soumis à l'objectif climatique. Ainsi, il n'a pas été possible d'inclure un dispositif pour que les droits de propriété
intellectuelle ne soient pas une entrave à l'accès aux technologies vertes pour les pays et les populations du Sud. Vous
ne trouverez aucune référence aux règles du commerce mondial dans l'Accord de Paris. Il n'offre aux États aucune
possibilité de déroger aux règles de l'Organisation Mondiale du Commerce, alors que les dispositifs de soutien aux
énergies renouvelables en Ontario (Canada) et à l'énergie solaire en Inde ont été récemment déclarés non-conformes [2]
. L'Accord de Paris fait comme s'il était possible de lutter efficacement contre les dérèglements climatiques sans toucher
aux mécanismes et règles qui organisent cette formidable machine à réchauffer la planète qu'est l'économie mondiale.
C'est impossible. L'accord de Paris contribue à sanctifier le décalage abyssal existant entre la bulle des négociations et
la globalisation économique et financière. Or, face à l'urgence climatique, il ne suffit pas de climatiser les discours. Il
serait temps de climatiser les principes qui régissent l’économie mondiale.
Si l'on prend au sérieux l'objectif des 2°C, ce qu'ont fait tout une série de climatologues et d'ONG, alors il est nécessaire
de geler une très grande majorité – de 66 % à 80% selon les calculs – des réserves de pétrole, de gaz et de charbon. Dit
autrement, les entrailles de la Terre contiennent suffisamment de petrole, de gaz et de charbon pour declencher un
rechauffement climatique superieur a + 10 °C : à moins d’etre climato-sceptique ou complétement insense, chacun doit
convenir que nous faisons face à un trop-plein d'énergies fossiles, pas à une penurie. On ne manque pas d'études
scientifiques pour appuyer ce résultat. Pourtant, en plus de vingt ans de negociations de l’ONU sur le changement
climatique, il n’a jamais ete question de laisser tout ou partie des reserves d’energies fossiles dans le sol : aucun Etat,
aucune multinationale et aucune institution internationale n'a jamais proposé de limiter a la source la production de
charbon, de gaz et de petrole dans le cadre des négociations. Mieux, l'Accord de Paris ne comprend même pas le terme
d'énergies fossiles. En cuisine, lorsqu’une marmite commence a deborder, personne ne se contente d’en essuyer les
rebords ou de maintenir le couvercle de la marmite coûte que coûte. Chacun sait qu’il faut au plus vite enlever la
casserole, ou bien reduire fortement la puissance du feu de la cuisiniere, pour stopper les frais et eviter la catastrophe.
Reduire la puissance du feu, s'attaquer à la source du réchauffement climatique, c'est-à-dire aux filières énergétiques
fossiles qui alimentent l'économie mondiale, voila ce qui devrait etre fait en matiere de lutte contre les dereglements
climatiques. Mais ce n'est pas ce que prévoit l'accord de Paris.
Du 5 au 7 avril, les multinationales du gaz et du pétrole devaient se réunir à Pau pour voir comment faire pour
« développer l'extraction du pétrole et du gaz en eaux profondes » malgré l'effondrement du prix du pétrole. Pas un mot
sur le climat, sur la COP21 ou sur l'Accord de Paris ne figurait à l'ordre du jour de leurs discussions. Une véritable
provocation à laquelle plusieurs organisations ont décidé de répondre, au nom d'une forme d'état de nécessité
climatique, par des actions de désobéissance civile visant à perturber très sérieusement la tenue de ce sommet. Ce
qu'elles ont réussi à faire, tout en demandant à être entendues des pouvoirs publics et acteurs privés afin de ne pas
« devoir bloquer, un à un, tous les projets climaticides de l'industrie pétrolière et gazière ». Une manière pour elles de
faire en sorte que la « révolution climatique » et la prophétie de l'Accord de Paris deviennent une réalité.
Le mouvement pour le désinvestissement des énergies fossiles est un mouvement qui, sous la pression d'etudiants, de
citoyens et d'actionnaires, pousse des universites, mais egalement des fonds de pension, des fonds d'investissement et
des collectivites locales à retirer leur épargne des compagnies d'energies fossiles, jugees trop dependantes de reserves
qu'il ne faudrait pas extraire. Avec des résultats probants. Cette campagne et les actions de désobéissance civile contre
les agissements du secteur pétrolier, gazier et charbonnier, partagent trois constats de départ : 1) il est urgent d'agir et
de ne pas attendre que l'Accord de Paris entre en vigueur ; 2) chacun peut faire beaucoup, à son propre niveau par son
engagement personnel ; 3) les entreprises du secteur des énergies fossiles, les investisseurs qui les financent et le
personnel politique qui les soutient sont des adversaires du climat qu'il faut cibler par des initiatives spécifiques.
Desmond Tutu, archeveque sud-africain et prix Nobel de la paix (1984), s'inspirant du boycott contre l'apartheid, appelle
ainsi a organiser un boycott des industries fossiles : il nous faut « rompre les liens avec les entreprises qui financent
Vous critiquez également l'absence de mention des énergies fossiles dans les accords. Est-ce que vous pouvez
nous rappeler ce que le respect des objectifs de la COP21 suppose en la matière ?
A ce propos, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé récemment à Pau ?
Est-ce que ce type de mobilisation est lié au mouvement de désinvestissement des énergies fossiles, dont on
commence à entendre parler dans les médias ?