilotes.
À partir de 2002, les pouvoirs publics cherchent à étendre cette expérimentation à grande échelle, dans 4 régions
(Aquitaine, Rhône-Alpes, Lorraine, Réunion), avec 180 établissements volontaires.
L’objectif de cette expérimentation plus vaste était triple : tester le pouvoir explicatif de chaque variable du
recueil d’information sur la formation des coûts ; vérifier
l’homogénéité des coûts à l’intérieur de chaque GHJ ; et
tester le pouvoir explicatif de la classification sur la
variance des coûts.
Le constat en 2005 est négatif, avec un rapport de
l’Agence Technique de l’information hospitalière (ATIH) qui
conclut : « une classification médico-économique fondée
sur les caractéristiques médicales et sociales du patient
n’est pas viable », enterrant ainsi cette approche économique du financement de la psychiatrie.
En hospitalisation à temps complet, la part de la
variance expliquée (PVE) des GHJ atteint seulement 6 %, et
elle est de 17 % pour l’hospitalisation à temps partiel.
Le rapport de l’ATIH conclut également que les caractéristiques médicales et la notion de diagnostic ne sont pas
prédicteurs de la charge de soins, ou en tout cas le sont
moins que des variables sociales.
La réforme Hôpital 2007
Pendant que se dessine l’échec du PMSI en psychiatrie, est
mise en place en hôpital général une réforme globale qui
concerne la gouvernance (Conseil Exécutif/Pôles/
Délégation/Contractualisation interne), la planification
(Contrats d’objectifs et de moyens, troisième génération
de Schémas Régionaux d’Organisation de Santé), le financement avec la T2A, l’investissement, et enfin un bouleversement des règles de comptabilité (EPRD), plus proches
désormais de celles d’une entreprise privée.
Le modèle de la T2A ou tarification à l’activité procède
à un éclatement du financement à travers la création de 5
enveloppes (diapositive). Ce modèle se met en place de
façon progressive. Il réalise une régulation prix-volumes,
dans le cadre d’enveloppes fermées, et conduit donc à une
diminution progressive de la rémunération de chaque GHS,
au fur et à mesure que l’activité globale augmente.
La VAP et le RIM-Psychiatrie
La VAP (valorisation de l’activité en psychiatrie) découle de
la recherche d’un modèle pluraliste de financement. Une
large consultation est mise en place (conférence de présidents de CME de CHS, Fédération Hospitalière de France,
Association des Directeurs d’Établissement de Santé
Mentale, UNAFAM, Fnap-Psy, FEHAP, UNIOPSS, FHP, etc.).
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Le modèle proposé est un modèle à 4 compartiments.
Le premier est un compartiment géo-populationnel, intégrant des facteurs géographiques, des facteurs épidémiologiques, des facteurs socio-démographiques (précarité,
densité médicale…).
Ce compartiment géo populationnel semble le plus à
même de garantir une équité dans l’allocation des moyens,
et il est le plus facile à construire, puisqu’il est fondé sur
des données statistiques générales solides.
Le deuxième compartiment est un compartiment de missions d’intérêt général, tenant compte des missions d’intérêt général telles qu’elles ont été définies pour les spécialités
MCO, et intégrant des missions spécifiques à la psychiatrie.
Les missions d’intérêt général associent des missions d’enseignement, de recherche, d’innovation, et de recours.
Le troisième compartiment est celui de la tarification à
l’activité proprement dite, prenant en compte les activités
identifiées par le RIM-Psychiatrie, et le quatrième est le
compartiment des médicaments coûteux.
Dans le débat sur la VAP, à ce jour, la part de chaque
compartiment reste indéterminée. Le modèle des Missions
d’Intérêt Général est encore à construire, d’autant que de
larges controverses persistent dans le domaine des MCO.
L’enquête sur les médicaments coûteux est prévue,
pour la psychiatrie, en 2008, et le recueil de l’activité (RIMPsy) est en cours, même si le calendrier a été revu.
Le RIM-Psy
En ce qui concerne le recueil de l’activité en psychiatrie,
de très nombreux textes successifs ont été publiés en
6 mois, traduisant la volonté des pouvoirs publics d’accélérer ce mécanisme : Articles R. 6113-1 à R. 6113-11 du CSP ;
Arrêté du 29 juin 2006 relatif au recueil et au traitement
des données d’activité médicale des établissements de
santé publics ou privés ayant une activité en psychiatrie ;
Note DREES-OSAM n° 06/35 du 3 novembre 2006 ; Guide
méthodologique de production du recueil d’information
médicalisée en psychiatrie (BO fascicule spécial n° 20065bis) ; Circulaire du 15 mars 2007 relative à l’avancement
de la VAP ; Circulaire DHOS du 9 mai 2007 relative à la campagne tarifaire 2007 des établissements de santé.
Le RIM-Psy concerne toutes les entités juridiques ; il
porte sur les trois natures de prise en charge (complète,
partielle, ambulatoire), et comporte un résumé par séjour
d’hospitalisation complète ou partielle. Il s’agit d’un mécanisme plus complet que le PMSI, mais plus lourd également
à mettre en place. Il tient compte de la notion de séquences de prise en charge, et intègre les changements d’unité,
de mode légal, de trimestre civil, ainsi que les sorties d’essai de plus de 2 jours.
La nature des prises en charge comprend les séjours à
temps complet (hospitalisations à temps plein, séjours thérapeutiques, HAD, placement familial, appartements thérapeutiques, centres de post-cure, centres de crises), les
prises en charge à temps partiel (de jour, de nuit, ou en
CATTP), et les prises en charge en ambulatoire (accueil et
soins en CMP, consultations hors CMP quel que soit le lieu).
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Les informations constitutives des résumés en temps
complet et partiel comportent des constantes (n° FINESS,
n° IPP, date de naissance, sexe du patient, code postal de
résidence, nature de la prise en charge, n° de séjour, dates
d’entrée et de sortie, mode d’entrée et de sortie), et des
informations propres à chaque séquence (n° d’unité médicale, n° de secteur, mode légal, indicateur de sortie essai,
date de séquence, nombre de jours de présence, diagnostic
principal, diagnostics associés, dépendance, nombre de
jours d’isolement, accompagnement thérapeutique en
milieu scolaire).
Les informations constitutives des résumés en ambulatoire sont le n° FINESS, le n° de secteur, le n° d’unité médicale, la nature de la prise en charge, le n° IPP, la date de
naissance, le sexe du patient, le code postal de résidence,
le diagnostic principal, les diagnostics associés, les date et
lieu de l’acte, la nature de l’acte (nomenclature EDGAR),
la catégorie professionnelle des intervenants, et un indicateur d’activité libérale.
La constitution des fichiers se fait par extraction du SIH
de l’établissement, selon un format pré-établi. Il nécessite
une déclaration à la CNIL, avec un « chaînage » des informations, une clé de cryptage irréversible, une anonymisation, et une transmission via Internet sécurisée, de façon
trimestrielle.
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Questions en suspens concernant le RIM-Psy
Aujourd’hui, le RIM-Psy est un dispositif qui tarde à se mettre en place : malgré la volonté des pouvoirs publics, au
1er juin 2007 seuls 18 établissements ont transmis les données du RIM-Psy pour le 1er trimestre 2007, sur les 500 établissements concernés, publics et privés.
Plusieurs raisons contribuent à ce retard. Dans les établissements psychiatriques, le système d’informatique
médicale est souvent mal adapté, avec en particulier un
très faible équipement en réseau de l’extra-hospitalier. De
plus, l’adaptation par les éditeurs de leurs logiciels
(Cortexte, Lisia, Crossway, Cimaise…) n’est pas achevée,
puisque la modélisation est encore en cours.
Mais le principal obstacle à dépasser est la persistance
de divergences majeures sur le modèle de financement
souhaité. En ce qui concerne par exemple la rémunération
de l’activité, l’UNCPsy, qui représente l’hospitalisation privée, plaide pour la prise en compte d’un tarif de base reposant sur la journée, tandis que la FEHAP souhaite un tarif à
la journée pour l’hospitalisation temps plein, et un tarif
mixte (forfait et activité) pour le temps partiel.
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