L’Encéphale
(2012)
38,
156—163
D
i
spo
nible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
j
o
ur
nal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHOPATHOLOGIE
Psychopathologie
des
joueurs
pathologiques
en
ligne
:
une
étude
préliminaire
Psychopathology
in
online
pathological
gamblers:
A
preliminary
study
S.
Barrault,I.
Varescon
Laboratoire
de
psychopathologie
et
processus
de
santé
(LPPS),
institut
universitaire
de
psychologie
Paris
Descartes
(IUPDP),
université
Paris
Descartes,
3,
Grande-Rue,
91510
Lardy,
France
Rec¸u
le
4
aoˆ
ut
2010
;
accepté
le
3
novembre
2010
Disponible
sur
Internet
le
24
mars
2011
MOTS
CLÉS
Jeu
pathologique
;
Jeu
en
ligne
;
Dépression
;
Troubles
de
la
personnalité
;
Cyberdépendance
Résumé
L’objectif.
L’objectif
de
cette
étude
est
d’évaluer
le
niveau
de
dépression,
les
troubles
de
la
personnalité
et
la
cyberdépendance
chez
des
joueurs
pathologiques
en
ligne,
en
comparant
les
scores
obtenus
à
ceux
de
joueurs
pathologiques
hors
ligne.
Méthode.
Le
South
Oaks
Gambling
Screen
(SOGS)
a
été
utilisé
pour
évaluer
l’intensité
de
la
conduite
du
jeu,
l’inventaire
de
Beck
(BDI-13)
pour
évaluer
la
dépression,
le
Personality
Disorders
Questionnaire
(PDQ
4)
pour
les
troubles
de
la
personnalité
et
l’Internet
Addiction
Test
(IAT)
pour
la
cyberdépendance.
Après
avoir
sollicité
85
participants
en
milieu
écologique
(lieux
de
jeu
et
forums
Internet
dédiés
au
poker),
30
joueurs
pathologiques
probables
ont
été
inclus.
Deux
groupes
ont
été
constitués.
Les
joueurs
en
ligne
(n
=
15)
ont
été
comparés
aux
joueurs
hors
ligne
(n
=
15).
Résultats.
Chez
les
joueurs
en
ligne,
les
troubles
de
la
personnalité
les
plus
représentés
sont
ceux
du
cluster
C
et
pour
les
joueurs
hors
ligne,
ceux
du
cluster
B.
Les
participants
qui
présentent
des
troubles
de
la
personnalité
sont
généralement
ceux
qui
ont
des
scores
de
jeu
pathologique
et
de
dépression
plus
élevés.
Les
résultats
montrent
une
corrélation
entre
jeu
pathologique,
cyberdépendance
et
addiction
au
jeu
sur
Internet.
Conclusion.
Cette
étude
préliminaire
ouvre
de
nouvelles
perspectives
de
questionnement
et
de
recherche
concernant,
d’une
part,
les
liens
entre
cyberdépendance
et
addiction
au
jeu
sur
Internet,
et
d’autre
part,
l’étude
des
différences
entre
les
joueurs
pathologiques
en
ligne
et
hors
ligne.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(S.
Barrault).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.01.009
Psychopathologie
des
joueurs
pathologiques
en
ligne
157
KEYWORDS
Pathological
gambling;
Online
gambling;
Depression;
Personality
disorders;
Internet
addiction
Summary
Introduction.
The
rapidly
expanding
gambling
offline
and
online
have
resulted
in
an
increa-
sing
number
of
gamblers
and
the
problem
is
likely
to
get
worse
in
the
future.
However,
online
pathological
gambling
is
a
not
well
known.
This
rapidly
developing
modality
of
gambling,
which
requires
to
be
studied,
notably
in
its
links
with
regular
pathological
gambling
and
Internet
addiction.
Depression
and
personality
disorders
are
known
to
be
often
associated
with
patholo-
gical
gambling.
Personality
disorders
have
an
influence
on
pathological
gambling,
increasing
its
severity.
Online
gamblers
seem
to
have
a
particular
personality
profile,
compared
to
offline
gam-
blers,
and
could
present
different
personality
disorders.
Depression
is
a
common
comorbidity
among
online
gamblers,
as
well
as
offline
gamblers.
Both
types
of
gamblers
have
persona-
lity
disorders,
but
the
nature
of
these
disorders
differs:
prevalency
of
personality
disorders
of
cluster
B
(dramatic,
emotional
or
erratic
disorders)
is
more
important
in
offline
gamblers,
whe-
reas
cluster
C
(anxious
or
fearful
disorders)
is
more
present
in
online
pathological
gamblers.
In
France,
few
studies
have
specifically
examined
this
subject.
Aims.
The
objective
of
the
study
is
to
evaluate
scores
on
depression,
personality
disorders
and
internet
addiction
in
online
pathological
gamblers.
Method.
The
South
Oaks
Gambling
Screen
(SOGS)
is
used
to
assess
pathological
gambling,
Beck’s
Depression
Inventory
(BDI)
to
measure
depression,
the
Personality
Disorders
Question-
naire
(PDQ
4)
to
assess
personality
disorders
and
the
Internet
Addiction
Test
(IAT)
to
assess
internet
addiction.
Participants
completed
the
self-report
scales.
Questionnaires
were
strictly
confidential.
Population.
The
participants
were
recruited
in
gambling
places
(cafés)
and
Internet
forums.
Two
groups
of
pathological
gamblers
were
formed:
online
gamblers
(N
=
15)
and
offline
gamblers
(N
=
15).
Participants
gave
their
informed
consent.
Participation
was
voluntary
and
anonymous
and
no
payment
was
made.
Analysis
of
the
data.
The
data
collection
was
carried
out
with
an
anonymous
file
and
then
placed
in
a
data
bank.
The
statistical
analysis
was
carried
out
using
traditional
techniques:
averages,
frequency,
standard
deviations.
Differences
among
groups
were
tested
using
the
t-
test.
Results.
The
results
showed
that
the
majority
of
subjects
met
diagnostic
criteria
for
at
least
one
personality
disorder.
The
majority
of
pathological
online
gamblers
evidenced
personality
of
cluster
C
grouping
avoidant,
dependant
and
obsessive-compulsive
personalities.
Persona-
lity
disorders
differ
according
to
the
type
of
gambling:
offline
gamblers
have
more
disorders
of
cluster
B,
while
online
gamblers
have
more
disorders
of
cluster
C.
Some
personality
disor-
ders,
in
particular
borderline
and
narcissistic
personality
disorders,
are
often
associated
with
pathological
gambling
and
seem
to
have
an
increasing
effect
on
depression
and
pathological
gambling’s
intensity.
Pathological
gambling
is
strongly
correlated
to
depression.
Online
patho-
logical
gambling,
Internet
addiction
and
offline
pathological
gambling
appear
to
be
strongly
correlated.
Discussion/Conclusion.
This
study
opens
new
perspectives
of
questioning
and
research,
in
particular
for
existing
links
between
online
and
offline
pathological
gambling
and
internet
addiction,
and
in
existent
differences
between
online
and
offline
pathological
gamblers.
Online
pathological
gambling
shares
common
characteristics
with
pathological
gambling
and
Internet
addiction,
without
being
able
to
be
assimilated
with
one
or
the
other.
This
type
of
gambling,
therefore,
requires
to
be
studied
to
adapt
the
actions
of
prevention
and
treatment
intended
for
online
pathological
gamblers.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
Le
jeu
pathologique,
comportement
répété
et
persis-
tant
de
jeu
d’argent,
apparaît
à
l’heure
actuelle
comme
un
véritable
problème
de
santé
publique
(MILDT,
2007).
Le
développement
des
jeux
en
ligne,
entériné
par
sa
légalisation
en
France
en
juin
2010,
s’accompagne
de
l’augmentation
et
de
la
modification
des
comportements
de
jeu
et
mérite
donc
que
l’on
s’interroge
sur
la
spécificité
de
ces
joueurs,
assez
méconnus
à
l’heure
actuelle.
L’essentiel
de
la
littérature
dans
ce
domaine
porte
sur
le
jeu
pathologique
hors
ligne
(pratiqué
dans
les
espaces
de
jeux).
L’accent
y
est
fréquemment
mis
sur
les
comorbidi-
tés
présentées
par
les
joueurs
pathologiques,
en
particulier,
les
troubles
dépressifs
et
les
troubles
de
la
personnalité.
La
dépression,
trouble
le
plus
fréquemment
mis
en
lien
avec
les
troubles
addictifs
en
général,
apparaît
intriquée
de
fac¸on
certaine
au
jeu
pathologique
[7,21,23,34,36].
Il
semblerait
que
les
joueurs
pathologiques
jouent
pour
contrecarrer
des
affects
dépressifs,
mais
que
les
pertes
financières
au
jeu
occasionnent,
elles
aussi,
des
sentiments
dépressifs
[14].
La
dépression
serait
ainsi
à
la
fois
la
cause
et
la
conséquence
158
S.
Barrault,
I.
Varescon
de
la
pratique
de
jeu
:
les
deux
troubles
apparaissent
donc
étroitement
corrélés,
s’influenc¸ant
mutuellement
[17],
sans
qu’il
ne
soit
réellement
possible
de
déterminer
l’ordre
d’apparition.
Les
troubles
de
la
personnalité,
tels
qu’ils
sont
défi-
nis
par
le
DSM-IV-TR
[1],
sont
souvent
mis
en
évidence
chez
les
joueurs
pathologiques.
Malgré
un
certain
manque
d’homogénéité
dans
les
résultats
des
différentes
études,
il
ressort
des
données
de
la
littérature
qu’un
lien
certain
existe
entre
troubles
de
la
personnalité
et
jeu
pathologique,
avec
des
taux
de
prévalence
de
troubles
de
la
personna-
lité
atteignant
souvent
80
à
90
%
des
joueurs
pathologiques
[4—6,32].
Les
troubles
de
la
personnalité
les
plus
représen-
tés
sont
ceux
du
cluster
B,
rassemblant
les
personnalités
dites
«théâtrales
et
émotives
»
(personnalités
borderline,
antisociale,
histrionique
et
narcissique)
[2,5].
L’étude
des
troubles
de
la
personnalité
chez
les
joueurs
pathologiques
présente
donc
un
intérêt
certain
:
la
littéra-
ture
montre,
en
effet,
que
les
troubles
de
la
personnalité
sont
à
la
fois
un
facteur
de
risque
[20]
et
de
complexité
clinique
du
jeu
pathologique
[6].
Les
sujets
présentant
des
troubles
de
la
personnalité,
en
particulier,
ceux
du
cluster
B,
auraient
plus
de
risque
de
développer
des
problèmes
liés
au
jeu,
problèmes
dont
la
sévérité
serait
majorée
par
ces
mêmes
troubles
[30].
De
plus,
la
présence
de
troubles
de
la
personnalité
rend
le
traitement
plus
difficile,
occasionnant
notamment
son
arrêt
prématuré
[28].
Les
connaissances
actuelles
sur
le
jeu
pathologique
per-
mettent
de
mieux
comprendre,
et
donc
mieux
prévenir
et
traiter,
les
addictions
au
jeu.
Cependant,
très
peu
de
recherches
ont
été
menées
à
ce
jour
sur
des
joueurs
patho-
logiques
en
ligne.
À
notre
connaissance,
aucune
étude
franc¸aise
sur
cette
thématique
n’a
été
publiée.
Le
jeu
en
ligne
a
des
caractéristiques
particulières,
telles
que
l’anonymat
fourni
aux
joueurs,
la
disponibilité
à
tout
moment,
la
commodité
et
le
confort
[18,37],
qui
peuvent
attirer
une
population
de
joueurs
différente
et
favoriser
l’installation
plus
rapide
d’une
problématique
de
dépen-
dance
au
jeu
[12,19].
Cotte
et
Latour
[13],
en
2009,
réalisent
l’une
des
premières
études
comparant
jeu
en
ligne
et
hors
ligne.
Leurs
résultats
soulignent
les
spécificités
du
jeu
en
ligne
:
le
sentiment
de
confort
et
de
sécurité
et
l’absence
de
stimulations
sensorielles
liés
au
fait
de
jouer
depuis
son
domicile
entraînent
une
banalisation,
notamment
au
niveau
émotionnel,
de
la
pratique
de
jeu
;
le
jeu
en
ligne
favorise-
rait
également
chez
les
joueurs
une
illusion
de
contrôle
sur
leur
pratique,
ainsi
que
sur
l’issue
du
jeu.
Enfin,
l’absence
de
normes
sociales
et
de
règles
claires
sur
Internet
entraînerait
le
passage
d’une
pratique
de
jeu
conviviale
à
une
pratique
de
jeu
plus
agressive
et
moins
sociabilisée.
Modalité
de
jeu
nouvelle
et
particulière,
le
jeu
en
ligne
semble
voué
à
connaître
un
essor
de
plus
en
plus
important,
notamment
depuis
sa
légalisation
en
France.
Le
concept
de
cyberdépendance,
dont
l’acceptation
en
tant
qu’addiction
fait
encore
débat,
recouvre
selon
Young
[38],
une
large
quantité
de
comportements
et
de
troubles
du
contrôle
des
impulsions,
répartis
en
cinq
sous-types
:
addic-
tion
au
cybersexe,
addiction
aux
cyber-relations
sociales,
compulsions
sur
Internet
(dont
le
jeu
pathologique
et
les
achats
compulsifs),
addiction
à
la
recherche
d’informations
et
addiction
à
l’ordinateur
(pratique
de
jeux
en
solitaire).
Cette
conception
très
large
est
nuancée
par
Griffiths
[18]
:
Internet
est
utilisé
comme
support
de
l’addiction,
mais
n’en
est
pas
réellement
l’objet,
à
l’exception
de
comportements
très
spécifiques
(tels
que
jeux
de
rôles
en
ligne
ou
tchats).
Ainsi,
l’addiction
au
jeu
en
ligne
serait
une
forme
par-
ticulière
de
jeu
pathologique,
médiatisée
par
Internet
et
ne
relèverait
pas
de
la
cyberdépendance.
Les
liens
entre
addiction
au
jeu
sur
Internet,
cyberdépendance
et
jeu
pathologique
restent
encore
assez
flous
et
méritent
d’être
interrogés
[15,16,26,35].
Pour
cette
raison,
il
apparaît
nécessaire
d’identifier
les
spécificités
de
ces
joueurs,
afin
d’adapter
les
modalités
de
traitement
et
de
prévention
de
ces
problématiques
encore
relativement
nouvelles.
Pour
cela,
nous
avons
choisi
de
comparer
deux
groupes
de
joueurs,
en
ligne
et
hors
ligne,
chacun
s’adonnant
à
une
activité
de
jeu
bien
spécifique
:
le
poker
sur
Internet
pour
les
joueurs
en
ligne
et
le
pari
mutuel
urbain
(PMU)
pour
les
joueurs
hors
ligne,
joueurs
pratiquant
leur
activité
de
jeu
dans
les
bars-PMU.
Ces
deux
types
de
jeu
sont
des
jeux
dits
actifs,
dans
le
sens
ils
nécessitent
une
participation
du
joueur
et
ne
reposent
donc
pas
totalement
sur
la
chance
[9,10].
Bien
que
structurelle-
ment
différents
(le
PMU
est
un
jeu
de
paris
et
le
poker
est
un
jeu
de
cartes,
bien
qu’impliquant
également
des
paris),
ces
deux
jeux
présentent
certaines
caractéristiques
com-
munes,
telles
que
le
recours
à
l’analyse,
aux
statistiques
et
aux
probabilités.
Cependant,
le
rôle
des
statistiques
et
de
la
stratégie
apparaît
plus
important
dans
le
poker.
Ces
deux
jeux
ont
été
choisis
en
raison
de
l’importance
de
leur
pratique
en
France
:
selon
un
rapport
du
Sénat
(2009),
le
poker
est
le
jeu
le
plus
pratiqué
en
ligne
(au
moins
400
000
joueurs
en
France,
pour
350
millions
d’euros
de
mises)
et
cette
pratique
serait
vouée
à
une
importante
aug-
mentation
dans
les
années
à
venir.
Le
PMU
apparaît
encore
plus
populaire
en
France,
avec
6,5
millions
de
parieurs
(rap-
port
d’activité
2009
du
Pari
Mutuel
Urbain).
L’objectif
de
cette
étude
est
d’évaluer
le
niveau
de
dépression,
les
troubles
de
la
personnalité,
et
la
cyber-
dépendance
chez
des
joueurs
pathologiques
en
ligne,
en
comparant
les
scores
obtenus
à
ceux
de
joueurs
patholo-
giques
hors
ligne.
Méthode
Participants
Groupe
de
joueurs
en
ligne
Critères
d’inclusion.
Joueurs
âgés
de
plus
de
18
ans
s’adonnant
de
manière
régulière
(au
moins
une
fois
par
semaine),
au
poker
sur
Internet
et
présentant
une
pra-
tique
de
jeu
problématique
(joueurs
pathologiques
ou
à
problème).
Critères
d’exclusion.
Pratique
d’une
activité
de
jeu
autre
que
le
poker
en
ligne,
sujets
ne
maîtrisant
pas
la
langue
franc¸aise.
Groupe
de
joueurs
hors
ligne
Critères
d’inclusion.
Joueurs
âgés
de
plus
de
18
ans,
s’adonnant
de
manière
régulière
(au
moins
une
fois
par
semaine)
aux
paris
hippiques
(PMU)
dans
les
bars-PMU
et
présentant
une
pratique
de
jeu
problématique
(joueurs
pathologiques
ou
à
problème).
Psychopathologie
des
joueurs
pathologiques
en
ligne
159
Critères
d’exclusion.
Pratique
d’une
activité
de
jeu
autre
que
le
PMU,
sujets
ne
maîtrisant
pas
la
langue
franc¸aise.
Pour
tous
les
participants,
nous
nous
sommes
assurés
que
leur
pratique
du
jeu
était
exclusivement
celle
visée
par
l’étude,
en
fonction
de
leur
groupe
d’inclusion.
De
plus,
nous
n’avons
inclus
que
des
joueurs
ne
suivant
pas
de
trai-
tement
pour
leurs
problèmes
de
jeu
et
n’exprimant
aucune
demande
à
ce
sujet.
Nous
avons
sollicité
85
sujets.
40
ont
accepté
de
parti-
ciper
à
notre
étude,
mais
certains
ne
correspondaient
pas
à
l’ensemble
des
critères
d’inclusion
cités
précédemment.
Nous
avons
donc
inclus
30
sujets,
répartis
en
deux
groupes
de
15
:
un
groupe
de
joueurs
présentant
une
pratique
de
jeu
problématique
(joueurs
pathologiques
probables
et
joueurs
à
problème)
en
ligne,
âgés
en
moyenne
de
30
ans
(DS
:
5,5)
et
un
groupe
de
joueurs
présentant
une
pratique
de
jeu
pro-
blématique
(joueurs
pathologiques
probables
et
joueurs
à
problème)
hors
ligne,
âgés
en
moyenne
de
32,66
ans
(DS
:
6,6).
Pour
cette
étude,
nous
avons
évalué
des
joueurs
s’adonnant
à
des
types
de
jeu
différents.
Nous
avions
sou-
haité
inclure
dans
notre
groupe
hors
ligne
des
joueurs
de
poker,
mais
nous
n’avons
pas
obtenu
les
autorisations
néces-
saires
pour
accéder
aux
lieux
de
jeu
dédiés
au
poker
(cercles
de
jeu
et
casinos).
Procédure
Les
sujets
du
groupe
«en
ligne
»ont
été
recrutés
par
le
biais
d’annonces
postées
sur
des
forums
Internet
dédiés
au
jeu
en
ligne.
Pour
des
raisons
pratiques
(éloignement
géogra-
phique,
refus
du
sujet.
.
.),
nous
n’avons
pas
pu
rencontrer
ces
sujets
et
la
passation
du
protocole
a
été
faite
par
le
biais
d’Internet.
Le
formulaire
de
consentement
libre
et
éclairé
a
été
envoyé
aux
sujets
pour
être
rempli
avant
la
passation.
Les
sujets
du
groupe
témoin
ont
été
recrutés
dans
des
bars-PMU
en
région
parisienne.
Après
avoir
obtenu
l’autorisation
écrite
des
sujets,
sous
la
forme
d’un
for-
mulaire
de
consentement
libre
et
éclairé,
nous
leur
avons
proposé
de
remplir
le
protocole
de
recherche
(d’une
durée
d’environ
45
minutes,
en
autoévaluation)
sur
place,
à
une
table
isolée.
Tous
les
participants
ont
été
informés
au
préalable
des
objectifs
et
méthodes
de
cette
recherche.
Avant
de
leur
pro-
poser
le
protocole
de
recherche,
nous
leur
avons
fait
signer
le
formulaire
de
consentement
éclairé
et
leur
avons
rappelé
qu’ils
étaient
libres
d’interrompre
leur
participation
à
tout
moment
et
que
leur
anonymat
serait
totalement
respecté.
Mesures
Afin
de
répondre
à
notre
objectif
de
recherche,
différents
instruments
ont
été
utilisés.
le
South
Oaks
Gambling
Screen
(SOGS)
de
Lesieur
et
Blume
(1987)
[25],
traduit
par
Lejoyeux
en
1999.
Ce
ques-
tionnaire
d’autoévaluation
(20
items)
reprend
les
critères
diagnostiques
du
DSM
III
et
permet
d’évaluer
la
présence
probable
et
l’intensité
d’une
possible
problématique
de
jeu.
Un
score
compris
entre
3
et
4
désigne
un
joueur
à
problème
et
un
score
supérieur
ou
égal
à
5
un
joueur
pathologique
probable
;
le
Personality
Disorder
Questionnaire
(PDQ
4)
de
Hyler
(1994)
évalue
les
dix
troubles
de
la
personnalité
du
DSM-
IV.
Ce
questionnaire
d’autoévaluation
comporte
99
items
à
choix
binaire
(vrai/faux).
La
traduction
franc¸aise
est
celle
publiée
dans
l’ouvrage
de
Bouvard
[11]
;
l’inventaire
de
dépression
abrégé
(BDI-13)
[3],
traduit
par
Lemperière
et
al.
(1984),
est
un
autoquestionnaire
qui
mesure,
en
13
items,
l’intensité
de
la
symptomatologie
dépressive
(absence
de
symptômes
dépressifs
significa-
tifs
si
le
résultat
est
inférieur
à
4,
dépression
d’intensité
légère
de
4
à
7,
dépression
d’intensité
modérée
de
8
à
15
et
sévère
au-delà
de
15)
;
l’Internet
Addiction
Test
(IAT)
de
Young,
traduit
par
Kha-
zaal
et
al.
[22,38]
est
un
questionnaire
d’autoévaluation
qui
comporte
20
items
sous
forme
de
questions
(réponse
sur
une
échelle
de
Lickert
allant
de
0
à
5).
Il
éva-
lue
la
cyberdépendance,
au
travers
de
six
dimensions
(altération
de
la
vie
sociale/individuelle
ou
pro-
fessionnelle/scolaire,
usage
compensatoire
d’Internet,
difficultés
à
contrôler
le
temps
de
connexion
et
utilisation
d’Internet
de
plus
en
plus
importante).
Le
diagnostic
de
dépendance
à
Internet
peut
être
fait
à
partir
d’un
score
de
70
et
l’usage
problématique
d’Internet
correspond
à
un
score
compris
entre
40
et
69.
Pour
les
besoins
de
cette
étude,
nous
avons
adapté
ce
questionnaire
:
nous
avons
posé
deux
fois
les
items
de
cette
échelle
en
distinguant
l’usage
général
d’Internet
(IAT)
et
l’usage
d’Internet
pour
jouer
en
ligne
(IAT
jeu).
Méthode
d’analyse
des
données
Le
recueil
et
la
saisie
des
données
ont
respecté
l’anonymat
des
participants
et
le
traitement
statistique
a
été
réalisé
à
l’aide
du
logiciel
Statistica
9,0.
Nous
nous
sommes
livrés
à
une
analyse
descriptive
et
à
des
comparaisons
de
moyennes
(t
de
Student)
lorsque
le
nombre
de
sujets
le
permettait.
Les
corrélations
entre
les
différentes
variables
ont
été
réa-
lisées
avec
le
coefficient
de
corrélation
de
Bravais-Pearson.
La
significativité
a
été
établie
au
seuil
de
confiance
de
0,05.
Résultats
Les
scores
obtenus
aux
échelles
et
questionnaires
sont
pré-
sentés
dans
les
Tableaux
1
et
2.
Chez
les
joueurs
en
ligne,
on
constate
que
le
cluster
le
plus
représenté
est
le
C,
qu’ils
présentent
un
niveau
de
dépression
léger
et
ont
un
usage
d’Internet
plus
important
dans
le
cadre
du
jeu,
bien
que
les
scores
à
l’IAT
restent
relativement
peu
élevés
(inférieurs
au
score
d’usage
problématique
défini
par
Young
dans
le
cadre
de
la
cyberdépendance).
En
effet,
la
différence
entre
les
scores
d’IAT
et
d’IAT
jeu
est
significative
chez
les
joueurs
en
ligne,
suggérant
que
ces
joueurs
ont
un
usage
d’Internet
bien
spécifique,
dans
le
but
d’assouvir
leur
passion
du
jeu.
En
comparant
les
deux
groupes
de
joueurs,
on
observe
des
scores
au
SOGS
assez
proches
correspondant
à
une
pra-
tique
de
jeu
à
problème
ou
pathologique.
Ces
scores,
bien
que
se
situant
dans
les
normes
établies
restent,
cepen-
dant,
assez
faibles.
Chez
les
joueurs
hors
ligne,
neuf
sujets
160
S.
Barrault,
I.
Varescon
Tableau
1
Moyennes
et
écarts-types
des
scores
obtenus
aux
échelles
et
questionnaires.
Joueurs
en
ligne(n
=
15) Joueurs
hors
ligne(n
=
15)
p
Moyenne/(Écart-type)
Moyenne/(Écart-type)
SOGS 5,53
(2,61)
5,8
(2,6)
NS
IAT 18 (12,9)
10,1
(7,7) 2,026a
IAT
Jeu 33,53 (16,1)
——
BDI 5,33 (4,51)
4,66
(4,82) NS
SOGS:
South
Oaks
Gambling
Screen;
IAT:
Internet
Addiction
Test;
IAT
JEU:
Internet
Addiction
Test
Score
Jeu;
BDI:
Beck’s
Depression
Inventory.
a<
0,05.
Tableau
2
Répartition
des
troubles
de
la
personnalité
chez
les
joueurs
en
ligne
et
hors
ligne.
Joueurs
en
ligne
(n
=
15)
Joueurs
hors
ligne
(n
=
15)
Cluster
A
3
7
Paranoïaque
2
7
Schizotypique
1
0
Cluster
B7
13
Antisociale
2
9
Borderline
3
1
Narcissique 2
3
Cluster
C
11
10
Évitante
4
2
Dépendante
3
1
Obsess-Compul.
4
7
Compul.
:
compulsive.
présentent
des
scores
supérieurs
ou
égaux
à
5
(jeu
patho-
logique
probable),
contre
sept
sujets
chez
les
joueurs
en
ligne.
Le
niveau
de
dépression
moyen
dans
les
deux
groupes
est
considéré
comme
léger.
Les
sujets
du
groupe
en
ligne
Groupe En ligne Groupe Hors ligne
Figure
1
Nombre
de
troubles
de
la
personnalité
par
clusters
chez
les
joueurs
en
ligne
et
hors
ligne.
obtiennent
des
scores
légèrement
supérieurs
aux
sujets
du
groupe
témoin,
mais
cette
différence
n’est
pas
significative.
Concernant
les
troubles
de
la
personnalité,
neuf
joueurs
en
ligne
présentent
au
moins
un
trouble
de
la
personna-
lité,
proportion
plus
faible
que
chez
les
joueurs
hors
ligne
(13/15).
La
répartition
des
troubles
de
la
personnalité
par
clusters
figure
sur
la
Fig.
1.
Le
Tableau
3
présente
les
moyennes
et
écarts-types
des
scores
obtenus
au
SOGS
et
au
BDI
en
fonction
de
la
pré-
sence
ou
de
l’absence
de
troubles
de
la
personnalité.
Les
participants
qui
présentent
un
trouble
de
la
personnalité
paranoïaque
(cluster
A),
antisociale,
narcissique
(cluster
B),
évitante,
dépendante
ou
obsessionnelle/compulsive
(clus-
ter
C)
sont
ceux
qui
ont
des
scores
au
SOGS
et
au
BDI
plus
élevés.
Tableau
3
Moyennes
obtenues
au
SOGS
et
au
BDI
en
fonction
de
la
présence
de
troubles
de
la
personnalité
(TP)
chez
les
joueurs
en
ligne.
TP
Nombre
de
joueurs
SOGS
TP
présent
SOGS
TP
absent
BDI
TP
présent
BDI
TP
absent
Cluster
A
3
7,66
(3,21)
4,96
(2,2)
6
(2,64)
5,12
(4,74)
Paranoïaque
2
9,5
(0,7)
4,92
(2,2)
7
(2,8)
5,07
(4,71)
Schizotypique
1
4
5,428
4
5,64
Cluster
B
7
7
(3,28)
5,25
(2,34)
9,5
(3,83)
4,74
(3,76)
Antisociale
2
11,5
(4,24)
5,3
(2,4)
8
(4,9)
4,84
(4,22)
Borderline
3
5,33
(4,16)
5,72
(2,4)
9,33
(3,51)
4,18
(4,44)
Narcissique
2
10
(4,24)
4,91
(2,19)
13
(4,94)
4,83
(2,92)
Cluster
C11 7,27
(2,53)
4,97
(2,32)
9
(3,89)
4,23
(3,88)
Évitante 4 6,75
(2,5)
5,09
(2,62)
8
(3,91)
4,36
(4,4)
Dépendante 3 7
(3,0)
5,16
(2,51)
9,33
(3,51)
4,25
(4,14)
Obsess-Compul.
4
8
(2,8)
4,6
(1,9)
9,75
(4,99)
3,72
(3,22)
Scores
présentés
:
moyennes
et
écarts-types
(entre
parenthèses).
Les
scores
les
plus
significatifs
sont
en
caractères
gras.
TP
:
trouble
de
la
personnalité
;
SOGS
:
South
Oaks
Gambling
Screen
;
BDI
:
Beck’s
Depression
Inventory
;
Compul.
:
compulsive.
1 / 8 100%