160 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 3 - mars 2012
L’acétate d’abiratérone : unenouvelle hormonothérapie effi cace dans les cancers
dela prostate métastatiques résistants à la castration et prétraités pardocétaxel ?
MISE AU POINT
Évolution des concepts
fondamentaux
concernant la résistance
à l’hormonothérapie
Parallèlement, les concepts fondamentaux
concernant la résistance à l’hormonothérapie
évoluaient (8), insistant sur le fait que la proliféra-
tion tumorale restait dépendante de la signalisation
par le RA.
Les cellules du cancer de la prostate développent
une résistance à la castration par l’acquisition de
modifi cations biologiques incluant une surexpression
du RA et des enzymes impliquées dans la synthèse
des androgènes (9) :
➤
l’émergence de phénotypes hypersensibles par
amplifi cation, surexpression ou modulation du RA
par d’autres voies de signalisation rend ces cellules
très sensibles à des taux très bas d’androgènes
exogènes. De plus, les antiandrogènes classiques
ont des effets agonistes en cas de surexpression ou
de mutation du RA ;
➤
en cas de cancer de la prostate métastatique,
il est aussi possible de voir maintenus chez des
patients castrés des taux d’androgènes intratumo-
raux susceptibles d’activer les gènes cibles du RA
(comme le prouve l’augmentation du PSA). Cette
stéroïdogenèse intracrine, à partir des androgènes
surrénaliens mais aussi du cholestérol, permet de
contourner les niveaux faibles d’androgènes circu-
lants. R.B. Montgomery et al. ont montré que les
niveaux de testostérone et les transcripts d’enzymes
de la stéroïdogenèse étaient plus élevés dans les
métastases de patients castrés que dans les cancers
de la prostate primaires de patients non castrés (10).
Premiers résultats
Les résultats cliniques observés dès les essais
précoces avec l’acétate d’abiratérone ont très vite
confirmé les espoirs suscités par cette nouvelle
approche thérapeutique (11, 12).
Études de phase I
La première étude de phase I ayant inclus
21 patients résistants à de multiples hormono-
thérapies, chimio-naïfs, a permis de défi nir la dose
de 1 000 mg/j pour les essais thérapeutiques (2).
Les principales toxicités, liées à un hyperaldostéro-
nisme, ont été contrôlées par l’éplérénone, un anta-
goniste de certains récepteurs minéralocorticoïdes
(la spironolactone ne doit pas être utilisée, parce
qu’elle peut activer le RA). Des baisses du PSA de
30 %, 50 % et 90 % ont été observées dans 66 %,
57 % et 29 % des cas, respectivement, pour une
durée allant de 69 à 578 jours, mais également des
améliorations cliniques (notamment des douleurs)
et biologiques (PAL, LDH) et des réponses RECIST.
Dans la deuxième étude de phase I, les patients
pouvaient avoir reçu préalablement du kétoconazole
(inhibiteur faible du CYP17) [13]. Il n’a pas été non
plus observé de toxicité limitante. Une baisse du
PSA de plus de 50 % a été observée chez 47 % des
patients traités préalablement par kétoconazole et
chez 64 % des patients n’en ayant pas reçu.
Études de phase II
Deux études de phase II ont été réalisées pour
évaluer l’efficacité après un traitement par docé-
taxel.
Dans l’étude anglaise, rapportée par A.H. Reid
et al. (14), 47 patients ont été traités par 1 000 mg/j
d’acétate d’abiratérone. Des baisses de PSA de plus
de 30 %, 50 % et 90 % ont été observées respec-
tivement chez 68 %, 51 % et 15 % des patients.
Le temps moyen avant progression biologique était
de 169 jours (IC95 : 113-281). Onze des 27 patients
(41 %) qui avaient plus 5 cellules tumorales
circulantes (CTC) ont présenté une baisse de ces
dernières.
Dans la seconde étude (15), 58 patients ont aussi
été traités par 1 000 mg/j associés à 5 mg × 2/j de
prednisone (47 % avaient reçu du kétoconazole).
Une baisse du PSA de plus de 50 % a été confi rmée
chez 36 % des patients (26 % pour ceux traités par
kétoconazole et 45 % pour les autres). Le temps
médian avant progression biologique était de
169 jours (IC
95
: 82-200). Des baisses du nombre
de CTC ont aussi été constatées dans 34 % des cas
(10 cas sur 29).
Ces études de phase II (16) ont permis de mettre en
exergue 3 points importants :
➤
l’efficacité après traitement par kétoconazole
confirme qu’il existe un effet sur la synthèse intra-
crine d’androgènes au niveau des cellules tumo-
rales ;
➤
l’addition de prednisone réduit l’incidence des
toxicités liées aux effets minéralocorticoïdes et