ÉDITORIAL Qu’est-ce que le trouble bipolaire ? Connue depuis l’Antiquité, l’affection aujourd’hui dénommée « trouble bipolaire » est l’héritière de la « folie circulaire » de Falret (1851), de la « folie à double forme » de Baillarger (1854) et de la « folie maniaco-dépressive » de Kraepelin (1899). La notion de « psychose bipolaire » apparaît avec Kleist en 1953. Le terme de « psychose maniaco-dépressive » est dû à Deny et Camus (in 3). DÉFINITION ACTUELLE Une approche largement consensuelle du trouble bipolaire, telle qu’elle apparaît dans la quatrième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM IV), le définit par la présence (ou des antécédents) d’épisodes maniaques, d’épisodes mixtes ou d’épisodes hypomaniaques accompagnés habituellement de la présence ou d’antécédents d’épisodes dépressifs majeurs (2). Ces troubles sont rangés dans la catégorie des troubles de l’humeur. L’humeur se définit classiquement comme la tonalité affective de base qui témoigne de notre degré d’engagement vital au sein de l’environnement (6). La majorité des troubles psychiques affecte l’humeur, néanmoins, dans le cas des troubles de l’humeur, la perturbation de l’humeur constitue la caractéristique principale de ces troubles. Par la définition même qu’il en donne, le DSM IV reconnaît au trouble bipolaire des formes plurielles parmi lesquelles quatre sont essentiellement retenues : le trouble bipolaire I caractérisé par un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes habituellement accompagnés d’épisodes dépressifs majeurs, le trouble bipolaire II qui comporte un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs accompagnés par au moins un épisode hypomaniaque, le trouble cyclothymique qui comprend de nombreuses périodes d’hypomanie ne répondant pas aux critères d’un épisode maniaque et de nombreuses périodes dépressives ne remplissant pas les critères d’un épisode dépressif majeur pendant une période d’au moins deux ans, et enfin le trouble bipolaire non spécifié qui est une catégorie résiduelle destinée à pouvoir coder des troubles comportant des caractéristiques bipolaires mais ne répondant pas aux critères des troubles précédents. La définition des troubles bipolaires repose par conséquent, on le voit, sur la présence d’épisodes thymiques dont il est possible de spécifier, outre la sémiologie, le degré de sévérité et l’évolution dans le temps. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 S 489 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 L’épisode dépressif majeur témoigne d’un affaissement douloureux de l’humeur qui affecte les différentes sphères de la vie psychique, la cognition, les émotions, la motricité mais aussi les rythmes vitaux du sommeil et de l’appétit, ou la capacité à éprouver du plaisir et l’image de soi. Les symptômes qui sont le reflet de cette affection (et dont il est exigé que cinq sur une liste de neuf soient présents pendant une même période d’une durée de deux semaines pour porter le diagnostic d’épisode dépressif majeur) induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement socioprofessionnel (tableau I). TABLEAU I. — Critères d’un épisode dépressif majeur selon le DSM IV (2). A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d’une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir. N.B. : Ne pas inclure de symptômes qui sont manifestement imputables à une affection médicale générale, à des idées délirantes ou à des hallucinations non congruentes à l’humeur. (1) Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (p. ex., se sent triste ou vide) ou observée par les autres (p. ex., pleure). N.B. : Éventuellement irritabilité chez l’enfant et l’adolescent. (2) Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). (3) Perte oui gain de poids significatif en l’absence de régime (p. ex., modification du poids corporel en un mois excédant 5 %), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. N.B. : Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue. (4) Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. (5) Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). (6) Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours. (7) Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade). (8) Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). (9) Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d’Épisode mixte. C. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social professionnel ou dans d’autres domaines importants. D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex., une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (p. ex., hypothyroïdie). S 490 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 TABLEAU I. — Critères d’un épisode dépressif majeur selon le DSM IV (2) (suite). E. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un Deuil, c’est-à-dire après la mort d’un être cher, les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur. L’épisode maniaque correspond, pour sa part, à l’occurrence d’une période nettement délimitée durant laquelle l’humeur est élevée de façon anormale et persistante pendant au moins une semaine. Au cours de cette période, il existe une atteinte des mêmes domaines que dans l’épisode dépressif majeur, mais seulement trois symptômes sur une liste de sept sont nécessaires au diagnostic d’épisode maniaque accompagnés d’une altération marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des relations interpersonnelles (tableau II). TABLEAU II. — Critères d’un épisode maniaque selon le DSM IV (2). A. Une période nettement délimitée durant laquelle l’humeur est élevée de façon anormale et persistante, pendant au moins une semaine (ou toute autre durée si une hospitalisation est nécessaire). B. Au cours de cette période de perturbation de l’humeur, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l’humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité suffisante. (1) augmentation de l’estime de soi oui idées de grandeur. (2) réduction du besoin de sommeil (p. ex., le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil). (3) plus grande communicabilité que d’habitude ou désir de parler constamment. (4) fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours. (5) distractibilité (p. ex., l’attention est trop facilement attirée par des stimulus extérieurs sans importance ou insignifiants). (6) augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice. (7) engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex., la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables). C. Les symptômes ne répondent pas aux critères d’un épisode mixte. D. La perturbation de l’humeur est suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des relations interpersonnelles, ou pour nécessiter l’hospitalisation afin de prévenir des conséquences dommageables pour le sujet ou pour autrui, ou bien il existe des caractéristiques psychotiques. S 491 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 TABLEAU II. — Critères d’un épisode maniaque selon le DSM IV (2) (suite). E. Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou d’une affection médicale générale (p. ex., hyperthyroïdie). N.B. : Des épisodes d’allure maniaque clairement secondaires à un traitement antidépresseur somatique (p. ex., médicament, sismothérapie, photothérapie) ne doivent pas être pris en compte pour le diagnostic de Trouble bipolaire I. L’épisode mixte est défini par la présence des critères d’épisode maniaque et d’épisode dépressif majeur à la fois, presque tous les jours pendant au moins une semaine. L’épisode hypomaniaque se distingue de l’épisode maniaque par sa durée (au moins quatre jours) et par une altération moindre du fonctionnement global (tableau III). TABLEAU III. — Critères d’un épisode hypomaniaque selon le DSM IV (2). A. Une période nettement délimitée durant laquelle l’humeur est élevée de façon anormale et persistante, expansive ou irritable, clairement différente de l’humeur non dépressive habituelle, et ce tous les jours pendant au moins 4 jours. B. Au cours de cette période de perturbation de l’humeur, au moins 3 des symptômes suivants (quatre si l’humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité significative. (1) augmentation de l’estime de soi oui idées de grandeur. (2) réduction du besoin de sommeil (p. ex., le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil). (3) plus grande communicabilité que d’habitude ou désir de parler constamment. (4) fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent. (5) distractibilité (p. ex., l’attention est trop facilement attirée par des stimulus extérieurs sans importance ou insignifiants). (6) augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice. (7) engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex., la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables). C. L’épisode s’accompagne de modifications indiscutables du fonctionnement, qui diffère de celui du sujet hors période symptomatique. D. La perturbation de l’humeur et la modification du fonctionnement sont manifestes pour les autres. E. La sévérité de l’épisode n’est pas suffisante pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou social, ou pour nécessiter l’hospitalisation, et il n’existe pas de caractéristiques psychotiques. S 492 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 TABLEAU III. — Critères d’un épisode hypomaniaque selon le DSM IV (2) (suite). F. Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament, ou autre traitement) ou d’une affection médicale générale (p. ex. hyperthyroïdie). N.B. : Des épisodes d’allure hypomaniaque clairement secondaires à un traitement antidépresseur somatique (médicament, sismothérapie, photothérapie) ne doivent pas être pris en compte pour le diagnostic de Trouble bipolaire II. Les spécifications diverses qui décrivent l’épisode le plus récent s’appliquent toutes à l’épisode dépressif majeur. Elles concernent la sévérité (avec en particulier la présence ou non de caractéristiques psychotiques), la chronicité (épisode supérieur ou égal à deux ans), la présence de caractéristiques catatoniques, mélancoliques (avec notamment une absence de réactivité aux stimuli agréables, une qualité particulière de l’humeur et une aggravation matinale) et atypiques (réactivité de l’humeur, prise de poids, hypersomnie, sensibilité ou rejet) ainsi que l’existence d’un début en post partum. L’épisode maniaque ou mixte est seulement concerné par les spécifications de sévérité, présence de caractéristiques catatoniques et début en post partum. Aucune ne s’applique à l’épisode hypomaniaque. Pour ce qui est de l’évolution des épisodes récurrents, la spécification de l’évolution longitudinale (avec ou sans guérison entre les épisodes) s’applique à tous les épisodes des troubles bipolaires ; la spécification du caractère saisonnier (relation entre la survenue de l’épisode et une période particulière de l’année) concerne les épisodes dépressifs majeurs des troubles bipolaires I et II ; enfin la spécification des cycles rapides (survenue d’au moins quatre épisodes thymiques au cours des douze mois précédents) s’applique à tous les épisodes du trouble bipolaire I ou II. Si les diverses présentations du ou des trouble(s) bipolaire(s) sont facilement repérables à partir de la sémiologie des épisodes et de leurs spécifications, la conception actuelle de ces troubles laisse le lecteur du DSM IV plus insatisfait lorsqu’il aborde la catégorie du trouble bipolaire non spécifié. Dans celle-ci figurent en effet des descriptions qui peuvent sembler hétérogènes : une alternance très rapide, sur quelques jours, de symptômes maniaques et dépressifs qui ne remplissent pas les critères de durée minimale d’épisode maniaque ou dépressif majeur ; des épisodes hypomaniaques récurrents sans symptômes dépressifs entre les épisodes ; un épisode maniaque ou mixte surajouté à un trouble délirant, à une schizophrénie résiduelle, ou à un trouble psychotique non spécifié ; une situation au cours de laquelle le clinicien a conclu à l’existence d’un trouble bipolaire mais n’est pas en mesure de déterminer s’il s’agit d’un trouble primaire, ou d’un trouble dû à une affection médicale générale ou induit par une substance. De tels exemples posent la question des limites du trouble bipolaire tel qu’il est conçu à partir des S 493 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 éléments qui en permettent aujourd’hui la définition. Il est apparu, à un nombre croissant de cliniciens, que ces derniers n’étaient pas suffisants pour répondre à de multiples situations cliniques. QUESTIONS EN SUSPENS La définition du ou des trouble(s) bipolaire(s) a subi, suite aux problèmes qui viennent d’être évoqués un certain nombre d’inflexions au cours de ces dernières années. Ces inflexions concernent plusieurs points : la place du trouble de l’humeur par rapport à celle d’autres éléments symptomatiques dans la définition de certains troubles ; la place respective des symptômes maniaques et dépressifs dans les épisodes mixtes ; le seuil symptomatique pour la définition des épisodes ; la référence à des entités infracliniques ; enfin le recours à des validateurs externes. Un exemple du premier de ces points est fourni par le problème du trouble schizo-affectif dans sa forme bipolaire. Le DSM IV range ce trouble dans la section des troubles psychotiques en dépit de la présence simultanée d’épisodes maniaques ou mixtes et de signes schizophréniques au cours d’une même période de la maladie. Pendant cette période, les signes psychotiques ont dû, en outre, être présents pendant au moins deux semaines, en l’absence de symptômes thymiques marqués. Un certain nombre d’études longitudinales suggèrent cependant une relation plus étroite avec les troubles bipolaires (7). Si celle-ci se confirmait, un nouveau pas serait franchi dans ce que l’on a appelé l’inversion de la règle hiérarchique de Jaspers selon laquelle en présence d’éléments psychotiques (délires et/ou hallucinations diverses) et d’éléments affectifs, c’est la première qui était décisive pour le diagnostic. L’identification d’épisodes maniaques, mixtes ou dépressifs avec caractéristiques psychotiques (que celles-ci soient congruentes ou non à l’humeur, c’est-à-dire en relation compréhensible ou/non avec l’altération de cette dernière) avait constitué une première infraction à cette règle, infraction qui s’appuyait sur les résultats d’un certain nombre d’études cliniques réalisées dans les années soixante-dix (3). Ce qui semble vrai pour la forme bipolaire du trouble schizo-affectif ne l’est en revanche probablement pas pour la forme dépressive (7). Le second point est relatif à la définition d’un épisode mixte. Si le DSM IV exige, pour porter le diagnostic d’épisode mixte, la présence simultanée des critères d’un épisode dépressif majeur et d’un épisode maniaque, il ne semble pas que cette conception fasse justice à la richesse des tableaux cliniques rencontrés en pratique qui apparaissent pour une majorité d’entre eux relever en proportion variable d’une combinaison plus ou moins savante de symptômes à la fois maniaques et dépressifs. Il faut ici rappeler que Kraepelin, en 1913 déjà, distinguait des manies dépressives et des dépressions maniaques : les premières comprenaient S 494 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 la manie anxieuse, la manie improductive et la manie inhibée, les secondes, la dépression excitée, la stupeur maniaque et la dépression avec fuite des idées (7). Plusieurs études récentes ont réactualisé l’intérêt de telles notions qui incitent à rattacher au trouble bipolaire des tableaux cliniques complexes, mal identifiés et souvent trompeurs (1). La question du seuil symptomatique à partir duquel un épisode peut être défini mérite d’être posée quand on a pu montrer que des épisodes d’hypomanie dite brève (1 à 3 jours) et/ou des épisodes dépressifs mineurs pouvait être à l’origine de souffrances et de complications non négligeables (4). La référence à des entités infracliniques est, de fait, un prolongement de la démarche précédente : elle consiste à étendre le champ des altérations de l’humeur de la sphère clinique à celle des troubles de la personnalité ou mieux du tempérament qui n’est pas en luimême pathologique mais peut être le reflet de variations typiques de l’humeur lui conférant ainsi des caractéristiques facilement repérables : on a pu ainsi décrire un tempérament cyclothymique, un tempérament dépressif, un tempérament hyperthymique et un tempérament irritable (1). La survenue d’un épisode dépressif majeur sur un tempérament de polarité opposée (cyclothymique, hyperthymique ou irritable) oblige à une certaine prudence dans le maniement des antidépresseurs. Le même type de précaution qui vise à éviter un virage (hypo) maniaque a conduit à tenir compte également de validateurs externes (tels que l’existence d’antécédents familiaux de troubles bipolaires ou la survenue d’une excitation anormale sous antidépresseurs) pour rattacher aux troubles bipolaires un certain nombre de troubles auparavant qualifiés de dépressifs récurrents (bipolaires de type III) (1). La référence à la notion de tempérament et à celle de validateurs externes du trouble bipolaire a également mené à s’interroger sur la réalité de certains troubles de la personnalité (en particulier « borderlines ») ou du moins à poser la question de leurs soubassements biologiques, ouvrant ainsi la voie à leur traitement pharmacologique (1) La démarche qui précède a permis, au cours des vingt dernières années, le passage d’une conception relativement restrictive des troubles bipolaires à celle de ce que l’on appelle le spectre bipolaire. Le dernier avatar d’une telle notion qui, de façon plus ou moins légitime, n’a pas manqué d’être attaquée, est l’hypothèse d’une vulnérabilité bipolaire. En effet la question qui revient en force, bien que nous ayons d’emblée cherché à l’éviter, est celle de ce qui fait l’unité des troubles bipolaires, que l’on peut entendre comme celle (de l’essence) du trouble bipolaire mais que l’on peut ramener, dans une perspective heuristique, à celle de la potentialité à présenter des troubles du spectre S 495 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 489-96, cahier 2 bipolaire. Des éléments de réponse commencent à émerger tels que l’hypothèse d’une instabilité émotionnelle qui pourrait être le facteur de vulnérabilité commun aux affections bipolaires, un certain nombre de facteurs additionnels étant susceptibles d’orienter vers la forme que prendra ou non le trouble s’il se déclenchait. Les avancées de la recherche permettront, on peut raisonnablement l’espérer, une réponse plus élaborée à la question qui nous était posée. J.-M. Azorin * Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, CHU Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 9. Références 1. AKISKAL HS, PINTO O. The soft bipolar spectrum : footnotes to Kraepelin on the interface of hypomania, temperament and depression. In : Marneros A, Angst J, eds. Bipolar disorders. 100 years after manic depressive insanity. Dordrecht : Kluwer Academic Publishers, 2000 : 37-62. 2. AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (4th ed ; DSM IV) Washington DC 1994. Traduction de l’anglais par Guelfi JD et al. Paris : Masson, 1996. 3. ANGST J. Historical aspects of the dichotomy between manic-depressive disorders and schizophrenia. Schizoph Res 2002 ; 57 : 5-13. 4. ANGST J, GAMMA A, BENAZZI F et al. Toward a re-definition of subthreshold bipolarity : epidemiology and proposed criteria for bipolar II, minor bipolar disorders and hypomania. J Aff Disord 2003 ; 73 : 133-46. 5. ANGST J, GAMMA A, ENDRASS J. Risk factors for the bipolar and depression spectra. Acta Psychiatr Scand 2003 ; 198 (Suppl 418) : 15-9. 6. DELAY J. Les dérèglements de l’humeur. Paris : PUF, 1946. 7. MARNEROS A, ANGST J. Bipolar disorders : roots and evolution. In : Marneros A, Angst J, eds. Bipolar disorders. 100 years after manic depressive insanity. Dordrecht : Kluwer Academic Publishers, 2000 : 1-36. S 496