Trouble bipolaire et hyperactivité de l’adulte S97
selon les travaux [4, 33, 43, 54]. Outre les différences
méthodologiques de ces études, les diffi cultés diagnostiques
du TDAH chez l’adulte peuvent expliquer ces disparités.
Tout d’abord, l’évaluation rétrospective des symptômes
dans l’enfance, nécessaire au diagnostic positif, est asso-
ciée à un biais dans le recueil de données [34] ; pour en
réduire l’importance, il est recommandé de multiplier les
sources d’informations : le patient, sa famille, le médecin
traitant, les livrets scolaires. En outre, les symptômes sont
labiles et non spécifi ques : seules leur association et leur
évolution au cours du temps permettront d’orienter le dia-
gnostic. Enfi n, les critères fournis par les entretiens clini-
ques standardisés, développés à partir de la forme
pédiatrique de TDAH, sont peu adaptés à la sémiologie de
l’adulte.
Le TDAH de l’adulte se différencie cliniquement du
TDAH de l’enfant par la prédominance des troubles de l’at-
tention, alors que les symptômes appartenant à la dimen-
sion hyperactivité/impulsivité diminuent [37].
Outre les symptômes cardinaux, la symptomatologie de
l’adulte hyperactif est caractérisée par la recherche de
nouveauté, des diffi cultés de planifi cation et d’organisa-
tion, une déstructuration du sommeil. Des symptômes
affectifs sont très fréquemment associés : labilité émotion-
nelle, irritabilité, impulsivité, intolérance au stress.
Certaines manifestations pourraient être secondaires aux
symptômes cardinaux de l’hyperactivité ainsi qu’aux consé-
quences de ces symptômes sur le niveau de fonctionne-
ment : le sentiment de démoralisation, de découragement,
la mauvaise estime de soi, l’anxiété de performance et
l’anxiété sociale seraient consécutifs aux échecs et aux
frustrations accumulés au cours du développement et qui
émaillent bien souvent le parcours des enfants, adolescents
puis adultes hyperactifs [11].
Ainsi, le trouble bipolaire et le TDAH présentent des
dimensions cliniques communes : des symptômes moteurs
(agitation, hyperactivité) ; des symptômes affectifs (trou-
bles de l’estime de soi, labilité émotionnelle, irritabilité) ;
des traits de personnalité (impulsivité, recherche de nou-
veauté).
Dans la première partie de ce travail, nous présenterons
quels arguments contribuent, ou non, à établir le diagnos-
tic différentiel entre ces 2 pathologies.
Dans un second temps, nous développerons les aspects
épidémiologiques et cliniques de l’association du trouble
bipolaire et du TDAH.
Enfi n, la fréquence de leur comorbidité nécessite de
passer en revue les résultats des études familiales et des
données étiopathogéniques permettant de rapprocher, ou
bien de mieux distinguer ces 2 pathologies.
Les arguments du diagnostic différentiel
Chez l’adulte, le sexe ratio ne permet pas de distinguer le
TDAH du trouble bipolaire ; en effet, si dans le TDAH de
l’enfant, le sexe ratio est compris entre 2 et 4 garçons pour
une fi lle, cet écart se réduit avec l’âge, oscillant entre 1/1
[6] et 1,8/1 [26] à l’âge adulte.
L’âge de début reste un élément extrêmement débattu ;
les symptômes de TDAH doivent être présents avant 7 ans
pour en établir le diagnostic, alors que le terrain classique
de début du trouble bipolaire est l’adulte jeune. Cependant,
de plus en plus de travaux soulignent que le trouble bipo-
laire pourrait débuter à l’adolescence, voire chez l’enfant
[49]. En outre, de récents travaux suggèrent l’existence de
formes de TDAH à début tardif [12, 58].
L’examen des symptômes affectifs pourrait, en revan-
che, contribuer au diagnostic différentiel. Chez les adultes
souffrant de TDAH, les accès d’excitation ne sont pas asso-
ciés à une élation de l’humeur ; s’il existe des phases de
fl échissement thymique, celles-ci ne s’accompagnent pas
de ralentissement psychomoteur ni de syndrome somati-
que. La survenue d’une humeur euphorique ou dépressive
chez l’adulte hyperactif est souvent brutale, imprévisible
et passagère, s’atténuant en quelques heures. Enfi n, cer-
tains symptômes (élation de l’humeur, désinhibition
sexuelle, idées de grandeur, caractéristiques psychotiques)
seraient spécifi ques du trouble bipolaire [21].
La différence d’évolution de ces 2 troubles (cyclique
dans le trouble bipolaire, chronique dans le TDAH) reste un
argument fondamental. En outre, le trouble bipolaire s’ag-
grave avec l’âge, alors que le TDAH s’améliore ; établir un
diagnostic suppose donc de considérer l’évolution du trou-
ble sur une longue période, depuis l’enfance jusqu’au
moment de l’évaluation.
En revanche, les 2 pathologies sont associées à une
altération signifi cative du fonctionnement professionnel,
social, affectif, ainsi qu’à des comorbidités psychiatriques
élevées, en particulier les abus de substances, les condui-
tes suicidaires et les troubles de personnalité.
Les troubles dysexécutifs et attentionnels sont remar-
quables dans ces 2 pathologies [24, 41]. Cependant, l’em-
ploi des tests neurocognitifs échoue à distinguer
l’hyperactivité des troubles thymiques [48, 62]. De plus,
ces défi cits ne sont pas spécifi ques de ces troubles ; l’éva-
luation neuropsychologique est donc peu pertinente pour le
diagnostic différentiel.
En conclusion, ce sont essentiellement des entretiens
cliniques répétés, évaluant la symptomatologie actuelle et
rétrospective et son évolution au cours du temps, qui
contribueront à établir le diagnostic différentiel entre ces
2 pathologies.
Cependant, l’existence de formes comorbides com-
plexifi e remarquablement l’évaluation diagnostique et la
décision thérapeutique.
Comorbidité trouble bipolaire –
TDAH chez l’adulte
Les données épidémiologiques suggèrent que le trouble
bipolaire et le TDAH pourraient être fréquemment associés
chez le sujet adulte. Ainsi, entre 14 et 20 % des sujets bipo-
laires souffriraient, également, d’hyperactivité [45, 59].
Plus récemment, State et al. [51] ont observé que 34,1 %
des sujets bipolaires hospitalisés pour un état maniaque
présentaient un TDAH.
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