Unité d’Enseignement 2.6 S2 Processus psychopathologiques Les troubles de l’humeur Pr Antoine Guedeney Dr Simon Turpin, CCA Service de Pédopsychiatrie CHU Bichat-Claude Bernard Les troubles de l’humeur Première partie : Aspects généraux Plan Introduction • • • • Episode dépressif Episode maniaque et hypomaniaque Troubles bipolaires de l’humeur Idées suicidaires et tentatives de suicide Introduction : Points communs aux épisodes dépressif et maniaque • Notion de rupture avec le comportement habituel rapportée par le patient et surtout l’entourage = Virage de l’humeur • Pour parler d’« épisode »: signes cliniques présents depuis une certaine durée: - Au moins deux semaines pour un épisode dépressif - Au moins une semaine pour un épisode maniaque (ou toute autre durée si une hospitalisation est nécessaire) Introduction : Points communs aux épisodes dépressif et maniaque • Attention les diagnostics psychiatriques sont des diagnostics d’élimination après avoir écarté les autres causes, notamment les maladies organiques, les causes toxiques (médicaments et drogues) et métaboliques (déshydratation…). Episode dépressif Episode dépressif Introduction Epidémiologie: Trouble mental fréquent : -Enfance et adolescence: Une courbe croissante de fréquence de la naissance à l’adolescence avec un pic de fréquence à l’adolescence: 3 % enfant de 3 à 5 ans 8 % enfants 5 à 8 ans 10 à 15 % adolescents -Age adulte 9 % adultes en général 10 à 15 % en périnatalité (pic de fréquence ) Episode dépressif Introduction (suite) Etiologies - Etats dépressifs secondaires : . À une pathologie organique (hypothyroïdie par exemple) . Iatrogènes - Etats dépressifs primitifs : Etiologie plurifactorielle: génétique, environnementale (contexte socio-familial) et psychologique (psychodynamique). Episode dépressif Introduction (suite) Diagnostics différentiels: Confusion mentale, démence, altération de l’état général et asthénie dues à une cause somatique ( exemple : cancer )… Attention les diagnostics psychiatriques sont des diagnostics d’élimination, après avoir écarté les causes organiques Episode dépressif Tableau clinique classique • Ralentissement psycho-moteur Présentation négligée Douleur morale: humeur dépressive avec autodévalorisation, perte d’envie, perte de plaisir, culpabilité (parfois idées délirantes), avec idées suicidaires souvent présentes. Ralentissement cognitif et moteur: lenteur des idées, apragmatisme, clinophilie Troubles fonctions instinctuelles : sommeil, appétit et libido Episode dépressif Clinique variée • ! Pas forcément ce ralentissement dans le cas d’une dépression anxieuse ou agitée. Episode dépressif Conduite À Tenir • Toujours éliminer les diagnostics différentiels et les causes organiques. • Toujours rechercher des idées suicidaires (cf infra) • Importance de prendre le temps de l’entretien avec le patient dépressif. • Ne pas le faire sortir de l’hôpital sans avis psychiatrique. S’intéresser à sa souffrance et à son parcours de vie. • Être rassurant. Episode dépressif Conduite À Tenir (suite) • L’urgence est l’apaisement de l’angoisse, et la mise à l’abri quant au risque suicidaire. • Importance ++ de rencontrer l’entourage, essentiel pour le soutien et l’étayage de la prise en charge du patient dépressif. Episode dépressif Conduite À Tenir (suite) • Traitement par un psychiatre : Psychothérapie, anxiolyse et antidépresseur (NB délai d’action d’une semaine des antidépresseurs). Sismothérapie=traitement possible des dépressions mélancoliques résistantes aux antidépresseurs Episode maniaque Episode maniaque Introduction Vrai épisode maniaque plus de 10 fois plus rare que l’épisode dépressif. • Un épisode maniaque suffit à porter le diagnostic de TB type 1 (cf infra) • Généralement 1er épisode maniaque chez l’adulte jeune • On ne parle pas d’épisode maniaque chez l’enfant avant 10 -11 ans ( épisodes d’excitation seraient-ils des équivalents ?) • On peut repérer parfois des épisodes maniaques à l’adolescence. Episode maniaque : Tableau clinique classique • Contraire du ralentissement psychomoteur de l’épisode dépressif : • Présentation excentrique jusqu’à de véritables déguisements • Humeur maniaque : euphorie, projets grandioses, jusqu’à idées délirante de grandeur… • Accélération cognitive et psychomotrice : Pensées accélérées, fuite des idées : coq-à-l’âne, agitation, parle fort avec grandiloquence Troubles fonctions instinctuelles : Insomnies (notamment insomnie totale), hyperphagie, sexualité à risque. Dépenses inconsidérées Conduite A Tenir • Attitude calme, détendue, compréhensive ; ferme si possible mais ne pas aller directement au conflit. • Importance ++ d’un entourage étayant pour la prise en charge • Avis spécialisé psychiatrique pour : • Le plus souvent • Hospitalisation en psychiatrie sous-contrainte (HDT, HO) • Traitement neuroleptique sédatif, anxiolytique, et thymorégulateur (cf infra) • Sauvegarde de justice Episode hypomaniaque • Episode maniaque très atténuée. • Importance ++ de la réaction de l’entourage. Un bon signe est qu’en cas de vrai épisode maniaque, l’entourage ne peut le tolérer, demande de l’aide. • Insomnies possibles mais pas totales • Pas de dépense inconsidérée, ni de mise en danger grave. • Reste fonctionnel au travail. • Pas de conséquence dramatique, pas de nécessité d’hospitalisation. • Prise en charge par un psychiatre. Troubles bipolaires • Selon les auteurs, les trouble bipolaires ont une prévalence de 2 à 8 % de la population • Fort poids étiologique génétique « Familles de troubles de l’humeur » Trouble bipolaire type 1 Au moins un épisode maniaque, ancienne Psychose Maniaco Dépressive : 1% NB: un épisode maniaque suffit à porter le diagnostic de TB type 1. • Maladie cyclique, avec le plus souvent épisodes maniaques et dépressifs multiples, avec hospitalisations en psychiatrie Trouble bipolaire type 1 Traitement • Traitement de fond= régulateurs de l’humeur=thymorégulateurs (lithium,valproate de sodium, tégrétol, neuroleptiques atypiques) et psychothérapie • Traitement des accès dépressifs et maniaques Autres troubles bipolaires - type 2 : au moins un épisode hypomaniaque et un épisode dépressif 0,5 à 2,5 % - type 3 : au moins un épisode hypomaniaque sous antidépresseur - trouble cyclothymique 2 à 3 % ( trouble bipolaire atténué avec épisodes dépressifs modérés et des états hypomaniaques de quelques jours. Début dans l’adolescence). Idées suicidaires et tentatives de suicide • Antécédent de TS= facteur de risque majeur de récidive • Troubles de l’humeur sont à haut risque suicidaire • Toujours poser la question des « idées noires » : - Verbaliser soulage le patient, et le fait réfléchir : Quand on est en souffrance morale, il est logique de penser à mettre un terme à cette souffrance et donc notamment de penser au suicide. Il appartient aux soignants de tenter de convaincre le patient que ce serait préjudiciable de se suicider - Evaluer le risque suicidaire : + grave: convaincu de la nécessité du suicide, plan élaboré Ne jamais minimiser un geste suicidaire aux urgences Idées suicidaires et tentative de suicide • TS et suicide ne signifient pas forcément épisode dépressif. • Schizophrénie et trouble de la personnalité borderline (états-limite) notamment = fort risque suicidaire également. Les troubles de l’humeur Deuxième partie : Episode dépressif et suicide chez l’enfant et l’adolescent Episode dépressif chez l’enfant Epidemiologie : • 3 % enfant de 3 à 5 ans • 8 % enfants 5 à 8 ans Episode dépressif chez l’enfant Clinique variée : calme excessif, isolement, retrait agitation, irritabilité, instabilité conduites auto et surtout hétéroagressives tristesse, pleurs (rare) fléchissement scolaire troubles du sommeil (pb endormissement, cauchemars) troubles de l’appétit (petit : perte appétit, plus grand : grignotage) Episode dépressif chez l’enfant Clinique : signes non spécifiques isolément, mais la conjonction de 5 ou 6 signes est très évocatrice importance de la modification comportementale nette importance de la permanence des signes dans le temps, après leur apparition Episode dépressif chez l’enfant Clinique : 2 tableaux schématiques retrait : trop sage, isolé, peu expressif, voire l’air absent, indifférent, inhibition motrice agitation : instabilité, irritabilité, colères, opposition Episode dépressif chez l’enfant Les signes dans le discours de l’enfant : «je suis nul», «je suis bon à rien» : perte de l’estime de soi et dévalorisation. «mes parents ne m’aiment pas» : sentiment de perte d’amour, associé à la dévalorisation. «je ne sais pas», «j’y arrive pas», «je peux pas» : sentiment d’incapacité. «je ne comprends pas», «c’est trop dur» : tb concentration et mémorisation «je suis méchant» : culpabilité Episode dépressif chez l’enfant Facteur déclenchant : existence de perte ou de séparation (quasi constante) perte réelle avec effet durable : séparation des parents, décès des grands-parents, d’un membre de la fratrie, d’un parent séparation temporaire (hospitalisation, absence momentanée d’un parent) avec angoisse d’abandon perte «interactive» : parent indisponible, accaparé par un deuil, un conflit conjugal perte d’apparence plus banale : décès d’un animal domestique, déménagement, départ d’un ami Episode dépressif chez l’enfant Contexte et facteurs de risque : ATCD d’ épisode dépressif chez les parents, en particulier la mère carence parentale : peu de contact affectif, de stimulation, indifférence, voire rejet. ATCD perso d’abus physiques ou sexuels Précarité de la situation familiale, socioéconomique Episode dépressif chez l’enfant Risque évolutif : risque suicidaire troubles des conduites toxicomanie Episode dépressif chez l’enfant Thérapeutique : Consultation thérapeutique première période d’évaluation : l’énoncé de l’ épisode dépressif et sa reconnaissance par l’enfant et sa famille peut avoir un effet thérapeutique grâce à l’identification empathique à la souffrance de l’enfant et la mobilisation qui en découle. parfois cet énoncé ne suffit pas (épisode installé, tb du comportement au premier plan, déni de la souffrance), dc thérapie Thérapeutique : Thérapie Psychothérapie individuelle familiale : centrée sur le fonctionnement familial dans sa globalité et non l’enfant, si abord familial en CS ne suffit pas Interventions sur l’environnement : très diverses, de la guidance parentale au placement Traitement médicamenteux : efficacité non établie clairement et pb effets secondaires, à réserver aux formes graves résistantes en association à la psychothérapie Episode dépressif chez l’adolescent Epidémiologie : Prévalence : 10 à 15 % 2 filles pour 2 garçons Facteurs de risque idem enfant Facteurs déclenchants idem enfant Episode dépressif chez l’adolescent Clinique : très variée Tb du comportement : désobéissance, colères, fugues Agressivité, nervosité, irritabilité Passage à l’acte agressif (auto ou hétéro) ou antisocial Désinvestissement scolaire brutal ou chute brutale des résultats Episode dépressif chez l’adolescent Clinique : très variée (suite) Fatigue, tb appétit (grignotage), tb sommeil, tb concentration Plaintes somatiques Tristesse et désintérêt Dévalorisation Surtout rupture avec état antérieur Episode dépressif chez l’adolescent Thérapeutique : idem enfant avec particularités CS spécialisée pédopsychiatrique Psychothérapie individuelle : plus fréquente Abord familial Interventions sur l’environnement Traitement médicamenteux si grave et résistante aux approches précédentes : antidépresseur ayant l’AMM en monothérapie prescrit par un pédopsychiatre, en association avec la psychothérapie. Attention à la levée d’inhibition initiale (existence d’idées suicidaires ? oui : ttt débuté en Ho) et à l’observance. Tentative de suicide et suicide Epidemiologie : Suicide des 15-24 ans : 10,3/100 000 Soit 800 DC/an, dont 200 chez les 15-19 et 600 chez les 20-24 2e cause de mortalité chez les adolescents 40 000 TS par an chez les ado 1/3 récidivent dans les 12 mois, jusqu’à 1/2 à 18 mois TS et Suicide Ado Evaluation systématique en cas de TS : Somatique initiale Psychiatrique Sociale Maltraitance et abus sexuel Aux Urgences, avec hospitalisation systématique de 24h Pas de banalisation !!! TS et Suicide Ado Evaluation somatique initiale gravité immédiate et différée du geste suicidaire dc mise en place traitement et surveillance adaptés état de santé général TS et Suicide Ado Evaluation sociale Précise contexte social et entourage Situation scolaire, intégration Existence d’un suivi social en cours Alerter les autorités judiciaires en cas de maltraitance ou abus sexuel TS et Suicide Ado Evaluation psychiatrique le plus précocement dès que l’état somatique et de vigilance le permet, soit dans les 24h généralement. évalue le geste suicidaire et son contexte pour estimer le risque suicidaire actuel et prévenir la récidive. importance de rencontrer aussi l’entourage. TS et Suicide Ado Evaluation psychiatrique le geste suicidaire : modalités (plus grave si pendaison, arme à feu, si préparé, souvent impulsif à cet âge) intentionnalités (mourir, appeler à l’aide) facteur déclenchant ? (rupture, conflits) idées suicidaires passées ? actuelles ? TS et Suicide Ado Evaluation psychiatrique le contexte : ATCD psychiatriques perso et familiaux ATCD de TS perso et familiaux pathologie psychiatrique sous-jacente ? (ds 20-30% des cas : en 1e lieu Episode dépressif) maltraitance ? abus sexuel ? biographie, évènements de vie conduites violentes, à risque, prise de drogues, abus d’alcool TS et Suicide Ado Après l’évaluation, hospitalisation (svt 1 semaine) si : risque de récidive immédiate de la TS pathologie psychiatrique non stabilisée environnement extérieur jugé vraiment défavorable, voire délétère l’adolescent le désire le suivi ambulatoire ne peut être mis en place assez rapidement TS et Suicide Ado Mise en place d’un suivi ambulatoire structuré Importance de faire adhérer les ado au suivi Prise en charge dépend ensuite de la problématique ss-jacente (épisode dépressif, trouble personnalité, scz ...) Les troubles de l’humeur Troisième partie : Dépression Post-Natale (DPN) • • • • • Fréquence Situation paradoxale : je n’ai pas le droit… Le passé, mais aussi l’actuel, et le bébé Les effets sur le bébé, la femme, la famille Edimburg post-natal depression scale EPDS: l’outil de dépistage • Le traitement: la reconnaître, et faire ce que la femme peut accepter • Définition : épisodes dépressifs mineurs et majeurs entre le 2ème mois du Post Partum et la fin de la première année • Prévalence: 13% des accouchées: complication majeure de la grossesse • Deux pics de survenue – 6-12 semaines – Deuxième semestre • Le plus souvent intensité des DPN modérée ou légère • Etiopathogénie complexe: multifactorielle – Facteurs biologiques – Facteurs socio environnementaux – Facteurs psychodynamiques. DPN : dépistage • Culpabilité et refus social : difficile à se dire et à dire • EPDS validée en France : N. Guedeney, 1997 • seuil • Utilisable pendant la grossesse • Instrument de dialogue • Sévérité, suivi • Validations transculturelles Evaluation clinique des « signes de sévérité » de la DPN • Facteurs de risque associés ayant un impact par eux même sur le bébé – Relations conflictuelles avec le partenaire – Isolement – Statut socio économique bas • Absence de Facteurs protecteurs – Absence de support familial – Absence d ’aide concrète – Absence figures substitutives pouvant s’occuper du bébé Evaluation clinique des « signes de sévérité » • Dépression maternelle – Score à l ’EPDS • Idées suicidaires ou item 10 anormal • Ralentissement Psychomoteur • Impact sur la relation mère-enfant, sur le bébé, sur la capacité à s’occuper du bébé L’effet sur le bébé: le visage immobile et mère déprimée Facteurs prédictifs de la DPN • Femme avec ATCD personnels et/ou familiaux dépressifs • Conflits conjugaux • Isolée • Mauvaise relation et/ou séparation précoce d ’avec sa propre mère • Ayant subi des évènements de vie négatifs ou vivant dans des circonstances difficiles depuis longtemps • Symptômes anxieux pendant le dernier trimestre de la grossesse Facteurs prédictifs de la DPN Facteurs de Risque repérables à la maternité • ‘Blues’ sévère, durable • Dépression prénatale, anxiété • Facteurs de risque liés aux conditions obstétricales : toute anomalie/maladie du bébé • Facteurs de risque liés au Bébé – Échange visuel – Tonus faible – Inconsolabilité irritabilité Choix du type d’orientation thérapeutique • Orientation spécialisée =psy, si : • - indices de sévérité • - absence d ’évolution positive sur 2 à 3 semaines • Ce que la mère peut accepter – Concept d’Alliance Thérapeutique – Soutien émotionnel - VAD • Les ressources locales et les filières de soin du pays